IV - Chapitre 19 : Trajectoires croisées, trajectoires brisées
Les enfants.
J'ai 14 chapitres d'avance.
Je suis sur la fin donc ça a un peu moins de sens de garder une avance à tout prix.
Et surtout. Surtout. C'est une très mauvaise journée au niveau sportif avec cette défaite du XV de France contre l'Irlande (grrr) et un sprint en biathlon qui malgré des conditions encourageantes (du brouillard, du vent) s'est quand même fini par un quadruplé Norvégien. J'en suis réduite à me réjouir d'une défaite du Paris Saint-Germain (je suis désolée pour les fans de ce club, mais vraiment jamais il n'aura mon amour, c'est trop ancré en moi et ce avant l'arrivée du Qatar).
SO HERE I AM (With Victoria !)
Je ne suis pas sûre que vous m'en vouliez vu que je vous ai quand même un peu laisser dans l'attente ... Donc enjoy le chapitre et moi je vais regarder tranquillement un petit Pays de Galles-Ecosse pour enfin profiter du rugby sans trop d'enjeu et donc d'arrêt cardiaque (bon j'espère un peu la victoire de l'Ecosse, je trouve que l'équipe a une belle progression depuis quelques années)
Bonne lecture et profitez bien du craquage !
Pour la citation, je réitère : lisez David Gemmell. C'est certainement l'un de mes auteurs préféré, presque au niveau de Tolkien (Troie et Rigante sont mes séries préférées de lui !)
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Les plans, vous savez, on ne peut pas leur faire confiance. Il y a toujours un élément imprévisible. Et eux, on ne peut pas les planifier.
- Rigante
Tome 4 : Le Cavalier de l'orage
David Gemmell
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Chapitre 19 : Trajectoire croisées, trajectoires brisées.
-Je te revaudrais ça, Victoria. Vraiment.
Je ne répondis rien, la poitrine plombée par les doutes. Je n'arrivais pas à me défaire du silence épais de Noah qui me suivait comme un spectre et j'avais la sensation que, même si nous avions parcourues plusieurs rues, son regard intense me transperçait la nuque. Mais surtout, j'avais eu lourdement conscience du guêpier dans lequel je mettais le pied dès lors que j'avais posé un orteil dehors. J'étais inconsciente. Totalement inconsciente. L'envie de faire demi-tour me tenaillait et c'était pour la réprimer que je gardais les yeux rivés sur le trottoir.
-Vraiment je sais que je t'en demande énormément, insista Renata d'une voix étrangement douce.
-Mais tu savais que tu pouvais me le demander, que je craquerais.
J'avais tenté d'enrailler le soupçon d'amertume qui aurait pu rendre ma voix coupante. J'étais en colère contre moi-même. Je me sentais trop faible pour me protéger. Durant des années, j'avais eu peur pour Simon, que sa tête brûlée ne le pousse à commettre des actes insensés. C'était désagréable de découvrir qu'en réalité, c'était plutôt de moi que j'aurais dû me méfier. Renata le lorgna du coin de l'œil.
-Je savais que tu seras assez courageuse pour le faire, rectifia-t-elle avec hauteur. Honnêtement je n'ai rarement connu une fille aussi brave que toi ...
-Inutile de me flatter, Renata. Je suis là.
Le coin de sa lèvre tressaillit en un semblant de sourire. Je plongeai le nez dans le col de ma veste. L'air de janvier était glacial et chargé d'humidité : le froid s'insérait dans tous les pores de ma peau, et pourtant je n'avais pris ni écharpe ni bonnet. J'étais trop consciente qu'en cas d'affrontement, je devais être absolument libre de mes mouvements.
-Il y a une ruelle, là, indiqua Renata d'un coup de menton. On peut transplaner.
-Ça ne va pas ? C'est repérable par le Ministère, ça. Si ça se passe mal, je ne veux pas qu'ils nous relient à Julian et Noah. Non, on va prendre un bus qui nous larguera dans la campagne et là on transplanera. La gare routière est de ce côté.
Renata parut contrariée par ce contre-temps, mais ne broncha pas et me suivit dans l'avenue principale d'Oxford. Il était plus de midi et la rue était bondée de travailleurs qui allaient déjeuner, d'hommes en costumes, d'étudiants qui riaient en groupe devant un fast-food. Au-dessus de nous, les guirlandes de Noël éteintes se balançaient mélancoliquement, comme si elles savaient leur heure de gloire passée.
-Tu es là depuis combien de temps ? interrogea Renata lorsque nous eûmes passé le gros de la foule.
-Depuis septembre.
-Je ne sais pas comment tu as fait, marmonna-t-elle, incrédule. Enfin quand j'ai appris que tu étais restée, ça m'a surpris à moitié ... mais que tu sois restée enfermée tout ce temps ...
-Ce n'était pas si terrible, je suis vraiment bien tombée. Et puis je voyais Simon, je suis sortie une ou deux fois histoire de ne pas totalement perdre pied ...
J'enfonçai mes mains dans les poches de ma veste et caressai ma baguette. Je ne l'avais pas utilisé pour autre chose que des futilités depuis des semaines. Allumer ou éteindre une lumière, décorer l'appartement ... Les mois d'inactivités m'avaient aussi ravi le souffle et la forme physique qui avait fait de moi une bonne duelliste. Tiendrais-je réellement la distance ?
-Et toi ? m'enquis-je plutôt que de laisser éclater les doutes. Comment tu as tenu jusque-là ?
-Tenu ? répéta Renata, un peu interloquée. Je n'ai pas vraiment eu besoin de « tenir ». J'ai poursuivi ma vie ... J'ai simplement redoublé d'effort dans mes missions.
-Tu travailles toujours à l'Observatoire ?
Les traits de Renata se tendirent quelque peu et sa bouche se pinça en une mince ligne.
-Non. Non, j'ai démissionné l'année dernière, juste après la dernière fois qu'on s'est vues, chez les jumeaux Weasley. Ça me prenait trop de temps et je voulais me consacrer totalement à la lutte.
