IV - Chapitre 28 : Transmettre l'indicible
Hello again les enfants <3
Et bien ça faisait longtemps ! Comment ça va depuis mardi? Un grand merci aux personnes qui m'ont souhaité mon anniversaire !
Well, certain.es l'ont vu sur insta, j'ai enfin fini l'épilogue d'O&P. J'ai mis les lettres "FIN", genre la vrai, de tout O&P. Je n'ai plus que le "et après?" à écrire ... J'ai un peu retardé le moment le plus que possible pour ne pas être désœuvrée mais ça a fini par arriver ... MA VIE EST VIIIIIDE
Heureusement que vous êtes encore là : tant que je poste, cette histoire vit. Vraiment que ferais-je sans vous ! So, on continue l'aventure ensemble avec ce chapitre ! Alors c'est un chapitre qui aurait dû être couplé au précédent, il a été écris ainsi, mais Anna, en bonne relectrice, a fait remarqué qu'un passage méritait plus d'attention ... Et comme toujours elle a raison, donc vous pouvez la remercier pour la forme finale du chapitre !
Bonne lecture les enfants !
***
Les Mycéniens vivent pour le combat et la gloire de la guerre. J'ai pitié d'eux. La guerre est l'ennemi de la civilisation. Nous ne pouvons pas évoluer par la guerre, Xander.
- Troie, Le Seigneur de l'arc d'argent
David Gemmel
***
Chapitre 28 : Transmettre l'indicible.
-Jordan !
Je dévalai les escaliers grinçants, le carnet pressé contre ma poitrine. J'avais attendu d'être à mi-course pour m'époumoner et ne pas réveiller Simon à qui la blessure avait littéralement ôté les forces. Malheureusement, mes précautions pour lui ne parurent pas plaire à d'autres et une fois arrivée dans le salon, la tante Muriel m'adressa un long regard indigné.
-Enfin c'est une façon de se tenir pour une jeune fille, de courir dans les escaliers en beuglant ?
-Excusez-moi, m'efforçai-je à ânonner. Vous auriez vu Lee Jordan ?
-Dans le bureau de mon défunt époux Sigibert, répondit-t-elle avec un certain dédain. Avec le charlatan qui me sert de neveu et leurs chroniqueurs ...
-Merci.
Je me dépêchai de quitter le salon avant qu'elle n'ait pu se fendre d'une nouvelle remarque. Malheureusement, je n'étais pas assez vive ; ou était-ce sa langue qui l'était trop ?
-Et la prochaine fois, apprête-toi un peu ! Ce n'est pas une tenue pour te présenter devant notre futur Ministre de la magie ... Tu t'es coiffée au moins ce matin ?
Le bruit de la porte qui claqua fut sa seule réponse. Une fois à l'abri des regards, je gonflai mes joues, absolument exaspérée. Seigneur que c'était difficile de retenir mes mots face à la femme qui prenait tous les risques du monde pour nous recueillir... mais force était d'admettre que par sa simple présence, l'ambiance dans cette maison champêtre et reculée était étouffante. Très traditionnelle, elle avait refusé la mixité et imposer que je dorme avec Eugenia et Angelina alors que je m'étais installée pour veiller Simon. Ses cris avaient réveillé tout le monde lorsque, se levant pour un besoin pressant à trois heures du matin, elle avait surpris George et Angelina entrain de grignoter les restes de notre repas du soir, hilares. Muriel Prewett semblait toujours avoir quelque chose à dire sur tout le monde, même sur Miles qui, impeccable, se répandait en remerciement et était l'incarnation du gendre idéal. Elle lui trouvait l'air trop calme et l'imaginait calculateur, sournois et ce dernier adjectif l'avait hérissé au plus haut point. D'ailleurs lorsque je passais la porte du bureau, il était là, attablé avec Remus, Kingsley, Lee et Fred. Il me jeta un regard profondément ennuyé.
-Je me cache.
-Tu as bien raison, lui assurai-je avant de me tourner vers Lee. Tu veux un scoop ?
-Je suis toujours tout ouï pour les scoops, mais vite on prend l'antenne dans cinq minutes. C'est quoi ?
Pour toute réponse, j'aplatis le carnet devant lui. L'écriture ronde de Susan s'y étalait encore mais perdait en brillance à mesure que les secondes s'égrainaient. Par-dessus l'épaule de Lee,
Fred écarquilla les yeux et Remus secoua longuement la tête, incrédule.
-Une fête « Vive Harry Potter » ? lut Kingsley, à moitié amusé. Oh, Hagrid ...
-Il l'a donné juste avant que tout le monde parte pour les vacances ...
-Un nouveau membre de l'Ordre en fuite, regretta Remus. Certes je ne m'en fais pas pour lui, il connait les montagnes comme sa poche ... mais j'aurais préféré qu'il reste à Poudlard, protéger les élèves.
Le coin de la bouche de Miles tressaillit et il détourna le regard, impassible. Hagrid avait été son professeur de soin aux Créatures Magiques pendant trois ans, je savais que, malgré les préjugés et le sang de géant qui coulait dans ses veines, il avait fini par concevoir pour ce professeur bourru et nature une certaine tendresse. Mais visiblement je me trompais sur ses inquiétudes car un instant plus tard, il se penchait sur moi pour demander :
-Tu communiques avec Susan via ce carnet ?
-Oui ... C'est Simon qui l'a ensorcelé, avant qu'elle ne prenne le train.
-Très pratique, concéda Lee avec un grand sourire. Plus pratique que de communiquer avec Ginny par langage numérique avec les gallions de l'A.D. Si elle a quelque chose de nouveau, qu'elle n'hésite pas !
-Là c'est les vacances, elle est rentrée à Terre-en-Landes ...
Saine et sauve, avait-t-elle assurée, pour notre plus grand soulagement. Aucune tentative n'avait été faite pour l'enlever, ni à la gare, ni dans le train. Miles fixa le carnet, le regard brillant, troublé. Il finit par le tapoter timidement.
-Tu peux lui demander des nouvelles de mes sœurs ? Enfin, surtout de Felicity ?
-Euh ... d'accord, acceptai-je, un peu étonnée.
-Et silence maintenant ! exigea Fred d'un air important. Rapière va faire sa première intervention !
-Rapière, répéta Miles avec emphase. Tellement viril. Tu ne voudrais pas quelque chose de plus proche de toi ? Parfois je te trouve une tête de musaraigne. Une vicieuse et suspicieuse musaraigne.
Lee explosa de rire alors que les joues de Fred s'empourpraient violemment, si indigné par la pique que la répartie lui manqua. Foutu pour foutu, il avait décidé d'abandonner les faux-semblants et d'enfin céder à son élan de prêter sa voix à Potterveille. Après l'attaque de la maison d'Angelina, les jumeaux avaient transféré leur stock dans la remise de Muriel et abandonner la boutique pour de la vente par correspondance. Je leur avais prêté Archimède, venu avec des lettres de mes parents depuis chez Julian deux jours plutôt. Des lettres, et un dessin aux traits mouvants, celui d'un perroquet noir et d'un colibri aux milles nuances de rouge qui volaient ensemble dans le ciel en une danse hypnotique.
Je me munis de ma plume pour accéder à la demande de Miles au moment où Lee exigeait le silence absolu, luttant toujours lui-même contre son fou rire. Ils avaient déporté le bureau au centre de la pièce pour y installer leurs différents leurs antiques micros et l'enregistreur, des casques vissés aux oreilles. La voix de Lee sembla presque double lorsqu'il entonna de façon enjouée :
-Chers auditeurs et chères auditrices de Potterveille, bien le bonjour ! Toutes nos excuses pour avoir momentanément absents des ondes en raison des visites que nous ont rendues quelques charmants Mangemorts ! Pas de panique, nous avons maintenant trouvé un endroit sûr et j'ai le plaisir de vous annoncer que deux de nos collaborateurs réguliers se sont joints à moi, ce soir. Bonsoir les amis !
