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IV - Chapitre 14 : Victoria et Juliette

HELLO EVERYBODY 

(Je suis pas prête à parler de cette finale perdue. Disons simplement que je suis partie pour avoir des problèmes avec les argentins. NOUS REVIENDRONS.) 

Heureusement qu'il y a eu le biathlon avec la Queen Julian Simon qui a le dossard jaune de leader à la pause !! Honnêtement si on m'avait dit ça, ce tir couché de championne ... Plus compliqué pour les garçons mais j'ai aucun doute que Quentin reviendra le couteau entre les dents. 

Sinon vous, comment allez-vous? ça va bien les vacances? 

Pas grand-chose à ajouter malheureusement, je dois aller à Lille achever mes cadeaux de Noel et je poste vraiment en catastrophe sur un coup de tête. Alors je me contenterai d'un : Bonne fêtes de fin d'année pour celles.eux qui le fêtent, n'oubliez pas le concours et profitez bien et pas trop de chocolat <3 (Si, chocolat, plein de chocolat) 

***

Chez moi, il n'y a pas d'emprisonnement dans une identité. L'identité est enracinement. Mais c'est aussi passage. Passage universel. 

- Aimée Césaire 

***

Chapitre 14 : Victoria et Juliette.

La boutique Farce pour Sorciers Facétieux vandalisée

Pour la quatrième fois depuis notre changement de régime, la boutique de farce et attrapes Farce pour sorciers facétieux s'est trouvée frappée par un véritable acharnement. Mais cette fois, la brutalité a encore montée d'un cran puisque la boutique a été livrée aux flammes. « Fort heureusement, nous avons réussi à arrêter l'incendie assez vite », nous a assuré l'un de ses gérants. Le feu se serait déclenché dans leur réserve, en même temps que leurs vitrines volaient en éclat et que leurs étagères étaient fracassées par des individus cagoulés. « Des Mangemorts ? Non, répond l'autre gérant avec un rictus. Non, les Mangemorts préfère casser du Né-Moldu, ils ne s'abaissent pas à dévaliser une boutique pour gosse ... ».

Impossible de ne pas mettre ce déchainement de violence en lien avec les feux d'artifices qui ont illuminé le ciel du pays la nuit du 31 octobre, comme pour rendre hommage au jour où Vous-Savez-Qui (dont, nous le rappelons, il ne faut SURTOUT PAS prononcer le nom) a été vaincu il y a seize ans. Mais quand cette hypothèse est évoquée aux gérants, ils se contentent d'éclater de rire. « Est-ce que vous pensez vraiment qu'on peut contrôler la marchandise qui sort de notre boutique une fois achetée ? » ironise l'un d'entre eux. « Un adorable monsieur de la brigade nous a accusé d'une pareille ignominie », ajoute le second. « Mais comme le précise mon cher frère, une fois le feu d'artifice sorti, ce n'est plus de notre responsabilité ! »...

-Les idiots, la prochaine fois c'est vous qu'ils vont fracasser, murmurai-je.

Julian, assis avec moi à la table du petit-déjeuner, me jeta un bref regard que j'ignorai, plongée entre les pages fines de La Voix du Chaudron. L'article sur l'attaque de la boutique prenait une belle demi-page, avec la photo de Fred et George souriant courageusement entre deux sorts pour réparer leurs vitres. Mon cœur se serra lorsque George, que j'identifiai très bien grâce à la cicatrice sur sa tempe à peine couverte par quelques cheveux, leva le pouce à la caméra.

-Un jour, ils vont se faire tuer ...

-Arrête de répéter ça, toi aussi je te rappelle, rétorqua Noah, installé sur le canapé à regarder la télévision, Lennon sur ses genoux. Et pourtant tu es là, au mépris des dangers, alors que tu pourrais être tranquille aux Etats-Unis. Et je ne sais même pas pourquoi je tente de te convaincre : tu râles vraiment parce qu'ils agissent, eux ?

-Bizarrement, on est toujours un petit peu moins enthousiasme quand il s'agit de personne qu'on apprécie, répliqua Julian.

Je lui jetai un regard reconnaissant. Il venait de mettre les mots précis sur les sentiments qui m'animaient chaque fois que j'écoutais Potterveille, chaque jour activé d'un mot de passe donné en fin d'émission par Lee. Un mélange d'excitation et de terreur à l'idée que cette voix si familière s'interrompe en direct et ne se transforme en cri atroce. Oui, je voulais que le monde se soulève et me débarrasse de Voldemort, mais savoir que ce vœu jouait avec la vie de mes amis me déchirait littéralement.

Julian tenta de répondre à mon regard, mais son sourire avait quelque chose de crispé, de forcé et il le masqua vite dans une gorgée de thé. Une véritable pierre fut lâchée sur mon estomac lorsque je compris que, loin d'être là pour me conforter, cette phrase avec un aspect des plus cruellement concret pour lui. Matthew. Par ailleurs, Noah ne parut pas s'y tromper car il avait lâché la télévision des yeux pour les river sur Julian, les paupières plissées.

-Je sais que c'est difficile mais plutôt que de les brider et de faire peser votre inquiétude comme un boulet à leur pied ... vous ne pouvez pas plutôt être fiers d'eux ?

-Ça ils ne le sauront pas parce que je ne suis pas là de les revoir, lâchai-je amèrement en repoussant le journal. Même Simon doit les éviter, ils ne se sont pas croisés depuis le mariage ...

-Et il fait bien, rappela Julian d'un ton presque sévère. Si tu veux qu'il puisse venir ici en toute liberté, il ne faut pas qu'il y ait de geste suspect, n'est-ce pas ? Il faut savoir ce que tu veux Victoria ...

Un mélange d'embarras et de colère gonfla dans ma poitrine mais n'eut pas le temps d'exploser car Julian se leva dans la foulée, sa robe de travail sous le bras. Il embrassa brièvement Noah sur le sommet de crâne et je détournai les yeux, les mâchoires serrées, jusqu'à ce que j'entende la porte claquer derrière lui.

-C'était contre moi, ça ? demandai-je à brûle-pourpoint au bout de quelques minutes.

-Mais non, Jules est juste inquiet pour Simon, assura Noah d'un ton indifférent. Il n'a aucune envie qu'il finisse comme les grands frères ...

