IV - Chapitre 16 : Un parfum d'avant
Hello again my darlings <3
Déjà une bonne et heureuse année à tous.tes ! Qu'elle soit riche d'accomplissement, de bonheur et de belles choses, je vous souhaite sincèrement le meilleur pour 2023 !
J'espère que votre reprise s'est bien passée ! Une petite pensée pour les étudiant.es qui ont des partiels en janvier, force à vous !
Bon j'arrête ici pour le blablatage, l'intro sera déjà bien assez longue - j'en suis désolée d'avance : j'ai une petite mise au point à faire concernant le chapitre précédent !
Hé les speedy-gonzales de la lecture, prenez le temps de lire le point suivant !
ALORS. Je vais peut-être enfoncer des portes ouvertes, mais ça me semble important de faire une petite mise au point au vu des réactions au dernier chapitre.
J'ai cru comprendre qu'il y avait des incompréhensions concernant la 1re partie du chapitre précédent où Vic et Simon sont ... sous la couette, dirons-nous. En gros, j'ai senti cette question muette (parfois pas tant que ça) : sont-ils allés jusqu'au bout ?
Je suis extrêmement mal à l'aise avec cette question.
Définissez-moi « jusqu'au bout », un peu ?
Je vais parler en terme clinique. Pour moi, relations intimes, sexe, plaisir ne signifie en rien pénétration. L'idée de « première fois » n'a vraiment aucun sens pour moi. Réduire le sexe à ça, ça me dérange profondément.
Pourtant j'écris dans une époque où tout ça a un sens et où je suis bien forcée de suivre les étapes classiques. Non, il n'y a pas eu pénétration, je l'aurais notifié quelque part comme je l'ai fait pour Miles. Ça n'a pas de sens pour moi, mais ça en a pour Victoria donc j'en aurais fait autre chose, quelque chose de moins random. Surtout que, même si je refuse de hiérarchiser les pratiques, j'admets la pénétration ça reste quelque chose à un peu à part pour lequel on doit se préparer émotionnellement, mentalement et physiquement. Ça je le conçois totalement et j'en aurais eu un petit mot.
Là, on est resté sur quelque chose de fluide et naturel. On est resté sur la caresse. D'où d'ailleurs l'idée des mains qui revient (dans la pique de Vic', comme dans la dernière phrase du paragraphe). Pour autant LES MAINS SUFFISENT (et mon Dieu, suffisent bien, vraiment ! C'est loin d'être une sous-technique). Voilà pourquoi ils sont éreintés tout étourdis après. C'est aussi ce que je voulais montrer, en accord avec ma conception de la sexualité.
Oui, ils ont eu des rapports intimes. Oui, c'était du sexe. Non, je n'aime pas non plus le terme de préliminaire, mais si vous voulez, oui on se situe sur ça. Mais les préliminaires sont des rapports sexuels en temps que tels. Egaux de la pénétration que la société a mis sur un piédestal (On se demande pourquoi ... patriarcat, tout ça tout ça, vous connaissez les bails). Et oui !
Alors je suis désolée pour les confusions, je pensais avoir mis les précautions oratoires avec le champ lexical (ET NON ANNA TU NE M'AS PAS DIT QUE C'ETAIT CONFUSANT. Mais bon, y'avait Oh ! Darling et du Nolian juste après : je pense que ça a supplanté le Simoria dans le vocal).
Pour celle.eux qui déploreraient que ça prenne du temps, attardons-nous sur le cas Simon. Alors c'est drôle parce qu'il s'est totalement construit contre mon gré, au fil de sa personnalité et de son rapport au physique, mais maintenant qu'il est construit je suis pleinement capable de vous dire que Simon se situe dans le spectre de l'asexualité. Le terme exact pour lui est même demi-sexuel, à savoir capable d'éprouver du désir que pour une personne pour qui il a des sentiments très forts. (Bon, on peut clairement aller plus loin en disant qu'il est Victoriasexuel ce garçon : les rapports intimes de l'intéresse que c'est parce que c'est Victoria. Ce serait avec n'importe qui d'autre, il s'en battrait les reins).
DONC avec un garçon pareil qui, vous l'avez compris je pense, a des insécurités et des appréhensions folles (+ une mauvaise expérience), on est obligé de faire doucement. Victoria l'a parfaitement compris et s'adapte totalement à ses envies. Rien n'est naturel pour Simon : même si le désir monte, il doit faire sauter des verrous intérieurs et ça demande de s'attarder sur chaque étape. Pour se rassurer, pour comprendre, pour prendre ses marques.
Maintenant, si ce rythme va très bien à Victoria, c'est aussi que même pour elle, elle ne veut pas brusquer les choses. Elle a eu un rapport, avec Miles, qui commence en plus à remonter. Ça ne fait pas d'elle quelqu'un d'expérimenté, loin de là, d'autant que j'incite toujours pour dire qu'avec Simon, elle a la sensation de reprendre de 0. D'autant que leur parcours n'était parfois pas idéal pour ce genre de préoccupation (vous admettrez que depuis la fin de la P3, c'est assez chaotique pour eux deux). Ne leur mettez pas la pression, d'accord ? L'important, c'est d'être en accord avec son rythme et ils le sont.
Peut-être que vous ne vous y retrouvez pas personnellement : je comprends, et ce n'est pas grave. Moi, je m'adapte à mes personnages et je me retrouve totalement dans les problématiques. (La pression ... brr).
Encore une fois, j'enfonce clairement des portes ouvertes. Mais ça me semblait être un rappel nécessaire ! Peut-être que ça vous aidera à mieux comprendre comment je gère mes personnages sur ce plan très précis.
Merci de m'avoir écouté ! Maintenant je vous laisse avec le chapitre. Il n'a peut-être pas un intérêt fou, mais je l'avais en tête depuis le début alors j'espère qu'il vous plaira tout de même ! Bonne lecture !
***
Il meurt lentement
Celui qui ne voyage pas,
Celui qui ne lit pas,
Celui qui n'écoute pas de musique,
Celui qui ne sait pas trouver grâce à ses yeux.
- Il meurt lentement
Pablo Neruda
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Chapitre 16 : Un parfum d'avant.
-« Soutenir les Mangemorts vous mènera à la mort » ?
Perchée sur un escabeau, occupée à entortiller les guirlandes autour des barres de rideaux, je jetai un regard dépité à Noah. Il était avachi sur le fauteuil, un calepin sur les genoux et mordillai son crayon tout en critiquant mes décorations de Noël. Pour lui faire comprendre tout le mal que je pensais de sa proposition, je lui lançai une boule à la figure. Elle l'atteignit sur le sommet de crâne et il y porta la main en me jetant un regard noir.
-Tu n'étais pas journaliste dans une autre vie ? le tançai-je. Tu n'es pas censé avoir une certaine expérience des slogans, des titres ?
-Je suis un homme complexe qui aime disserter sa pensée sur des pages et des pages et dont les concepts sont difficiles à résumer, prétendit Noah avec suffisance.
Je levai les yeux mais à dire vrai, cela me surprenait à peine. Il n'y avait qu'à voir comment Noah dessinait pour comprendre que c'était une personne qui s'éparpillait facilement : d'abord il commençait une caricature pour le journal, puis revenait à un tract pour l'Ordre, puis me représentait en train de lire près de la fenêtre, puis revenait au journal. Il était loin de l'esprit de synthèse que demandait la conception de phrases courtes et percutantes.
-Il faudrait profiter de Noël, enchéris-je en accrochant une étoile argentée à la guirlande. C'est la période d'espoir par excellence, celle de la bonne humeur et de l'insouciance ...
-On est encore début décembre, tu sais. Et on n'a pas franchement un temps de Noël ...
D'un même élan, nous jetâmes un coup d'œil blasé aux gouttes glacées qui recouvraient la vitre. La pluie venait de cesser après une semaine à marteler les toits, à insinuer froid et humidité dans l'air et dépression dans les cœurs. C'était le premier morceau de ciel bleu que j'apercevais depuis des lustres. Il m'avait tant pris de court que je l'avais contemplé pendant cinq minutes, rêveuse.
-Raison de plus pour le rappeler aux gens, rétorquai-je dans un soupir. Et, et aussi de rappeler que Noël, c'est le moment idéal pour faire une bonne action.