Kingsley, Remus et Fred répondirent dans un même ensemble. Occupée par ma conversation avec Susan sur le carnet, j'écoutais la suite d'une oreille distraite jusqu'à ce que le timbre de Lee s'assourdisse d'une façon affligée :
-C'est avec beaucoup de tristesse que nous informons nos auditeurs des meurtres de Ted Tonks et de Dick Cresswell.
Je cessai net d'écrire et levai si brutalement la tête que mes cervicales protestèrent. Remus m'adressa un bref sourire qui tenait davantage du rictus. Le père de Tonks, le né-moldu, qui était resté chez lui jusqu'au bout par amour pour sa femme ... Ma main se crispa sur mon cœur qui s'était arrêté de battre dans ma poitrine. Le reste des mauvaises nouvelles – meurtre d'une famille de moldu à Gaddley, ancien élève de Poudlard en fuite et disparu, découverte absolument macabre des restes de Bathilda Tourdesac, la célèbre historienne – ne parvint pas à balayer la première. Je restai choquée une partie de l'émission, pendant laquelle Kingsley martela qu'il ne fallait pas abandonner les moldus dans leur confusion, ou Remus qui encourageait Harry Potter par les ondes. En plus des sinistres nouvelles, cela me faisait un drôle d'effet de toucher du bout des doigts le monde extérieur. Avant mon internement au Ministère, j'avais été enfermée, certes, mais je restai renseignée. Depuis je m'étais tant recroquevillée sur moi-même que j'avais vécu en autarcie, incapable de voir plus loin que les murs qui me retenaient. Littéralement, physiquement incapable. Il y avait trop chose qui bouffaient mon esprit pour que je le permette.
Mais dehors, la guerre continuait. Elle tuait. Elle aspirait les âmes et l'humanité. Elle poussait un gamin de dix-sept ans à user les routes à la recherche d'une solution. De dix-sept ans. Mon destin, entre les mains de Harry Potter. Rien n'était fini, rien. Sortir du Ministère n'était pas une fin en soi. C'était simplement une étape, et il y en aurait un millier d'autres. Le désespoir s'abattit sur moi. De tout côté, je ne voyais pas d'issue, pas de lumière. La guerre continuerait, jusqu'à ce que la résistance, infiniment moins armée, s'épuise et s'étouffe. Oui, à l'heure actuelle, le seul vainqueur ne pouvait être que Voldemort et je ne savais pas quoi faire de ce constat. Il fallut Fred pour me dérider un peu lorsque Lee lui fit l'injure de l'appeler « Rongeur » à l'antenne. Miles salua le lapsus d'un immense sourire.
-Rongeur ? répéta Fred, suffoqué. Je refuse d'être Rongeur, il n'en est pas question, je vous ai dit que je voulais être appelé Rapière !
-Je préfère Rongeur aussi, s'esclaffa Miles.
Je lui flanquai un petit coup sur la main pour le faire taire et l'émission s'acheva en paix, avec une note d'espoir qui ne parvint pas totalement à s'infiltrer en moi. C'était comme si la mort de Ted Tonks avait abattu mes dernières résistances. Nous tombions comme des mouches alors qu'eux restaient en force. Nous les avions vaincus chez Angelina, mais étions incapable d'en capturer le moindre d'entre eux. Même quand cela tournait à notre faveur, nous perdions. Il y avait de quoi se décourager ... Abandonner. Mon malaise devait se lire quelque part sur mon visage ou dans ma posture, car quand la pièce se vida après que Miles eut embauché Fred et Lee pour préparer le repas (Muriel désignait toujours des filles et malgré ses compétences culinaires, je commençai à soupçonner Angelina d'envisager de lui répondre en lui envoyant la casserole), Remus se tourna vers moi, les sourcils froncés.
-Tout va bien, Victoria ?
-C'est plutôt à vous qu'il faut demander ça, rétorquai-je dans un filet de voix.
De nouveau, un sourire chagriné ourla ses lèvres. Avec des gestes empreints de tristesse, il rangea les casques dans un coffre.
-Moi, tout va bien, c'est surtout Dora qui est affectée ... Il a fallu la retenir, elle voulait aller au Ministère et y mettre le ... (Il s'interrompit, cligna des yeux et changea brusquement de ton pour rectifier :) Je ne sais pas vraiment.
-Elle pouvait y mettre le feu, je n'aurais rien eu contre, affirmai-je, ayant parfaitement compris les intentions de Tonks. Juste qu'elle nous dise quand, qu'on prévienne les parents de Simon.
-Personne ne va mettre le feu au Ministère, intervint Kinsgley d'un ton sans appel. Et surtout pas Tonks sur le point d'accoucher. On a justement écarté l'idée d'un attentat en raison de tous les innocents qui y travaillent. Les Mangemorts ne sont qu'une infime minorité, là-bas, ça n'aurait aucun sens ... Nous ne sommes pas des terroristes.
Je contemplai Kingsley un instant, le cœur au bord des lèvres. Je ne l'avais vu que très peu de fois, mais c'était toujours quelqu'un qui m'avait impressionné sans m'intimider, contrairement à Maugrey. Posé, serein, rassurant mais lucide, je ne pouvais qu'approuver Muriel et Lee. Il avait la carrure d'un futur dirigeant. Et pourtant, son affirmation répandit un goût aigre sur mes papilles. « Nous ne sommes pas des terroristes ». Tu penses qu'ils demandent poliment aux Mangemorts de livrer les secrets de leur maître ? La question que je m'étais refusée glissa cette fois toute seule le long de ma gorge et je reconnus à peine ma voix lorsqu'elle claironna dans le bureau :
-Vous avez déjà torturé des Mangemorts ?
La question, posée brutalement faute de réelle réflexion, sembla les prendre de court. Ils échangèrent un petit regard avant de reporter leur attention sur moi, un brin éberlué. Remus paraissait prêt à couper court avec fermeté, mais Kingsley le prit de vitesse, stoïque :
-Personnellement, non. Je n'ai jamais jeté un impardonnable sur quiconque. En revanche, j'avoue avoir usé et abusé de la légilimencie plus souvent qu'à mon tour ... et que je compte sur notre stock de veritaserum, concoctés par George Weasley, la boutique était un paravent idéal pour cela ... mais ce n'est pas la solution la plus fiable. L'ennui c'est qu'on peut lutter contre ses effets. (Il marqua une pause et sa voix se fondit dans un souffle : ) Mais je ne peux pas te garantir que des membres de l'Ordre ne sont pas aller ... trop loin.
La nausée commença à poindre et je plaquai une main contre ma bouche pour la contenir. L'estomac noué, je fis mentalement la liste des membres que j'avais connu, lesquels seraient les plus susceptibles d'en arriver à de tels extrémités ... Le nom de Sturgis Podmore se détacha aussitôt des autres. Envoyé à Azkaban à cause des Mangemorts, il avait perdu son poste dans la Brigade Magique et il m'avait toujours paru agressif et vindicatif. Devant le dégoût manifeste qui devait tordre mes traits, Remus pinça des lèvres.
-Je sais que ça peut te paraître ... extrême, amoral. Mais tu ne sais pas ce à quoi on a pu être confronté ...
-Oh si, je sais, protestai-je vertement. Croyez-moi, je sais.
