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IV - Chapitre 12 : Et si tu étais ...?

Hello les enfants <3 

Comment vous allez bien en ce vendredi bien gris chez moi, bien mois de Novembre? 

Personnellement je sors d'une semaine crevante MAIS la Coupe du Monde m'a un peu maintenue envie (non je ne boycotte pas, j'ai expliqué mes raisons sur insta mais pour faire court : c'est trop tard il fallait se réveiller avant, ce n'est pas le premier événement sale, c'est injuste de taper sur les joueurs et les supporters quand les instances sont responsables et regarder c'est un moyen de mettre en lumière tous les dysfonctionnements. Pour autant je suis parfaitement consciente, scandalisée et dégoûtée par les conditions dans laquelle elle se déroule). Bref, je pensais ne pas être enthousiaste pour cette CDM de Novembre, mais chanter la Marseillaise dans un bar et hurler au milieu de tout le monde au moindre but ça fait plaisir quand même. 

Dernier appel pour Le salon du livre jeunesse de Montreuil !! Anna' et moi qui seront le dimanche 4 décembre après-midi avec d'autres Wattpadiennes, si vous souhaitez nous y rejoindre, donnez votre numéro à Annabethfan ! Déjà beaucoup d'animation et de bonne humeur sur la conversation <3

Maintenant, ce que vous attendez tous.tes : LE CHAPITRE. On continue chez Noah et Julian pour votre plus grand plaisir ! Bonne lecture les enfants ! 


***

L'artiste a le pouvoir de réveiller la force d'agir qui sommeille dans d'autres âmes. 

- Friedrich Nietzche

***

Chapitre 12 : Et si tu étais ... ?

Hey,

Désolée de ne pas avoir pris le temps de t'écrire, c'est de la folie en ce moment ... Hier c'est carrément une escouade de la brigade de police magique qui s'est promenée dans Terre-en-Landes et a paradé devant notre maison. Simple formalité qu'ils ont répondu à mon père. J'en viens presque à espérer que quelqu'un, quelque chose se passe et détourne enfin l'attention de nous ... que quelqu'un d'autre ait des ennuis. C'est horrible, n'est-ce pas ?

A l'IRIS, ce n'est pas mieux. Depuis que le Doyen s'est fait renvoyer, c'est la grande effervescence. Tout le monde a peur qu'ils nomment quelqu'un issu du nouveau régime et que le climat se durcisse dans l'université, alors même qu'on parvient déjà à peine à respirer. Déjà des injonctions de travaux arrivent du Ministère ... On parle de faire travailler les Séniors (ceux qui sont en 3e année) sur des procédés proscrits, parfois même de chose qui s'apparente à la magie noir – genre toute la magie de la mort et de la vie ... je te jure ça me fout des frissons rien que d'y penser. C'est le genre de magie qui ne m'attire pas du tout, et pourtant j'aime la complexité et l'impossible. Mais ça ... ça ce n'est pas naturel.

Bon désolée, les nouvelles ne sont pas rassurantes ... mais tu m'as demandé de ne rien de cacher, alors tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même ! ça te rassurerait un peu que malgré tout ça je ne compte pas arrêter l'IRIS ? Vraiment, j'aime trop ce que je fais, j'aime étudier les sortilèges, les subtilités pour les décoder ... Julian a annoncé qu'on allait commencer à être initier à la création en plus, j'ai tellement hâte ! Mais je ne pense pas être très bon à ça. Théoriquement je comprendrai ... mais je pense avoir une imagination limitée pour la création de sortilège. Ce n'est pas pour rien que Serdaigle n'a jamais été envisagé pour moi.

J'aurais vraiment aimé te raconter ça de vive voix ... ça me fait tellement bizarre de t'écrire des lettres. La première je l'ai recommencé trois fois tant ça me paraissait artificiel. Je trouvais tout stupide, je n'avais qu'à venir te voir, comme je l'avais toujours fait ... J'en reviens pas qu'on nous prive de ça. Ça me troue le cœur, Vicky, vraiment, n'en doute pas un seul instant. Et c'est ce qui m'a motivé à écrire malgré tout. Ce n'est peut-être pas naturel pour nous ... mais ce n'est pour ça que je suis prêt à y renoncer.

Je te promets que dès que ça se calme, je viendrai chez Julian. Promis. Mais tant que j'aurais des représentants du Ministère qui se baladeront dans le village tous les jours ... je ne veux pas les mener à toi. Mais je viendrai.

Je t'aime. Ecris-moi.

Simon.

Je relus la lettre, pas une, deux, mais peut-être dix fois, avec chaque fois un sentiment différent. Mélancolie, tristesse, déchirement, attendrissement mais à chaque lecture c'était la colère et la frustration qui montait dans ma poitrine par bouffée, prêtes à me faire éclater les côtes à chaque explosion.

Je jetai la lettre sur le bureau et inspirai profondément pour tempérer mon humeur. L'air repoussa le courroux sourd au creux de mes alvéoles sans pour autant le faire complément disparaître. J'étais arrivée chez Julian et Noah depuis presque deux semaines, et à part une brève apparition de cinq minutes quand sa promotion était venue travailler ici, je n'avais pas vu Simon. Et si ça lui trouait le cœur, moi ça me déchirait tout entière. J'étais en grande partie restée pour lui, parce que je me sentais incapable de ne pas avoir un œil sur lui et ses activités, son état. Parce que l'inquiétude et l'attente m'aurait tuée à petit feu. Je n'étais pas partie et pourtant c'était ce qui était en train de se passer. La plupart du temps je me sentais stupide de me languir ainsi, tentait de relativiser en me répétant que ce n'était que deux semaines, que c'était un état provisoire, pas grand-chose ... que des gens vivaient bien pires actuellement. Maintenant, je m'efforçai de lire La Gazette chaque jour pour me le rappeler, me nourrissait des nouvelles de Julian ou de Simon. Dehors, la terreur régnait. J'étais en relative sécurité et Simon intact. Devrais-je vraiment me laisser submerger par l'abattement ?

Mais comme toujours, plus facile à dire qu'à faire. Une seconde après m'être tranquillisée, la frustration s'étreignait à nouveau. Simon avait tenté d'adoucir l'impression d'une lettre qu'il avait glissé par Julian, mais je partageais ses impressions. Ces lettres, ce n'était pas nous. Je reconnaissais l'écriture, le tracé des lettres mais avais toutes les peines à imaginer la main de Simon tenant la plume. Non, je n'arrivais à pas à voir Simon derrière les mots – et cela creusait le manque plus que cela ne compensait son absence. Trop consciente que sa situation était aussi difficile que la mienne, je m'efforçai de lui répondre, mais avec des phrases creuses qui me donnaient envie de pleurer.

Ma lettre achevée, je descendis la confier à Julian qui devait partir pour l'IRIS. Je le repérai depuis la passerelle, devant la grande bibliothèque qui prenait tout un pan du mur et encadrait la porte d'entrée, les sourcils froncés. Il avait déjà revêtu sa robe de sorcier bleue de l'institut, rendue obligatoire pour tous depuis que le Ministère était tombé.

-Tu vas faire fureur au milieu des moldus, comme ça, commentai-je timidement en descendant l'escalier.

-Oh, je transplane aujourd'hui. A début je me changeais dans les toilettes ...

-Et je paierai pour voir le spectacle qui en résulte ! intervint la voix de Noah depuis l'atelier de dessin. Le nombre de fois où tu as dû tomber dans la cuvette ...

Julian leva les yeux au ciel et s'abstint de répondre pour se remettre à fouiller sa bibliothèque. Moi, je coulais un regard presque inquiet sur la porte ouverte de l'atelier, d'où résonnait de la musique à un volume bien plus acceptable. Le volume de la musique était le véritable révélateur de l'humeur de Noah et visiblement, il semblait aujourd'hui dans un bon jour.

-Il ne travaille pas aujourd'hui ? demandai-je innocemment à Julian.

Depuis deux semaines, j'étais toujours un peu mélancolique, silencieuse, mais au moins seule j'étais relativement sereine. Mais quand Noah était présent, je me tendais, toujours sur un fil. J'avais toujours l'impression de marcher sur des œufs avec lui et j'étais incapable d'interpréter le moindre de ses regards, de ses mots.

-Hum ... ? Si, mais d'ici. Je doute qu'il ne sorte de sa grotte. Rappelle-lui juste de manger ce midi, il risque d'oublier, mais ne t'occupe pas de lui. Il ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même lorsque je ne voudrais plus de lui parce qu'il sera devenu squelettique. Ah !

Julian brandit sa baguette et de la plus haute étagère s'envolèrent une série de livre à la tranche verte aux lettres d'or. Un à un, ils rapetissèrent et allèrent s'engouffrer dans le sac que Julian avait ouvert à ses pieds à un rythme qui s'harmonisait étrangement à la musique qui résonnait depuis l'atelier. Un petit sourire ourla mes lèvres, un peu nostalgique.

-On se croirait dans Merlin l'Enchanteur ...

-Et grâce à toi on a même Archimède pour le prouver, lança Julian avec un sourire complice. Toi aussi tu as grandi avec Merlin en maître ? Je le regardais chez ma grand-mère en rêvant moi aussi de me transformer en oiseau ...

-Moi je voulais transformer Simon en poisson pour qu'il se fasse avaler par un brochet.

Il fallait que j'arrête, songeai-je alors que la mélancolie compressait douloureusement ma poitrine. C'était typiquement le genre de souvenir qui remuait tout ce qui me manquait : ma famille, Simon ... Julian parut le lire sur mon visage car son sourire s'estompa quelque peu, sans pour autant complètement disparaître. Mu d'une impulsion soudaine, il se précipita vers les étagères les plus basses de la bibliothèque.

-Oh ! En cherchant j'ai trouvé des choses qui pourraient peut-être t'intéresser ...

-1984 ? hasardai-je en me souvenant qu'on avait vaguement parlé de George Orwell à mon arrivée.

-Non – mais si tu le veux, sers-toi ! Mais je pensais plus à ça ...

Il finit par extraire des albums photos avec un grand sourire. Cette fois, ce furent ses yeux qui se voilèrent de nostalgie alors qu'il m'ouvrait le premier. Le film plastique qui recouvrait les clichés craqua à l'ouverture, témoignant d'une longue période d'inactivité. Je jetai un coup d'œil et sentit ma bouche béer de surprise. Sur la première photo, je me trouvais face à face avec le sourire insouciant de Matthew Bones.

-Tu m'as interrogé sur lui cette semaine, je me suis dit que ça t'intéresserait peut-être, expliqua-t-il devant mon silence ébahi.

Je refermai la bouche pour masquer ma gêne. A dire vrai, j'avais surtout parlé de Matthew pour faire la conversation pendant un repas, à un moment où un silence épais s'était installé à table. Mais Julian semblait heureux de me partager ses souvenirs et je me répugnais à gâcher son plaisir : je pris l'album entre mes mains et examinait le cliché d'un œil intéressé.

-C'était notre été en France, précisa-t-il en tournant une page. Ma grand-mère maternelle – l'américaine, la sorcière – y a une maison de vacances, on s'est fait un séjour là-bas après notre diplôme ... Regarde-nous ...

J'essuyais un petit rire lorsqu'il me pointa un cliché où une bande d'adolescent était alignés sur les transats au bord d'une piscine. Je reconnus aisément Julian car il était le seul à avoir un livre sur ses genoux repliés, un air concentré sur son visage aux joues plus rondes. A côté de lui, Noah était étendu avec des lunettes de soleil sur le nez et se contentait de mollement lever deux doigts en « V » par intermittence. Je notai aussi la présence de Matthew plus loin, réfugié sous un parasol à jouer aux cartes avec une filles aux longs cheveux.

-Mon amie Aileen, celle qui a fondé La Voix du Chaudron au Canada ... A côté de Noah, c'est ma cousine Théa – elle a pris un de ses coups de soleil cette fois-là, regarde on voit sa peau rougir ! Liam s'amuser à lui donner des petites claques dans l'épaule, elle a fini par le jeter dans la piscine. A tiens, regarde celle-là !

-C'est Lysandra ?! reconnus-je, incrédule.

Difficile à croire tant elle détonnait, avec des lunettes de soleil qui lui mangeait le visage et un foulard dans les cheveux. A côté d'elle, Matthew semblait hilare et suivait des yeux la boule qu'elle semblait lancée de sa baguette. Julian m'expliqua brièvement que c'était un jeu sorcier dérivé d'une pratique moldue du sud de la France – et qu'il avait vaguement songé à m'en parler pour mon livre comme nouvel exemple, trivial mais parlant, des porosités entre nos mondes. Mais comme parler de mon livre m'avait de nouveau rendu morose, il s'empressa de tourner les pages pour me divertir et changea d'album pour me faire découvrir des versions beaucoup plus jeunes de lui et Matthew, à peut-être onze ou douze ans, occupés à disposés soigneusement des boules de cookies sur une plaque. Si Julian semblait appliqué, son meilleur ami lui était surtout occupé à profiter de l'exercice pour piquer des pépites de chocolat.

-Simon lui ressemble, commentai-je en examinant son long nez et son air malicieux. Ils ont vraiment la même tête ...

-Un mélange avec Spencer. J'ai connu Simon bébé : il était tellement parti pour être le portrait craché de Cassiopée, personne n'aurait pu prédire qu'en grandissant il tournerait Bones ... Je n'ai pas de photo de lui bébé, si c'est ce que tu cherches ...

-Oh j'en ai déjà vu ne t'en fais pas ... je ne t'ai pas attendu pour fouiller. Qui c'est ?

Je pointai une photo où il était difficile de ne pas reconnaître Poudlard : on distinguait le Lac Noir en contrebas alors que trois adolescents étaient assis sur l'herbe. Cela me fit un drôle d'effet de voir Matthew, qui coloré de noir et de blanc, sans la rousseur et le gris de ses iris, ressemblait tant à Simon que c'était troublant, habillé de l'uniforme frappé du lion de Gryffondor. La sensation était tout aussi étrange du côté de Julian, entouré de deux grimoires et sa baguette coincé derrière l'oreille. La dernière personne était une fille allongée de tout son long, ses cheveux broussailleux entourant son visage rond et qui examinait le ciel avec un type de jumelle que je me souvenais vaguement avoir utilisé en Astronomie.

-Hanna, notre amie. On était un petit groupe de trois du temps où j'étais à Poudlard ... Elle travaille à l'Observatoire magique maintenant.

-J'ai une amie qui y travaille aussi ... Renata Morton. C'est assez dingue de voir comment les générations se suivent et se ressemblent ... On fait tous les mêmes choses, fréquentent la même école, étudient les mêmes choses pour finir aux mêmes endroits ...

-Et ce même si on a fait un détour par Ilvermorny, conclut Julian avec un sourire. Bon, je vais y aller, je vais finir par arriver en retard à mon cours ... J'ai du courrier à déposer ?

-Oh ! (Je lui tendis la lettre chiffonnée dans mon poing, la mine penaude). Si, excuse-moi ...

-Je ne pensais pas me trouver une vocation de hibou dans cette guerre, plaisanta-t-il en empochant la lettre. J'espère qu'à la fin ce sera estimé à sa juste valeur !

-Et tu voudrais quoi ? intervint la voix de Noah. Une statue de toi avec des ailes dans le dos et des cœurs dans les yeux ?

-Bon, je te le laisse ! décréta Julian avec un sourire désolé.

Il transféra les albums photos dans mes bras, saisit son sac dans lequel il avait rangé sa collection de livre et s'en fut dans ce qui ressemblait à s'y méprendre à une fuite. Je fixai quelques secondes la porte d'un œil blasé avant de me laisser aller dans les canapés de cuir, les albums entre les bras. Faute de mieux, je me mis à vaguement à les parcourir, des clichés de l'enfance aux souvenirs du voyage en France. Sur l'une d'entre elle, Matthew tendait fièrement une lettre à Julian et je reconnus le seau de l'IRIS sur la cire qui scellait le parchemin. Sur une autre, il jouait dans la piscine avec sur ses épaules une adolescente qui ressemblait trop à Julian pour ne pas être sa sœur. Mais celle qui me brisa définitivement le cœur fut un tirage classique de quatre photos de photomatons, coincée sous un film de plastique. Cette fois, Julian était complètement absent : il n'y avait que Matthew, Matthew et ses sourires, Matthew et ses grimaces et ce fut là que je saisis la différence fondamentale entre Matthew et Simon. Simon n'avait jamais été ce genre d'enfant qui faisait des grimaces. Drôle, certes mais par les mots plus que par les actes, avec une malice qui tenait davantage du sarcasme, un humour coupant. Mais surtout Simon avait de la retenue, une certaine posture qu'il cultivait et derrière laquelle il se réfugiait, contrairement à Matthew qui sur chaque cliché semblait relâché, pas prise de tête, insouciant. Non, l'insouciance de Simon lui avait été volée à trois ans ...

Mais plus que cette constatation, ce fut l'autre personne sur les photomatons qui me donna presque l'envie de pleurer. C'était presque difficile de voir ma professeure d'étude des moldus derrière le sourire de cette fille aux cheveux clairs attachés en un vague chignon au-dessus de son crâne. Quelques années de moins, mais quelques rondeurs en plus, elle semblait plus épanouie qu'elle ne l'avait jamais été dans une salle de classe à tirer la langue à la caméra ou embrasser Matthew. Encore une fois, j'eus lourdement conscience de toute la vie qui nous avait été volée et qui continuait de nous filer entre les doigts. Comment j'aurais adoré les connaître tous les deux, voir Simon interagir avec ses frères, plaisanter avec Matthew, étudier la magie avec Spencer, me moquer de la fratrie avec Charity Burbage, voir en elle plus qu'une professeure ... et quelque part, j'espérais que Simon et moi ne deviendrions pas un souvenir gardé sous un film de plastique.

-Il a tenu plus longtemps que je le pensais.

Face à la voix si proche de moi, je fis un véritable bond sur le fauteuil, si bien que l'album valsa à terre. Derrière le dossier, Noah s'était approché, les mains croisées dans son dos, légèrement penché pour visiblement regarder par-dessus mon épaule. Il m'adressa un sourire caustique.

-Honnêtement, j'ai bien cru qu'il les sortirait dès ton arrivée. Ça macère un peu dans sa tête depuis que c'est la merde ici. Le souvenir de Matthew remonte, il éprouve le besoin d'extérioriser.

Je déglutis, un peu honteuse d'avoir été prise en pleine contemplation alors que les larmes commençaient à me monter aux yeux. Pour les masquer, je me penchai pour ramasser l'album.

-Euh ... oui, je suppose. C'est normal ...

-Normal n'est pas le mot que j'utiliserai, chacun gère à sa manière. Mais si c'est la façon dont Jules a besoin de gérer ...

Le surnom me plongea en plein dans l'intimité des deux hommes et je m'enfonçai dans le fauteuil pour y échapper. Gênée, je décidai de davantage m'attarder sur le fait que définitivement, Noah avait un problème avec le principe de « normalité ». Ce n'était la première fois qu'il me reprenait chaque fois que j'utilisais ce mot pour utiliser une périphrase et j'avouai en avoir assez d'être chaque fois renvoyée dans mes retranchements.

-Il n'y a pas de problème s'il veut en parler ... Vous ... enfin tu ... tu l'as connu ?

Je posai la question par politesse, simplement pour ne pas donner l'impression à Noah que sa présence me mettait mal à l'aise – bien que c'était le cas. Deux semaines plus tard, je ne cernais pas davantage l'homme qui était souvent enfermé dans son atelier ou dans les locaux du journal et que je ne croisais souvent qu'aux heures des repas – quand il mangeait. Le peu que nous nous étions retrouvés seuls, j'avouai avoir joué les jeunes filles timides et effarouchées, faute de trouver d'autre comportement à adopter. Et une jeune fille timide n'était pas particulièrement loquace. Face à lui, j'avais la sensation désagréable de régresser et de redevenir l'enfant peureuse de Poudlard.

Noah parut intensément réfléchir à la question. Il s'appuya nonchalamment sur le dossier du canapé et frotta sa mâchoire couverte d'une barbe sombre de trois jours.

-Un peu ... vaguement, je suppose, on ne s'est vu qu'en de rares occasions ... je ne peux pas dire que j'étais son plus grand fan. Déjà que je n'étais pas particulièrement fan de garçon qui trainaient trop avec Jules, mais en plus qui lui pompait autant son affection et son attention, c'était trop pour moi.

Quelque part, ça me laissait perplexe qu'il ait pu être jaloux de Matthew comme moi j'avais pu l'être d'une fille comme Adrianne qui avait approché Simon de trop près au pire des moments. Et de nouveau, ça me renvoyait au fait qu'ils étaient un couple d'homme et que malgré toute ma bonne volonté, je n'arrivais pas à leur donner les codes de couples normaux.

-Oh ... Mais ... enfin, il ne s'est rien passé entre ... ?

-Entre eux ? compléta Noah avec un drôle de rictus. Moi aussi je me suis posé la question la première fois que je les ai vu, chez la famille de Julian. Mais il assure que non, ça a toujours été platonique, une amitié sans faille. Ce n'était pas son type. Son type ou pas, il a fallu que je mûrisse un peu pour que la méfiance tombe. Pendant ces vacances, tiens ! Morgane nos têtes de bébés ... Non, ça ce n'est pas moi c'est euh ... mon frère, voilà, mon frère, Hernando Douzebranches. Voilà, c'est ça. Torse de poussin qu'on l'appelait, c'est ça ... Pas moi, pas moi du tout ... Oh ! Il faut que j'envoie cette photo à Théa, j'avais oublié qu'elle ressemblait à ça !

Sans attendre, il arracha la photo en question d'une fille brune au nez retroussé de l'album et la dupliqua avec un rire qui m'évoquait trop les grands méchants dans les films. Sans attendre, il la passa soigneusement dans une enveloppe en s'imaginant la réaction de ladite Théa, avant de bondir tel un enfant sur le fauteuil en face de moi, un carnet et un crayon à la main. Il se mit à virevolter à la surface de la feuille avec une légèreté presque hypnotisante.

-Bon, lança-t-il sans lever les yeux de sa feuille. Je veux bien faire le clown pour briser la glace, mais il va falloir que tu y mettes un peu du tiens.

-Pardon ?

-Parce que tu vas me dire que cette tête de renfrognée c'est ta tête naturelle ? Si c'est le cas il faudra que je parle à Simon pour lui demander ce qu'il te trouve.

La pique m'empourpra complètement et je tentai d'ériger un bouclier en plaquant l'album contre ma poitrine, indignée.

-Mais ... C'est juste ... C'est compliqué en ce moment, je ...

-Pour tout le monde, me coupa Noah, toujours occupé à dessiner. Alors peut-être un poil plus pour toi je veux bien l'admettre, à ta place j'aurais déjà creusé un trou dans mon plancher pour m'évader et c'est bien pour ça que ça fait deux semaines que je prends sur moi pour que la vie te soit agréable. Dis-moi merci et apprécie le privilège, je ne fais pas ça pour tout le monde. En retour, j'aimerai instaurer un quota de sourire dans la journée.

L'affirmation me laissa dubitative – je doutais que s'enfermer dans son atelier à dessins soit un effort pharamineux pour me rendre la vie agréable. Mais je fus forcée de reconnaître qu'il prenait des risques en m'hébergeant et que ça ne devait pas être agréable de le faire pour une fille morose qui broyait du noir.

-Pardon ...

-Ne t'excuse pas. Mais on va régler ça de suite parce que sinon je vais finir par t'écharper. Quel est le problème ?

-Je commence par ordre alphabétique ou chronologique ? raillai-je, un brin agacée par la question évidente.

Noah eut un sourire par-dessus son dessin et daigna cesser de gribouiller pour me pointer du doigt avec la main qui tenait le crayon.

-Je préfère cette attitude-là, tu es sur la bonne voie ! Mais non, je ne pensais pas au fait que le monde veut ta mort, que tes parents sont loin et que tu es privée de ta moitié.

-Ce n'est pas suffisant selon toi ?

-Nop. Regarde Lennon (Il pointa le chat gris posé en poule sur le canapé). Lui aussi est venu chercher l'asile chez nous, a perdu sa maman, son univers ... en plus d'être un chat, ce qui le prédispose à la mauvaise humeur. Et bien tu arrives à faire une plus mauvaise tête que ce chat. Non, pas de remise en question ?

Je haussai les sourcils, dubitative sur l'argumentaire déployé. D'autant que Lennon ne paraissait pas être le genre de chat grincheux : c'était au contraire le genre de chat qui ronronnait aussi fort qu'un tracteur et qui cherchait les caresses dès qu'une vie humaine l'approchait. Malgré mon scepticisme, Noah n'en avait pas fini avec moi. Il leva le visage et fit mine de renifler autour de lui dans un geste qui se voulait comique, mais qui m'agaça plus qu'autre chose.

-Non, mon instinct surpuissant sent qu'il y a autre chose et que lorsqu'on l'aura trouvé, tu auras meilleure mine que Lennon.

-Cherche alors ...

J'avouai être agacée par son obstination et je pressai un peu plus l'album contre ma poitrine. Qui était-il pour décréter que ce n'était pas assez ? Pour balayer mes souffrances d'un revers de main, les cacher derrière des détails comme on cachait la poussière sous le tapis ?

-Oh j'ai déjà trouvé, c'est très simple. (Il s'enfonça dans le fauteuil avec un air de satisfaction extrême). J'ai ouï dire que papa était pasteur ?

J'aurais voulu hausser les sourcils dans une attitude méprisante ou juste rire pour éluder la question. Mais je fus paralysée, les yeux écarquillés, comme un lapin pris dans les phares. Quand il constata qu'il avait en effet frappé en plein sur un point sensible, Noah se fendit d'un ricanement qui se teinta d'une légère amertume.

-Ah la la, et je suppose qu'une grenouille de bénitier prend mal le fait d'être entrée dans la maison des sodomites ...

-Je ne suis pas une grenouille de bénitier, me défendis-je immédiatement, mortifiée. J'ai cessé de croire en Dieu à treize ans ...

-Mais en treize ans, papa a réussi à instiller une ou deux petites idées dans ta petite tête ?

Aucune réponse ne me vint à l'esprit, rien d'autre que des arguments à peine audibles, des balbutiements honteux qui exaspérerait plus Noah qu'autre chose. Et pourtant lui semblait attendre un retour, son regard bleu et incisif planté sur moi par-dessus son carnet à dessins. La façon dont ses iris crépitaient déjà malgré sa nonchalance affichée me força à peser soigneusement mes mots.

-Je sais que c'est stupide, articulai-je prudemment. Vraiment, je sais. J'essaie de me raisonner ...

-J'espère bien, cingla Noah. Parce que je me suis plus excusé de ce que je suis depuis que j'ai dix-huit ans et je ne compte pas faire une exception pour toi.

-Et tu n'as pas à le faire, vraiment ... Ecoute, c'est difficile de déconstruire tout ce qu'on t'a appris. Au moins, j'essaie, d'accord ? Vraiment, je me dis que c'est idiot, qu'il n'y aucune raison pour laquelle vous n'aurez pas le droit de vous aimer, que j'ai vu deux filles s'embrasser et que ça ne m'a rien fait – enfin si je me suis sentie très triste pour elles ... Peut-être que c'est justement parce que le moment était tragique que je n'ai pas pensé que c'était enfin ... bref. J'essaie de me soigner.

-Tu essaies de te soigner, répéta Noah d'un ton pince-sans-rire. Original. Normalement c'est nous qu'on essaie de soigner ... pour être « contre-nature ».

-Ce n'est pas vrai, d'ailleurs. J'ai vu quelque part que même les animaux pratiquaient l'homosexualité, c'est que c'est naturel ...

L'argument laissa quelques secondes Noah pantois avant qu'il ne rejette en arrière pour éclater de rire. C'était un rire étrange, moitié sincère, moitié incrédule, presque coupant. Lorsque son regard se posa de nouveau sur moi, un sourire tout aussi ambivalent ourlait ses lèvres.

-Ah ... j'aime quand on défend notre droit à être nous-même, mais cet argument il me fera toujours halluciner, je crois. Les animaux tuent, violent, agressent : parce que c'est dans la nature, devrions-nous faire comme eux ?

Il déchira la feuille de son calepin pour ponctuer sa phrase et plaça le dessin sur la table devant lui. Les jambes repliées sur lui, il se remit à dessiner, savourant visiblement mon mutisme abasourdi et songeur. Toute contente d'avoir trouvé un argument rationnel pour accepter l'amour entre deux hommes, je n'avais pas pensé aux effets pervers de l'affirmation.

-C'est bien de vouloir se soigner, encore faut-il prendre les bons médicaments, ajouta-t-il avec un sarcasme. Arrête de vouloir argumenter, de trouver une raison, une justification. Tu as argumenté toi, quand tu es tombée amoureuse ?

-Non, admis-je, penaude. Enfin j'ai essayé ... mais ça ne servait à rien. L'amour n'a pas de sens.

Noah claqua des doigts en me pointant de l'index, visiblement satisfait de la conclusion que je tirai de sa remarque. Puis son crayon se remit immédiatement à esquisser des traits de son crayon.

-Si tu étais un animal, tu serais quoi ?

-Pardon ?

J'étais toujours en train de réfléchir à notre conversation, à m'imprégner du fait que si j'avais accepté qu'être amoureuse de Simon n'avait aucun sens, alors qu'un garçon en aime un autre relevait de la même absence de logique. Superposé au baiser plein de larme qu'avaient échangées Josefa Ramirez et Sarah Ferguson au centre, avant notre fuite, le tout commençait à avoir un semblant de sens dans mon esprit. Plus qu'à tester ce nouvel état de fait la prochaine fois que les deux hommes auraient un geste tendre ...

-Puisqu'on parle d'animaux, reprit Noah, les yeux toujours rivés sur sa feuille. Si tu étais un animal, tu serais quoi ?

-Euh ... je n'en sais rien. Un colibri, je suppose.

Noah haussa les sourcils sans me regarder.

-Un colibri ? Mais ça ressemble à quoi, déjà ?

-C'est un petit oiseau coloré, avec un bec fin et des ailes qui battent très rapidement.

-Et pourquoi tu serais un colibri ?

-C'est mon patronus ... je suppose qu'il doit refléter une partie de moi.

Cette fois, Noah abattit son travail pour me considérer avec des yeux ronds. Il paraissait sur le point de laisser partir son crayon tant il était stupéfait.

-Ton patronus ? Tu l'as en vrai ? Depuis quand ?

-La fin de ma scolarité ... pas toi ?

Ça transparaissait dans sa surprise, mais aussi dans le pli contrarié au coin de sa bouche. Il s'affaissa encore un peu avant qu'il ne le masque en se replongeant dans son dessin pour ne laisser dépasser que ses yeux assombris par l'ombre de ses boucles noires.

-Hum. Ce n'est pas forcément le genre de magie qui me correspond. Au début ça me frustrait. Puis je me suis consolé en songeant que c'était plutôt moi d'avoir un patronus informe, aussi diffus qu'une brume. Que j'aurais pu être surpris ou déçu de la forme ... ou juste encore plus frustré d'être à jamais assigné à un animal en particulier. Un animal que je n'aurais pas choisi, qu'on m'aurait imposé.

-Je crois qu'ils peuvent changer au cours d'une vie ... enfin si on subit un gros choc émotionnel.

Le regard de Noah se planta sur moi, avec une intensité qui referma ma gorge sur mes mots. Son carnet s'abaissa pour découvrir ses lèvres retroussées en un fin sourire.

-On n'a pas eu les mêmes vies, toi et moi. Pourtant je suis sûr qu'on a ça en commun : à ton âge, on avait vécu assez de bouleversement émotionnel pour toute une vie.

Un sourire s'étira sur mes lèvres. J'en sentais toute la dérision, mais aussi toute l'amertume qui le teintait alors que les images de ces bouleversements défiler derrière les iris. Je savais qu'il en était de même derrière celles de Noah. Lui aussi avec cet étrange rictus que j'avais eu tant de mal à catégoriser, se refaisait le fil de sa vie avec tous ses moments où il avait été chamboulé pour que l'essence même de son être change. Pour la première fois, le voile se déchira et j'eus l'impression qu'une lumière tombait sur Noah Douzebranches pour me permettre d'enfin l'entrevoir.

-Je vois ... Et toi, tu serais quoi ? Enfin, quel animal tu choisirais ?

Noah prit le temps de lâcher un petit rire et d'achever son dessin avant de se dresser sur ses pieds d'une impulsion.

-On peut finir cette conversation sur la terrasse ? Avec Hortense, elle adore me regarder fumer ...

-Si tu veux ... Tu as une pour moi ?

Je crus que Noah allait s'étouffer avec la cigarette qu'il avait planté entre ses lèvres. Pour une fois que c'était moi qui déstabilisais, je me fis un plaisir de le dépasser, menton relevé, pour le devancer dans l'atelier. Le ciel d'Oxford était tapissé de nuage d'un gris perle, pas particulièrement menaçant, mais qui atténuait la lumière partout, y compris dans la pièce la plus exposée du loft. Je m'emmitouflai dans mon gilet avant d'ouvrir la baie vitrée et de me glisser la terrasse balayée par les vents. Archimède s'était réfugié sur le rebord de fenêtre de la cuisine, l'air de s'envelopper de ses ailes comme d'une cape et je caressai son plumage tacheté avec tendresse. Une cigarette apparue alors dans mon champ de vision, tenue par de longs doigts qui la secouait avec suggestion. Je la chipai avant de permettre à Noah de se mettre à me narguer.

-Alors, l'animal ? insistai-je en allumant ma cigarette de ma baguette.

-Je ne pensais pas qu'une sportive de haut niveau s'adonnait au tabac ...

-Réponds à ma question et ensuite je répondrais à la tienne.

La cigarette rougeoyante entre les lèvres, Noah sourit. Le vent ébouriffait ses cheveux et les plaquaient contre son front une seconde avant de les étirer vers l'arrière celle d'après. Il relâcha sa fumée dans l'air qui tournoya indéfiniment avant d'être enfin emportée.

-Attention, miss Colibri. La dernière fois que j'ai joué à ça avec quelqu'un, j'ai signé pour dix-sept ans ...

-Dix-sept ans que tu es avec Julian ?

-Impressionnant, pas vrai ?

-Hum. Dans un sens, je te bats. Donc, l'animal ?

J'inspirai une longue bouffée toxique qui me brûla les poumons, mais qui eut pour mérite d'embraser avec les restes de colère et frustration restées cachées au fond de mes alvéoles. C'était la première que je m'autorisais depuis que j'avais signé mon contrat chez les Tornades de Tutshill et si une petite voix me fustigeait de ruiner ainsi des mois d'assainissement de mon corps, une autre avec bien plus de résonnance me rassurait : après ces derniers jours éprouvants, j'avais besoin de cette cigarette. C'était cette cigarette, ou finir par courir jusque Trinity College au péril des dangers. Je m'éloignai juste de quelques pas pour ne pas incommoder Archimède dont les yeux orange s'étaient dardés sur moi avec une pointe de jugement.

-Hum ..., réfléchit Noah, le nez en l'air. Je dirai le perroquet, mais je ne l'ai pas vraiment choisi non plus. C'est un héritage familial.

-Et si tu pouvais choisir ?

-J'y pense justement. Hum ... peut-être l'abeille. Pas l'ouvrière qui trime de fleur en fleur pour fabriquer un miel dont elle ne profitera même pas. Non, je me vois en reine des abeilles. Oui, c'est ça, celle qui regarde les autres butiner et qui se fait chouchouter. Celle qui est au centre de toutes les attentions. Oui, c'est ça, je me vois bien en reine des abeilles.

-Tu n'as pas du tout un côté diva, ironisai-je.

Noah éclata de rire et ouvrit largement les bras face à moi. Le vent lui battit le visage et ses cheveux virent s'élever comme pour le couronner. La seconde d'après, ses boucles étaient de nouveau plaquées contre son front jusque son nez. Je réprimai un sourire. C'était vrai qu'on avait la même texture de cheveux, mais j'avais eu l'intelligence de les attacher.

-Ce n'est que maintenant que tu le remarques ? railla-t-il avant de lever le visage pour prendre une bouffée. Diva est mon deuxième prénom. C'est quoi le tiens ?

-Anne.

-Même pas un peu drôle. Tu ne fais vraiment aucun effort.

-Est-ce que tu as accepté de me prendre simplement pour avoir un punching-ball sous la main ?

Noah écrasa sa cigarette dans le cendrier posé sur la petite table de la terrasse. Ça devait être un endroit des plus agréables dès qu'un rayon de soleil brillait : la vue sur l'Ashmolean Museum était prenante. Le musée aux allures des temples grec était à peine ternis par le temps couvert.

-Peut-être que ça va te sembler difficile à croire, mais quand Simon est venu nous demander de t'héberger, c'est moi qui aie répondu oui, avant même que les rouages de Jules se mettent en marche, révéla-t-il d'un ton sérieux, presque grave. Ça faisait quelques semaines que je trépignai, que mon indignation liée à tout ce qui se passe macérer dans ma tête, prête à exploser, provoquer quelque chose de dangereux. Pas besoin d'être un opposant à votre mage noir ou un né-moldu pour vouloir s'élever contre ce qui se passe ... tu m'en as donné l'occasion sans que Julian s'évanouisse. Et je te comprends. Moi non plus je ne serais pas parti.

Une vague de reconnaissance monta dans ma poitrine et me réduisit au silence. Je n'eus la force que de sourire, un sourire qui remerciait et s'excusait à la fois. Complètement bouleversée par les derniers événements, renfermée dans ma situation, je ne m'étais pas sentie capable de m'ouvrir à Noah. Je n'avais pas eu la force d'essayer de le comprendre, vidée par les dernières semaines.

-J'aurais pu partir aussi, poursuivit-t-il avec une grimace. Julian a hésité, quand votre directeur est mort là, Dumble-quelque chose. Je suis presque persuadé que c'est pour ça qu'il m'a envoyé aux Etats-Unis, soit disant que je n'avais pas vu ma tante et mon neveu depuis longtemps. Bon, c'était vrai, cela dit. Pablo m'arrive là maintenant.

Il plaça sa main au milieu de son torse, l'air un peu perplexe et je pus aisément m'imaginer un enfant aux boucles noires comme les siennes se caller contre lui, entourer sa taille de ses bras en criant « tonton ! ».

-Bref, il a voulu me tenter, conclut-t-il avec un petit sourire. Mais il a oublié un truc, c'est que j'ai un petit faible pour les situations dangereuses, et je me suis presque habitué à l'Angleterre. Je commence presque à en avoir l'accent !

-Navrée de briser tes rêves, mais tu as un accent américain à couper au couteau.

-Tu vas finir à la rue, Vic', prévint-t-il d'un ton faussement menaçant. Je peux t'appeler Vic' ?

J'acceptai d'un sourire et achevai ma cigarette avant de l'écraser dans le cendrier à côté de celle de Noah. La mention de son neveu avait de nouveau occasionné un petit pincement au cœur.

-Mon frère va avoir un bébé aussi, révélai-je, sans trop savoir pourquoi. Ce matin, je me suis dit que ça devait commencer à se voir, que le ventre de sa copine devait commencer à grossir.

-Je suis sûr qu'il t'enverra une photo pour que tu puisses vivre ça à distance. Raphaël avait fait ça, tous les mois j'avais des photos du ventre de sa femme. Et puis tu ne loupes rien, crois-moi. Je suis allé voir Pablo à sa naissance : Julian m'avait fait des fiches pour que je m'extasie sur la beauté du bébé alors que c'était juste une tête de souris qui bavait.

Un petit rire s'échappa de ma gorge et je regrettai de ne plus avoir de cigarette pour que les toxines brûlent la tristesse qui venait de nouveau s'emparer de moi. Elle dut être perceptible sur mon visage car Noah poussa un profond soupir, l'air quelque peu dépité.

-Aïe, aïe, aïe, tu n'es pas un cas simple à gérer.

-Désolée. (Je passai une main sur mon visage, un peu lasse). Je vais aller lire dans ma chambre, ça va me changer les idées ...

-Oui c'est vrai que ça a été si efficace jusque-là, se moqua Noah, avant de se plonger dans un silence songeur. Nan, on va trouver autre chose. Tu aimes la peinture ?

Je plissai les yeux, circonspecte. Je n'avais jamais eu d'attrait pour les dessins, même enfant ... j'avais un très mauvais coup de crayon, et trop peu de confiance en moi pour m'échiner sur quelque chose où j'étais foncièrement mauvaise.

-Euh ... Pas vraiment.

-Et bien tu vas aimer mon genre de peinture. En avant, miss Colibri. Il est hors de question que je te laisse t'enfermer dans ta chambre avec cette tête. Je te dis, un jour j'allais finir par t'écharper. Viens avec moi ! Une cigarette ?

Comprenant qu'il ne me lâcherait pas, je me servis dans son étui et le suivis à l'intérieur de l'atelier, suivie d'Archimède qui s'abrita d'un vent à tire d'aile. Il prit place sur un chevalet, à l'abri de Lennon qui était entré dans la pièce et le fixait avec ses grands yeux verts de chasseur. Me trémoussant sur place, je regardai Noah écarter ses toiles d'un geste de la baguette et sortir de son établi des ballons de baudruche colorés dans lesquels il versa de la peinture avant de les gonfler sommairement. D'un sort, il éleva un drap blanc sur le mur et les ballons virent s'y coller à intervalles irrégulier.

-C'est ça que tu appelles de l'art ? doutai-je, vaguement amusée. Coller des ballons à un drap ?

-C'est même la forme la plus satisfaisante de l'art, affirma Noah avec emphase. Fléchette ou baguettes ?

-Pardon ?

-Pour les exposer, tu préfères les fléchettes ou la baguette ? La baguette c'est plus créatif, tu peux me faire de plein de manière différente, mais les fléchettes c'est plus ... primaire. Genre ...

Pour illustrer, il se saisit d'une fléchette et d'un geste vif, l'envoya sur un ballon qui explosa à l'impact avec un grand bruit, déversant des gerbes de peinture bleues qui virent éclabousser le drap et le parquet en des taches chaotiques. Lennon feula et fuit la pièce, et Archimède battit des ailes avec des cris paniqués Je ne pus m'empêcher de sourire. Je l'admettais, malgré mon peu d'intérêt pour l'art, ça me tentait assez d'exploser des trucs.

-Fléchette, choisis-je alors résolument. Et Queen pour la musique !

Noah m'adressa un sourire approbateur et me lança les fléchettes. Mes réflexes n'étaient pas tant émoussés, car non seulement je les rattrapai d'un geste vif mais en plus je réussis à en lancer une dans la foulée, avec dans mon élan toute la frustration que j'avais accumulée aujourd'hui. Le son sonore du ballon qui explosa fut le plus doux à mes oreilles et j'observai la peinture orange jaillir par gouttes diffuses. Noah brandit sa baguette et elles furent suspendues en l'air, quelques secondes jusqu'à ce qu'ils les projettent contre le drap d'un geste. Mais au lieu de constituer des taches informes, ce fut un véritable motif qui apparut quand ils se fixèrent et je reconnus avec amusement une abeille couronnée.

-C'est triché si tu dessines par magie !

-Tais-toi et tire. Tu me fournis la matière et moi je m'occupe d'en faire de l'art.

Je n'attendis pas pour m'exécuter pendant qu'il sortait un vinyle du placard. Just a kind of magic retentit au moment où j'explosai un ballon rose qui donna naissance à des éclaboussures vertes, si puissante que j'en reçus sur le tee-shirt. Cette fois, Noah s'en occupa à la main, relia les points, traça des lignes diffuses, estompa les couleurs jusqu'à ce qu'un papillon émerge. Au prochain, il réussit à imprimer dans la peinture ce qui ressemblait vaguement à un oiseau. La troisième, il laissa les taches telles quelles : il trouvait à ce chaos une certaine poésie.

Je perdis le compte des chansons et des flèches, que je lançai, puis ramassai, avec un empressement enfantin. Chacune d'entre elle quittait mes doigts avec dans son sillage ma rage, comme la queue d'une comète presque visible avant qu'elle ne soit engloutie dans une multitude de couleur qui, sous les mains ou la baguette de Noah, prenait un sens quelconque. J'étais toujours en train de bondir quand j'explosai le dernier ballon et comme il restait quelques derniers endroits de blancs, Noah consentit à prolonger le plaisir, même si cette fois il me laissa simplement éclater les ballons. Lui, était retourné griffonner à son établi.

-C'est primaire, concédai-je quand le dernier ballon déversa un torrent de peinture jaune qui alla même couvrir l'abeille couronnée de Noah. Mais ce que ça fait du bien ...

-Je te l'avais dit. Tout le monde peut aimer l'art : il suffit juste de trouver sa variation dans le spectre. C'est la meilleure façon que j'ai trouvé d'évacuer tout le mauvais que j'ai en moi. La façon la plus belle.

-Moi c'était le sport ... ou crier sur Simon ... ça dépendait de mon humeur.

Je me laissai tomber sur le parquet, à bout de souffle. Mes doigts étaient couverts de peinture : je m'étais laissée aller à esquisser des formes entre les taches de peintures, intriguée. Mon tee-shirt et mon jean étaient aussi tâchés d'éclaboussure et pour la première fois depuis que j'étais arrivée ici, un sourire s'étirait sur mes lèvres sans que je n'aie à me forcer. Je m'empourprai quand je vis le regard de Noah sur moi. Il avait planté son menton sur son poing et me fixait avec un sourire satisfait.

-Je préfère ça.

Je lui adressai un sourire contrit teinté de gêne et me détournai en grattant une croute de peinture sur mon bras.

-Moi aussi pour tout te dire ... (J'oscillai de la tête quelques secondes avant de lâcher du bout des lèvres :) merci.

-Ne remercie pas, c'était purement égoïste. Je ne voulais pas passer les prochains mois avec cette fille.

Je fronçai les sourcils, perplexe avant de me faire percuter la tempe par quelque chose de très léger. Je baissai les yeux pour découvrir sur le parquet couvert de tache un avion en papier. Malgré le pliage sommaire, je percevais les traits esquissés et les touches de rouge et me dépêchai de le déplier, intriguée. Ma gorge se referma lorsque je reconnus mes boucles qui cascadaient mollement sur mes épaules. Mais jamais une expression n'avait pu si peu me ressembler, si peu être moi. Ma lèvre était boudeuse, exécutait un pli vers le sol comme si la gravité l'attirait irrémédiablement. Mon regard qui semblait traverser le papier avait été grossi par Noah : les yeux étaient démesurés, mes paupières exagérément plissées, mes prunelles noircies par le crayon de bois pour leur donner une expression triste et méfiante. J'étais repliée, les épaules voûtées et visiblement sur la défensive et pourtant Noah avait trouvé le moyen de révéler une autre facette de moi que la boule de mauvaise onde que j'étais devenue ces derniers jours. De part et d'autre de mon corps recroquevillé s'étendait la seule touche de couleur du dessin : de fines ailes rouges aux plumes à peine esquissés et qui tenait presque de la flamme. Fines, mais longues, elles se déployaient vers le haut comme prête à prendre leur envol et à arracher ma pauvre âme à la vie grise et misérable qu'elle s'était constituée. Cela m'évoquait le phénix, mais je savais que c'était le colibri que Noah avait voulu représenter. La part de moi qu'il n'avait pas perçu, la part que nous étions tous surpris de découvrir le jour où nous trouvions la force de créer un patronus.

Etrangement émue, je levai les yeux sur Noah. Visiblement indifférent, il s'était remis à travailler sur son établi en fredonnant Killer Queen. Il parut néanmoins sentir l'attention dont il faisait l'objet car il lança sans dévier de son établi.

-Tu as le droit d'être triste et en colère. Maintenant plus que n'importe quand, toi plus que n'importe qui, même que Lennon. Vraiment, je renie pas ce droit, je le glorifie. Mais ce n'est pas quelque chose dont tu dois te nourrir et que tu dois garder à l'intérieur. Crois-moi.

Ça ressemblait tant à ce que j'avais pu déclamer à Simon dans ses pires moments d'incertitude qu'un rire tremblant me secoua. Comme c'était dur d'appliquer ses propres conseils ... D'admettre que moi aussi je vivais des drames qui demandaient à exploser, à être extériorisé. Je n'avais simplement pas trouvé le moyen ... j'avais été trop épuisée, trop paralysée pour chercher.

-Je pourrais revenir ? demandai-je timidement, la gorge serrée. Quand j'aurais un nouveau coup de blues ?

-Mi casa es tu casa, cita laconiquement Noah, concentré.

-C'est Hernando-torse-de-poussin qui parle ?

Noah me jeta son crayon, mais je réussis à l'esquiver adroitement avec un petit rire. Après quelques minutes de silence pendant lesquels je n'entendais que la musique et la voix de Noah en échos, je finis par faire apparaître mon livre. Mais au lieu de m'enfermer dans ma chambre, je restai ici, le livre coincé sur mes genoux, enfin prête à me concentrer sur les lignes d'imprimerie, l'esprit vivifié par les notes joyeuses et apaisé par la séance.

Le premier jour du reste de mon enfermement. 

***

Alooooors ces premières approches entre Noah et Vic???? 

J'écris bien le Noah, ça va? 

Donc voilà c'était les interrogations de beaucoup : la réaction de Vic' face à un coupe homosexuel, elle fille de Pasteur et campagnarde des années née dans les années 70. J'espère que vous avez compris dès le début que c'était amené à évoluer et qui mieux que Noah pour faire évoluer cette pensée? 

(AAAAAAAAH je regarde l'équipe 21 et ils passent le spot de la CDM de Biathlon qui commence la semaine prochaine ET J'AI TELLEMENT HATE Je suis sûre Quentin a la les dents qui raye le parquet et il va encore nous faire une saison de fifou en se battant avec Emilien. Pardon j'arrête, j'ai un gros problème avec le biathlon) 

Allez, à dans deux semaines les enfants <3 

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