Je ne répondis pas, une boule de nerf lovée au creux de mon ventre. Malgré les paroles réconfortantes de Noah, j'étais gênée. Julian me lançait des drôles de regards lorsqu'il me surprenait à convaincre Simon de rester, et je le soupçonnais de l'enjoindre à la prudence dans mon dos. Malgré tout lorsque Simon était passé la veille, cinq minutes pendant que le reste de sa promotion travaillait en bas avec Julian, je lui avais proposé (un peu désespérément) passer de nouveau la nuit ici. La première avait véritablement agi comme une douce médecine qui avait gavé mon corps d'endorphine pendant quelques jours, apaisant quelque peu ma frustration, ma solitude et ma peine. Malheureusement, l'exquise substance se tarissait dans mes veines et j'avais vitalement besoin d'une dose de rappel si je ne voulais pas replonger dans la mélancolie. Déjà j'avais senti ses griffes glaciales se refermer sur mon cœur lorsque Simon avait baissé la tête et avait laissé filtrer un « je ne peux pas » entre ses dents serrées.

J'aurais dû accepter sans broncher. C'était ce que j'avais fait mine de faire, avec un sourire prêt à m'effriter le visage tant il était forcé. Mais Simon me connaissait trop pour ne pas avoir perçu toutes les nuances de ce sourire et face à ses excuses, je m'étais retrouvée renvoyée à l'enfant immature et égoïste en manque d'amour alors que dehors, le monde sombrait.

Il faut savoir ce que tu veux, Victoria. Oui. C'était soit il côtoyait les jumeaux, l'Ordre, se maintenait actif dans la lutte ... soit il répondait à mes caprices. Autant dire un choix déchirant pour quelqu'un comme Simon. Même pour moi, il n'était pas évident. La froide logique et l'élan ardent du cœur m'emportait dans deux directions opposées.

-Ne fais pas cette tête, me lança Noah après m'avoir dévisagé quelques secondes. Ou alors va éclater quelques ballons avant que je ne voie des mauvaises ondes sortir de chaque pore de ta peau.

-Hmpf, lâchai-je, faute de mieux.

Noah soupira profondément dans mon dos et se leva en s'étirant paresseusement.

-Bon, puisque tu as décidé d'être de si charmante humeur, je me tire. Julian a cours toute l'après-midi, autant que j'en profite pour baliser son cadeau de Noël ...

-Déjà ?

Loin d'améliorer mon humeur, le mot « Noël » provoqua une nouvelle vague de nostalgie dans ma poitrine. Je repoussai les images dans un coin oubliable de mon esprit pour me concentrer sur le grognement sourd que produisit Noah.

-Il faut que je m'y prenne à l'avance, j'ai un enchaînement terrible ... Noël, et l'anniversaire de Julian qui tombe le 6 janvier. 6 janvier, tu te rends compte ? Je n'ai même pas deux semaines de battement ! Moi j'ai eu le bon goût de naître le 4 juillet ... certainement parce que je suis un trésor national ...

-Un trésor national, répétai-je à mi-voix, blasée.

-Je t'ai entendue ! Tes mesquineries ne te dispensent pas de te retenir la date !

Un léger sourire retroussa mes lèvres mais une véritable réflexion naquit des moqueries de Noah. Je doutais sincèrement que Voldemort soit déposé avant Noël que je risquais donc de passer ici, à Oxford. Même en occultant le fait que je serais coupée de ma famille pour cette fête si spéciale, l'idée me laissait une impression étrange. Mes comptes avaient été saisi, j'étais coincée dans l'appartement : je n'avais aucun moyen d'acheter des cadeaux de Noël. Peut-être que je pourrais le faire un dessin, ils l'accrocheront sur le frigo, ironisai-je intérieurement. Seigneur, j'entendais déjà le rire tonitruant de Noah dans la tentative ...

Malgré tout, je montai dans ma chambre pour réussir à dénicher le liquide que j'avais tiré avant le départ de mes parents. Je revins dans la pièce principale avec vingt livres-sterlings que je tendis à un Noah qui les observa en clignant des yeux.

-Je ne peux pas sortir alors ... pendant que tu y es, est-ce que tu pourrais m'acheter le cadeau de Noël de Simon ? demandai-je finalement devant son incompréhension. Je lui offre toujours une pièce de théâtre ...

Noah prit mécaniquement les billets sans me quitter des yeux, visiblement toujours un peu déconcerté. Il avait enfilé un épais bonnet bleu sur ses boucles sombres qui accentuait la nuance de ses prunelles, plus électriques, incisives.

-Et ... tu ne veux pas plutôt me supplier de venir avec moi plutôt que de m'envoyer faire tes courses ?

La main que j'avais plongée dans la poche de mon gilet se rétracta sur elle-même, jusqu'à enfoncer mes ongles dans ma paume. J'ignorai réellement si c'était une réaction de terreur ou de désir réprimé.

-Je ne peux pas ..., entonnai-je, incertaine.

J'eus l'impression d'entendre Simon. Cette voix dont le ton rempli de désir et de chagrin détrompait chacun des mots prononcés ... C'était donc cet élan contradictoire qu'il ressentait ?

-Non, la rhétorique exacte c'est que ce ne serait pas prudent, rectifia Noah. Et c'est clair, je ne vais pas le contredire, c'est plus prudent que tu restes au chaud ici. Pour autant...

Le coin des lèvres de Noah tressaillit en l'esquisse d'un sourire aventureux qui fit manquer un battement à mon cœur. Je me souvins de la dernière fois que je m'étais trouvée à l'air libre en septembre, de la paralysie initiale tout le long du trajet à la liberté retrouvée au milieu des vieilles pierres d'Oxford. Cela remontait à deux mois ... je tournais en rond depuis deux mois ... la mesure du temps passé occasionna un léger vertige. Perdue dans ce lieu imperméable au monde réel, j'avais perdu le décompte des jours. Le temps s'était totalement distordues en fonction de mon humeur. Et en ce moment, la moindre heure pesait sur mon cœur comme une année ...

-Pour autant j'ai besoin de sortir, complétai-je de moi-même, saisie. J'ai besoin de prendre l'air.

Je m'étais refusé à verbaliser ce désir, sans doute par volonté inconsciente de l'étouffer, de ne pas le laisser se déployer en moi. Je m'étais persuadée que c'était impossible jusqu'à prendre racine. Il n'avait pas fallu grand-chose pour briser mes illusions. Le sourire de Noah se fit plus franc et la lueur dans ses yeux ralluma mes doutes.

-Mais Julian va nous tuer. Enfin, c'est clair que c'est pas prudent, je ne me suis pas enfermée tout ce temps pour tout gâcher maintenant ...

-Julian n'aura rien à dire, on est tes hôtes, Victoria, pas tes geôliers, répliqua Noah d'une voix un peu dure. Si ton petit Bones veut que tu restes en cage, qu'il construise lui-même les barreaux, mais ce n'est pas moi qui vais le faire. Tu es assez grande pour évaluer les risques et prendre les bonnes décisions. Moi je ne t'incite à rien.