Je nouais mes bras sur mon ventre qui venait de se soulever d'indignation et des restes de frayeurs. Si longtemps, j'avais refusé de m'admettre meurtrie voire construite par les épreuves, cette fois je refusais. J'avais vécu, j'avais subi, autant voire plus qu'autant les membres de l'Ordre. Si, je savais les horreurs, je savais les enjeux et pourtant la simple idée de devenir de façon permanente cette sauvage qui semblait prête à battre Nestor à mort révulsait mon âme. Simon devait avoir raison, quelque part elle devait être restée pure. Car chaque fois que les images défilaient dans mon esprit, j'avais la sensation de regarder un film, une créature pleine de rage qui m'était totalement étrangère. Une créature tapie au fond de moi et qui menaçait de me dévorer ... J'avais peur. Peur qu'elle y parvienne.
Remus, loin de paraître penaud, m'adressa un nouveau sourire, si tordu qu'il éclairait sinistrement son visage aux traits tirés.
-Oui, tu sais, excuse-moi ... je ne veux surtout pas minimiser ce que tu as vécu. Mais ... il ne faudrait pas que tu te dises que tu as atteint une sorte de ligne d'arrivée. Que tu as tout vu. Tu-Sais-Qui est encore là, des gens meurent tous les jours, comme mon beau-père, comme cette famille de moldu à Gaddley ...
-Je sais, soupirai-je, désespérée.
Remus ouvrit la bouche, et l'espace d'un affreux instant il me sembla vouloir encore m'asséner un « tu ne sais pas ». Fort heureusement, il la referma avant d'avoir laissé échapper des mots susceptibles de me faire exploser et marqua un temps de réflexion avant de poursuivre :
-Je pensais avoir atteint le pire, tu sais. Avoir tout vu, tout vécu. L'Ordre qui désintégrait, les missions dans la crasse, le désespoir, la peur, la mort, la mort de si près ... (Son poing se serra et son regard ambré vient se planter dans le mien) Et au moment où je me pensais endurci, les événements m'ont rappelé que je ne l'étais pas. Lily et James, envolé, Sirius, détruit, emprisonné, et Peter ... Peter ...
Kingley le toisa quelques secondes, interloqué comme moi par le timbre sourd qui était venu envelopper le prénom de façon menaçante. Même moi j'avais entendu l'histoire de Peter, Peter Pettigrow qui avait vendu Lily et James Potter à Voldemort avant d'assassiner douze moldus, crime pour lequel Sirius Black avait été emprisonné. Tous étaient les amis proches de Remus Lupin ...
-Victoria, au moment où je pensais être au fond du trou, avoir vécu tout ce qu'il y avait à vivre dans des temps si troublés ... j'ai littéralement tout perdu en l'espace de quarante-huit heures, résuma-t-il avec un ricanement sinistre. Je ne dis pas ça pour te décourager ... je dis ça pour te prévenir.
-Vous êtes en train de me dire que je dois me préparer au jour où le coup suprême me transformera en monstre ?
Des multitudes de scenarios fendaient mon esprit comme des coups d'épée qui me transperçaient de part en part. Nestor qui retrouvait Alexandre et Melania et leur bébé à naître. Un sort qui cette fois n'atteindrait pas la main de Simon mais son cœur. Emily, emportée dans une attaque à l'hôpital ... Remus avait raison sur ce point. J'avais vécu, souffert, mais jusque là j'avais préservé l'essentiel. J'avais encore beaucoup à perdre. Tellement à perdre ... L'imaginer jeta un froid glacial en moi, comme si un Détraqueur avait soufflé sur mon cœur.
-Pas du tout, assura Kingsley de sa voix grave. Regarde Remus, tu lui trouves des airs de monstre ? On peut toujours se relever ... mais on peut toujours chuter aussi. Et certaines personnes ont trop peur de chuter, Victoria. Tellement peur qu'elles sont prêtes, par tous les moyens, que ça n'arrive pas. Peter était de ceux-là et ça l'a conduit aux actes que l'on sait. D'autres dans l'Ordre ont choisi d'autres stratégies, dans le but que cette folie s'achève le plus vite que possible.
-Ça ne s'achèvera pas, lâchai-je avec dépit. Il a déjà gagné, n'est-ce pas ?
Kingsley prit une profonde inspiration et l'espace d'un instant je crus que pour la première fois, j'allais le voir s'énerver. Mais il se contenta de relâcher son souffle en un soupir et posa une main sur mon épaule. Une foi inébranlable transparaissait au fond de son regard.
-Pas tant qu'on sera là, Victoria. Non, pas tant qu'on sera là.
***
La conversation avec Kingsley et Lupin m'avait passablement ébranlée et je ratai le dîner pour demeurer aux côtés de Simon, repliée en position fœtale. Lui, assommé par les potions d'Eugenia, dormait encore. Malgré le sommeil, son visage demeurait crispé et de temps à autre, ses doigts tressautaient, comme à l'affut d'un cauchemar. Lorsque c'était sa main blessée qui bougeait, une grimace venait tordre ses lèvres. Je l'avais observé, la gorge nouée, imaginant la douleur et la fureur qui aurait inondé mes veines si le maléfice avait visé un tout petit peu à droite ... Peut-être que, comme Tonks, j'aurais été capable d'aller mettre le feu au Ministère. Peut-être qu'à la place d'un bouclier, ça aurait été le sort suprême et un éclair vert qui serait sorti de la baguette que je tenais. Ou peut-être me serais-je tout simplement écrouler, comme dans les geôles. Oui, ça aurait certainement été cela. Nestor m'avait largement prouvé que ma vaillance avec des limites. Une fois franchie la frontière du supportable, je me serais laissé mourir.
-Ça n'arrivera pas ..., murmurai-je à un Simon endormi. Non, il ne faut pas que ça arrive ... il faut qu'on gagne ... Simon, on doit gagner ...
Je glissai ma main dans la sienne, la saine et ses doigts tressaillirent à mon contact. Sa simple tiédeur sur ma peau m'apaisa au-delà des mots, tant elle signifiait la vie. Ma contemplation fut interrompue par Eugenia, qui entra dans la chambre, passablement énervée. Elle se laissa tombée sur le lit qu'occupait Miles et croisa les bras et les jambes si étroitement qu'elle semblait devenue un sac d'os et de nœuds.
-Cette vieille chouette, je te jure, pesta-t-elle avant de désigner Simon du menton. Toujours endormi ? J'ai dû trop doser.
-Non, c'est bien. Je pense qu'il en avait besoin, de toute manière ... Qu'est-ce qui se passe ?
Des éclats de voix nous parvenaient depuis le rez-de-chaussée, bien plus sonores que d'ordinaire. Un sourire sardonique s'étira sur les lèvres d'Eugenia.
-Peut-être quelqu'un a décidé d'assassiner la tante Muriel.
-Ne dis pas ça, la rabrouai-je, heurtée. Attends ...
Les accents de panique et de colère qui teintaient les cris m'alertaient et je m'approchai de l'escalier, Eugenia dans mon sillage. Déjà les voix étaient plus nettes et me transpercèrent les tympans :
-... ne peux pas exiger de nous qu'on se sacrifie dans l'ignorance, William Weasley ! On a laissé notre maison derrière nous !
-Maman a raison, on a le droit de savoir ce qui s'est passé ! Allez Bill, dis-nous !
-Hors de question. Je suis désolé, mais moins vous en savez, mieux c'est pour tout le monde. Même moi je ne sais pas vraiment ce qu'il s'est passé, ils ne m'ont rien dit !
-Ils ?