-Et Nouvel An les résolutions, me suivit-t-il, intrigué. Il y a un filon à creuser, je l'admets ...
-Heureusement que je suis là ...
-Et malheureusement que tu décores mon appartement. Sérieusement, c'est comme ça qu'on t'a appris à mettre les guirlandes ?
Les mains pleines de boules de Noël, je plissai les yeux à l'adresse de Noah. Il aurait dû se méfier de mon regard, mais il était trop occupé à ricaner tout en griffonnant dans son calepin. L'attaque de guirlande que je venais d'ensorceler d'un mouvement de baguette silencieux le prit complètement au dépourvu : il eut à peine le temps de glapir qu'il se retrouva entravé par des serpentins aux couleurs chatoyantes et de fils munis de petites ampoules clignotantes. Assise sur l'escabeau en retenant mon rire devant la mine indignée et les tentatives de Noah de se dégager de sa camisole festive, j'ajoutai des boules et des anges à mon arbre de Noël improvisé. Julian passa la porte au moment où un sucre d'orge se plantait derrière l'oreille de Noah en lieu et place de son crayon et explosa de rire.
-C'est mon cadeau avant l'heure ? devina-t-il en essuyant une larme que l'hilarité lui avait arraché.
-Je n'ai pas encore de sapin, je fais comme je peux pour planter le décor, éludai-je avec un adorable sourire.
-Jules ! Libère-moi et venge-moi !
Julian planta ses dents dans sa lèvre pour réprimer son rire et défit mon enchantement d'un geste souple. Je lui jetai un regard ennuyé alors que Noah s'asticotait pour se défaire de chaque guirlande.
-Mais !
-Mon sauveur, haleta Noah en se débarrassant du sucre d'orge sur son oreille. Merci Jules. Elle m'a prise en traitre.
-Il se moquait de mes décorations !
Julian jaugea mon œuvre, les pères Noël que Noah avait esquissés et animés magiquement aux fenêtres, la profusion de serpentins et des guirlandes aux fanfreluches d'une teinte tapageuse et presque agressive pour la rétine qui s'enroulaient autour de la barre d'escalier et aux poignées de porte, du renne de fer forgé que j'avais ensorcelé et qui se baladait librement dans le salon. Cela faisait une belle éternité que je n'avais plus fait autant de travaux pratiques magiques et je m'y étais reprise à trois ou quatre fois pour réussir l'enchantement.
-On est dans l'ambiance au moins, esquiva Julian. Est-ce que le Rodolphe le renne peut aller se promener ailleurs ?
-Vous avez une sacrée manie de nommer chaque objet, fis-je remarquer en cessant l'enchantement.
-Tout a commencé avec Albert le Chaudron. En parlant de ça, il faudrait peut-être rentrer Hortense la Géranium avant qu'elle ne gèle pour de vrai dehors ... Au fait Jules, tu rentres tôt, non ?
Je remarquai alors la façon dont il avait placé son calepin sous sa cuisse et son geste pour tirer ostensiblement un coussin pour le dissimuler totalement. Noah ne faisait aucun mystère de ses activités à Julian : simplement, il préférait ne pas les agiter constamment devant son nez pour le ménager. Le professeur se défit patiemment de son manteau d'hiver pour révéler un pull frappé du sceau de l'université d'Oxford. J'ignorai s'il s'était baladé dans l'IRIS avec un tel sigle moldu, mais c'était un sacré signe de résistance pour quelqu'un qui espérait ne pas attirer l'attention sur lui ...
-J'avais cours de huit à dix ce matin, je ne reprends pas avant quatorze heures ... Au fait Victoria ... (Il ouvrit un tiroir). Tu as le permis ?
-De transplanage ?
-De voiture.
Je cillai, surprise.
-Euh ... Non. Mais je sais conduire, mon père m'a appris.
Julian parut sceptique face à mes explications et me contempla longuement, un objet dans la main. Noah le gratifia d'un regard incrédule.
-T'es sérieux ? Qui conduit sans permis depuis plus de quinze ans ? Qui a jeté un sortilège de confusion à un policier qui nous contrôlait ?
-J'ai pris des leçons officielles, protesta Julian en bombant le torse. Mon instructeur a dit que j'étais prêt à être lâché, c'est au moins ça.
-Ton père t'a dit que tu étais prête à être lâchée ? s'enquit Noah à mon adresse.
Je les considérai, un peu perplexe. Pour être parfaitement honnête, les leçons remontaient un peu : il m'enseignait depuis mes seize ans pendant les vacances et de façon plus assidue depuis que j'avais quitté Poudlard, mais il y avait bien six mois que je n'avais plus touché un volant et surtout je n'avais pas pris le temps de passer le permis.
-Euh j'ai déjà conduit seule pour ramener mes grands-parents chez eux ...
-Et tes grands-parents sont encore en vie ?
Je fusillai Noah du regard mais il m'ignora pour pivoter vers Julian et me désigner avec un grand geste.
-C'est bon, file-lui tes clefs qu'on puisse retirer toutes ses guirlandes.
-Hé ! Quoi ?
Ma protestation fondue dans l'incompréhension arracha un ricanement à Noah. Julian ne paraissait pas particulièrement rassuré et pourtant céda avec un soupir. Il ouvrit le poing et le cliquetis de clefs de voiture sonna immédiatement dans mon oreille. Il me les tendit, une expression réservée peinte sur son visage.
-Vous faites très attention, me prévint-t-il, visiblement un peu inquiet. Fais quelques tours sur le parking à côté histoire de reprendre la main.
-Attends ... Tu veux que j'aille faire un tour avec ta voiture ?
-Et que tu y fasses attention comme la prunelle de tes yeux, j'y tiens, insista Julian.
-Il tient surtout aux dessins, glissa subtilement Noah.
Julian le fit taire d'un regard avant de me chasser avec de grands gestes.
-Allez, oust avant que je ne change d'avis ! Va te couvrir, ça caille dehors – surtout tes cheveux et relève ton écharpe jusqu'aux yeux !
Un lent sourire s'étira sur mes lèvres et je saisis d'un geste rapide les clefs avant que Julian n'ait pu songer à m'en priver. Incrédule, je scrutai le logo logé dans un cercle composé d'une croix rouge qui ressemblait à s'y méprendre avec celle de St-George et d'un serpent.
-Alfa Romeo ? lus-je.
-Que tu-veux, les artistes aiment l'Italie, soupira Julian en s'efforçant de sourire. Joyeux Noël en avance, Vic'.
-Et surtout, n'oublie pas le frein à main !
Je ne leur laissai pas l'occasion de changer d'avis : mon cœur s'était mis à tambouriner dans ma poitrine dès que les clefs furent entrées en contact avec ma peau. Ni une, ni deux, je montai me vêtir correctement de ma veste, d'une épaisse écharpe et d'un bonnet beige – plus neutre que celui aux couleurs de Poufsouffle qui avait eu ses années de gloire à Poudlard. Julian et Noah n'eurent le loisir de voir une silhouette bondissante et emmitouflée à souhait traverser leur salon avec impatience. Je dévalai les étages si vite qu'en me réceptionnant sur l'une des plateformes j'eus peur de me casser une cheville. J'arrivai exaltée et essoufflée, et mes poumons en prirent encore pour leur grade lorsque j'ouvris la porte de l'immeuble. La petite appréhension que j'avais pu avoir à l'idée de mettre le nez dehors fut balayée par un mélange d'hilarité et de désespoir qui se traduisit dans un cri :
-Mais non !
Simon m'ouvrit largement les bras, adossé à l'Alpha Roméo grise aux lignes anguleuses garée devant le trottoir. Mais malgré les clefs qui brûlaient dans mon poing, ce n'était pas elle que je regardais mais l'infâme masse orange qui couvrait les cheveux blonds de Simon.
-Comment ça tu n'es pas heureuse de nous retrouver, moi et mon légendaire bonnet ? fit-il mine de s'indigner sans pouvoir retenir un éclat de rire.
-Tu veux dire ton bonnet hyper reconnaissable qui hurle à la face du monde « je suis Simon Sirius Bones et la petite à côté de moi doit certainement être Victoria Bennett » ?