Je jetai un bref coup d'œil à son visage fermé par la détermination, troublée. Je ne me souvenais que trop des avertissements de Lupin et de Maugrey : une personne enfermée dans sa lutte finissait par perdre pied avec la réalité et oubliait la raison de son combat. N'était-ce pas le risque que Renata avait pris en quittant son travail ?
-C'est un peu radical, non ?
-Il faut bien que des gens le soient, puisque la majorité de la Communauté Magique a décidé d'être passive, trancha-t-elle avec mépris. Si personne ne fait de sacrifice, jamais on ne s'en sortira ...
Sa voix s'infléchit un peu sur le mot « sacrifice » et je sus que le destin de sa sœur venait de nouveau de lui traverser l'esprit. Mathilda, enlevée et séquestrée pour contraindre Renata à l'inaction, la forcer à rentrer dans le rang. Renata qui préférait risquer sa vie et la mienne plutôt que de s'y plier ...
-Pourquoi ?
Renata se fendit d'une petite exclamation incrédule face à ma question.
-Pourquoi, quoi ?
-Pourquoi tu fais ça ? Renoncer à ton travail, à tes passions, à ta vie pour te plonger dans la guerre toute entière ? Je veux bien que ce soit pour défendre des valeurs, la justice mais ça me parait vraiment ... extrême.
Ma question provoqua un mélange d'ébahissement et d'irritation sur le visage de Renata. Elle secoua la tête, comme pour chasser un insecte gênant et son pas s'allongea. Elle était plus grande que moi, sa foulée plus vive, si bien qu'il me fallut bientôt trottiner pour me maintenir à sa hauteur.
-C'est sérieux cette question, Victoria ? Parce qu'il faut être directement touchée comme toi pour avoir des raisons de se battre ? Refuser de voir ton pays se noircir, ça ne suffit pas pour être extrême ?
-Ce n'est pas ce que je voulais dire, je me demandais juste ...
-Je sais très bien ce que tu voulais, rétorqua-t-elle sèchement Tu voulais me refaire sortir le nom de Cédric, c'est ça ?
Je gardai les yeux rivés sur les pavés, embarrassée d'avoir été si vite découverte. C'était un mystère que je n'avais jamais cherché à élucider, sans que je ne sache si c'était par pudeur ou par volonté de ne pas réveiller la blessure causée par la mort de Cédric. Mais Renata l'avait éveillé avec sa question, ce seul secret qui nous liait l'une à l'autre et qui pouvait vérifier mon identité.
-Je me suis tue, je ne t'ai jamais rien demandée ..., fis-je finalement valoir avec douceur. Disons que là, j'estime que j'en ai le droit.
-Le droit, répéta Renata, incrédule.
De nouveau, sa tête oscilla sur ses épaules. Quelques mèches s'étaient échappées de son épaisse tresse et encadrait son visage dans un style purement négligé qui donnait l'impression qu'elle sortait du lit. Pourtant ses cernes, mal cachées par ses lunettes, attestaient bien qu'elle n'avait pas dormi depuis longtemps.
-Je ne bats pas pour Cédric, articula-t-elle finalement, visiblement à contrecœur. Je me bats parce que je suis née avec la révolte dans les veines. Ça a toujours été comme ça, Victoria : je me révoltais contre tout, les injustices, les méfaits, les coups durs. Je suis née radicale. Je n'ai jamais supporté la demi-mesure. C'est ce qui m'a toujours coupé des autres, personne n'a compris que je puisse être si intransigeante, si exigeante dans mes valeurs. Tu te souviens de comment j'ai accueilli le Tournoi ? Ça te surprend vraiment que je sois comme ça ? J'ai vraiment besoin d'une raison de plus ?
Il me fallut chercher loin dans ma mémoire pour me revoir assise sur les gradins du stade de Quidditch, au moment de la première tâche, elle à ma gauche et Miles à ma droite. J'avais été trop transie de peur pour Cédric pour prêter réellement attention aux propos furieux de la jeune fille ...
-D'accord, murmurai-je, indécise. Désolée, tu as raison, tu n'as pas besoin d'avoir une raison précise, tout le monde a le droit de rêver et de se battre pour un monde meilleur ...
-Merci.
-Mais ...
-Oh Victoria, soupira Renata, exaspérée. J'étais une gamine, d'accord ? Une gamine solitaire qui n'avait pas d'autres interactions sociales que sa sœur jumelle trop bonne pour l'abandonner. Et je n'étais pas malheureuse, je préférais ça à parler à des gens que je trouvais idiot. Ne le prends pas mal, tu n'en faisais pas partie. Après tout il fut un temps où on était les deux gamines solitaires de Poufsouffle, non ?
Un petit rire secoua ma poitrine. C'était vrai, j'avais passé mes premières années à Poudlard à fuir mes camarades, même Renata qui m'intimidait trop pour que j'ose l'approcher. Ce fut en refaisant le fil de ma scolarité que des brides de réponses m'apparurent.
-Mais Cédric est venu me sortir de mon isolement, me souvins-je avec douceur. Il restait avec moi, il a forcé Emily à m'accepter ... Il a tenté de faire la même chose avec toi, c'est ça ? Il ne devait pas supporter de te voir seule ...
Le long silence de Renata m'indiqua que j'avais visé juste. Je lui jetais un coup d'œil à la dérobée, espérant peut-être voir une ombre de mélancolie s'abattre sur son visage. Mais ses yeux secs étaient dardés devant elle, durs et déterminés.
-Cédric avait la fibre du grand frère, ajoutai-je pour combler le vide. Et l'absolue certitude que la patience et la compréhension pourrait arranger les choses ... il ... il t'a écouté, c'est ça ? Il a essayé de te comprendre ...
-On peut dire ça, céda Renata du bout des lèvres. Et quand il a compris qu'il n'arriverait pas à me traîner dans la grande famille des Poufsouffle parce qu'Emily et Simon m'agaçaient au plus haut point ... encore une fois ne le prends pas mal mais ...
-Emily était une peste et Simon arrogant au possible. Continue.