En atteignant le milieu de l'escalier, je pus poser les yeux sur le visage furieux de Ginny Weasley, la jeune sœur des jumeaux. Elle avait grandi de quelques centimètres depuis la dernière fois que j'avais croisé et son visage tordu par la fureur avait une ressemblance flagrante avec celui de sa mère ses côtés. Leur aspect à toutes les deux avaient de quoi terrifier : souligné par l'éclat des chandelles, leurs cheveux flamboyaient autant que leur regard. Mrs. Weasley se précipita vers Bill, certainement pour le prendre au col. Mais sa petite taille ne lui permettait que t'atteindre sa poitrine et serra ses mains sur son tee-shirt comme des serres.
-Tu vas me dire où est ton frère ! Tu vas me dire où est mon fils ! Où est Ronnie, Bill ? Où est-il ?!
-Molly ...
Arthur Weasley émergea de la cuisine pour lui prendre les épaules avec douceur et la détacha d'un Bill qui avait blêmi sous ses cicatrices. Molly Weasley éclata en sanglot dans les bras de son mari et jamais étreinte ne me parut plus déchirante.
-Molly, je suis certain que Ron va bien, promit Arthur, dont la voix tremblait néanmoins. Il est plein de ressource, notre garçon ... il n'est pas seul ...
-Il ... enfin ... ce ne sont que des enfants, hoqueta Molly sans émerger. Mes enfants ...
-Tout ira bien, maman, tenta de la convaincre Bill. Ici, vous serez tous en sécurité. Toi, papa, Ginny ... même les jumeaux.
Il passa une main dans ses longs cheveux roux, la mine troublée. Moi qui avais toujours vu Bill comme un garçon dont la sérénité tirait presque sur la nonchalance, sa nervosité était stupéfiante.
-Maintenant qu'ils savent que vous avez menti toute l'année sur l'éclabouille de Ron, il vaudrait même mieux passer à la vitesse supérieure ... Je vais mettre la Chaumière aux Coquillages sous Fidelitas.
-Oh la la, souffla Eugenia à mes côtés, catastrophée. Ça ne rigole plus ...
J'acquiesçai distraitement. Simon lui-même s'était répugné à l'utiliser, tant il était difficile, contraignant ... L'ultime recours. Les Weasley venaient d'être poussé dans leurs derniers retranchement ... Ma poitrine fut compressée par l'enjeu. Que s'était-il passé ... ?
-Je le jetterai moi-même ici, annonça sa mère de son timbre étouffé, mais déterminé. Fais-moi confiance pour mettre toutes les protections nécessaires autour de ma famille.
Le regard brûlant voilé de larme qu'elle lança à son fils parut casser quelque chose en lui. Soudain, Bill sembla perdre quelques années et passa d'un homme marié aux cicatrices effroyables à un petit garçon contrit et déboussolé.
-Maman, je suis tellement désolé ...
-Qu'est-ce qui se passe ?
Eugenia et moi sursautâmes d'un même ensemble et levâmes les yeux sur Simon, accroupi dans les escaliers derrière nous. Sa main saine tenait toujours le poignet de la blessée, comme pour minimiser les mouvements et les étoiles du sommeil brillaient encore fugacement dans ses yeux.
-Je pense que les Weasley ont dû fuir le Terrier, chuchotai-je pour ne pas alerter la famille. Bill les a amenés ici ...
-Trois personnes en plus, ça va être serré, commenta Eugenia. Surtout sous Fidelitas ...
Je lui concédai silencieusement le point. Déjà que Muriel était étouffante à elle seule ... la maison n'était pas assez grande pour échapper à elle, ou à Mrs. Weasley dont l'instinct maternel fort la poussait à s'occuper de chaque enfant à portée de main. L'idée m'arracha une grimace. Je n'avais pas besoin d'être couvée davantage. Déjà la pièce s'était remplie, avec les jumeaux Weasley qui émergèrent de la cuisine, Angelina les suivant anxieusement, l'air de ne pas être à sa place. Devant la foule qui se densifiait, Mrs. Weasley sécha ses larmes et tapota la joue de Fred.
-Je n'ai pas le cœur assez solide pour vous, eut-t-elle l'air de regretter. Des Mangemorts qui vous attaquent la semaine dernière, maintenant Ronnie qui se fait poursuivre ... Vous allez avoir ma peau, vous le savez ?
-C'est toi qui auras la leur, maman, assura George avec conviction.
-Dès qu'ils te verront hurler avec ta baguette dans une main et ta casserole dans l'autre, ils déguerpiront. Regarde, ça marche bien pour nous ! On n'a jamais osé t'affronter pour de vrai, tu es l'unique personne à nous effrayer. C'est dire !
-L'ultime menace que tout le monde n'a jamais eu contre nous c'est « je vais en parler à votre mère ».
Mrs. Weasley eut un sourire attendri face à ses fils, mais leur foi débordante en elle semblait rappeler les larmes. Elle inspira profondément pour les refouler et son regard parut s'ouvrir pour détailler l'ensemble de la pièce, de la tante Muriel qui installée silencieusement sur son fauteuil, la mine impassible, à Eugenia, Simon et moi mal dissimulés dans l'escalier. Ses joues rosirent.
-Oh. (Elle lorgna ses fils, surprise). Vous ne voyagiez pas seul ...
-On se déplace en bande, c'est plus utile contre les Mangemorts. Bennett et toi avez une passion commune pour les poêles.
-Weasley, grommelai-je, excédée.
Puisque notre cachette n'en était plus une, je descendis les marches à la suite d'Eugenia et Simon. Nous nous retrouvâmes tous agglutinés dans le salon et je ne pus que donner raison à la jeune fille : avec cette nouvelle vague d'arrivée, l'ambiance allait devenir irrespirable dans ce manoir. En tous, nous étions douze, si on exceptait Bill qui rentrerait chez lui ... C'était également ce que Miles semblait compter de ses yeux qui passaient rapidement d'une tête à l'autre. Appuyé contre le chambranle de la porte, les bras croisés, il écoutait calmement Bill claironner à la volée :
-Toute la maison va être placée sous sortilège de Fidelitas. Vous connaissez le principe : un gardien du secret qu'on ne vous révélera pas, et les Mangemorts pourront se planter devant la fenêtre qu'ils ne verront rien. Ce qui implique ...
-De rester enfermer, comprit George, dépité. Fantastique ...
-C'était qu'une question de temps, répliqua son père en repositionnant ses lunettes sur son nez. Ils nous avaient dans le viseur depuis tellement longtemps ... (Il posa un regard sur chacun de ses fils face à lui). Il faudra se serrer les coudes. Mettre nos argents en commun. Nous ne pourrons plus retourner travailler, il va falloir penser aux besoins de toute la famille ...
Bill détourna les yeux, la mâchoire contractée, mais la nouvelle parut moins rude aux jumeaux qui haussèrent les épaules : de toute manière, depuis le début de la guerre, la plupart de leurs ventes se faisait par correspondance du fait des pogroms de Mangemorts qui saccageaient régulièrement leur boutique.
-Et moi ? intervint Ginny d'une voix impérieuse.
Elle était la seule à être restée debout, les bras croisés, nullement calmée comme l'avait pu être sa mère par notre apparition. Son regard de braise balaya l'assemblée, et peu dans la pièce furent ceux qui osèrent le soutenir.
-Moi aussi je vais rester enfermée ? cingla-t-elle. C'est hors de question, on m'attend à Poudlard !
-Ginny ma chérie ..., entonna son père, prudent. Tu ne pourras pas retourner à l'école, tu le sais ...
La peau de Ginny était si exsangue que ses traits semblaient être creuser dans une neige tâchée d'une multitude de tache de sang. Ses yeux s'agrandirent sous le coup de l'indignation.