Je restai une seconde indécise, à basculer mon poids de mes orteils à mes talons, comme si mon corps soupesait les deux solutions. Il finit par se stabiliser sur la plus précaire d'entre elle, la pointe des pieds qui m'élevait de quelques centimètres.

-C'est peut-être plus prudent que je sorte avec toi maintenant plutôt que ... je ne craque un jour et que je fasse une bêtise toute seule, évaluai-je finalement avec lenteur.

-Honnêtement ? C'est aussi mon avis. (Il poussa un profond soupir). Ecoute, je peux te proposer ça. On va être hyper prudents, tu vas attacher tes cheveux, mettre un bonnet, garder constamment la main sur ta baguette. On ne visite que des boutiques moldues. On ne s'approche pas de l'IRIS. Je répète, on ne s'approche pas de l'IRIS, ni d'aucun quartier sorcier. A la moindre alerte, je nous refais transplaner jusqu'ici. On ne se sépare pas, pas une seule seconde. Dans ses conditions, j'accepte de t'emmener. Les acceptes-tu, Victoria Bennett ?

C'était trop tard pour l'étouffer : le désir déploya ses ailes et fracassa ma cage thoracique. Et malgré mon cœur qui s'était mis à bondir à un rythme effréné, la peur continuait de se manifester par une pointe aigre au fond de ma gorge. Pour autant minime. Car à peine en eus-je conscience que ma tête acquiesçait. Noah sourit.

-Alors va te préparer et prendre plus d'argent que cela, miss Colibri. On va faire les boutiques.

***

Je fis mes premiers pas à l'extérieur en deux mois avec l'impression d'être une véritable intruse dans le monde réel. Le simple fait d'avoir devant moi la longueur d'une rue que je pouvais parcourir provoqua un soupçon d'émerveillement et de perplexité. Je n'avais pas le droit d'être là, semblait me crier le bitume à chaque pas, à chaque onde qui traversait mon corps. Face à la première personne que je croisais, je baissai prestement les yeux en me retranchant derrière Noah, le cœur battant. Ce n'était qu'une jeune femme avec un casque rouge planté sur ses oreilles et qui fredonnait dans son écharpe, mais le simple fait d'être découverte me glaçait d'effroi.

Noah aurait pu se moquer pendant que je restai coller à lui, m'agrippant même à son bras en arrivant au centre-ville d'Oxford complètement bondé. Etais-je seule depuis si longtemps qu'à présent la présence d'une foule me paralysait ? Et pourtant ce fut au milieu d'eux qu'enfin l'étau se relâcha sur moi. Cela me frappait : j'étais noyée dans la masse, une petite jeune fille au bonnet beige qui avait encore l'air d'être lycéenne, quelconque et peu digne d'intérêt pour ce peuple occupé à rire, acheter, se presser, déjeuner. J'étais invisible, camouflée par mon apparente normalité. Seule la présence de ma baguette dans ma poche sur laquelle je ne desserrai pas mon emprise trahissait qui j'étais.

-Il y a une librairie, là-bas, m'indiqua Noah, sans se dégager du bras que j'avais glissé sous le sien. Ce n'est pas celle où on va d'habitude, mais soyons prudent jusqu'au bout. Si on te demande, si tu es ma petite sœur.

-Tu as changé ton fusil d'épaule ? Je pensais que je te ressemblais assez pour être ta fille ...

-Tu m'as bien regardé ? Je fais bien trop jeune pour être ton père, jeune demoiselle. Non, ma sœur ce sera très bien. Ma mère aurait été parfaitement capable de t'avoir, la connaissant ...

Je lui jetai un regard de biais, un peu surprise. Depuis deux mois, j'avais été confrontée de facto aux familles de mes logeurs. Plusieurs photos de celles de Julian trônaient sur les étagères et j'avais même découvert avec un surprise un article de journal encadré représentant sa sœur, une jeune femme dynamique à la queue de cheval blonde et au sourire solaire, présentant son nouveau produit, un balai d'une marque qui me semblait inconnue, d'avantage tourné vers la course de vitesse que le Quidditch. Charlotte Shelton était visiblement devenue conceptrice de balai, à l'antipode de son frère qui (Noah avait tenté de me le dire en luttant contre un fou-rire) avait le vertige. Et autant la famille de Julian était visible partout, fièrement accrochée sur les murs, autant celle de Noah semblait s'y être fondu pour ne pas se faire remarquer. Il y avait bien cette photo de lui, sa tante, son frère et sa mère disposée à côté du portrait familial Shelton. Mais le faire-part de naissance du petit Pablo Douzebranches y avait été accolé et caché à moitié le visage de la mère ...

-Très bien ..., acceptai-je avec lenteur. Et comment s'appellent nos parents ?

-Tu n'as pas de père, tu es le fruit d'un coup d'un soir parce que ta mère, Heather, a une façon de vivre très libre, bohème et volage qui n'appartient qu'à elle, annonça Noah avec légèreté. Comme on savait qu'elle serait incapable de s'occuper de toi, tu vivais chez ton frère Raphaël mais tu as grandi chez ta tante, celle qui nous a élevé tous les trois ...

-Hilda ?

-C'est ça. (Il me décocha un bref regard où pointait la surprise). Hilda, bonne mémoire. Bref, tu viens de finir tes études à Ilvermorny à chez les Puck et tu m'as rejointe en Angleterre parce que les Etats-Unis te paraissaient fades et insipides sans ma personne.

-Oui, comment aimer un pays dépouillé de son « trésor national »...

Noah se contenta d'un coup de hanche destiné à me faire taire et je n'insistai pas, un peu troublée par le sombre exposé qui semblait être un écho de l'enfance de Noah. Pas étonnant qu'il tente de cacher le visage de sa mère par celui de son neveu si elle avait incapable de l'élever ... Moi qui avais grandi dans un foyer stable et aimant, je ne pouvais qu'imaginer la déstabilisation que pouvait engendrer le fait de n'être au final le fils de personne.

-Mais avant de te lâcher au milieu des livres – parce que vu le temps que tu passes le nez dedans, je sens que je risque de t'y perdre – j'aimerais faire du repérage pour moi, annonça Noah.

-Tu veux lui acheter quoi ?

-Je n'ai pas encore décidé, justement. Quelque chose qui le rende sexy.

Il avait imité l'accent anglais sur ce dernier mots et l'effet sur sa voix américaine était si mauvais que j'en éclatais de rire en pleine rue. Deux ou trois personnes me dévisagèrent, si bien que mon hilarité s'étouffa vite et que je rabattis rapidement mon bonnet sur mon front, les entrailles brusquement serrées. Noah s'esclaffa doucement.

-Pas de panique, personne ne risque de te remarquer ici. Les sorciers vivent plutôt en périphérie de la ville et depuis les Détraqueurs il n'y a aucune alerte. Du moment qu'on ne s'approche pas de l'IRIS, tout va bien.

-Julian va nous tuer s'il rentre avant nous ...

-Non, m'assura Noah avec un sourire en coin. Il va me tuer parce qu'il va me penser le cerveau de ce plan machiavélique, mais il te laissera tranquille mais je prendrais courageusement tout le blâme. Et si on a un peu de chance, on sera rentré avant ... mais c'est ta première sortie depuis deux mois, ne boudons pas ton plaisir. De toute manière, je lui ai laissé un mot authentique. Allez viens. Un certain potentiel glamour dans cette boutique.

-Il faut que tu saches une chose sur moi : je déteste faire les magasins de prêt-à-porter.

-Non, c'est vrai ? Je ne l'aurais pas deviné !

Ça ne l'empêcha pas de profiter que je sois arrimée à lui pour me trainer jusque dans l'ambiance musicale, moite et outrageusement parfumée d'une boutique de vêtement. Noah examina quelques vestes de velours côtelées et de cuir, le nez froncé par la circonspection alors que j'errai au milieu des penderies, évitant les vendeuses au sourire factice et au regard trop insistant. Définitivement, en deux mois d'isolement, j'avais développé une drôle d'intolérance pour le genre humain.

-Oh, je te vois complètement avec, assura Noah en s'arrêtant devant moi.

Mais il ne me regardait pas : il contemplait le mannequin devant lequel j'étais plantée, les mains dans les poches de ma veste en cuir brun trop fine pour les températures presque hivernales qui avaient assaillies la ville. Je levai les yeux sur l'objet de sa contemplation.

-Le trench rouge ? m'amusai-je, néanmoins sceptique. Un peu trop voyant pour une fille qui doit rester discrète, tu ne trouves pas ?

-Mais si symbolique, soupira Noah, l'air dépité. Tu as vu ce film, La liste de Schindler ?

Ma gorge se referma et d'un ton qui me parut automatique, je lui servis la même excuse que je servais à tous : je refusais de voir une fiction sur un drame que ma propre grand-mère avait réellement vécu. L'air contrit qui affaissa les traits de Noah m'indiqua qu'il ne savait rien de mes origines de juive polonaise.

-Oh ..., lâcha-t-il, visiblement à court de mot. Désolé pour ta grand-mère. Mais ça m'a marqué. Normalement, je n'aime pas vraiment les grands films historiques, d'intello mais Julian voulait vraiment le voir et ... il faut le dire, l'esthétique m'a plu. Toutes ses nuances de gris, comme si on avait atteint le dernier cercle de l'enfer, que toute chaleur, toute humanité avait déserté le monde ... et cette unique tache de couleur, cette petite fille ... sans que tu ne saches réellement si la couleur est celle de l'espoir ou du désespoir.

J'avais vu les affiches du film à sa sortie quelques années plus tôt, je connaissais la symbolique de l'enfant au manteau rouge, unique touche de couleur de ce film tourné intentionnellement en noir et blanc. Une enfant juive, avais-je devinée, jetée dans le carnage de la guerre à Cracovie. Repoussant mon malaise, je tentai de sourire face à Noah.

-Oui, c'est clair que ça a dû appeler à ton âme d'artiste. Bon, tu as fini ? On peut aller à la librairie, maintenant ?

Je m'éloignai du mannequin, pour couper à Noah toute envie de vouloir me comparer avec la petite juive en manteau rouge du film – et signifier mon envie claire de fuir le monde des vêtements. Il finit par y consentir en admettait que rien dans cette boutique ne rendrait son homme plus sexy qu'il ne l'était dans son plus simple appareil et nous sortîmes dans le vent, mais sous un rayon de soleil qui adoucit l'air glacial.

-C'est un délire entre vous les pièces de théâtres ? s'enquit Noah en me faisant entrer dans la librairie.

La libraire nous adressa un vague hochement de tête et ne dût pas comprendre lorsque je lui répondis par un sourire béat. Je ne savais si c'était le fait de retrouver les délicieuses étagères pleines à craquer de livres ou si l'euphorie de la sortie avait fini par me monter au cerveau. Immédiatement, mes doigts se trouvèrent accrochées aux tranches des livres, effleurant les noms sans même les détailler. Julian en avait des tas, des plus nobles, des grimoires aux lettres d'or, des parchemins qui craquelaient sous les doigts ... mais ceux-là avaient un goût d'inédit. Et d'interdit. Je ne devrais pas être là et pourtant j'y étais. Je touchais ces livres, je respirais l'air de l'extérieur, je foulais les mêmes dalles que le reste de l'humanité ... J'étais là. Cette simple pensée m'électrisa totalement et un sourire retroussa mes lèvres. Prends ça, Voldemort.

-Un peu, oui ... Je lui ai déjà offert Hamlet et Cyrano de Bergerac. J'essaie d'en trouver qui ont un minimum de sens quand même ...

-Trouve quelque chose sur deux amants tragiquement séparés par la guerre, proposa Noah d'un ton distrait. Un truc niaiseux comme tout ... Comme Ronaldo et Janet.

A dire vrai, il paraissait s'en contrefaire de la pièce que je choisirais sur Simon, mais je ne pus m'empêcher de lui décocher une œillade noire, les doigts crispés sur un livre.

-C'est Roméo et Juliette, rectifiai-je sans pouvoir m'en empêcher, en bonne puriste de Shakespeare. Et calme-toi, la seule raison pour laquelle j'ai cette pièce dans ma bibliothèque, c'est justement de pouvoir me moquer un peu d'eux ...

C'était une vérité : j'adorais lire cette pièce en plein tourment, rire devant la vergue de Mercutio et m'amuser des choix que j'estimais idiots des deux amants. Mais à présent, l'idée répandait un goût de cendre dans ma bouche. La lirai-je avec les mêmes yeux à présents ? Maintenant que j'y songeais et malgré les bouleversements qui m'avaient agitée, je n'avais pas touché à Roméo et Juliette. J'avais peur de lire entre les pages dont je m'étais toujours moquée mon propre désarroi. J'étais devenue Juliette, réalisai-je avec une certaine horreur. Oh Seigneur quelle déchéance ...

-C'est limpide, lança Noah, de façon toujours nonchalante.

-C'est vrai, insistai-je, butée. Vraiment, je n'ai ... jamais été quelqu'un de romantique, vraiment pas. J'ai fui lorsque mon premier copain a voulu fêter la St-Valentin avec moi, ça m'a même gênée quand il m'a offert des chocolats ... normalement, c'est ce genre de fille là que je suis ...

Noah détourna les yeux des photos en noirs et blancs qui tapissaient les murs pour les vriller sur moi. Son flegme avait été remplacé par une marque subtile d'intérêt.

-Normalement ? releva-t-il.

-Oui, bon, ça va, marmonnai-je en rangeant le livre que je tenais d'un geste un peu brusque. Simon a le don de me faire dérailler. Ça a beau être depuis toujours, qu'est-ce que c'est agaçant, Seigneur...

-Et revoilà la bonne petite fille de Pasteur. Enfin pas si bonne que ça. Dérailler dans quel sens ?

-Mais Noah !

Il se permit de pouffer, attisant mon irritation. Etouffant un cri rageur, je me réfugiais au fond de la boutique, à moitié pour m'éloigner de lui, à moitié en quête du rayon théâtre. Je finis par trouver mon bonheur sur une sombre petite étagère, mais à peine eus-je le temps de déchiffrer les titres que Noah m'avait rejoint et s'appuyait contre l'étagère avec un fin sourire.

-Allez, qu'est-ce qui se passe ? Raconte tout à ton grand frère, il peut tout entendre. Tu n'aimes pas que Simon te transforme en fille romantique ?

Au regard furieux que je lui lançais, j'eus l'impression d'être une adolescente en pleine crise en colère face à une figure d'autorité plus haute qu'elle. Et ayant comme fierté de n'être jamais passée par la case « crise d'adolescence », l'image m'agaça profondément et je m'accroupis à hauteur des pièces de théâtres.

-Disons que ... depuis quelques temps j'ai conscience de mon monde tourne un peu autour de lui. Et je n'aime pas ça.

-Et tu ne te dis pas que c'est un peu normal ? répliqua patiemment Noah. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais ton monde se réduit à nos cent quinze mètres carrés. C'est normal que tu t'accroches à lui après avoir tout perdu ...

L'exposé lucide de ma situation souffla la colère, mais ne chassa pas le malaise. Nerveuse, je tirai à moi une pièce d'Oscar Wilde, mais dont le résumé ne m'inspira rien.

-Peut-être, admis-je du bout des lèvres. Peut-être que c'est normal. Mais combien de temps il l'acceptera avant d'en avoir marre que je m'accrocher à lui comme un chaton à sa mère ? Je l'ai fait, au début de Poudlard. A la Répartition, notamment, alors que j'étais persuadée de le détester mais qu'il restait mon seul repère dans un tout nouvel univers. Il a fini par m'envoyer bouler.

-Oui, bon, vous aviez onze ans, éluda Noah avec un vague mouvement de la main. Parlons de maintenant, plutôt. Il t'a dit quelque chose ? Laisser entendre quelque chose, montrer un signe d'exaspération, d'agacement ?

Mes articulations depuis trop longtemps en manque d'activité finirent par protester de ma position et je me laissai tomber près des étagères en tailleur, songeuse.

-Non ... Non, il semble ... aussi frustré que moi.

-Alors pourquoi tu t'inquiètes ?

-Parce que ce n'est pas lui le problème, avouai-je avec un soupir. Je ... j'aime Simon, vraiment, de tout mon cœur et de toute mon âme et toutes les niaiseries romantiques que tu veux. Ça je n'y peux rien, elles sont vraies et tu sais quoi ? Je n'ai même plus honte de l'admettre ! Mais je refuse qu'il soit le centre de mon univers. Je refuse ... j'en sais rien, de n'être que ça. Qu'amoureuse de Simon. Je n'aime pas être cette fille-là, ce n'est pas moi ...

Je retirai mon bonnet, soudainement prise d'une bouffée de chaleur qui me faisait suffoquer. Voldemort m'avait volé une à une toutes mes essences. D'abord le Quidditch, fracassé d'entré, puis mon livre dont le projet n'avait même pas eu le temps d'éclore. Ma famille s'était envolée et même magie clignotait à l'image du patronus qui n'avait pas réussi à jaillir de ma baguette. J'étais restée pour lutter et pourtant alors même que j'étais préservée de tout, il était en train de gagner à même mon identité. C'était effarant. Ne me restait que Simon pour me souvenir pourquoi mon cœur battait.

-Je n'ai jamais voulu être cette fille qui reste collée absurdement à son copain, conclus-je avec un sourire tordu. Qui en fait le centre de son univers et qui réclame de l'être en retour. Et là, c'est exactement ce que je suis. Une pauvre Juliette qui se languit sur son balcon dans l'attente de que son amour vienne la sauver de l'ennui et qui peste lorsqu'il refuse, même si ce sont pour de nobles raisons.

Noah me contempla quelques secondes de ses prunelles bleues et sans artifices dont la couleur était réhaussée par le bonnet qui couvrait ses boucles. Il finit par secouer plusieurs fois la tête, l'air consterné.

-Pathétique, souffla-t-il.

-N'est-ce pas ...

-Non. C'est ce que tu dis qui est pathétique, pas toi. Te réduire à un rôle d'amoureuse transie alors que tu as eu le courage de rester sur le sol Britannique et te battre comme une force qui veut ton annihilation pure et simple ?

Je cillai, stupéfaite de la façon dont Noah présentait les choses autant que par la note dure presque métallique dans ta voix.

-En partie pour Simon, rappelai-je du bout des lèvres.

-En partie, oui. Mais pas que. Tu n'es pas partie parce que le faire, c'était accepter de les laisser gagner. Parce que tu as des convictions et des valeurs. Pas seulement par amour. Tu as raison, te réduire à ça ce serait un début de négation de ton identité et je refuse que tu te mettes ça en tête. Le dire, c'est acter la chose, la rendre réelle. Que tu te raccroches à Simon, c'est normal. Qu'il te manque, que tu veuilles le voir, qu'il prenne une place importante dans tes préoccupations c'est évidemment normal. C'est ce qui m'est arrivé aussi lorsque je suis arrivé en Angleterre et que je n'avais que Julian : je n'avais l'impression de vivre que par lui et pour lui. Puis la tempête est passée et une fois apaisé, j'ai rapidement retrouvé ce qui faisait de moi une personne entière parce que je n'ai jamais lâché le fil. Toi non plus tu ne dois pas le lâcher. Répète-toi sans cesse qui tu es pour ne pas l'oublier. Bon, tu as trouvé ta pièce ?

La fin de sa diatribe était si prosaïque par rapport au reste du discours enflammé que je mis quelques secondes à la comprendre. Je papillonnai stupidement des yeux, puis me reconcentrai sur l'alignement de titre. Sans hésiter, je finis par sortir un ouvrage à la rigide couverture verte d'un doigt.