Par une prudence brusquement éveillée, je remontai mon écharpe jusque mon nez, de telle sorte à ce que seuls mes yeux dépassent. L'air glacial qui me piquait la cornée justifiait bien assez une telle couverture. Simon secoua la tête d'un air désabusé et enfonça ses mains dans les poches de son manteau.
-Bien essayer petite crevette, mais tu ne m'arracheras ce bonnet que quand je serais mort. Tu nous ouvres ? Je meurs de froid.
-En même temps ton bonnet a plein de trous.
Simon ne me répondit que par un grognement et j'insérai la clef dans la portière de la voiture. Je me plaçai à la place du conducteur avec un immense sourire et ne perdis pas de temps à faire les réglages rituels. L'intérieur était impeccable, à l'image de Julian : pas une rayure, pas une miette, pas un mouton de poussière. J'eus même des scrupules à faire pivoter ses rétroviseurs intérieurs et extérieurs.
-On va où ? demandai-je dès que Simon m'eut rejoint dans l'habitacle. Gloucester ? Dans la campagne ?
-Si c'est la campagne que tu veux, tu vas être déçue ... je pensais plutôt à Londres.
Je m'apprêtais mettre le contact et suspendis totalement mon geste, subitement paralysée. Mon sourire se figea sur mes lèvres et je me redressai pour juger Simon du regard. Il n'avait même pas tourné les yeux vers moi : il avait ouvert une carte routière sur ses genoux et soufflait dans son écharpe, comme pour se réchauffer.
-Euh ... Il y a deux semaines tu m'as démoli parce que j'étais sortie dans le centre-ville d'Oxford et là tu proposes qu'on aille à Londres ?
-Hum ... Disons que quitte à te laisser sortir, je préfère être là. Et que ça en vaille la peine. Tu n'avais pas envie de faire le British Museum ?
Bien sûr que j'en avais envie. Cela m'avait frappé l'an dernier alors que je n'avais le temps de rien : à chacun de mes passages, je n'avais fait qu'effleurer la capitale sans même l'explorer. Mes déambulations dans Oxford m'avait bien rappelé à quel point j'avais une âme de touriste. Simon faisait appel à une part de moi bien trop frustrée et aventureuse pour qu'elle ne bondisse pas au son de sa voix et pourtant j'hésitais encore, les doigts sur le contact sans l'activer.
-Londres, c'est pas là qu'il y a le Ministère, St-Mangouste, la moitié des résidences de Sang-Pur et tout ce que je devrais éviter ? murmurai-je avec prudence.
Simon quitta la carte routière des yeux pour les poser sur moi. Sur son visage loin d'être parfaitement serein, je vis une inquiétude en miroir de la mienne et pourtant lorsqu'il pressa mes doigts de sa main glaciale, sa prise avait quelque chose d'apaisant.
-Alors heureusement que l'Ordre nous a appris où se trouvait chacun d'entre eux pour qu'on puisse les éviter. Je suis allé faire du repérage cette semaine : honnêtement, même moi je suis forcé d'admettre que ce serait un sacré miracle que quelqu'un te repère au milieu d'une foule aussi dense que dans le centre historique de Londres ... Avec ton écharpe et ton bonnet ... Bon sang, Londres c'est presque sept millions d'habitants, s'ils ... (Il serra mes doigts). Mais si tu ne le sens pas, on va faire un tour au milieu de la campagne.
Sept millions. Le nombre m'étourdit un instant. Les Mangemorts seraient bien aise de distinguer une petite sorcière enveloppée sous la laine au milieu de sept millions d'habitant ... surtout qu'ils ne me cherchaient pas. Officiellement, j'avais pris la suite de l'autre côté de l'Atlantique et quand bien même, j'étais une pauvre fugitive au milieu de tant d'autres ... Les arguments s'alignèrent dans mon esprit et desserrèrent l'étau sur ma poitrine. Je trouvai même la force de sourire à Simon.
-Ils n'ont pas le British Museum à la campagne.
Et avant que la peur de me paralyse à nouveau, je récupérai ma main pour mettre le contact et enfoncer la pédale d'accélérateur. Un petit rire me parcourut lorsque du coin de l'œil, je perçus Simon agripper sa ceinture et se caller au fond de son siège, les traits brusquement crispés par un soupçon de panique alors que la rue défilait à une vitesse inhabituelle pour lui.
-Euh ... je réalise brusquement que c'est la première fois que je monte en voiture avec toi.
-Et peut-être même que tu montes en voiture tout court, non ? hasardai-je en prenant prudemment un virage.
Simon hocha vigoureusement la tête et cette fois je m'esclaffai ouvertement. La conduite faisait naître en moi un mélange d'esprit de liberté et d'exaltation. Ce n'était pas simplement le fait de sortir : l'intimité de l'habitacle me donnait un sentiment de sécurité presque étourdissant et la façon dont je glissai au milieu des maisons avait quelque chose de presque magique.
-Tu peux mettre de la musique si tu veux, proposai-je après être restée concentrée pour sortir du centre-ville. Je suis sûre que Julian doit avoir un millier de cassettes des Beatles ...
-Oh par pitié ...
Il ne s'en pencha pas moins sur la boite à gant avec une certaine appréhension, comme si quitter la route des yeux pouvait provoquer une catastrophe. Un sourire ourla mes lèvres. Simon détestait ne pas contrôler. A fortiori un moyen de transport.
-C'est vraiment parce que le transplanage est repérable par le Ministère et que le bus était loin d'être aussi excitant, marmonna-t-il, des cassettes pleins les mains. Bon ce sera ça ...
Après avoir patiemment étudié le poste radio de l'Alpha Romeo le nez froncé, il finit par insérer la cassette et des notes rythmées et entêtantes à en donner le sourire s'exfiltrèrent en hurlant de la radio. Mes yeux s'agrandirent face à la route.
-Julian écoute ABBA ?
-Il faut croire ...
-Tu écoutes ABBA ?
-Pas forcément, se défendit Simon, flairant la moquerie. Mais j'ai besoin d'un truc joyeux et entrainant pour oublier que je viens de te mettre entre les mains le meilleur moyen de tenir une promesse vielle de dix-huit ans.
-Laquelle donc ?
-« Je vais te tuer, Bones ». Je suis sûr que c'étaient tes premiers mots, il faudra qu'on demande à tes parents quand ils reviendront.
Malgré la mention à mes parents propre à me plonger dans la mélancolie, je pouffai. Les panneaux « Londres » étaient légions et sans indications de la carte routière je parvins à quitter la ville, rassurée par des réflexes qui revenaient. Comme le vélo et le balai, la pratique de la conduite semblait ancrée physiquement une fois acquise ... Pour autant, Simon ne se détendait pas. Face à la ventilation qui lui rougissait les joues, il avait retiré son bonnet. L'électricité statique avait dressé ses mèches d'un blond sombre qui tirait vers le châtain avec le manque de luminosité en des épis désordonnés sur sa tête. Il tenta tant bien que mal d'y mettre de l'ordre en s'observant dans le rétroviseur.
-Non mais c'est une blague ? s'exclama-t-il en redressant la tête. Ils ont même dessiné sur le toit, mais ils ne peuvent pas s'en empêcher ! Non, ne regarde pas, regarde la route !
-Le feu est rouge, Simon.
Je repoussai sa main qui voulait fermement me tourner le visage vers le pare-brise et étirai le cou pour apercevoir que tout le haut de l'habitable était recouvert d'esquisses tracées au feutre noir – celui que Simon venait d'extraire de la boite à gant dans la foulée des cassettes. J'eus le temps de distinguer le style caractériel de Noah et celui plus poétique de Julian avant que Simon ne tapote frénétiquement mon épaule.
-C'est vert, indiqua-t-il nerveusement.
-Bones, regarde les dessins au lieu de regarder ma conduite, sinon je vais t'assommer.
-Tu ne me rassures pas, là. Au fait, je t'avais dit que c'était Julian qui avait offert le bonnet à Matthew ?
L'information faillit me faire caller au milieu de la fille de voiture. Fort heureusement, l'Alpha Romeo semblait être docile, patina, brouta, mais s'élança tant bien que mal pour dépasser le feu vert. Simon me lorgna l'air soupçonneux.
-On aurait pu le deviner, articulai-je avec lenteur, prise au dépourvu. Lui ou Charity Burbage ... Il ... il t'a dit ça quand ?