-Bien sûr que si je vais y retourner ! affirma-t-elle avec véhémence. Vous pensez que je vais passer le reste de la guerre à me planquer ici, alors que dehors des gens meurent, comme le père de Tonks ? Vous rêvez !
-Tu feras ce que tu voudras quand tu auras dix-sept ans, rétorqua sa mère d'un ton sans appel. En attendant tu es mineure et tu feras ce qu'on te dit !
-Mais ils ont besoin de moi ! s'écria-t-elle, le doigt pointé sur la porte. Grâce à Fred et George, j'étais leur lien avec l'extérieur, j'ai pris en main la résistance au sein même de l'école ! Je dois être là-bas, ils ont besoin de moi !
Je la contemplai, sincèrement peiné face à cette fille qui voyait toute sa vie s'effondrer, comme tant d'entre nous dans cette pièce. Simon qui avait abandonné l'IRIS, Miles quitté son travail et laissé tout derrière lui, Angelina obligée de fuir sa maison attaquée ... Toutes nos existences, nos espoirs et nos aspirations nous avez été arraché. Etait-ce les trois ans d'âge qui nous séparaient qui nous rendaient plus résignés que Ginny ? Parce qu'elle ne semblait pas en reste et fusilla ses parents du regard.
-Je ne peux pas les abandonner pour venir me planquer ici comme la dernière des lâches, cracha-t-elle. L'A.D. a besoin qu'on vive ...
-Ginny, calme-toi, ce n'est qu'un gang d'adolescent, rappela tristement son père. Tu penses vraiment que vous pourriez changer quoique ce soit ?
-Papa a raison, ricana Fred, un brin condescendant. Ce qui se passe à l'école ... c'est presque insignifiant.
-Tu disais ça quand c'était toi qui menais les rébellions ? rétorquai-je, les sourcils dressés. Ça t'apparaissait si futile alors ?
Ginny m'adressa un regard brillant de reconnaissance alors que Fred, comme l'ensemble de la famille Weasley par ailleurs, me lorgnait, l'air ennuyé de l'appuis que je donnais à la jeune fille. Acculée, je levai une main et m'enfonçai dans le fauteuil que j'occupais.
-C'était juste une remarque comme ça ...
-Personnellement, je ne veux certainement pas minimiser les risques que tu prenais à Poudlard, renchérit Mrs. Weasley avec sécheresse. C'est dangereux de s'élever contre Rogue et les Carrow, ridiculement dangereux ...
-Et c'est pour ça que tu dois être ravie de pouvoir m'enfermer ? grinça Ginny.
A la façon dont Mrs. Weasley souffla par les narines, tel un dragon furieux, j'eus la certitude que si ça avait été en son pouvoir, elle aurait enfermé ses sept enfants dans une cave pour leur épargner les sévices de la guerre. Preuve en était, son regard ne fut pas pour sa fille, mais pour le visage scarifié de Bill et l'oreille mutilée de George.
-Je n'ai jamais pu empêcher mes petits frères de se battre et Dieu seul sait que j'en avais l'envie, murmura-t-elle dans le vide. Je n'ai pas pu empêcher Ron de transplaner le soir du mariage de Bill, ni tes frères de s'engager dans l'Ordre du phénix. Mais toi, je peux encore légalement te protéger contre toi-même, encore quelques mois avant que tu ne plonges la tête la première. La guerre sera encore longue, Ginny. Crois-moi, tu auras tout le temps de faire tes preuves ...
Longue et infinie, songeai-je amèrement, mais la promesse d'un lendemain empli de lutte et de combat à mener parut frustrer Ginny plus qu'autre chose. D'un geste souple, elle sortit sa baguette et la pointa sur l'assemblée comme celle d'un chef d'orchestre.
-De toute manière vous n'allez pas m'en empêcher, prétendit-t-elle avec hauteur. Je m'en vais, j'en vais maintenant avant que vous ne puissiez m'enfermer, et si quelqu'un tente de m'en empêcher ...
-Alors non ! intervint brutalement Simon, si brutalement qu'elle se retourna pour le gratifier d'un regard proprement scandalisé. Ça ne va pas, range-moi ça ! Fidelitas n'est pas appliqué et tu es mineure, donc tu as encore la Trace sur toi ! Peu importe l'acte magique que tu feras ils nous repéreront tout de suite alors tu vas immédiatement me ranger cette baguette.
L'argument, si froid, si logique, eut raison de la volonté de Ginny et sa baguette s'abaissa, vaincue par la nécessité. Elle n'était pas fougueuse au point d'emporter sa famille entière dans sa chute. La privation de sa magie parut faire refluer toute sa vigueur. Elle était prisonnière, impuissante. Des larmes inondèrent ses yeux.
-Ce n'est pas juste ... ce n'est pas juste ...
-Ginny ..., commença Bill.
Mais elle courut jusque dans les escaliers qu'elle gravit bruyamment, comme pour clamer son sa rage et sa frustration au monde entier. Epuisée, Mrs. Weasley plongea son visage entre les mains, certainement pour lâcher discrètement quelques larmes.
-Il faut l'empêcher de faire une bêtise, chuchotait-t-elle à son mari. Arthur, je ne pensais pas ... Gideon et Fabian, c'était déjà m'arracher le cœur ... mort tous les deux ... Tout ça pour que ça recommence ... Mais en pire, cette fois en pire ... qu'est-ce qu'il peut arriver d'autre ? De pire ?
Son désarroi était tel que tous, y compris les jumeaux, ou Miles à qui elle n'était rien, se turent, emmuré dans un silence affligé. Ses mots résonnaient douloureusement avec les dires de Remus plus tôt dans la soirée ... Ne jamais se croire endurci. A l'abri. Le destin trouvait toujours quelque chose à vous arracher. Et la guerre semblait être un tunnel sans fin, où mille lames pouvaient vous transpercer le cœur à la moindre incartade ... sans la moindre trace de lumière au bout. Si moi j'étais désespérée de ne patauger dans le noir, qu'était-ce pour elle qui avait perdu ses frères, Remus ses amis proches ? Simon sa famille toute entière ? Des vies brisées, pour rien ... pour rien ...
Touchée, je refermai ma main sur mon cœur. Sans trop réfléchir, je me levai, en même temps qu'Arthur Weasley. Je ne sus pas réellement ce que me prit de lancer :
-Attendez ... je vais essayer quelque chose.
Mr. Weasley me dévisagea, perplexe et j'eus l'absolue certitude qu'il me remettait à peine, qu'il cherchait mon prénom dans sa mémoire, sans y parvenir. Néanmoins, il désamorça son geste et se laissa retomber à côté de sa femme. Fred m'applaudit quand je me dirigeai vers l'escalier.
-Vas-y Bennett, raconte-lui le Ministère, fais-lui peur. Aïe !
Simon était lui aussi privé de magie par la force des choses, mais sa main droite était assez vigoureuse pour envoyer un coussin dans le visage de Fred. Satisfaite de ne pas avoir à le traiter de sombre crétin, je levai le pouce à son intention.
-Tu as ma permission de recommencer !
-Le ministère ? interrogea Mr. Weasley à voix basse.
Les voix s'étaient réduites à des murmures indistincts quand on daigna lui répondre et je n'eus pas à souffrir du récit. Ginny ne fut pas difficile à trouver : elle s'était repliée dans la chambre que j'occupai avec Angelina et Eugenia au deuxième étage. Deux lits jumeaux et un matelas aplati sur le sol sur lequel elle s'était jetée, ses cheveux roux formant une auréole flamboyante autour de son visage barbouillé de larme et crispé par la fureur. Elle me décocha une œillade assassine, avant de réaliser que je n'étais ni sa mère, ni l'un de ses frères, et d'aviser mes deux mains levées en signe de paix.