-Je vais lui prendre Peter Pan ... Un enfant coincé dans un monde imaginaire qui refuse de grandir, ça lui va bien ...

-Excellent. Parce que tu es une adoratrice de théâtre, pas vrai ?

Un léger sourire se dessina sur mes lèvres et je hochai la tête en pressant le livre contre mon cœur. Noah sourit à son tour et me tendit une main pour m'aider à relever. Je grimaçai lorsque mes jambes se délièrent.

-Et une sportive en manque flagrant de forme ..., marmonnai-je en secouant le pied pour en chasser les fourmis.

-Console-toi en te disant que tu es toujours en meilleure forme que Jules : il fait une crise d'asthme chaque fois qu'il doit monter les escaliers. Prochaine étape, le meilleur café du Midwest ! Et un chocolat pour Miss Théâtre. Crois pas, je commence à te connaître.

-On n'est pas aux Etats-Unis, il n'y a pas de Midwest ici.

-On est un peu au milieu et un peu à l'ouest : géographiquement, j'ai raison, prétendit Noah, le nez relevé. En avant toute !

***

Je rentrai transie de froid, les doigts prêts à se décrocher de mes mains mais avec un éclat de rire qui faisait suite à une énième remarque de Noah et qui prolongea dans l'appartement l'espace d'une demi-seconde l'esprit de liberté qui m'avait parcouru toute la journée.

Tout vola en éclat. Lorsque posant les yeux sur l'appartement, je découvris la fureur qui faisait briller des prunelles vertes bien connues.

J'en fus si frappée qu'il me fallut quelques secondes encore pour voir se composer autour d'elle le visage de Simon. Quelques autres furent nécessaire pour que mon champ de vision s'ouvre à Julian, debout derrière lui et qui plantait sur Noah un regard identique. Nous restâmes longtemps ainsi figés, à nous fixer en chien de faïence. Tendus de colère d'un côté, moi crispée par l'attende de l'autre, Noah semblait être le seul capable d'affronter la situation avec un léger sourire. Loin de désamorcer son courroux, cette attitude obligea Julian à crisper des mâchoires. Elles ne restèrent soudées longtemps. Il fallut juste que Noah s'avance théâtralement, les bras ouverts avec un :

-Et que la dispute commence !

... pour qu'il en soit ainsi. Les cris s'envolèrent dans un mélange indicible d'inquiétude rongées, de justifications et de consternation.

-Non mais vous avez quoi dans le crâne ?!

-On a fait super attention ! On n'est pas idiot, on s'est juste glissé dans la foule ...

-Il y a des tonnes de gens dans la foule ! C'est Noah qui t'a proposé ce plan ?

-Non mais c'est pas vrai ! Tu te plains que je te traite encore parfois comme si tu étais encore un ado en crise mais regarde comment tu te comportes ! En faisant le premier truc dangereux dès que j'ai le dos tourné !

-Si j'avais agi comme un ado on vous aurait attendu devant l'IRIS pour vous faire une jolie surprise, Jules ! J'ai tout fait pour que ce soit une sortie sans incidence et c'est exactement comme ça que ça s'est passé ! Regarde, on est en vie tous les deux, non ?

-Et qu'est-ce que tu en sais que quelqu'un ne l'a pas vu ? Qu'ils ne vont pas venir directement ici un matin avec des Aurors pour prendre Vicky ?

-Enfin Simon, s'ils ne m'ont pas prise là, ils n'attendront pas demain ...

-Assez ! finit par exiger Julian en levant la main, comme à l'école.

Simon, qui s'apprêtait à répliquer vertement, étouffa ses protestations qui donnèrent un drôle de grognement. Incapable de décider qui de Noah ou de moi il voulait fusiller du regard, il détourna les yeux pour les river sur les informations qui défilaient en continu sur la télévision. Cela me frappa alors maintenant que le silence se faisait et que je n'étais pas obnubilée par la présence de Simon : tout était ouvert. La radio sur l'étagère, la télévision sur la chaîne dédiée, et même la fenêtre comme dans l'espoir qu'un hibou arrive. Un véritable brouhaha anxiogène qui mêlait présentateurs, jingles et circulation extérieur, forte à m'en saturer l'audition. Une lourde pierre me tomba sur l'estomac.

-Inutile d'hurler à tort et à travers, ce n'est pas constructif, fit sèchement valoir Julian. Noah, viens avec moi.

-Ouh, je me fais convoquer par le professeur ?

-Arrête avec tes sarcasmes, ce n'est pas le moment !

Mon cœur manqua un battement lorsque la voix de Julian dérailla sur la fin de sa phrase. Simon riva un regard étrange sur lui et Noah daigna ne rien rétorquer. Visiblement conscient de l'émotion qu'il dégageait, Julian tenta de se reprendre en s'éclaircissant la gorge et en redressant le menton.

-S'il te plait.

Noah roula des yeux avant de céder en se décollant du mur pour se diriger vers l'atelier de dessin avec la démarche d'un condamné à mort.

-C'est bien parce que tu as dit le mot magique ...

-Je vais le tuer, grinça Julian entre ses dents.

Et la porte claqua derrière eux si fort que, malgré toute la pondération dont faisait preuve Julian au quotidien, je le crus sur parole. Inutile d'entendre ses cris : je les lisais littéralement dans la tension dans ses épaules et dans l'éclat spectrale de ses prunelles vertes sombres. Exactement comme je les lisais dans celle de Simon. Dès que la porte fut refermée sur le couple, il planta son regard sur moi et tout le courage et les arguments que j'avais pu rassembler se bloquèrent au creux de ma gorge.

-Mille gargouilles galopantes, Vicky ! Tu t'imagines ce que ça m'a fait d'arriver ici et de constater que tu n'étais pas là ?!

-Noah avait laissé ...

-... Un mot, je sais, Julian a trouvé, me coupa Simon avec un geste dédaigneux de la main. Quel réconfort dis-moi ! « On est sorti avec Vic, on revient avant la tombée de la nuit » avec un petit gribouillis ! Ça me fait une belle jambe, tiens ! Qui nous assurait que ce message était véridique, vraiment écrit de la main de Noah ? Et quand bien même, qu'il n'allait pas vous arriver quelque chose en chemin, hum ?

-Tu n'étais pas censé être là ce soir, fis-je remarquer à mi-voix.

-Ah parce que c'est ma faute, maintenant ?! A ton avis, pourquoi je suis là ?!