Renata leva les yeux au ciel et bien que sa bouche ne daignât pas sourire, je ressentis un début d'amusement dans son geste.
-Voilà. Et pour être parfaitement honnête, j'ai longtemps pensé que Cédric était un bellâtre qui ne vivait que pour ses amis et pour le Quidditch. Quand il a commencé à vouloir venir me parler, je l'ai un peu envoyé sur les roses ...
-Mais ça ne l'a pas calmé. Il était persévérant, comme garçon ...
-Oh oui ... il est revenu et ... au fond j'ai découvert qu'il était ... tout aussi radical que moi.
Je haussai les sourcils devant la conclusion. Je pouvais me vanter d'avoir très bien connu Cédric, d'avoir été sa confidente, d'avoir entrevu son intériorité. « Radical » n'était pas le premier terme qui me venait à l'esprit pour évoquer Cédric. Bienveillant, incroyablement loyal, pondéré ... mais radical ? Le seul point sur lequel je l'avais vu radical, c'était sa relation avec la maison Serpentard. Il avait suffi d'un monstre issu des entrailles du château et qu'un groupe d'adolescent immature me harcèle pour qu'ils aliènent le brave Cédric Diggory. C'était la raison, absurde et primaire, pour laquelle il s'était toujours méfié de Miles.
-Je sais, ce n'est pas le visage qu'il montrait à Poudlard, ricana Renata devant mon silence dubitatif. Et pourtant ... Cédric était entier, absolu. Incapable de renier ses valeurs. Capable de tout pour ce qu'il estimait être juste. Et pour ceux qu'il aimait. Tu te souviens quand des Serpentard t'ont cassé le nez, juste avant l'arrivée des délégations ?
-J'adore qu'on me rappelle cet épisode glorieux de ma vie ...
-Ce n'est pas toi qui dois avoir honte, Victoria, c'est eux, asséna fermement Renata. Toujours est-il que Cédric est venu me voir, ce soir-là. Il voulait que je le retienne d'aller voir Selwyn et de lui casser le nez en retour.
Je clignai des yeux et fus surprise d'y découvrir des larmes qui n'attendaient que cela pour dévaler ma joue. Je papillonnai des cils pour les chasser, le souffle coincé dans mes poumons. C'était saisissant de recevoir encore un peu d'amour et d'essence de Cédric par-delà la terre et les enfers ...
-Pour répondre à ta question ... je me suis reconnue en lui, poursuivit Renata. En sa façon de penser. Nous étions intransigeants, mais de différentes manières. Il lui manquait juste le courage de totalement se détacher de ce qu'on attendait de lui. Le Tournoi, c'était pour le trouver.
-En être enfin digne une fois pour toute, soufflai-je, troublée par le souvenir. Pour qu'on lui fiche la paix ...
-C'est ça.
-Tu l'as aimé ?
Un petit rire sans joie s'échappa des lèvres de Renata et se cristallisa en un panache opaque qui se fondit vite dans l'air glacial.
-Oh, cette question ... je mentirais en disant que je ne me la suis pas posée. Je mentirais en disant que je n'ai pas eu un peu mal au ventre en le voyant main dans la main avec Cho Chang. Je ne comprenais pas ce qu'il lui trouvait ... j'avais la sensation de m'être trompé, qu'en fin de compte il était aussi superficiel que je l'avais cru d'un prime abord ... Evidemment que ça m'a fait m'interroger. Longtemps.
Elle prit une profonde inspiration qui gonfla ses poumons et lui carra les épaules. Avait-elle seulement raconté cela à quelqu'un ? Depuis combien de temps ses mots étaient-ils restés coincés, à lui brûler la poitrine ?
-Comme tout le monde, j'ai été anéantie par sa mort, avoua-t-elle d'une voix sans timbre. Parce que j'étais persuadée que Cédric avait un grand avenir ... qu'il était capable de grandes choses ... parce qu'au fond il était le seul qui avait passé mes exigences. C'est pour ça que j'ai gardé sa photo ... Mais est-ce que ça suffisait pour être de l'amour ? Honnêtement, je ne sais pas Victoria ... Je te l'ai dit, j'étais une gamine. Peut-être qu'une part de moi qui a envie d'être aimée l'espérait ... mais pragmatique je sais que ce n'était pas le cas. J'étais juste heureuse d'avoir trouvé quelqu'un qui puisse me comprendre.
Elle laissa s'envoler les mots comme un point final, ferme et définitif et je gardai le silence. Une douleur sourde s'était mise à pulser dans ma poitrine lorsque j'avais compris qu'une partie de Cédric m'avait totalement échappé, qu'il l'avait révélé à Renata et non à moi. Et immédiatement, un baume apaisait la blessure nouvelle car quelque part cela venait légitimer tous mes actes, tout ce que j'étais devenue. Tu es aussi courrageuse que Diggorry, avait affirmé Viktor Krum à Gdansk. Il aurait été fier de toi. Ce que j'avais pu douter de cette phrase. J'avais même douté que Cédric apprécie pleinement la personne que j'étais devenue ... Mais les mots de Renata effaçaient toutes mes interrogations. C'était comme si je recevais la bénédiction de Cédric depuis l'au-delà.
Remobilisée par cette nouvelle certitude, je relevai le menton et désignai une rue à Renata.
-La gare routière est juste là.
Renata le toisa du coin de l'œil et je vis une lueur de reconnaissance briller dans ses prunelles. Se dévoiler avait dû être assez difficile pour elle, elle devait être soulagée que je ne rebondisse pas sur ses aveux et ajoute du sel dans la plaie. De toute manière, il y avait plus urgent à traiter que le fantôme qui hantait nos pas. Cédric était mort ; Mathilda, elle, était à sauver. C'était tout ce qui importait.
Le parvis de la gare routière était désert : un bus venait de partir et tournait à l'angle de la rue. A midi, en plein cœur de la semaine, peu de personne partait en voyage et elle était surtout fréquenté le soir pour les étudiants qui souhaitaient se rendre à Cambridge ou à Londres. D'un pas vif, je grimpai sur le trottoir et m'approchai du guichet qui donnait sur la rue. Sur la vitre était placardée les horaires et destinations des différents bus et à l'intérieur, un vieux monsieur lisait un roman, les paupières si tombantes qu'il donnait l'impression de dormir.
-Excusez-moi ? le hélai-je après avoir consulté les horaires. Monsieur ?
Voyant qu'il ne réagissait pas, je toquai timidement contre la vitre et l'homme sursauta à en faire tomber son livre avec un bruit sourd. Il leva un regard ahuri vers moi et je souris d'un air penaud.
-Deux tiquets pour Northampton, s'il vous plait.
-Northampton ? répéta Renata en fronçant du nez.
Je lui donnai un coup de coude pour l'inciter au silence, payai la note au guichetier si mal réveillé qu'il ne m'adressa pas un mot et récupérai les billets d'un geste leste. Laissant le vieil homme à son roman – ou à sa sieste – je tirai Renata plus loin sur le parvis.
-C'est le prochain bus. Je pouvais prendre Londres ou Cambridge, mais ils arrivent dans une heure ceux-là. Celui pour Northampton est dans vingt minutes ...
-On aurait vraiment dû transplaner ...
-Renata ! persifflai-je avant de baisser d'un ton puisqu'un groupe d'homme approchait du parvis. Ecoute, Julian et Noah ont déjà pris assez de risques pour moi. Je ne vais pas les mettre en danger pour une décision que j'ai prise. Je te demande juste d'attendre une demi-heure ... Vingt minute pour le bus, dix minutes de trajet et on descend au premier arrêt. De toute manière, on aura besoin de ce temps là pour déterminer comment on procède, non ?
Renata m'accorda ce point en inclinant la tête et m'arracha son billet des mains, les lèvres déformées par une moue dépitée. Elle le contempla comme si elle pouvait percevoir le visage de sœur à travers le papier.
-Désolée, je sais que j'ai l'air affreusement impatiente ... mais la simple idée de savoir Mathilda ...
-Je me doute. Mais je pense que tu sais mieux que moi que la précipitation ne fait que desservir le but, non ?
-Ce que Fol Œil a pu me le répéter, ricana-t-elle, un brin mélancolique. Il a pris personnellement en main mon instruction lorsqu'ils m'ont mis au renseignement, je te jure les heures les plus longues et les plus intenses de ma vie ...
Je la dévisageai une seconde, frappée par l'impression d'étrangeté qui la baignait. Je n'en revenais toujours pas qu'elle avait été si profondément intégrée au système de l'Ordre du phénix, elle, la jeune fille si secrète ... J'avais toujours songé qu'elle l'était trop pour que Maugrey ou Lupin ait pleinement confiance en elle. J'enfonçai mes mains dans mes poches, nerveuse.
-Tu as vraiment fait ça directement après nos séances avec Lupin ? Je t'aurais plus vu ...
-Dans les livres, comme Simon ? compléta-t-elle avec un sourire sardonique.
Il y avait même une pointe de mépris dans sa voix, un mépris qui hérissa tout mon être.
-Ils avaient besoin de ses connaissances en théorie magique, me braquai-je d'un ton sec.
-Oh, je t'en prie ... Oui, Simon est brillant, oui il a accès à des connaissances que peu de sorciers entrevoient ... Mais on avait Bill Weasley pour ça. On avait Dumbledore pour ça. Tu penses vraiment qu'on avait besoin de lui sur ce plan ?
Je fronçai les sourcils, un peu désarçonnée par la façon dont Renata présentait les choses avec une certaine suffisance. Elle jeta un regard mauvais au groupe qui investissait le parvis et qui riait fort avant de reporter son attention sur moi.
-Ne sois pas naïve, Victoria. S'ils ont réduit Simon à un rat de bibliothèque, c'est tout simplement que ce n'était pas l'élément le plus fiable qui existe dans cet Ordre. Honnêtement je dirai même maintenant que c'est le moins fiable de notre génération.
-Quoi ? Arrête, tu es injuste, il a toutes les raisons de se battre, il ...
-Toutes, tu as raison, concéda-t-elle, néanmoins agacée. Oui totalement, sa famille est morte, ça a fini par venir à mes oreilles. Tu es née-moldue et ça lui donne une raison supplémentaire, se battre pour toi. Mais tu es aussi la raison pour laquelle on ne peut pas se fier à Simon. On sait qu'il trahira l'Ordre si c'est pour te sauver.
Le mot « trahir » me frappa le ventre comme un coup de poing et me coupa le souffle. En réaction, mes yeux s'écarquillèrent et Renata hocha plusieurs fois la tête d'un air sage.
-Ne t'en veux pas, honnêtement je suis persuadée qu'il sera tout aussi déchiré pour sa sœur, enchérit-t-elle avec un haussement d'épaule. Ajoute à cela que Lupin était persuadé qu'il vrillerait en pleine bataille si jamais il croisait un sortilège de la mort ... Ils l'ont littéralement placardisé. Et c'est pire depuis que le Ministère est tombé, que Susan est entre les crocs de Rogue à Poudlard et toi forcée de te cacher. Si tu veux mon avis, Simon sait lui-même qu'il n'est pas fiable et se tient loin de l'Ordre. Il a compris ses limites.
-Arrête, tu es injuste ...
Je supportais assez mal la note subtile de condescendance dans la voix de Renata. Elle avait déjà ouvertement jugé Simon de se cantonner aux livres et à l'étude de la magie et déjà ce jour-là je l'avais trouvé sévère. Mais dans ce contexte c'était insupportable.
-Tout le monde n'est pas capable de risquer la vie de ses proches, assénai-je d'une voix presque tremblante. Surtout quand c'est déjà arrivé ... C'est humain ... Ce n'est pas parce que toi tu y arrives que tu as le droit de juger Simon de ne pas le faire. Il a déjà tellement perdu dans une guerre, tu peux comprendre qu'il ne soit pas prêt à tout risquer dans l'autre ?