-Salut. Je ne sais pas si tu te souviens de moi ...
-Tu veux rire ? cingla-t-elle, incrédule. Victoria Bennett ... Je rêvais de pouvoir t'affronter et de te mettre le plus de but que possible ...
-Je suis flattée, articulai-je, un peu prise de court par cette entrée en matière. Je t'ai vu jouer, l'année dernière ... tu étais vraiment remarquable, comme Poursuiveuse. Bien meilleure qu'Attrapeuse. Ça aurait été un honneur.
C'était étrange, ces mots et ses aspirations triviales alors que quelques minutes plus tard, l'air semblait saturer de mort et de sang. Pourtant cela parut vaincre les dernières réticences de Ginny. Un sourire tremblant s'étira sur ses lèvres et elle se redressa quelques peu, épongeant ses larmes d'un revers de manche.
-A un an près on aurait offert un beau spectacle ..., convint-t-elle, les jambes repliées sur sa poitrine. Ce sera peut-être pour un jour. Quand toute cette folie aura pris fin.
Elle l'affirmait avec tant de conviction ... comme si pour elle, il n'existait pas l'ombre d'un doute. La guerre avait une fin, attitrée, programmée et elle, Ginny Weasley, faisait partie de l'immense plan qui travaillait en ce but ultime, cet objectif si tangible qu'il paraissait être à portée de main. Un sourire dépité ourla mes lèvres. Sa mère avait-t-elle pensé franchir la ligne d'arrivée après la mort de ses deux petits frères et la chute de Voldemort ? Prudemment, je m'installai sur le matelas en face d'elle. C'était Eugenia qui l'occupait et il était de si mauvaise qualité qu'elle avait été forcée de le rehausser d'un sortilège de coussinage.
-Tu sais ... C'est loin d'être fini. Ta mère a raison sur ça. Pour ce qu'on en sait, les mois qui te séparent de ta majorité ... ce sera peut-être qu'une goutte d'eau à l'échelle de la guerre. Peut-être que ta vie ne suffira pas à ...
-Si c'est pour me dissuader, me sermonner ou je ne sais autre connerie que ma mère ferait, tu peux partir, me coupa-t-elle froidement.
-Non, ce n'est pas ce que je veux, assurai-je avec douceur. J'ai compris Susan lorsqu'elle a voulu retourner à l'école alors que ses parents la suppliaient de rester. C'est votre manière de prendre votre part de responsabilité. D'être utile dans le conflit. De ne pas être impuissante.
Ginny cligna des yeux, plusieurs fois, et je lus quelque part au fond de ses iris brunes qu'elle se reconnaissait dans les mots. Qu'est-ce qui avait dû bouillonner dans la tête de cette jeune fille pleine de révolte lorsque son frère était rentré avec une oreille en moins ? Lorsqu'elle avait vu le visage de son ancien petit-ami placardé et érigé en ennemi public à abattre ? Ce qu'elle devait trembler ... Peut-être l'A.D. avait été un moyen sain de diriger sa peur et sa colère.
-Susan Bones ? vérifia-t-elle du bout des lèvres.
Son ton me poussa à hausser les sourcils et une pointe d'inquiétude emballa mon cœur. Cela dut se refléter sur mon visage car elle s'empressa de secouer la tête :
-Non, elle va bien ! Enfin, elle allait bien quand on s'est quittée avant les vacances, c'est juste qu'elle ... enfin, je la connais par ...
-Je sais qu'elle fait partie de l'A.D. Que vous faites des actions, des messages sur les murs. (Je plantai mon regard dans le sien). Et ce qui arrive lorsque vous êtes en retenue.
Je n'étais pas prête d'oublier ce message de Susan, écrit en septembre et que Simon avait voulu me dissimuler. Les élèves collées étaient livrées à ceux qui pratiquaient en exercice le sortilège Doloris. Et en observant la poitrine de Ginny se bloquer, j'eus l'absolue certitude qu'elle y avait eu le droit. Oui, l'un de ses coups d'éclats l'avait amené à se tenir devant eux, les poings certainement serrés dans l'attente du terrible sortilège. Mes ongles se plantèrent dans ma paume et un lien parut se tendre entre elle et moi. Je ne voulais pas me dire qu'ils avaient certainement eu moins de puissance que ceux Nestor. Non, je voulais simplement m'imprégner du fait que, comme toute sa famille, comme moi, cette jeune fille avait souffert et souffrait encore, physiquement, moralement. Et que ça lui donnait le droit d'avoir une voix. Je n'avais pas le droit de balayer ses sensations comme j'avais craint que Remus balaie les miens. « Tu ne sais pas ... ». Si, Ginny savait. Bien sûr qu'elle savait.
-Susan n'a jamais été en retenue, murmura-t-elle dans un souffle. Elle est trop maligne pour ça ... La seule fois que ça a failli ... C'est Seamus qui a pris pour elle ... pour nous tous ...
Ses poings se crispèrent sur ses genoux, si bien que ses jointures blanchirent. Un voile de larme était venu faire furieusement étinceler son regard.
-Je ne peux pas les abandonner ...
-Ginny ... Tu ne passeras pas le train, énonçai-je avec tristesse. Ils t'attendront là, comme ils l'ont fait pour ton amie Luna parce que son père écrivait en faveur d'Harry. Ils ne prendront pas de risque ... Tu te rends compte de ce que tu représentes ? Non seulement tu es la sœur de Ron, qui vient de se compromettre ... mais en plus ... Tu es sortie avec Harry, c'est ça ? Tu t'imagines qu'il n'y a pas une pimbêche de Serpentard qui n'a pas été le répéter, ça ?
-Des histoires d'adolescents, ironisa-t-elle, impassible.
Elle avait dû la répéter cette phrase, vu la verve avec laquelle elle avait fusé. Elle avait dû l'ériger comme un bouclier autour d'elle, ces mots secs et vides de sens pour faire oublier qu'elle constituait certainement l'un des talons d'Achille d'un garçon de dix-sept ans qui échappait à toutes les forces du Ministère et de Voldemort depuis des mois. Peut-être la seule concession à son intégrité. Pourtant quelque part, je l'imaginais facilement être capable de faire face à son sort comme une sacrifiée. C'était évident à la façon dont elle releva fièrement le menton, avec défi.
-Harry leur échappe depuis tellement longtemps, ça va finir par les rendre fou, fis-je calmement remarquer. Honnêtement, je pense qu'ils se contenteront du moindre appât. C'est ce que tu veux être ? La princesse séquestrée dans sa tour que le Survivant viendra sauver aux risques et périls du monde magique ?
Sa mine bravade se décomposa face à la description et une grimace vint tordre ses lèvres. Je souris, satisfaite que l'argument porte ses fruits et trouve de la résonnance en elle. Elle s'enferma dans un mutisme songeur qui me permit de poursuivre, le cœur serré :
-Tu sais, moi aussi je suis coincée. J'aurais dû partir en août, fuir. Tu parles de lâcheté ? Parfois, je regrette, je regrette tellement de ne pas avoir suivi mes parents ...
C'était la première fois que je l'exprimai à voix haute et cette simple vérité mouilla mes yeux et compressa ma poitrine. Les lettres soulagées de mes parents n'avaient fait qu'accroître ce désarroi. De l'autre côté de l'Atlantique, je les avais faits prisonnier de leurs angoisses. Ginny me contempla, sans un mot. Elle ne parut pas me juger, mais pour une fois sembla à court de mot et de réactions. Je lâchai un petit rire nerveux et repoussai mes cheveux derrière mon épaule. Je n'en revenais pas de pouvoir faire un tel geste. A la Fleur Delacour.