Je fermai brièvement les yeux avec l'impression de recevoir chaque mot comme une fléchette glacée en plein ventre. Je ne m'étais pas préparée à affronter cette situation ... Il n'y aurait dû avoir que Julian, dont Noah aurait occupé le courroux. J'aurais dû, pour une fois, passer à travers les mailles du filet. Mon silence fait pour rassembler mes idées parut irriter davantage Simon et lorsque je rouvris les yeux, il s'était pris la tête entre les mains pour lâcher un cri de frustration ultime, un cri qui roula sur moi et me fit frémir tant il était peu naturel, tellement éloigné de tout ce que j'avais toujours connu de lui.

-Victoria, je fais absolument tous les efforts du monde pour ne mettre à ta place et ne pas simplement t'enfermer à double tour dans une malle jusque la fin de la guerre, asséna-t-il d'une voix rauque. Est-ce que tu peux une seconde te mettre la mienne et comprendre à quel point je suis furieux ? S'il te plait, fais ça pour moi.

-Je le comprends.

Il me jeta un regard incrédule, mais de façon véritable : il ne me croyait pas. Et l'idée même qu'il n'apporte aucune foi ni à mes mots, ni à ce qu'il pouvait percevoir en moi me brisait le cœur. Je levai les mains en signe de paix, consternée d'avoir à argumenter.

-Vraiment, je comprends. A ta place, je serais plus que furieuse. Tu te serais déjà pris trois claques et un livre dans la figure. Je serais venue te chercher par la peau du cou au milieu d'Oxford ...

-Ce n'est pas l'envie qui m'en a manqué, marmonna-t-il entre ses dents.

-... Mais admets aussi qu'à la mienne, tu te serais barré bien avant. A dire vrai je pense qu'à la mienne tu n'aurais pas accepté le moindre enfermement. Tu es claustrophobe Simon, rien que l'idée de ne pas pouvoir bouger doit t'angoisser.

C'était l'argument traitre, mais qui chaque fois faisait plier les revendications de Simon. L'argument qui avait fait qu'il n'avait pas émis la moindre protestation au fait que je reste sur cette île. A ma place, tu ferais pire. Je le savais. Simon était loin d'être un oiseau qu'on pouvait mettre dans une cage. Et la façon dont ses traits se durcirent et sa mâchoire se crispa m'indiqua qu'il en avait parfaitement conscience.

-Si tu peux arrêter avec ça ...

-Mais c'est vrai !

-Oui c'est vrai, mais ça ne change rien ! s'exclama Simon en tapant sur la table du plat de la main. Ça ne change strictement rien à la situation, ça ne te donne pas le droit d'en profiter pour gâcher absolument tous les efforts qu'on fait pour te maintenir en sécurité ! Je suis désolé mais « à la place tu te serais barré avant »... Tu n'es pas moi, Vicky, loin s'en faut et heureusement d'ailleurs !

-Alors toi tu aurais eu le droit parce que tu es une tête brûlée mais moi comme je suis une fille sage et tranquille, je dois rester enfermer ici sans broncher ?!

Le soupir que poussa Simon, signe que ma conclusion l'exaspérait, ne fit qu'enfler mon malaise. Je me revis dans la librairie, à parler de moi à Noah comme si j'étais une étrangère, à me sonder intérieurement et à ne rien trouver ce qui avait fait mon identité. Des larmes brouillèrent ma vue et je cillai rapidement pour les faire disparaître. En lieu et place, une boule douloureuse me noua la gorge.

-C'est pas juste, gémis-je comme une enfant. Vraiment ce n'est pas juste, ce n'est pas parce que normalement je suis calme et casanière que je n'ai pas le droit de péter un plomb ! J'ai essayé d'ignorer ça pendant deux mois, deux mois Simon que je vis entre ma chambre et que ma sortie quotidienne est un bol d'air frai sur une terrasse ! Je n'ai même pas été imprudente ! Est-ce que ça aurait pu mal tourner ? Oui, et j'ai eu peur, je te jure j'ai eu mal au ventre pendant dix minutes tellement j'avais peur de me faire choper, tellement j'avais l'impression d'être une gamine égoïste qui faisait un caprice mais tu sais quoi ? J'avais besoin d'être cette gamine égoïste, c'était ça pour devenir pire ! Je n'aime déjà pas la personne que je suis devenue en deux mois alors j'avais besoin d'enrailler un peu le processus !

J'avais même perdu tout contrôle sur mon corps parce que les larmes étaient de nouveau montées pour me brûler les yeux et l'une d'entre dévala ma joue. Agacée, je me détournai et l'écrasai sous paume. Dans mon dos, j'entendis Simon exhalai un nouveau soupir. Je tournai à moitié mon visage pour le percevoir du coin de l'œil. Les coudes plantés sur la table, il avait enfoui son visage entre ses mains, enfonçant ses phalanges dans ses cheveux.

-Attends, laisse-moi être hors de moi encore quelques minutes ..., lâcha-t-il sans émerger.

-Quoi ?

-Oui, avant que je ne flanche. Ta petite voix pleine de pleurs, c'est quand même sacrément efficace. J'essaie de retrouver l'enfant en moi qui y étais insensible.

Le rire qui jaillit de ma gorge était aussi rauque et étouffé qu'un sanglot. Je m'étreignis de mes bras, prise d'un frisson.

-C'est vrai que tu n'étais pas très empathique ... Quand je suis venue en larme te dire pour ce que Nestor m'avait fait, tu m'as demandé de partir.

-Non, je t'avais dit de parler, ou de partir, précisa Simon avec lenteur. Mais ce n'est pas vrai ... ça m'avait vraiment fait quelque chose de te voir pleurer. Je ne sais pas si tu le sais, Vicky mais ... Tu es assez coriace. Ce n'est pas facile de t'arracher une larme.

-Oui bah ça non plus ce n'est plus vrai ...

L'amertume et le désarroi qui perçaient douloureusement ma voix finirent par avoir raison de la colère de Simon. Il écarta ses doigts pour planter ses yeux dans les miens et j'inspectai ses iris sans y voir la moindre trace d'éclair ou de fureur. Lorsqu'il laissa tomber ses mains, ses épaules s'étaient affaissées, et signe de reddition complète, il daigna se lever, les mains enfoncées dans ses poches, les lèvres pincées en une moue contrite. Devant son regard qui avait perdu toute son animosité, je sentis mes propres résistances fondre et j'ajoutai dans un filet de voix :

-Je pleure tout le temps maintenant ... Je pleure tout le temps, j'ai tout le temps peur, et ... j'ai tout le temps besoin que tu sois là pour me faire oublier que je ressens tout ça. Il n'y que lorsque tu es là que j'arrive à oublier qu'à l'intérieur je suis tombée en cendres. (Je m'essuyai le visage à deux mains, le souffle court). Mais comme je n'ai pas envie de faire peser tout ça sur toi, je suis sortie un petit peu ... Je voulais redevenir normale.

-Peser sur moi ? Enfin, Vicky ...

Il fit de nouveau quelques pas en ma direction mais garda une certaine distance, comme s'il peinait à complètement abolir la distance, flancher totalement. Ces quelques mètres m'étaient épouvantable : je n'avais qu'une envie, c'était de fondre dans ses bras. Faute de mieux, je resserrai ma prise sur moi-même en quête d'un peu de réconfort – et de dignité. Dehors, j'avais eu la sensation de me retrouver et il était hors de question que je brise tout en me conduisant en amoureuse éperdue.

-Vicky, après tout ce que j'ai pu faire peser sur toi durant toutes ces dernières années, tu peux bien un peu me rendre la pareille, souffla Simon.

-Ce n'est pas que ça le problème ... je ne veux pas devenir aussi stupide que Juliette. Et là clairement, j'ai la sensation d'être devenue comme cette gourde, c'est insupportable !

Les lèvres de Simon se pincèrent et quand ses yeux étincelèrent, je compris qu'il réprimait un éclat de rire. Il me rendait la tâche difficile. Ils étaient vraiment magnifiques, ses yeux, lorsqu'ils pétillaient ainsi tout en étant plantés sur moi. Mes résolutions furent d'autant plus difficiles à tenir qu'un sourire finit par fleurir sur ses lèvres alors qu'il s'approchait encore un peu plus de moi.

-Vicky ? Je refuse qu'on soit comparé à Roméo et Juliette.

-Parce que leur histoire est terriblement stupide ?

-Leur histoire est celle qu'elle est, répliqua Simon avec un calme surprenant. Mon argument principal c'est qu'à la fin, les deux meurent.

Je papillonnai stupidement des yeux devant la conclusion et le timbre étrangement sérieux de Simon. Je soutins son regard, le souffle bloqué au cœur de mes poumons face à cette peur très prosaïque qui faisait certainement échos à ce qui devait l'agiter depuis quelques semaines.

-De façon stupide, insistai-je dans un murmure.

-Stupide ou pas stupide, la mort reste la même chose, Victoria Anne Jadwiga Bennett. Mes frères aussi sont morts de façon stupide, quand on y pense ... Matthew, surtout ... Merlin, Vicky, je n'ai pas envie qu'il t'arrive la même chose ...

C'était la première fois qu'il évoquait cette peur à voix haute. C'était la première fois qu'il la faisait peser sur moi, cette terreur qui devait lui tordre les entrailles depuis que les rafles de nés-moldus avaient commencées et qu'il devait étouffer parce que je portais déjà bien assez d'angoisses. C'était la première fois qu'il s'autorisait à la verbaliser. Les efforts qu'il avait fait sur lui-même, lui qui avait toujours comptait sur moi pour apaiser ses tempêtes, me frappèrent brusquement et je baissai la tête.

-Je sais ... Mais je ne m'excuserai pas d'être sortie quand même. Je ne dis pas que je le ferais tout le temps mais ... (Je levai les yeux au ciel). Noah m'a parlé de cadeau de Noël, ça m'a fait craquer.

-Oh, tu m'as acheté ma pièce de théâtre ? C'est quoi cette année ? (Son nez se fronça brusquement de dégoût). Oh, non, ne me dis pas que c'est Roméo et Juliette ?

-Ah, ah ! triomphai-je en pointant un index sur lui. Tu vois que toi aussi tu les trouves stupides !

Pour toute réponse, Simon referma son poing sur mon doigt et m'attira à lui avec un sourire tordu. Mon exclamation de surprise fut étouffée par ses lèvres. Et comme chaque fois qu'il m'embrassait, tout en moi s'effaça pour être remplacé par une douce sensation grisante et bienfaisante qui faisait vibrer mon être. Mes mains se nouèrent à l'arrière de sa nuque pour prévenir toute intention de rompre l'instant, mais lorsque le moment fut venu de s'écarter, il garda le front pressé contre le mien et ses lèvres à portée de baiser.

-Si c'était pour mon cadeau de Noël et que ... tu en avais véritablement besoin, j'accepte de passer l'éponge, chuchota-t-il, visiblement à contrecœur.

-Et je te promets de ne pas en faire une habitude. Et si je ressors un jour, ce sera en heure de pointe avec quelqu'un avec moi sans m'approcher des lieux sorciers. Je ne veux pas prendre de risque inconsidéré, je ne veux juste ...

-... pas devenir Juliette, j'ai compris. Ce qui est parfaitement idiot, parce que je te sais assez intelligente pour laisser un mot quelque part si tu comptes te faire passer pour morte.

-Merci de m'accorder ce crédit, ça me rassure, plaisantai-je avec un petit rire.

-Non mais vraiment penses-y, c'est vraiment quelque chose qui risque d'arriver maintenant que j'y pense.

C'était vrai ... mais je n'avais vraiment pas envie d'y songer à l'instant où je passai pour la première fois une journée parfaitement ordinaire où j'étais redevenue pleinement l'espace d'un instant Victoria Bennett. Plutôt que de répondre, je caressais la joue lisse de Simon, effleurai sa pommette de mon pouce, observai ses yeux mi-clos baissés sur mes lèvres.

-Tu ne devais pas venir, normalement, me rappelai-je dans un souffle.

-Je préfère venir le moins possible ... ne pas attirer les soupçons ... Mais la pression s'est desserrée, ici et à Terre-en-Landes alors ... je voulais te faire une surprise et... (Un sourire trembla sur ses lèvres). Tu n'es pas la seule à en avoir besoin.

-Oh ... (Mes doigts se crispèrent un peu sur sa nuque, hésitants). Et bien ... disons que ce soir on va s'enfermer dans ma chambre avec un plateau repas. Je suis certaine que Julian et Noah ont besoin de se retrouver à deux.

Un sourire désabuséretroussa les lèvres de Simon, vite effacé par un baiser impatient, vivifié parles restes de peur et d'euphorie que nous avions tous deux éprouvés de chaquecôté du mur de cet appartement. L'endorphine gonfla mes veines, et mon cœur decontentement. C'était ça, ma vie. Flâner dans une librairie, dédaigner lesvêtements, boire un chocolat et embrasser Simon. Et j'étais plus qu'heureuse dela retrouver l'espace d'une journée. 

***

Alors votre verdict ? 

C'est une des premières scènes que j'avais en tête pour l'enfermement chez Noah et Julian, et j'ai envie de dire que c'était une étape obligée ! 

Peut-être que vous aurez une surprise côté Anna qui correspond ... A négocier avec elle pour Noël 0:) 

Bonne fêtes à tous.tes, immense Keur sur vous <3 

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