-Quand vous attendez, Noah et toi. Quand vous êtes sortis. Une drôle d'histoire. Mais tu vois que j'ai eu raison de ne jamais le jeter ? C'est un cadeau de Julian, tu n'as plus rien à dire dessus !
-A part m'apprendre que Julian a un goût douteux en matière de mode, ça ne m'oblige à rien, minus.
-C'est un stop ! glapit-t-il en se dressant sur son siège.
-Simon, calme-toi ou je te balance dehors !
-Mais tu ne ralentis pas !
-Parce qu'il me reste cent mètres !
Mais il continua de râler jusqu'à ce que mes roues s'immobilisent et je me retrouvais à répondre à mon agacement croissant en écrasant l'accélérateur une fois sur la belle route qui nous menait à Londres. Simon pâlit, se recroquevilla sur son siège puis se mit immédiatement à tempêter une fois habitué à la sensation de vitesse. En rien de temps, nous avions atteint des décibels plus jamais atteint depuis nos grandes disputes de l'époque de Poudlard et quelques minutes avaient suffi à me rappeler que malgré tout l'amour profond et inébranlable que j'avais pour lui, j'étais capable d'étrangler Simon Bones à mains nues. Pas de doute : j'étais de retour dans le monde réel.
***
-Comment ça, revenu chez Bill ? Attends, il était où avant ?
Mon écharpe de nouveau remontée jusque mon nez pour me protéger du froid – et préserver mon anonymat – étouffait ma voix et au milieu du brouhaha ambiant de la ville. C'était difficile pour moi de regarder où je marchais : je dévorais les lieux du regard. Après une promenade le long de St-James Park, nous faisions le tour de Trafalgar Square et j'avais du mal à détacher les yeux de la somptueuse Colonne de Nelson et du fronton majestueux de la National Gallery. L'air était encore frai et chargé d'humidité, mais le temps clair et découpait irrésistiblement les contours de marbre blanc. Comme la première fois qu'il m'avait amené à l'IRIS, Simon était forcé de me guider comme une aveugle en me tenant fermement par le coude dans une prise plus agacée que tendre. Il n'avait pas digéré que, par quête de sensation forte qui me manquaient depuis que j'étais sevré de Quidditch, j'aie largement dépassé les limitations de vitesses sur la grande route qui reliait Oxford à Londres.
-Ron n'a rien voulu dire à Bill, répondit Simon d'un ton morne. Et Ron a rougi comme un souafle lorsqu'il m'a vu à la Chaumière aux Coquillages. Fleur ne m'a pas laissé repartir sans que j'aie promis cent fois de ne pas lâcher le morceau, à personne. Après tout, ils savent où tu es, eux, Remus les avait prévenus ... ça fait un partout ...
J'acquiesçai distraitement, déçue de quitter la belle place – mais le pas vif de Simon ne me laissait que très peu de choix. Nous avions déjà énormément flâné devant la façade de Buckingham palace – où la reine n'était pas, avais-je compris tristement en avisant le drapeau baissé – puis dans St-James Park où Simon avait failli être attaqué par un écureuil. Mon rire aurait pu ameuter toute une bande de Mangemort.
-Il y a dû arriver quelque chose de ... j'en sais rien, grave pour qu'il parte, estimai-je après avoir graver les bas-reliefs de la Colonne de Nelson une dernière fois dans ma mémoire. Je veux dire ils étaient inséparables ... pour qu'il les laisse là, dans ce contexte ...
-Tu sais Vicky, c'est le lot des grandes épreuves comme celle-ci ... ça peut soit rapprocher ... soit déchirer. Peut-être qu'il ne s'est rien passé de particulier ... peut-être que c'était juste trop pour lui. Ils ne sont pas obligés d'être tous des héros ... c'est lourd à porter comme responsabilité lorsqu'on a dix-sept ans...
-Des héros ? répétai-je en le toisant, la mine dubitative. Tu continues de croire que le directeur lui a confié une mission ?
Malgré la foule dense qui nous entourait et selon toute vraisemblance (vêtement, accessoire, empressement) moldue, je m'efforçais de masquer mes propos. La réflexion ralentit le pas de Simon et j'enroulai mon bras autour du sien. Ma main gelée en profita pour plonger dans sa poche de manteau où il avait logé la sienne pour la préserver de l'air glacial.
-Je ne suis pas le seul à le croire, tout le monde le croit, argumenta Simon avec sérieux. Bill, Remus ... tout le monde murmure qu'il a laissé des instructions à Harry.
-Mon grand-père pensait que le directeur était sur une piste, concédai-je avec réticence. Une piste pour trouver le « talon d'Achille » de Tommy. Mais pourquoi il l'aurait confié à un garçon de dix-sept ans ? Je n'arrive pas à comprendre ...
-Peut-être qu'il n'y a rien à comprendre, Vicky. Tu te souviens de l'article de Skeeter dans le Chicaneur ? Celui ...
Il laissa sa phrase en suspens, l'air incapable de l'achever et j'opinai pour lui épargner cette peine, la poitrine compressée. L'article dans lequel Harry avait détaillé le retour de Voldemort. Celui dans lequel il avait décrit la mort de Cédric. Simon toussota, l'air véritablement pris par le froid – mais je soupçonnais plutôt un bouchon douloureux au creux de sa gorge.
-Ce qui s'est passé ce soir-là ... Ce qu'il a décrit ... c'est inexplicable. Vraiment parfois j'y repense, quand j'étudie un nouveau procédé de magie, lorsque je découvre de nouvelles branches d'enchantement ... Même avec tout ce que j'ai pu accumuler comme connaissance, je ne me m'explique pas. J'ai demandé à Julian de m'expliquer et il ne se l'explique pas non plus. Le lien doré, le dôme, le Priori Incantatum ... ça échappe à toute logique.
-Et pour toi c'est la preuve que Harry est la clef contre Tommy ?
-Le directeur avait l'air de le penser, éluda Simon avec une certaine gravité. Je n'en sais rien, Vicky. J'ai juste envie d'y croire, je suppose. Jusqu'à preuve du contraire, il n'y a que Harry qui ait réussi là où tout le monde échoue.
Le mélange de folle espérance et de pragmatisme de Simon ne me convainquit pas totalement, mais je me gardais d'insister. Plutôt que de m'appesantir sur l'hypothétique mission d'un garçon de dix-sept ans, je songeai davantage à la déflection de Ron, rentré chez son frère après des semaines de cavales. L'idée ternit l'ambiance pourtant chaleureuse du quartier de Soho que nous étions en train de traverser. J'avais peu connu le jeune frère des jumeaux, mais chaque fois que je l'avais aperçu, il flanquait avec une sorte d'infaillibilité la droite de Harry Potter. Lorsque Bill avait prétendu qu'une maladie l'empêchait de retourner à Poudlard, je n'avais pas été dupe et avais compris que comme toujours il suivait le sillage de son ami. Un tel lien, tissé par sept années d'épreuves, de souvenirs communs ... Qu'est-ce qui avait pu le forcer à rompre ? Ron n'avait-il pas les épaules assez larges pour être un héros ? Refusait-il de mettre sa famille en péril pour la préservation d'un individu, dusse-t-il être son meilleur ami ? Et Hermione Granger, dans tout ça ... ? Mille hypothèses me traversèrent l'esprit, alors que je suivais Simon dans Soho, et dans aucune je ne trouvais la force de le blâmer. Qui pouvait se targuer d'avoir fait le bon choix dans une époque si troublée ?
-Et il va retourner à Poudlard ? poursuivis-je finalement. Ron.
-Aucune idée. Je pense que quoiqu'il arrive, ça attendra la rentrée. Les vacances de décembre ne vont pas tarder à commencer ...
-Les vacances ... j'ai complètement perdu le fil, parfois j'oublie quel jour on est ... Oh ! (je resserrai ma prise sur son bras, subitement enthousiaste). Mais ça veut dire que Susie-Jolie ne va pas tarder à rentrer !
-Ne m'en parle pas, grogna Simon. Mes parents cherchent déjà le moyen de la séquestrer. Sérieusement c'est atroce, j'ai l'impression qu'on retient tous les trois notre souffle et qu'on ne le relâchera qu'une fois qu'on l'aura récupéré saine et sauve sur le quai. Et le pire, c'est que je suis certain que toutes les familles qui ont un enfant à Poudlard sont dans cet état. C'est machiavélique. Ils aliènent littéralement deux tiers de la Communauté Magique par ce biais ... Tout le monde ou presque a un proche à l'école, à la merci de trois Mangemorts. Et pas des moindres.
Mon sang bouillonna quand le souvenir de Severus Rogue flotta dans ma mémoire tel un spectre fondu dans les ombres où ne ressortait que son visage blafard au nez crochu. Malveillant, avais-je toujours pensé à chacun de mes cours de Potions. Mais pas au point d'assassiner quelqu'un ... Pas au point d'assassiner Dumbledore ... Pas au point de menacer des enfants.
J'étais si profondément plongée dans mes pensées que je ne vis pas que Simon ne faisait pas que se promener, mais me menait réellement quelque part. Je le compris lorsqu'après avoir grimpé une petite volée de marche, une bouffée d'air chaud me souffla au visage. Simon venait de tirer la porte d'un restaurant et m'y invitait à entrer, un sourire frémissant au coin de ses lèvres. Je haussai les sourcils.
-C'est quoi ce sourire ? Qu'est-ce que tu me prépares, cette fois ?
Simon répondit en roulant des yeux et me poussa sans ménagement vers l'intérieur. Malgré la douceur de la température, je me refusais à abaisser l'écharpe qui dévoilerait mes traits. L'intérieur était un mélange savant du pub anglais rustique qui n'était pas sans évoquer les Trois Balais de Pré-au-Lard et de nid douillet : des coussins et des décorations de Noël adoucissait le caractère de la pièce. Adressant à peine un « bonjour » à la serveuse derrière le bar, Simon me prit par la main et me guida jusqu'à une table enfermée dans une alcôve, à l'abri des regards. Elle me sembla occupée ... jusqu'à ce que la fille blonde à la table relève la tête pour dévoiler le visage adorable d'Emily Fawley. Un cri inarticulé la saisit lorsqu'elle m'aperçut.
-Oh par Merlin !
Et sans attendre que je n'intègre totalement sa présence, sans fioriture ni hésitation, elle se leva et m'enveloppa dans une étreinte si puissante que le doute sur son identité ne fut pas permis. Les larmes aux yeux, je pressai ma meilleure amie contre moi, m'imprégnai de son odeur, enfonçai mes mains dans son dos comme pour m'assurer qu'elle était de chair et de sang, qu'elle n'allait pas partir en fumée entre mes doigts.
-Niveau prudence, on est probablement au niveau moins cent, fit narquoisement remarquer Simon.
-Oh la ferme, toi, renifla Emily sans me lâcher. Je te laisserai poser tes questions après. Va chercher à boire plutôt.
Je lâchai un petit rire dans le cou d'Emily et m'affalai un peu plus contre elle. J'ignorai totalement combien de temps nous restâmes ainsi enlacées, comme si nous séparer c'était risquer que l'autre disparaisse, mais Emily finit pourtant par s'y risquer. Les yeux humides, elle extirpa un mouchoir de sa poche pour y nicher son nez.
-Désolée, je traine une crève que tu viens certainement de choper, m'excusa-t-elle d'une voix légèrement nasillarde.
-Je m'en fiche ... Oh Em', je suis tellement contente de te voir ... Mais qu'est-ce que tu fais là ... ?
Emily m'adressa un sourire éclatant à travers ses larmes et son nez rougi. Les miennes aussi avaient fini par couler mais mon écharpe les avait efficacement épongées. Brusquement étouffée par cette bande de laine humide et m'en débarrassai d'un tournemain avant de m'assoir à la table avec Emily. Elle me prit la main, l'air encore ému.
-Ça fait des semaines que je demande à Simon de pouvoir te voir ... Je me doutais que ça devait être tellement dur pour toi t'être enfermée quelque part, peut-être toute seule, je ne veux même pas imaginer ce que ça peut occasionner ... je deviendrais folle à ta place.
-Parfois je ne suis pas loin, concédai-je avec un sourire tremblant.
-Oh ma belle ... (Elle me tapota doucement la joue avant de froncer un peu les sourcils). Tu as pris un peu de poids, non ? Attention, je ne dis pas ça négativement, au contraire, ça te remplit ...
-Je n'ai pas besoin de question, je sais pertinemment qui tu es, m'esclaffai-je, nullement vexée.
Et parfaitement consciente de ce changement : j'avais fini par réaliser que je remplissais plus mes jeans que l'hiver dernier et même que le port d'un soutien-gorge s'avérait parfois utile. Le manque de sport mêlé au stress avait fini par avoir raison de mon légendaire métabolisme. Emily me gratifia d'une œillade mutine.
-Et encore, je ne me suis pas lancé dans les ragots. Je commence par qui : McLairds ou Gillian ?
-Je suis chaud pour McLairds, personnellement, annonça Simon en revenant avec trois verres de bières.
Emily éclata de rire, et s'éclaircissait théâtralement la gorge – qui se finit dans une quinte de toux si puissante que Simon finit par la gratifier de tape dans le dos aussi molles qu'inutiles. C'était comme retourner dans l'écrin réconfortant de Poudlard, songeai-je alors qu'Emily contait avec délice les troubles du couple d'Octavia, qui refusait toujours de précipiter son mariage. Simon, Emily et moi, autour d'une bière mousseuse dans l'ambiance chaleureuse d'un pub, des éclats de rire, un sourire solaire. Pas une fois du repas il fut question de la guerre, de Voldemort et de l'incertitude qui pesait sur nos vies. Emily ne savait pas où j'étais cachée et ne demanda pas un instant : elle préféra s'enquérir de mon état, m'arracha la promesse qu'elle paierait les tiquets du British Museum, remarquer que contrairement à moi, Simon s'échinait à rester maigre. Une merveilleuse parenthèse enchantée, un véritable voyage dans le temps ... qui vola en éclat dès qu'il fallut retourner dans le froid glacial de ce début de décembre, couplé à la question que je posais à Emily en replaçant mon écharpe sur ma bouche comme un masque :
-Alors, comment ça va à l'hôpital ?
Le beau visage d'Emily se rembrunit. Elle redressa les pans de son manteau bleu myosotis sur ses joues et redressa dans ses cheveux ses lunettes de vue que son souffle avait blanchi.
-Comme partout ailleurs, je suppose. Maintenant on a deux Inquisiteurs – exactement comme Ombrage à Poudlard. Même pas des Mangemorts, juste deux fonctionnaires qu'ils ont dépêché du Ministère ... Le but est clairement de nous fliquer, de vérifier si un patient ou une blessure n'est pas suspecte ... (Elle déglutit et riva ses yeux sur ses chaussures). La dernière fois, une fille est arrivée en hurlant, je l'ai entendue depuis la réserve ... elle saignait, boitait, les guérisseurs l'ont tout de suite pris en charge ... Puis les Inquisiteurs sont arrivés et l'ont emmené. C'était une fille qui avait échappé à une bande de Rafleur ...
-De quoi ?
Mon timbre tenait presque du couinement, tant le nom était explicite. Emily hocha sombrement la tête, l'air de lire dans mes pensées.
-Ouais. Des mercenaires. Des petites brutes, des petits délinquants qui se sont organisés en bande pour rafler les récompenses promises pour les captures de Nés-Moldus en fuite. De façon très honnête, en ce moment j'ai plus peur d'eux que des Mangemorts. Parfois ils viennent dans les couloirs de l'hôpital et se promènent en toute impunité dans les chambres ... ils brutalisent, saccagent un peu, puis repartent ...
La voix d'Emily s'était quelque peu voilée, assez pour même Simon s'en aperçoive et la lorgne d'un air soucieux. Elle parut réaliser notre trouble qu'elle tenta de désamorcer d'un sourire courageux.
-Enfin bref. C'est devenu assez anxiogène comme climat, alors depuis quelques semaines, je ne quitte plus le laboratoire ... Je reste entre mon chaudron et la réserve ... je n'arrive tout simplement plus à refaire surface, parce que monter ...
-C'est te confronter à la réalité à la guerre.
La tête d'Emily oscilla mais elle finit par acquiescer. Bien sûr que c'était trop difficile pour une jeune fille solaire comme elle de se confrontait aux ténèbres. Emily n'était pas le genre de lumière qui luttait de tous ses rayons pour chasser l'obscurité, qui brillait vaille que vaille de sa blanche flamme. Non, elle était plutôt le genre de lumière qui se laissait étouffer jusqu'à être totalement consumée. Et c'était bien pour ça qu'il ne me serait jamais venu à l'esprit de réclamer d'elle qu'elle s'implique davantage dans cette guerre. D'un certain sens, sa façon de s'enfouir dans son laboratoire pour ne pas voir le chaos qui se déployait ressemblait étrangement à son comportement de septième année, lorsqu'elle avait refusé de nier la version apaisante du Ministère.
-Je sais que ce n'est pas particulièrement brave de ma part, mais c'est la seule chose que j'ai trouvé pour me préserver, convint-t-elle dans un filet de voix. Sinon c'était revenir tous les soirs du travail en pleurant ... Enfin tout ça pour dire que malgré tout ça me rend folle d'être coincée dans mon laboratoire, alors toi je n'imagine même pas ...
-Je m'en sors, assurai-je avec lenteur. Et Roger, comment il le prend, lui ? Ça doit lui mettre une pression monstre ...
Le pas d'Emily ralentit quelque peu et je suivis son rythme, interloquée. Simon, lui, avait pris les devants depuis quelques mètres, les mains enfoncées dans les poches. Les lèvres d'Emily se pincèrent. Ses yeux prunelles avaient la dureté et la froideur du saphir.
-J'ai quitté Roger.
-Oh, lâchai-je, un peu stupéfaite. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Le lourd soupir d'Emily se cristallisa en un épais panache fumé qui brouilla ses traits l'espace d'une seconde avant de se fondre dans l'air glacial. Il n'y avait pas la moindre trace de larme dans ses yeux : juste de la résolution ... et un immense désarroi.
-Tu te souviens quand tu es venue me voir après avoir Miles embrasser Gillian ? Que je t'ai dit que j'entamais un travail sur moi ?
-Ta plus belle et courageuse décision à ce jour.
La moquerie dans ma voix n'empêcha pas un sourire fier de s'étirer sur les lèvres d'Emily. Elle repoussa une mèche blonde qui lui barrait le front d'un geste impatient.
-Oui et bien ... personnellement, je considère que je suis arrivée au bout du chemin. Je suis arrivée au maximum des efforts que je pouvais faire sans me dénaturer. Et j'aime plutôt bien le résultat, je sens que je suis plus ... réfléchie. J'ai moins cette sensation d'être une tornade. Mais visiblement pour Roger ce n'était pas encore assez ...
-J'avais remarqué, un petit peu, avouai-je du bout des lèvres. Lorsque vous êtes venus pour mon anniversaire ... ou aux fiançailles d'Octavia ... il t'avait fait quelques remarques ...
-C'est moi qui lui avais donné l'autorisation, à la base. Je voulais vraiment changer, j'avais besoin de renouveau. Je lui ai demandé de m'aider ... mais là c'était trop. « Emily, Emily, Emily » ... Stop. Je lui ai répété une fois, deux fois, trois fois : « c'est bon, maintenant ». Finalement j'ai fini par me dire que si cette version de moi que j'estime acceptable et définitive ne lui suffit plus alors ...
Le timbre d'Emily s'érailla et se chargea d'une dose de trouble qui m'obligea à enrouler mon bras contre le sien. Elle sourit, d'un sourire teinté d'une pointe de culpabilité et à la lumière de cette nouvelle, je compris que sa présence ici n'était pas simplement altruiste. C'était typiquement dans ce genre de bouleversement qu'on avait besoin de se reposer sur sa meilleure amie.
-C'est dur, continua-t-elle avec un gémissement. Vic', j'ai rêvé de ce gars pendant si longtemps ... tu n'imagines même pas à quel point ça a été difficile de me dire que c'est moi qui devrais rompre. Ces derniers temps, j'espérais presque que quelque chose, un événement, une dispute, forcerait les choses, que je n'aurais pas à prendre cette décision ... ça a failli arriver, lorsqu'on est venu ausculter ton grand-père. En rentrant, il a eu peur qu'un Mangemort apprenne qu'il avait aidé un futur-fugitif, il a commencé à essayer de me convaincre que je devais couper absolument tous les ponts avec toi ... On s'est rarement disputé aussi fort, j'ai vraiment cru que c'était fini ... Puis tu t'es cachée, on ne s'est plus revues et ça s'est arrêté là.
-Charmant, commentai-je en fronçant mon nez. Je m'en souviendrais, Davies ...
La panique de Roger, bien que naturelle et presque prévisible, me laissait un arrière-goût de cendre sur les papilles. Longtemps ça n'avait été qu'un camarade, un sympathique adversaire de Quidditch avant que je ne le considère réellement comme un ami. Et Dieu que c'était douloureux de découvrir qu'un ami pouvait si facilement vous tourner le dos... Emily me tapota le bras.
-Je sais, souffla-t-elle, peiné. Ça m'a déçue aussi qu'il réagisse comme ça, mais que veux-tu ? Les Rafles commençaient, ils ont vérifié les « statuts de sang » de tous les apprentis ... Les Mangemorts créent l'environnement qu'il faut pour que tous se comportent ainsi. C'était ça, l'anecdote sur Gillian. Ils sont venus la voir au Ministère en lui rappelant que son père avait déjà payé de sa vie un soupçon de résistance et elle a livré sa collègue avec laquelle elle était cul et chemise depuis des mois ... Heureusement que Miles n'est plus avec, tiens.
-Miles ?
Il y avait une éternité que je n'avais plus songé à mon ex-petit-ami. Il s'était totalement effacé de mes priorités et même de mon univers. J'ignorai si je devais me sentir reconnaissante d'avoir définitivement tournée la page ou honteuse de l'avoir ainsi si facilement effacé de ma vie.
-Oui, ils ont rompu cet été, je crois, m'apprit Emily d'une voix neutre. Enfin, c'est ce que j'ai cru comprendre, c'est Thomas, le frère de Gillian, qui m'en a parlé. Oh arrête, ne fais pas comme si ça t'affligeait !
J'avouais réprimer difficilement un sourire satisfait à l'annonce. Malgré notre rupture, j'estimais encore grandement Miles et je n'avais jamais compris comment il avait pu s'infliger une fille superficielle comme Gillian. Mon orgueil avait été meurtri de constater que j'avais été remplacée par une telle fille ...
-Il mérite mieux, c'est tout, déclarai-je avec aplomb.
-Je suis d'accord, admit-t-elle du bout des lèvres. J'ai un peu appris à le découvrir, tu sais. On se voit beaucoup avec mes cousins, et Gillian tenait absolument à ce qu'il soit là à chaque réunion ... et chaque fois, par Merlin ... j'avais presque pitié de lui, ma famille n'est pas facile. Mais il s'en est remarquablement bien sorti.
Elle marqua une pause, indécise. Ses joues étaient rougies par le froid, et pourtant même avec cette explication, cette couleur me semblait trop intense.
-Ça va peut-être te paraître étrange, mais je suis allée le voir après avoir quitté Roger, avoua-t-elle alors, les yeux rivés sur ses chaussures. Miles. Ça n'a pas été simple de rompre... j'ai vraiment du prendre sur moi ... Je l'ai dans la peau depuis si longtemps, je me demande tous les jours si je n'ai pas fait une erreur et ... j'avais besoin que quelqu'un me retienne de retourner dans ses bras en rampant.
-Et tu as choisi Miles ?
L'étonnement faisait sonner ma voix et même Simon devant nous pivota la tête d'un quart de tour pour nous exposer son profile. Emily se fendit d'un petit rire nerveux.
-Je sais, c'est bizarre. Mais si j'ai appris quelque chose de lui, c'est qu'il a un côté ... inflexible. Sûr de ce qu'il veut. Bref, qu'il était capable de barricader s'il le fallait.
Elle coinça fébrilement une mèche blonde derrière son oreille.
-En fait, il m'a vu pleurer une fois, chez mes grands-parents. Je m'étais cachée dans la cuisine, il est entré et ... enfin bref, je me suis dit il m'a vue pleurer une fois, c'est bon, il pouvait supporter quelques larmes de plus.
-Roger t'a fait pleurer ? m'indignai-je, suffoquée. Je vais le taper. Non mais. Je pensais l'avoir prévenue de ne pas faire souffrir ma meilleure amie !
Emily s'esclaffa de bon cœur et je lui en fus reconnaissante de s'être engouffrée dans ma brèche pourtant peu subtile. Parce que je l'admettais, la façon nerveuse, réticente et presque en confidence dont elle me parlait de Miles me troublait. Je me mordis l'intérieur de la joue pour réprimer les mots et les questions qui montaient en moi. J'avais toujours détesté quand Emily m'interrogeait de façon insistante sur des choses dont je n'avais pas conscience. Si elle voulait me parler, qu'elle le fasse. J'attendis après que son rire ce fut éteint, mais le reste des confidences ne vint pas. Loin de rebondir sur Miles et son possible réconfort/séquestration qui avait suivi la rupture, elle reprit sur ses sentiments encore ambivalents pour Roger.
J'aurais aimé l'écouter attentivement, compatir à son désarroi, apprécier le fait d'être pour une fois celle qui console après des mois à être réduite à cette fille en pleurs. Mais alors qu'elle m'exposait le cheminement de ses pensées qui avaient menés à sa résolution, mon regard s'arrêta sur une vaste façade taguée. Le cœur au bord des lèvres, je reconnus la caricature de Noah, celle de l'arc de triomphe composé des noms de tous ceux qui étaient tombés jusque-là Tout en haut, il avait consenti à ajouter le nom de Cédric ... Ce n'était pas son esquisse, je l'avais assez observé pour la reconnaître. Non, quelqu'un avait recopié le motif de façon assez grossière, mais plus colorée, dans le pur style urbain. Sous l'arche, des mots rageurs qui dégoulinaient sur les briques.
« Des destins brisés. Des vies broyées. A qui les prochains sacrifiés ? »
Simon aussi avait repéré le tag. Sa mâchoire se contracta et ni une, ni deux, il nous fit changer de trottoir. Le nom de ses parents étaient inscrits dans cet arc, ainsi que celui de son frère, mais lorsqu'il passa sa main dans mon dos, je compris que c'était surtout ma sécurité qui importait. Mieux valait qu'on ne s'attarde pas sous un message ouvertement partisan ...
-Il y en a beaucoup, des tags comme ça dans les rues ? m'enquis-je à son adresse une fois entrée au British.
Emily faisait elle la queue pour nos billets. Le hall d'entrée était immense, tout de marbre à l'image des colonnes qui bordaient le bâtiment et j'avais eu un instant peur que ma voix ne résonne avait de comprendre qu'elle serait couverte par le bourdonnement des touristes. Simon haussa les épaules.
-Je ne me balade pas souvent à Londres, tu sais ... mais c'est vrai que lorsqu'on a fait le repérage avec Em', j'en ai capté quelques-uns. Des tags, des messages ... Des tracts notamment qui recouvraient ceux du Ministère – tous recouverts d'un sortilège de Repousse-Moldu pour que seuls les Sorciers y soient sensibles ... Presque à chaque fois que le Ministère avait collé sa brochure, quelqu'un avait collé la Une du Chicaneur – qui est devenu très virulent comme journal – ou un dessin du Perroquet Noir par-dessus.
Il me lorgna de bais, un sourire au coin des lèvres. Son identité ne faisait plus de mystère pour Simon depuis que nous en avions parlé et il me connaissait trop pour ne pas reconnaître mes mots sur certaines des affiches. Malgré le sourire, j'attendis presque la remontrance, la petite marque de prudence ou d'inquiétude, mais Simon se contenta d'enlacer ma hanche et de poser un baiser sur ma tempe.
-C'est pour ça que je t'aime, Victoria Bennett.
-Hé, vous deux !
Emily revenait vers nous, les billets à la main et son manteau bleu sous le bras. Dessous elle portait un chandail crème et un pantalon de velours côtelé brun qui avec les lunettes plantées sur son nez et son air sévère lui donnait presque l'air d'une professeure.
-Je ne suis pas venue ici pour tenir la chandelle, prévint-t-elle en nous pointant du doigt.
-Ne t'inquiète pas, tu seras bientôt libérée de ça, lui annonçai-je avec un sourire caustique. Je doute que notre couple survive au retour en voiture !
-Non par Merlin, souffla Simon, l'air de souffrir d'avance. Je rentre en transplanage.
-Hé, non ! Je ne veux pas conduire seule !
-Et moi je ne veux pas être rendu complice d'un accident de la route de la route et être arrêter avec toi !
-Si quelqu'un nous arrête, je lui enverrai un sortilège de confusion.
-Et si compte aussi envoyer un sortilège de confusion à la Mort si tu nous envoie dans le décor ?
-Moi la seule chose que j'ai retenu c'est le mot « couple », fit savoir Emily avec un mélange de perplexité et de mélancolie. Et bien si on m'avait dit quand je vous ai rencontré qu'on en serait là ... Tu es enfin officiellement sa « copine » et tu le laisses toujours se balader avec ce bonnet ?
Avec une grimace de dégoût, elle désigna la laine orange qui couvrait toujours les cheveux de Simon et qu'il enfonça sur son crâne avant que l'une d'entre nous n'ait songé à s'en emparer.
-C'est vrai que je devrais te boycotter quand tu portes cette chose, concédai-je avec malice.
-Vous m'aviez manqué, tiens. J'avais oublié à quel point c'était pénible quand je vous avais toutes les deux sur le dos ...
-Moi c'est Vic' qui m'a manqué. Tellement que j'accepte que vous m'ameniez dans un musée moldu auquel je ne vais rien comprendre. (Elle étudia la brochure, le nez froncé). C'est quoi la « Pierre de Rosette » ?
-C'est la première chose qu'on va voir, décrétai, brusquement excitée. C'est la pierre qui a permis de traduire les hiéroglyphes !
-Hein ?
Avec un éclat de rire presque machiavélique, je pris Emily par le coude et la fis s'enfoncer dans les entrailles du plus grand musée britannique. Une expression de panique traversa son visage et elle jeta un regard de détresse à Simon qui secoua la tête.
-Je ne te serais d'aucun secours, moi aussi je veux voir la Pierre de Rosette. Il y a tout une étude sur elle à l'IRIS : il paraît qu'elle a une charge magique, donc on se demande si elle ne serait pas de conception sorcière. Enfin, des sorciers égyptiens de l'Antiquité qui n'ont pas totalement la même façon de tisser la magie que nous, de ce fait c'est hyper difficile à analyser ...
-Non c'est sérieux ? me récriai-je.
Mon cerveau depuis longtemps rôder à noter les points de passage entre moldus et sorciers s'éclaira sous l'information. Sans réfléchir, je nouais mes doigts à ceux de Simon, exaltée. Je ne pensais pas pouvoir trouver un jour un objet qui cristallise ainsi nos deux passions. Emily nous observa une seconde, nos mines réjouies et nos yeux brillants de curiosité, l'air totalement dépité.
-Et moi je vous déteste depuis que vous êtes ensemble, voilà ! prétendit-t-elle en levant le nez. Allez, allons voir cette stupide pierre, puis allons perdre Simon dans un sarcophage, c'est le moindre des châtiments pour porter un bonnet pareil !
***
-C'était une Pierre, lâcha Emily, peu impressionnée.
Nous étions dans la boutique de souvenir, après prêt de trois heures à avoir arpenter le musée et particulièrement sa collection antique. Face à l'incompréhension d'Emily et au manque de connaissance de Simon dans le domaine, je m'étais muée en véritable historienne à raconter de mémoire les légendes et éclairer sur la chronologie, à partir de souvenirs qui dataient d'avant que j'apprenne que j'étais une sorcière. Pour ma plus grande fierté, cela avait éveillé la curiosité naturelle d'Emily qui s'était attardée sur chaque pièce avec de grands yeux intéressés, l'air stupéfaite de toute cette culture qui faisait parti de l'angle-mort de ses connaissances. Pourtant face à la Pierre de Rosette, elle ne parut pas comprendre notre fascination commune. Simon et moi restâmes plantés de longues minutes face à l'antique vestige, cette simple stèle aux bords irréguliers, noire, immense, fascinante. Sans rien comprendre aux inscriptions, je les avais dévorées du regard pendant que Simon sortait discrètement sa baguette, intrigué par l'aura magique qui se dégageait de la pierre. Définitivement, selon lui, un charme antique l'enveloppait. Et ce n'était pas le seul objet du musée dans ce cas. Des sarcophages, des vestiges du quotidiens, des jarres ...
-C'est une époque où il n'y avait pas de distinction entre magique et non-magique, les cultures et les sociétés se fondaient totalement l'une en l'autre, réfléchis-je pendant qu'Emily examinait les tee-shirts en fronçant du nez. Et ça a donné de grandes civilisations, les civilisations qui ont vu naître l'écriture, la loi, la démocratie. Ça marchait. La mixité, ça marchait.
-Tu veux qu'on donne la Pierre de Rosette à Tu-Sais-Qui pour lui prouver, c'est ça ? railla Emily avec un fin sourire.
-Sur la tête pour qu'elle lui fende le crâne, de préférence, précisa Simon avec un mélange de sérieux et de cynisme. Sincèrement, je pense qu'il serait plus capable de revendiquer la Pierre pour les sorciers en accusant les moldus d'avoir volé notre légitime héritage ... C'est facile de réécrire l'Histoire et d'affirmer que ce n'était pas une collaboration, mais les sorciers qui dominaient les sociétés et ont inventé l'écriture, la loi et la démocratie.
-Je préfère ma version, bougonnai-je, refroidie par la contre-analyse de Simon. Tu penses qu'une réplique de la pierre de Rosette a capté un peu de sa magie ?
Il tenait en effet la stèle miniature entre ses longs doigts, l'air presque concentré. Un sourire attendri effleura mes lèvres et
-Si seulement ...
-C'était vraiment une belle sortie, poursuivis-je en effleurant son bras. J'avais besoin de ça, de me reconnecter avec tout ce que j'aime. L'Histoire, Emily, toi ... Vraiment ... merci.
Un fin sourire ourla les lèvres de Simon, presque nostalgique. A l'aveugle, sa main chercha la mienne et nos doigts se nouèrent naturellement.
-Disons ... que moi ça a réveillé mon intérêt pour les sortilèges et que toi tu vas nous pondre un livre sur comment les sociétés antiques magiques et non-magiques vivaient en harmonie parfaite.
Il plaqua un baiser dans mes cheveux, un baiser qui arracha un grognement de dépit à Emily qui se détourna pour examiner d'autres souvenirs, le nez en l'air. Un élan contradictoire monta dans ma poitrine. A la fois, j'appréciais chaque nuance de ce baiser car j'étais intimement persuadé qu'avant la chute du Ministère et tous les bouleversements émotionnels qui avaient suivi, Simon ne se serait jamais permis un tel geste intime au milieu d'une foule – encore moins devant Emily La Tornade Fawley. Néanmoins, quelque chose dans ses paroles m'avait mis en alerte et je levai sur lui un regard sincèrement étonné.
-Réveillé ? relevai-je, un peu perplexe. Comment ça réveiller, tu adores les sortilèges, Simon ... L'étude des enchantements, des différentes strates de la magie, des rituels d'ancrages et tout ça ...
-Et bien, tu m'écoutes quand je te parle de mes cours ?
Mes joues rosirent quelque peu et je baissais le nez devant la gamme complète qui reproduisait la pierre de Rosette – sur des gommes, des carnets, des parapluies ... J'allais peut-être m'acheter un parapluie Pierre de Rosette. Enfin, en rêver parce que les prix de la boutique de souvenir étaient ridiculement exorbitants.
-C'est ... fascinant, quand tu parles, concédai-je à mi-voix. Et quand tu pratiques, aussi. Ce n'est pas simplement parce que tu es doué mais aussi ... j'en sais rien, on sent que ça te passionne. Que ça te stimule, que ça te rend vivant. C'est une belle part de toi, je trouve.
-Oh.
Je haussai les sourcils, déconcertée par la mine presque fermée de Simon et la façon dont ses doigts s'étaient crispés sur les miens. D'une petite pression, je lui posais une question muette devant la quelle il poussa un soupir fatigué. Dans son autre main, il tenait le bonnet orange par le pompon et le faisait tressauter nerveusement.
-C'est rien. C'est juste ... parfois difficile de rester motiver à l'IRIS. Tu sais, avec tout ce qui se passe. Parfois, je suis ailleurs et je n'écoute rien, je pense à toi, j'écris à Susan, je regarde Julian en cherchant les mots pour qu'il accepte que je vienne ... Peut-être que moi aussi j'avais besoin de me reconnecter.
La fin de sa phrase était fondue dans un souffle, presque arrachée contre son gré. Un peu ébranlée, je gardais quelques secondes le silence. L'ombre de la guerre avait fini par s'infiltrer dans le cœur de Simon et l'idée qu'elle étouffe cette étincelle brillante en lui m'était insoutenable.
-Je comprends, assurai-je, la gorge nouée. Juste ... essaie de ne pas lâcher, d'accord ? L'IRIS, c'est tellement toi ... c'est tellement ce que tu es capable de plus beau, Simon. Vraiment, je suis subjuguée chaque fois que je te vois t'entrainer. Ne rigole pas, c'est vrai ! glapis-je lorsqu'il s'esclaffa, incrédule. Hé, minus, souviens-toi des armures ! Mon Dieu les armures, Simon, c'était magnifique !
-Ça, Victoria Bennett, c'était parce que c'était l'union de nous deux face à Dolorès Ombrage.
C'était peut-être tous ces gens autour de moi, ce monde auquel je n'étais plus habituée. Ou la chaleur soufflée par les chauffages de la boutique. Mais j'étais persuadée que ma peau était en train de fondre tant elle me brûla. Incapable de soutenir le regard à la fois tendre et moqueur de Simon, je me détournai
-Oui, bien puisqu'on forme une paire inséparable, tu ne verras pas trop d'inconvénient à m'avancer de l'argent pour acheter un souvenir à Julian pour les remercier de la voiture ?
-Aucun, mais j'avais plutôt l'idée de profiter de Londres pour leur acheter des cadeaux de Noël qui les remercierait de te garder chez eux, proposa Simon, un sourcil dressé. Tu as une idée ?
La pertinence du plan m'obligea à acquiescer, penaude. C'était difficile de me faire à l'idée que j'allais passer Noël avec eux. Pas avec mes parents, ni avec Simon qui resterait avec sa famille, mais avec un couple d'homosexuels artistes à leurs heures perdues qui sentaient le rock et le thé. Pour autant, l'idée était plus enthousiasmante que je l'aurais cru d'un prime abord. Quelque part, j'étais curieuse de ce que cela pouvait donner ... et heureuse de partager un tel moment avec eux. Un sourire retroussa mes lèvres.
-Un truc en rapport avec le thé pour Julian, ça doit se trouver dans ce maudit pays. Et pour la voiture ... Oh j'ai une idée pour la voiture !
-La rendre intacte ? Respecter les limitations de vitesse ? Ne pas bousiller la pédale d'accélérateur ?
J'écrasai le reste de ses propositions sous mes lèvres, mêlant mon rire et les protestations de Simon avant que tout ne s'éteigne et se fonde dans notre étreinte. Quand Emily me tira en arrière pour nous séparer, à moitié incrédule, à moitié hilare, ce fut comme si un parfum d'avant soufflait dans ma vie, un parfum aux effluves de renouveau que j'humai à plein poumon et dont je m'enivrai. Euphorique, mais étrangement résignée, je pris un marque-page couvert des inscriptions de la Pierre de Rosette. J'aurais besoin de me souvenir de cela, lorsque je serais de nouveau entre quatre murs.
***
Voilà ! J'espère que ça vous a plu !
Oui j'avais depuis LONGTEMPS l'idée d'une sorte de date à Londres entre Vic et Simon et je me suis dit que ce serait le moment idéal pour réintroduire Emily qui, par la force des choses, est absente un peu de cette partie. Je pense pas avoir atteint le plein potentiel, c'était plus des updates de sa vie, mais j'espère que ça vous aura plu tout de même !
Allez maintenant la gourmandise c'est fini et on reprend le rythme normal ! A dans deux semaines !
(Concernant le concours, je vais essayer de poster ça ce WE si j'ai le temps : je vous tiendrais au courant !)
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