-Je suis désolée, ce n'est pas le sujet, simplement ... Je voulais te dire que je te comprends, d'accord ? Être coincée, devoir renoncer à ses rêves, à sa vie, à ses projets ... Tu as le droit d'être en colère, d'envoyer valser la pièce ...
-... d'arracher les yeux de Fred et George ?
-Surtout d'arracher les yeux de Fred et George, promis-je en acquiesçant. Alors sois en colère tant que tu veux mais ...
Comment lui dire ... ? Les images se bousculaient dans la tête, avec tant de violence que mon crâne semblait se fendre à leur impact. Renata se fracassa contre ma boite crânienne, les larmes de Pénélope se matérialisèrent dans mes yeux, et Nestor, Nestor ... Le bracelet claqua contre mon poignet sans que je ne réalise mon geste. Mes doigts s'étaient glissés seuls sous les perles.
-Ecoute, je ne veux pas être la vieille conne qui sait tout et veut te mettre en garde, soupirai-je, sans cesser d'agiter mon bracelet. Je ne sais pas tout, j'en suis encore loin, et vu notre horizon, Seigneur, je peux encore en vivre, encore en perdre, des choses ... Mais ne joue pas à la martyre, juste pour te sentir utile, d'accord ? Tu ne seras pas utile si tu te laisses consumée par la frustration. Tu ne seras pas utile d'être enfermée à Azkaban. (Je nouai mes doigts, simplement pour éviter qu'ils se mettent à trembler, mais le geste ressemblait à s'y méprendre à une supplique). Tu veux te battre ? Crois-moi, ne joue pas à l'héroïne. C'est en jouant à l'héroïne qu'on tombe.
Ginny me dévisagea, figée. Une larme perla à ses cils jusqu'à ce qu'elle batte des paupières et qu'elle roule jusqu'au coin de sa bouche.
-Mes oncles étaient des héros ... j'ai été élevé dans leur souvenir ... Fabian et Gideon Prewett, tombés pour nous, pour que je puisse grandir en paix ... Tout le monde dans la famille lutte, se bat, résiste ... je ne veux être la seule qui ...
-Il y a mille et une façon de le faire, Ginny. Tu serais surprise. Je l'ai fait en écrivant, un ami en dessinant ... Simon ... Toute sa famille est morte, il a la revanche chevillée au corps ... et pourtant lui a lutté en se taisant. Parce qu'il savait qu'il ne serait d'aucun recours à Azkaban. Il ne pourrait protéger personne à Azkaban. La seule manière qu'il avait de le faire, c'était de faire profil bas. Essaie de les trouver et de découvrir toutes les nuances de la lutte plutôt que de perdre de l'énergie à t'échapper d'ici.
Je poussai le vice à prendre la main crispée sur son genou. Elle la contempla quelques secondes, mais ne me repoussa pas. Son souffle haché effleurait ma peau à un rythme irrégulier.
-Est-ce ce n'est pas un sacrifice en soi ? Ta liberté contre celle de ton frère et de Harry ? Rester ici ne veut pas dire que tu n'as pas d'impact, au contraire. J'aurais aimé qu'on me le dise ... tellement ... Peut-être que j'aurais fait moins d'erreur. (Un vague rire me secoua et je passai la main sur mon visage). Seigneur, maintenant tu as le droit de dire que je suis la vieille conne qui a tout vécu ...
-Non, ce n'est pas ce que je pense, entonna Ginny d'un ton mal assuré. Mais ça me semble tellement ... contre-intuitif ...
-Ça ma chère, c'est parce que tu es une stupide Gryffondor.
Je fus rassurée de voir Ginny s'esclaffer, cette simple hilarité qui secoua ses épaules sculptées par le Quidditch. Puis son regard s'attarda sur la fenêtre, et s'y plongea, lointain, mélancolique. Les larmes s'étaient taries pour ne laisser qu'un éclat spectral.
-Ils vont tellement me manquer, tous ..., chuchota-t-elle. Neville ... il va se retrouver seul ...
-Il ne sera pas seul. Crois-moi, Susan Bones n'est pas une fille qui abandonne comme ça. L'A.D. a survécu à Harry, non ? Il te survivra.
Ginny ne répondit rien, le regard toujours planté sur la fenêtre. La ligne de ses épaules s'était ployée, comme sous le poids de tous les évènements qui venaient de s'abattre et d'emporter sa vie. J'avais l'impression de contempler une version de moi, quelques mois plus tôt, quand le Ministère était tombé et que mon existence avait été brisée. Ça nous arrivait à tous, en décalage. Un à un, la guerre nous broyait et il n'y avait que le temps qui pouvait nous faire comprendre ça.
-Harry aussi me manque, lâcha-t-elle alors brutalement. Ron aussi ... Je pensais qu'il me manquerait un jour, mon stupide frère ... Mais je ne sais pas, le fait d'avoir des nouvelles par intermittence comme ça, des catastrophes toujours, au milieu d'un grand silence ...
La voix de Ginny s'étrangla quelque peu et je pressai davantage sa main, touchée par éclats de détresse qui avaient fini par percer l'armure. Elle les réprima d'une tremblante inspiration.
-C'est angoissant, conclut-t-elle avec plus de maîtrise.
-Je comprends. (J'hésitai quelques secondes avant de questionner du bout des lèvres :) Tu as une idée de ce qu'ils font ... ?
-Ce qu'ils font ? répéta Ginny avec un ricanement sinistre. Ne me dis pas que tu fais partie de ces gens qui pensent qu'ils sont en fuite ?
Je n'avais pas intérêt, songeai-je lorsqu'une étincelle vint embraser de nouveau son regard. Je gardai encore le silence le temps de soupeser mes mots et mes doutes.
-Non, évidemment que non ... Mais de là à se persuader qu'il suit ... je ne sais pas, un plan suprême pour nous sortir de là ...
-Et pourtant c'est ça, assura Ginny d'un ton sans appel.
Encore cette foi brûlante, inébranlable ... J'aurais voulu me laisser pénétrer par cette aura brillante qui semblait irradier d'elle, y croire moi aussi. Mais le désespoir s'était trop profondément ancré en moi pour que j'y sois sensible.
-Il te l'a dit ?
-Pas explicitement, concéda-t-elle avec répugnance. Mais je ne vois pas d'autres raisons qui l'auraient poussé à parti comme ça, avec Ron et Hermione dans son porte-bagage. Je ne vois pas pourquoi ... (sa voix s'infléchit légèrement pour se fondre dans un souffle :) pourquoi il m'aurait quitté. Si ce n'est ... pour de nobles et stupides raisons.
Elle essuya un ricanement amer et, gênée, ramena ses genoux contre elle pour se soustraire à ma prise. Puis elle repoussa ses cheveux et planta de nouveau son regard vers la fenêtre, ce regard toujours brillant et inflexible.
-Mais il n'y a pas que ça. J'ai entendu des choses, des murmures avant le mariage de Bill ... Ils préparaient que chose, c'est certain. Ils avaient l'air de partir à la recherche de quelque chose. (Elle tourna les yeux vers moi, comme pour me faire passer sa conviction). Alors oui, il y a un plan. Un plan pour mettre fin à tout ça. Je ne le connais pas ... mais j'ai une entière confiance en eux pour le suivre.
Un plan pour mettre fin à tout ça. C'était beau. Un magnifique rêve, un nuage de douceur au sein duquel j'aurais voulu me lover. Mais il était trop lointain, trop abstrait. Ginny avait raison : depuis le mariage de Bill, Harry c'étaient des catastrophes au milieu de grands silences. S'il y avait un plan, il n'avait pas l'air de bien se dérouler ... J'étais trop meurtrie pour y croire aveuglément et chuter d'encore plus haut. Non, j'étais assez tombée. N'ayant rien à ajouter, je me levai et pris la direction de la porte. Avant de définitivement quitter la pièce, je me retournai vers elle en m'efforçant de sourire.