-Je veux bien l'entendre, articula Renata, néanmoins avec une certaine réticence. C'est juste que de lui, je ne m'attendais pas à cette retenue. C'est tellement éloigné de la façon dont il a réagi au retour de Tu-Sais-Qui ... cette colère qu'il avait ... j'ai l'impression que tout a disparu.
Mais heureusement, faillis-je répondre. J'avais détesté cette colère, cette version sombre et amère de Simon, elle m'avait même terrifiée car elle changeait jusqu'à sa nature profonde. Mais je voyais parfaitement ce que Renata avait pu y voir. Un reflet aveugle de sa propre révolte. Elle me contempla une seconde, songeuse.
-Vous avez eues des trajectoires croisées, en fait, réalisa-t-elle. Sa hargne ... elle s'est déversée sur toi. Au moment où il se calmait, tu t'es radicalisée.
-Je ne me suis pas ...
-Et pourtant tu es là, fit remarquer Renata avec l'ébauche d'un sourire. Alors que je suis certaine que Simon m'aurait claqué la porte au nez.
Je n'étais pas certaine d'aimer ce que la conclusion disait de moi et ce fut pour cela que je fusillais Renata du regard. J'étais ce genre de personne à risquer la vie de ceux qu'elle aimait, après m'être échinée toutes ses années à les protéger, des autres et parfois même d'eux-mêmes ? M'étais-je une seule fois interrogée sur les répercussions que ma sortie pourrait avoir pour Simon ? Je pris une profonde inspiration pour tranquilliser mes nerfs.
-Arrête, ce n'est pas lui que je mets en danger en t'accompagnant. Lui, ça aurait pu se répercuter sur ses parents ou Susan, alors que moi je ne suis qu'une fugitive. Pourquoi tu penses que je veux qu'on prenne le bus jusqu'à Northampton ? Pour préserver ...
-Mesdemoiselles ?
Mes épaules se tendirent face à la voix qui s'élevait dans mon dos. La main enfoncée dans ma poche vint agripper ma baguette et ce ne fut qu'une fois fermement empoignée que je me tournais vers la jeune femme qui venait de nous interpeller. Elle s'était extraite du groupe d'homme qui venait d'investir le parvis et qui nous lorgnaient ouvertement dans son dos. La lueur d'excitation qui brillait dans leur regard arracha un frisson glacé sur mon échine.
-Excusez-moi, j'ai cru comprendre que vous alliez à Northampton ..., entonna-t-elle avec un sourire. Qu'est-ce qui vous y amène ?
Les rires de ses camarades vinrent ponctuer sa question et un frisson me parcourut l'échine. A côté de moi, Renata venait de retenir son souffle. La jeune femme adressa un regard ennuyé aux hommes derrière elle avant d'avancer d'un pas vers nous. Les cheveux court et blonds, un visage en lame de couteau et une fine bouche pincée, elle n'avait pas la mine des plus avenantes et son sourire avait quelque chose de sinistre.
-Je vais être plus précise, pardon.
Elle sortit de sa poche une petite carte violette et je reconnus, horrifiée, le seau du Ministère. Elle ne l'exposa pas assez pour que je puisse lire auquel contingent elle appartenait, mais la confiance avec laquelle elle remit sa carte dans sa poche indiquait une autorité certaine. Mais Merlin, qu'est-ce qu'elle fait ici ? gémis-je intérieurement, sidérée. La Brigade de Police Magique ? L'IRIS était loin, nous n'étions pas passées devant Trinity College ... Je n'eus pas le temps de me réfléchir davantage qu'elle poursuivait d'une voix nettement plus froide :
-Je repose donc ma question. Vous allez faire quoi à Northampton ?
-Vous êtes Auror ? rétorqua immédiatement Renata.
Inutile de faire semblant : s'ils nous avaient bien écouté, nos derniers propos prouvaient amplement que nous étions des sorcières. Mon cœur s'emballa dans ma poitrine et je laissai Renata faire un pas en avant en glissant subtilement devant moi, comme pour me masquer.
-Mandatée pour faire régner la paix, rectifia la femme avec un hochement de tête qui se voulait humble. Avec la bénédiction de notre bon Ministre. Alors, qu'est-ce qu'il y a à Northampton ?
-De la famille, prétendit Renata avec aplomb. Ma sœur.
La femme ouvrit la bouche en un « ah » de compréhension. Cela n'empêcha pas ses camarades de se déployer autour d'elle, remarquai-je, pétrifiée. Lentement, profitant que nos attentions étaient tournées vers elle, ils s'éloignaient de manière nonchalante et insidieuse jusqu'à opérer une forme d'encerclement.
-De la famille ... Oh vous me décevez ... moi qui m'attendais à des imprimeries ...
-Des quoi ? soufflai-je, choquée.
Même Renata laissa paraître un sincère étonnement. Cela ne parut pas attendrit la femme qui brandit subitement sa baguette sur le front de Renata. Nous dégainâmes d'un même mouvement en retour, mais nous ne fûmes pas les seules : chez les quatre hommes qui nous entouraient, les baguettes sortirent des manches, des poches, des capes pour se river une à une sur nous. Mon sang se figea dans mes veines et je les observai, une pointe de panique me transperçant la gorge.
-Vos papiers d'identité, ordonna la femme.
-Non mais ça ne va pas, se récria Renata, l'air indigné. Sur quelles bases vous vous permettez ... ?
-Deux sorcières dignes de ce nom de s'abaisseraient pas à prendre le bus. Sheffield, Turner, fouillez-les.
Deux de ses compagnons s'avancèrent et derrière l'écharpe je reconnus avec horreur l'assistant de Barjow et Beurk que j'avais pu croiser si souvent alors que je faisais le pied de grue devant la boutique. Mais surtout, que j'avais affronté dans la lande anglaise au moment de récupérer la poignée de porte convoitée par les Mangemorts pour mettre leur plan d'infiltration à Poudlard à exécution ... C'était bien lui, le garçon chétif aux cheveux bruns et au visage maigre et osseux qui s'avançait vers nous la baguette levée. Les doigts désespérément crispés sur ma baguette, je tentai de réguler ma respiration erratique. Du calme. Laisse-les faire, qu'est-ce que tu veux qu'ils trouvent dans tes poches à part des mouchoirs ? Laisse-les faire ...
Seulement, Renata ne semblait disposée à les laisser faire. Dès qu'ils furent suffisamment avancé pour être isolé du groupe, elle exécuta un vif mouvement du bras et un sortilège écarlate vit cueillir Sheffield en pleine poitrine. Fort heureusement, j'eus la présence d'esprit de tirer la mienne avant même de totalement comprendre ce qui se passait. Une lueur rouge du coup de l'œil et moi aussi je brandissais ma baguette pour voir le maléfice s'iriser sur mon bouclier, sans que je n'aie perçu s'il venait de Turner ou de la femme. J'eus à peine le temps de louer mes réflexes visiblement peu émoussés par le manque d'activité que je me retrouvais dos à dos avec Renata, la baguette fendant désespérément l'air à repousser toutes sortes d'attaque qui fusaient vers moi.
C'était du pur instinct, du pur réflexe. A six contre deux, je n'avais aucun moyen d'avoir l'esprit d'initiative, aucun moyen d'analyser la situation. C'était presque comme jouer à un jeu vidéo. Eclair rouge, parer. Lueur bleue à droite, parer. Eclat mauve à gauche, parer. Le pire dans tout cela était que ma gestuelle était inutile. Bouger, c'était exposer Renata dans mon dos qui me protégeait tout autant. Je percevais ses mouvements, elle m'effleurait, voire me heurtait par intermittence comme pour me rappeler sa présence. M'écarter, c'était la laisser prendre un maléfice.
-Toujours rien à cacher ? éclata la femme contre laquelle se battait Renata. Bien voyons ! Alors, comment c'était chez le Perroquet Noir ?
-Mais de quoi vous parlez ?!
J'eus la sensation que mon cœur creusait sa tombe, profondément, douloureusement dans ma poitrine. Les dessins se succédèrent dans mon esprit, avec la voix inquiète de Julian tonnant en arrière-fond et le cri désespéré de Joséphine : « On arrête tout ! ». Tout se recomposa en une phrase, une phrase urgente qui me transperça le cœur.
Noah. Seigneur, il faut que je prévienne Noah.
Comment ils avaient pu savoir ?!
La réalisation faillit me faire manquer un maléfice de Turner qui s'élançait vers mon front. Mue par un pur instinct de survie, je fis un pas de côté, inclinai la tête pour esquiver le trait de lumière écarlate ... qui alla frapper la main de Renata. Avec un cri de surprise, la jeune fille se retrouva désarmée : sa baguette lui fut arrachée à ses doigts et vint frapper la vitre du guichet. Loin d'en profiter, la femme se fendit d'une exclamation moqueuse :
-Tu seras peut-être plus raisonnable ! Enfin ma jolie, on n'est pas là pour faire couler du sang ... nous sommes en paix, qu'est-ce qui te prend de nous attaquer ?
La remarque ouvertement ironique arracha des rires à ses camarades. Toutes attaques avaient cessé : malgré ma baguette toujours pointée sur eux, Turner et son camarade ne ripostèrent pas et se contentèrent de me garder en joue avec une confiance débordante. Pourquoi ne l'auraient-ils pas ? Ils étaient cinq, un seul inapte au combat que Renata avait atteint d'un sortilège de stupéfixion, face à une seule armée. La précarité de la situation me sauta aux yeux et une angoisse sourde vint courir mes veines. C'est comme sur le toit ..., me répétai-je pour maintenir l'espoir. C'est comme sur le toit... et comme sur le toit, j'étais coincée. Avant que l'une de nous ne puisse bouger, Turner s'agenouilla et planta sa baguette dans le sol. Des éclairs bleus électriques en jaillirent, s'infiltrèrent dans les pavés avant de totalement s'y fondre et je sentis des entraves invisibles me lier au sol. Le transplanage n'était plus possible.
La panique rendait ma respiration sifflante et lorsqu'une main vint saisir la mienne, je faillis me dégager par réflexe – avant de comprendre que ce n'était que Renata, toujours dos à moi, toujours les yeux rivés sur ses propres adversaires. Sa prise avait quelque chose de désespéré : ses ongles s'enfoncèrent cruellement dans ma peau.
-Des Rafleurs, me murmura Renata d'un ton pressé. Victoria, ce sont des Rafleurs ...
Le peu d'adrénaline qui courrait mes veines faillit se tarir devant le mot que j'avais découvert de la bouche d'Emily. Les Rafleurs qui saccageaient son hôpital, les Rafleurs qui la terrifiaient plus que des Mangemorts ... Les Rafleurs à la recherche de fugitifs et de Nés-moldus contre un peu d'or. L'angoisse vint me compresser la poitrine à me couper la respiration. Attaquer, ça avait été me trahir.
-Ecoutez les filles, ce n'est pas vous qu'on veut, ajouta la femme d'un ton qui se voulait conciliant. Ce qu'on veut, c'est le Perroquet Noir et rien d'autre. Si vous collaborez, je suis certaine que la brigade sera magnanime ... après tous les temps sont durs, c'est facile d'embobiner deux jeunes filles comme vous pour faire la mule. C'est ça qu'il vous a demandé ? Vous transportez la maquette des tracts ou du journal pour l'impression ? Si ce n'est que du transport, ça peut s'arranger pour vous ... mais il faut nous livrer le Perroquet.
Les doigts de Renata se relâchèrent contre les miens et un tic nerveux les agita, comme animés par la réflexion. Je les pressai précipitamment, les presser jusqu'à que mes articulations crient grâce, les presser jusqu'à la douleur mais peu importait. Pitié, hurlait mon geste avec désespoir. Pitié, ne dis rien. Renata n'était pas idiote, elle avait dû percevoir les esquisses sur la table à manger ou le tableau dans le salon – assez pour comprendre que Noah était un artiste. La vie de sa sœur était en jeu. Combien pesait celle de Noah face à la sienne ?
Je ne pouvais pas lui laisser cette décision. Non, c'était impossible. Pas après tout ce que Noah et Julian avaient risqué pour moi. Je ne pouvais pas être la raison de leur chute ...
-Arrêtez, on ne connait pas ce toucan noir, prétendis-je en écorchant volontairement le nom. On va juste chez sa sœur, on n'a rien fait de mal ...
Ma voix était un peu éraillée, percée d'un soupçon de panique mais ce n'était pas pour desservir le propos. Qui ne paniquerait pas face à quatre baguettes braquées sur la tête ? Face à moi, je vis Turner froncer les sourcils et je détournai le regard, le cœur battant à tout rompre. Lors de notre dernière altercation, il faisait nuit et j'étais déguisée ... et pourtant j'avais cette sensation terrible qu'un rien pouvait me trahir. Un éclat dans les yeux, une expression sur mon visage, mon timbre, ma voix ... Ce que j'avais pu détester ma voix ce soir-là ...
-Alors pourquoi on vous a vu sortir de chez lui ? répliqua Turner d'un ton agressif.
-Vous délirez, assurai-je avec certitude.
Mais comment ils savent ?! Je devais me sortir de là. Me sortir de là et prévenir Noah. C'était ma nouvelle urgence : Mathilda attendrait. Noah, lui ...
-Surveille ton langage, ma belle, gronda la femme dans mon dos. On a nos sources.
-Mauvaises, visiblement.
Je faillis défaillir de soulagement face à la voix de Renata qui claqua l'air comme un fouet, sec et impitoyable. Je tentai de faire passer des remercîments d'une nouvelle pression, plus douce, mais elle se dégagea. Je devais lui avoir broyé les os.
-Je ne suis pas à l'aise avec le transplanage, c'est pour ça qu'on prend le bus. Votre Perroquet, je m'en fiche. Maintenant laissez-nous passer !
-Laissez-vous fouiller, rétorqua Turner. Prouvez que vous n'avez pas de tracts, allez !
-Jamais. C'est dans mon droit de refuser.
Mais Renata ! voulus-je hurler, moitié de frustration, moitié de désespoir. Puis cela me traversa l'esprit, comme un éclair lumineux mais cruel, que ses poches ne devaient pas être innocentes. Qu'elle devait avoir des plans du manoir Yaxley, des substances de la gamme sérieuse de Farces pour Sorciers Facétieux ainsi que des objets typiques d'une espionne de l'Ordre. C'était pour cela qu'elle avait attaqué. Se faire fouiller, c'était être découverte. L'autre homme face à moi poussa un grognement exaspéré.
-Bon, ça suffit, on n'a pas la nuit. Experlliarmus !
Mais je parai, comme je parai le maléfice pourpre de Turner une fraction de seconde plus tard. Derrière moi, Renata bondit et je me trouvais totalement libérée de sa présence. Lorsqu'un trait de lumière éclata au coin de mon œil, je pus esquiver. Je marchais dans les flaques d'eau, posai le pied sur les pavés glissants, envoyai un maléfice contre la vitre du guichet qui se brisa avec fracas, mais pas un sortilège ne m'atteint. Durant mon fol ballet pour échapper aux attaques, j'eus l'occasion de constater que Renata s'était jetée sur l'homme qu'elle avait stupéfixié pour récupérer une baguette. Son mouvement initial l'obligeait à se battre accroupie, un genou plongé dans une flaque et pourtant elle était parvenue à envoyer un sortilège cuisant à la femme dont le visage gonflait de façon grotesque. Mais à peine eus-je le temps de le voir que mes adversaires me rappelèrent à l'ordre d'un :
-Endoloris !
Affolée, je parvins à me baisser précipitamment pour éviter l'Impardonnable qui alla fracasser quelques briques derrière moi. Autour de moi, l'air s'épaissit et le silence nous figea tous une seconde, comme pour nous laisser apprécier l'escalade de l'affrontement. Mon souffle se raccourcissait : combien de temps tiendrais-je à ce rythme, à danser devant eux ? Du côté de Renata, des hurlements fendirent l'air mais je ne pus m'y intéresser car Turner attaquait de nouveau. Mais cette fois, seul : son camarade s'était déporté vers ma droite et le combat devint tout de suite plus égal. Plus lucide sans la pluie de lumière qui aveuglait mes sens, je n'attendais pas pour prendre les devants. Turner fut surpris de me voir avancer, encore plus lorsqu'un éclair jaillit de ma baguette pour plonger vers lui. Il para maladroitement, pris de court. La confusion se lisait sur son visage, comme s'il avait intégré que j'étais incapable de faire autre chose que parer.
Je t'ai.
Je déchainai le feu sur lui et toujours sans un mot. Non, j'avais les lèvres soudées, les dents serrées. Je voulais en finir au plus vite, finir, et aider Renata, finir et courir vers Noah pour lui donner une bonne claque pour le guérir de sa nonchalance. Impossible de remonter jusque toi, hein ? Dire que je t'ai cru ... Mais Noah arrivait au bout de la chaîne. Turner était ma priorité et reculait, paniqué par mes attaques soudaines alors que derrière un concert de voix indistinct m'éclatait les tympans.
-Confucio !
-Endoloris !
-Protego ! Protego !
-Experilliarmus !
-AVADA KEDAVRA !!
Je le perçus du coin de l'œil, le trait de lumière vert et glacé. Je le perçus presque plus que la baguette de Turner qui venait de s'envoler de ses mains et exécutait un gracieux arc de cercle vers moi. Le geste instinctif était de lever le bras et de faire confiance aux réflexes de la joueuse de Quidditch pour la saisir triomphalement, acter que l'on avait vaincu l'adversaire. Mais là, la baguette me frôla, effleura mon épaule alors que je pivotai lentement, trop lentement, bien trop lentement et être spectatrice de cet éclair destructeur qui alla frapper le dos de Renata.
Cela se déroula très vite et pourtant les secondes n'auraient pas pu être plus longues. Elles s'écoulèrent à l'infini alors que la bouche de Renata s'ouvrait, qu'elle était projetée dans les airs où elle s'éleva presque gracieusement. Sa capuche fut arrachée, ses mèches brunes se dégagèrent de son visage et l'ouïe me revint sous la forme d'un craquement atroce lorsqu'elle se fracassa contre le sol, le visage dans une flaque et ses lunettes brisées dont le verre s'éparpilla sur les pavés. Une seconde plus tard, l'eau se teintait de la couleur écarlate qui coulait de son nez.
La chute n'aurait pu être plus brutal. Je la sentis jusqu'au plus profond de mon être. Je la partageais, sauf que contrairement à Renata, je chutais encore, je chutais de façon si vertigineuse que les poumons s'ouvrir en un cri que mes lèvres figées furent incapables d'articuler. Mon corps avait rendu l'âme lorsque les lunettes avaient été brisées. Impuissants, incrédules, inutiles, mes doigts laissèrent tomber ma baguette qui alla rouler jusqu'à la flaque d'eau écarlate.
Elle est morte.
La réalité trembla en moi comme une ondulation à la surface d'un lac. Les vaguelettes s'éloignèrent de l'épicentre pour atteindre toutes mes terminaisons nerveuses, chaque recoin de mon être avec chaque fois moins d'intensité. Autour de moi, le monde s'était mis à bouger et pourtant j'étais incapable de me mouvoir, pas même lorsque Turner m'attrapa brutalement à l'épaule. J'aurais dû crier, hurler, bouger. Mais j'étais toujours paralysée par la vision de cette immense tache de sang qui n'ondulait plus sous aucun souffle et par le verre éclaté sur les pavés.
Elle est morte. Seigneur, elle est morte.
Autour de moi, le monde vivait. Les voix s'envolaient, les gestes m'effleuraient mais rien ne parvenait à mon intérieur glacé.
-Fouille-la ! Si on trouve des tracts ou la maquette du journal, on pourra coincer ce fichu Perroquet Noir ...
-Comment tu peux être sûre qu'il vit dans cet immeuble ? On le surveille tous les jours depuis Nouvel An et à part ce prof, personne n'y rentre !
-Je le sais, c'est tout. Je tiens le tuyau d'une journaliste de La Gazette qui a travaillé avec lui, il y a longtemps ... ce dessin, c'est tellement son style d'après elle... si vulgaire ... Mais la Brigade ne nous écoutera pas si on n'a pas de preuve. Alors trouvez-moi ces tracts ! Un Perroquet Noir, ça peut payer gros !
-Hum ... Tiens, des parchemins ... Pierre d'obscurité ... cape d'invisibilité ... Non, Jane, pas de tracts.
-Un article de journal ? Un dessin ?
-Non, juste des plans ... juste des plans ...
Justes des plans. Les mots tournèrent en boucle dans mon esprit, toujours figé sur Renata face contre terre. Justes des plans. Des plans tombés à l'eau comme elle, la tête la première, des plans baignés dans une flaque, des plans qui se dissolvaient dès l'instant qu'ils touchaient la réalité. Nous n'avions même pas eu le temps d'avoir un plan. Toute tentative, telle qu'elle était, avait été réduite à néant. Pourquoi me tenais-je ici, déjà ? Pourquoi ces hommes s'agitaient autour de moi, qui étaient-ils pour toucher Renata, la repousser sur le dos, lui arracher son manteau et faire valser le contenu de son sac ? Qui étaient-ils ?!
L'indignation sourde et aveugle alluma une mèche en moi, réchauffa mes sens et embrasa mon esprit. Ma vision s'ouvrit dans son ensemble, bien que centrée sur le corps de Renata. Mes lèvres s'agitèrent compulsivement, bien avant qu'un son ne puisse en jaillir :
-Non. Non, non. NON !
A mon cri, je tentai de me dégager de la prise de Turner qui me meurtrissait l'épaule. Avec un glapissement, il voulut me retenir par ce qu'il pouvait : une poignée de cheveux et la chaine dorée qui s'enfonça cruellement dans ma chair lorsque je me ruai. La douleur ne fit que me réveiller davantage, me rendre plus lucide sur les derniers moments et sur l'avenir qui se profilait. J'eus conscience des larmes, j'eus conscience de la souffrance qui irradiait mon âme et mon corps et pourtant je tirai comme une folle, comme un cheval fou décidé à ne pas se faire monter jusqu'à ce qu'enfin les rennes cèdent. Le fermoir se brisa et je fus libérée de la bride.
Mais ça ne devait pas être. Parce qu'à peine faisais-je volte-face les poings serrés, le cœur battant d'un irrépressible instinct de survie, une brûlure au niveau du torse vint m'arracher un cri. Je trébuchai contre le pavé inégal et là mes forces me lâchèrent : je m'écroulai, comme un pantin auquel on aurait coupé les fils et plongeai dans l'inconscience avec comme dernière vision qui s'imprima dans ma rétine le regard vide de Renata qui plongeait dans un nouvel univers.
***
Je n'ai jamais dit que c'était un chapitre qui allait vous remonter le moral.
LA vous avez le droit de me détester.
(J'accuse également Anna', qui quand on a discuté de qui devrait mourir dans O&P disait non à tout le monde, sauf à Renata "Ah, elle vas-y, tu peux la tuer !")
Non mais de manière plus raisonnée, c'était presque son destin. C'est presque cliché, une telle fin pour Renata. Vraiment je ne voyais pas d'autres issues possibles pour une fille comme elle. Pour elle, c'est vaincre ou mourir. Elle ne pouvait pas gagner à chaque fois ...
La bonne nouvelle, c'est que vous aurez la suite dans une semaine ! La mauvaise, c'est qu'on entre pas dans la phase la plus joyeuse d'Ombres et poussières ...
Bon, je vais pas vous demander si vous avez aimé le chapitre, je ne suis pas sadique à ce point. Des personnes demandaient de l'action et il y en a eu même pour trouver la partie IV un peu calme ...
A la semaine prochaine les enfants !
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