-Repose-toi. Ça aide à prendre du recul.
-Ce n'est pas mon fort. Mais ... merci. (Elle coula sur moi un regard où brillait un simulacre d'espièglerie). Et vraiment, je ne trouve pas que tu es une vieille conne. Ou alors c'est juste que tu ne souffres pas de la comparaison avec tante Muriel.
-Ça, c'est une insulte, miss Weasley.
Nous échangeâmes un petit sourire avant que je ne quitte la chambre, le cœur plus léger. Je ne pensais pas que cela pouvait autant me libérer que de parler de mon expérience à une gamine que je connaissais à peine, qui ne m'était rien. Etait-ce qu'avait ressenti Remus ce matin ? Cet afflux de mots et d'avertissement qui se bousculaient dans la bouche et ne demandait qu'à sortir, de crainte de voir les mêmes erreurs se répéter encore et encore ? J'étais encore en train d'y songer lorsque je fus interrompue. Enfin, plutôt, j'interrompis quelque chose, une réunion d'urgence en plein dans les escaliers. Assis sur les marches, Simon et Eugenia complotaient à voix basse, tapis dans les ombres de la rambarde.
-... Miles a lâché son appartement avant l'opération « Victoria » et j'ai nulle part où aller moi, rappelait Eugenia, l'air soucieux. Sinon croyez-moi je serais partie dès que la tante Muriel a comparé mes jambes à celles d'un flamand rose. Elle s'est vue, elle ?
-Je suis d'accord, on ne peut pas rester ici, concéda Simon avec détermination. Je suis endormi la moitié du temps et moi aussi j'étouffe. Et là on sera douze ! C'est ce que j'allais te dire ... On peut aller chez moi.
-Quoi ?
Un sursaut collectif les prit et je me retrouvai avec deux paires d'yeux braqués sur moi, vifs et alertes. Eugenia posa une main sur son cœur qui devait certainement battre la chamade après mon apparition soudaine et se fendit d'un soupir à faire trembler les marches.
-Alors, Ginny ? s'enquit Simon, curieux.
-Je pense que ça ira, évaluai-je prudemment, un peu prise de court par l'objet de leur conversation. Vous ... vous pensez à partir ? (Je tournai le regard sur Simon, soucieuse). C'est très exposé Terre-en-Landes ...
-Je ne pensais pas à Terre-en-Landes, je pensais à Oxford, précisa-t-il avec un sourire. La maison que j'ai hérité des Croupton.
-Tu es apparenté aux Croupton ? s'étonna Eugenia, choquée.
-Elle est habitable ? renchéris-je plutôt.
-Il reste des finissions, de la peinture, des meubles à réparer. Au moins j'aurais de l'aide. (Son regard se vrilla plus particulièrement sur Eugenia). Tu peux venir. Miles aussi.
Quelque part, je ne sentais que la générosité n'était qu'un remerciement déguisé, l'émanation de sa reconnaissance pour m'avoir sortie des entrailles du Ministère. A défaut, une politesse obligée au risque de paraître ingrat. Eugenia n'en eut cure : enthousiaste, elle se précipita sur Simon pour lui prendre le bras. Il fixa sa main comme s'il s'agissait d'un étrange insecte posé sur son pull.
-Vraiment ? Mais pourquoi tu n'en as pas parlé plus tôt ? On aurait pu s'éviter une semaine de tante Muriel !
-A cause de ça, répliqua Simon en levant sa main blessée.
Eugenia parut brièvement penaude et sembla d'excuser du regard pour l'indélicatesse. Plus je la côtoyais, plus je me rendais compte de pourquoi elle n'aurait pas pu faire une bonne médicomage : elle avait l'empathie d'un éruptif. Même face à moi et mon affreux récit de torture, je l'avais sentie dans la maîtrise, attachée à la froideur de ses anciens apprentissages. Si elle ne m'avait jamais adressé un mot de pitié, c'était certainement qu'elle en ressentait peu.
-Bon, c'est une raison acceptable, se reprit-t-elle après s'être râclé la gorge. On part quand ?
-Toute de suite, proposai-je en jetant un coup d'œil à Mrs. Weasley qui faisait léviter ses bagages. Laissons la place ...
-Et partons dans un monde libéré de Muriel Prewett !
Battant des mains comme une enfant, Eugenia remonta les escaliers pour préparer ses affaires, extatique. Son enthousiasme finit par m'atteindre et un sourire retroussa mes lèvres. Oui, peut-être que moi aussi je suffoquais. Après des semaines dans le brouillard à me reconstruire, j'avais envie de vivre autre chose. Récupérant la place libérée par Eugenia, je m'installai sur la marche à côté de Simon pour enrouler mon bras autour du sien et posai ma tête contre son épaule.
-Et dans un monde où elle ne sera pas là à jacasser qu'une fille et un garçon doivent attendre le mariage pour dormir ensemble, ajouta-t-il dans un grognement.
-Toi aussi tu m'as manqué cette nuit. Et la nuit d'avant. Et celle d'encore avant. Seigneur, Eugenia a raison, il faut qu'on s'en aille.
Malgré toute la reconnaissance que j'avais pour Angelina et Muriel de nous avoir abrités, j'avouai que la perspective m'exaltait. Pour la première fois depuis que j'étais sortie des geôles, j'avais la sensation d'avoir un nouvel horizon à découvrir, de franchir un nouveau cap. Je ne serais plus un poids, une réfugiée chez quelqu'un. Confrontée à la culpabilité de vivre en inertie quand d'autres prenaient tant de risques. Ma gorge se referma subitement alors que je repensais à ma conversation avec Remus et je le blottis un peu plus contre Simon, le cœur battant. Je m'étais toujours sentie capable de tout, tant qu'il se tenait à mes côtés, mais là même l'étreinte échoua à faire gronder la révolte. Avant de retourner à l'ombre et la poussière, nous nous battrons, avait promis Dumbledore sur le terrain de Quidditch où avait succombé Cédric. Un an plus tard, en descendant de son bureau, Simon m'avait juré la même chose. Oui, Victoria, on se battra. Même ma grand-mère m'avait arraché cette promesse. Ne les laisse pas faire ce qu'ils nous ont fait. Le désespoir me consuma et ma main alla se perdre sur mon sternum nu. La sensation de ne rencontrer ni mon étoile de David ni ma médaille de baptême était toujours des plus étranges. Je redécouvrais sans cesse que je l'avais perdu. Mon combat et ma force. Peut-être était-ce cela qui me manquait pour réellement y croire. Pour retrouver la flamme déterminée et convaincue qui brûlait au fond de Ginny Weasley. Et qu'Oxford me permettrait de les retrouver.
***
Alors votre verdict?
Donc comme je l'ai dit dans le précédant chapitre, j'essaie de coller scrupuleusement le canon et de faire miroir aux HP. C'est moins facile dans le 7 que dans les précédents tomes parce que Harry vit un peu en autarcie. C'est pour ça que ça me tenait à coeur de caser l'émission de Potterveille qu'il entend !
Si vous voulez savoir, le passage ajouté est toute la conversation avec Ginny. Dans le chapitre de base, les Weasley arrivaient et je coupais là pour les faire aller à Oxford. J'espère que vous avez aimé cet ajout !
Allez je vous laisse, à vendredi prochain les enfants ! Pour changer un peu de décors ça va faire du bien !
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro