IV - Chapitre 11 : La maison des artistes
Alors ? Vous êtes prêt.es ?
Ouiii Perri craque un peu en dernière minute. Je pensais que la sieste en rentrant suffirait à me faire résister mais finaaalement noooon.
L'excellente nouvelle de ma semaine a été la réception de ma commande, c'était clairement Noël avant l'air, tellement que ma collègue a dû me dire "C'est pour les élèves, tu te souviens?" (Oui bon je peux en profiiiiter j'ai déjà avalé les Heartstopper)
Bon venant à ce chapitre. J'espère que vous avez bien faits vos devoirs ... qui comprennent lire LHDI et le bonus MERVEILLEUX (et encore vous n'avez encore rien lu) qu'Anna a posté sur son bonus book !
Si ce n'est pas fait je vous invite à le faire dès à présent parce que ladies, gentlemen and no-binary people ... le point culminant de notre univers partagé is coming.
Enjoy it, c'est fait avec tout notre coeur <3
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Accueuillir quelqu'un, c'est ouvrir la porte de son cœur. Lui donner de l'espace.
- Jean Vanier
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Chapitre 11 : La maison des artistes.
-C'est une idée stupide.
Remus leva les yeux au ciel devant mon manque criant de volonté mais continua de colorer mes cheveux de sa baguette avec application. Je regardai le résultat depuis le miroir de la minuscule salle de bain, au deuxième étage de leur maison. Seconde après secondes, mes mèches brunes se raidissaient et se teintaient d'un blond miel plutôt agréable dès qu'un rayon de soleil les frappait.
-Tu as une meilleure idée ? objecta-t-il en se reculant, l'air critique. J'augmente leur longueur, peut-être ... ?
-Ils sont bien assez long comme ça ! glapis-je en refermant mes doigts sur ma chevelure. Mais regardez-moi ça !
Je les ramenai sur le devant et ils cascadèrent jusqu'en dessous de ma poitrine. Jamais de ma vie je n'avais atteint une telle longueur et j'ignorai si je devais en être fière ou épouvantée. Je n'avais jamais eu à gérer une telle masse. Un sourire frémit sur les lèvres de Remus et il leva les mains comme pour assurer qu'il ne toucherait plus à mes cheveux.
-Fort bien, c'est toi qui décides. Mais attention, je vais m'occuper du visage, maintenant !
-Vous n'avez pas intérêt à me donner le nez de Simon, prévins-je en pointant sur lui un index menaçant. Sérieux, déjà que je suis blonde, je ne veux pas lui ressembler plus ce serait perturbant !
Même si l'idée émanait de Simon lui-même, une blague pour se venger de toutes les fois où je m'étais moquée de son long nez, jusqu'à le comparer à Cyrano de Bergerac. Malgré ma verve, la mélancolie m'étreignit immédiatement. Une semaine s'était écoulée depuis que les Mangemorts étaient apparus chez les Bones et que je dormais, faute de mieux, sur le sofa de chez Remus et Tonks. Durant ses jours, Simon n'avait pris la peine de venir qu'une fois, pour me ramener un sac magiquement agrandi rempli de toutes les affaires que j'avais emporté chez lui. Rien ne manquait : mes Shakespeare, la collection des livres de Tolkien qu'il m'avait dégotté, mes vêtements, ma machine à écrire, des produits hygiéniques qui, j'en étais sûre, avait été glissés par Rose et même des lettres de ma famille.
Ne manquait réalité que lui ... Mais par prudence, il avait été décidé qu'il appliquerait à la lettre les consignes de Remus. Se contenter des trajets entre l'IRIS et la maison. Laisser de côté les travaux de celle d'Oxford, que les Mangemorts puissent oublier son existence. N'avoir aucun mouvement suspect. Et malheureusement, une visite chez l'un des membres les plus connus de l'Ordre était pour le nouveau gouvernement un acte condamnable. Les précautions qu'il avait dû prendre simplement pour me transmettre mon sac était démesurées (transplanage sur le perron, cape d'invisibilité) et même avec cela Remus n'avait pas paru tranquille. D'autant que dans la semaine, un homme en noir avait fait son apparition sur le trottoir d'en face, lisant son journal toute la journée sur un banc. Il n'était resté que deux jours, mais ça avait été deux jours durant lesquels mon transfert avait été véritablement gelé.
-Promis, je pensais davantage à un nez retroussé, ça ira mieux avec son visage, assura Remus avec la patience bienveillante du professeur. Tu me fais confiance ?
Je donnai mon consentement d'un grognement qui ne m'empêcha pas de frémir lorsque Remus pointa sa baguette sur mon nez. Ce fut une expérience désagréable de sentir ma chair s'échauffer et se déformer sans que je n'aie la moindre maîtrise, mais le résultat fut sans appel. Lors que je retournai face au miroir, je peinai à trouver Victoria sous le déguisement magique. Mon nez était plus petit et effectivement retroussé, recouvert de pâle tâches de rousseurs qui s'harmonisaient avec ma chevelure blonde et raide. On devinait la vérité à des détails – mes iris que le soleil de plomb rendait d'un bleu dans une trace de gris, mes pommettes toujours saillantes et bien sûr Remus n'avait pas jugé bon de m'octroyer quelques centimètres.
-Je persiste à croire que j'aurais dû me déguiser en garçon, lançai-je avec une moue. Je n'ai pas de poitrine, j'aurais été crédible. Et vraiment ça ne m'aurait pas dérangé !
-Et moi je pense sincèrement que ça aurait demandé trop de modification au niveau de ton visage. Je pense qu'avec les lunettes de soleil ce sera parfait, tu auras vraiment l'air d'une vacancière, personne ne fera attention à toi ...
-Je peux mettre ma casquette aussi.
-Hum ... Ce serait peut-être trop.
-Remus ? beugla Tonks depuis l'étage inférieur. Où est-ce que tu as foutu le saladier de ma mère ?
-Il est sous l'évier, Dora ! lui cria-t-il avant d'ajouter entre ses dents : A savoir l'endroit où tu l'as rangé ...
J'essuyai un petit rire nerveux qui radoucit quelque peu l'expression de Remus. Malgré mon appréhension, j'avouai ne pas être mécontente de quitter le couple qui avait un grand besoin de se retrouver seul. J'étais certaine que si je n'avais pas été là, Tonks aurait exigé que Remus dorme dans le sofa, tant leurs liens peinaient à se renouer. On sentait encore la colère sourde de la jeune femme, par sa distance, quelques piques et Remus soutenait cela sans broncher, mais avec une mine sinistre qui ne faisait rien pour arranger les choses. Pourtant les espoirs demeuraient. Chaque fois qu'elle se sentait mal ou qu'il était question du bébé, la froideur se résorbait, laissant place à une tendresse nouvelle.
-On n'a pas eu être très drôle à supporter, convint Remus, comprenant visiblement la raison de mon rire.
-Je suis surtout désolée de vous avoir embêter ...
-Tu ne nous as pas embêter, je doute que la situation aurait été différente si nous avions été seuls ... je dois payer mon erreur, je suppose.
Je fus surprise qu'il l'évoque si ouvertement devant moi, même s'il devait se douter que Tonks m'avait faite quelques confidences. Sans pouvoir m'en empêcher, je dévisageai mon professeur, son visage prématurément marqué par la vie et les épreuves, ses cernes toujours plus marquées – et j'avais découvert en observant le ciel nuit après nuit que la lune se remplissait progressivement. Je supposais que ça expliquait également l'urgence de mon extraction ...
-Vous êtes une personne adorable, vous savez. Même les nuits de pleines lunes, j'en suis certaine ... il n'y a qu'avec Tonks que vous êtes un con.
Je n'en revenais pas d'avoir lâché une phrase si dure à cet homme qui avait été un jour mon professeur, que j'avais apprécié et admiré. Mes sentiments pour lui que le coup de tonnerre qu'avait constitué la révélation de sa lycanthropie ne m'avait pas atteint. J'étais restée l'une des rares élèves à le défendre, bien après son départ de l'école. Mais lorsque l'estime était trop haute, la chute était vertigineuse et la déception était immense quand je voyais comment il était capable de traiter Tonks. Sans doute était-ce parce que j'avais ses larmes à l'esprit que je m'étais permise un tel reproche.
Je crus sincèrement que Remus allait se mettre en colère, mais il me surprit en me gratifiant d'un sourire las qui tenait presque du rictus.
-Mais qu'est-ce qu'ont mes anciens élèves à se permettre de me passer des savons pareils ?
-Qui d'autre vous a passé un savon ? m'étonnai-je, les sourcils dressés.
Remus hésita une seconde avant d'admettre du bout des lèvres :
-Harry ... Mais lui est le fils de l'homme qui m'a redonné le goût à la vie, il a le droit.
-Hé ! J'ai passé la moitié de mon année dernière avec votre femme. Je prends le droit.
Mon obstination fit s'esclaffer Remus et loin de la colère ou de l'agacement que j'avais cru mériter, il me contempla avec une sorte de fierté nostalgique que j'avais un jour vu briller dans les yeux de Chourave.
-Et bien la petite Victoria a bien changé ... Dire que quand je t'ai connu tu rougissais dès qu'il fallait prendre la parole en classe ...
-J'ai quatre ans de plus, rappelai-je avec une certaine irritation. Ça aurait été problématique que je reste la même.
-Non, c'est sûr. Mais je ne m'attendais pas à ce que tu en viennes à me traiter de « con » ... (Il poussa la porte de la salle de bain avec un petit sourire). Maintenant au moins, j'ai une bonne raison de te mettre à la porte.
J'eus un sourire contrit et le suivis dans les étroits escaliers qui menaient à la pièce de vie dans laquelle Tonks s'activait. Si ses cheveux n'avaient pas retrouvé leur couleur rose habituelle, elle les avait fait virer au roux, ce qui pour moi était un signe d'amélioration mentale la concernant. Elle avait ouvert le sac amené par Simon sur la table de la cuisine et semblait faire l'inventaire, baguette à la main.
-Cape d'invisibilité, quelques gallions, quelques livres-sterling ... (Elle darda un regard circonspect sur Remus). Tu es sûr de l'horaire du bus ?
-Onze heures douze, confirma-t-il avec une certaine lassitude.
-Tu es sûr que tu n'as pas regardé les horaires de vacances ?
-Je sais lire une carte routière, Dora. Et d'ailleurs on ferait mieux de se dépêcher, le temps file ...
Un coup d'œil sur ma montre le confirma : la petite aiguille approchait rapidement du onze, talonnée par la grande. Tonks referma prestement mon sac de sa baguette et me le tendit. Je m'étonnai de sa légèreté tant il contenait ma vie à l'intérieur, mais c'était la beauté de la magie – et tout le talent de Simon. Puis elle m'enveloppa de la cape d'invisibilité. C'était une des capes vendues par les jumeaux dans la gamme sérieuse de leur boutique, tissée de poils de Demiguise, et que Simon avait acheté l'année dernière par précaution. Je fus fascinée de passer devant la vitre et de ne pas voir mon reflet, mais simplement le regard inquiet de Tonks derrière moi.
-Fais attention, m'enjoignit-t-elle en me serrant une dernière fois contre elle. Ne quitte pas ta baguette de tous le trajet, d'accord ? Et souviens-toi de ce que Fol Œil disait ...
-Vigilance constante ?
-Ah ! Je pensais surtout au fait de ne jamais mettre sa baguette dans sa poche arrière. Mais celle-là tu peux la retenir aussi.
-Un sage homme, commenta Remus avec un sourire.
Tonks leva les yeux au ciel et me tapota doucement la joue. Ses larmes étaient venues perlées à ses cils lorsque je m'engouffrai dans l'escalier pour descendre jusque la porte d'entrée, escortée de Remus qui vérifia par deux ou trois fois que la voie était libre.
-Bon courage, Victoria, me murmura-t-il en pressant une dernière fois mon épaule. S'il y a le moindre problème ... N'hésite surtout pas.
-Merci ...
Remus m'adressa un dernier sourire d'encouragement avant que je ne revêtisse de la cape d'invisibilité. Puis il ouvrit la porte, si brièvement que j'eus à peine le temps de m'engouffrer avant qu'elle ne se referme définitivement derrière moi, me laissant avec les seuls battements frénétiques de mon cœur et le sac que je pressai contre moi.
Fort heureusement, j'étais petite et la cape large et elle me voila efficacement malgré le soleil de plomb. Je me dépêchai néanmoins d'atteindre une zone complètement désertée du moindre moldu pour la retirer et chausser mes lunettes de soleil pour me rendre à l'arrêt de bus. Mes doigts tremblaient à chaque opération. Je doutais avoir l'air de la vacancière insouciante que Remus avait espéré, mais les passants firent peu état de ma présence. Avec une facilité déconcertante, je parvins à l'arrêt de bus au coin de la rue. Nous avions décidé qu'il serait plus prudent que je déplace avec des moyens moldus sur lesquels les Mangemorts n'avaient aucune prise, aucune visibilité. Malgré tout, je fus nerveuse pendant tout le trajet qui me menait à la
Gare routière près de St-Pancrass, au cœur de Londres, les doigts crispés sur mon sac et sur la baguette dissimulée dans ma ceinture, sous mon tee-shirt. Je réalisai que c'était la première fois que je mettais pleinement un pied en extérieur depuis près de plus d'un mois et j'étais incapable d'en apprécier la moindre seconde, transie par la peur.
Je dévisageai chaque passant dans la gare, espérant que les lunettes de soleil aux verres rosés suffiraient à masquer mon regard gênant. Mon cœur battait toujours la chamade quand je pris place dans le bus qui me mènerait jusqu'à Oxford. Je ne réussis ni à me détendre, ni à lire la moindre ligne des livres que j'avais emportés avec moi et passai mon temps à faire la girouette tant j'étais nerveuse jusqu'à ce que le bus de n'immobile dans le centre-ville d'Oxford. Dans les rues plus modestes et moins étouffantes que celle de Londres, je sentis l'étau sur ma poitrine se desserrer quelques peu. Face aux vieilles pierre plus familières, je restais vigilent mais plus sereine. Mes jambes se délièrent à mesure des pas qui me conduisaient de monument en monument. Je me souvenais de ma première visite d'Oxford quand j'étais enfant. C'était durant un voyage scolaire avec l'école primaire durant lequel nous avions visité la prestigieuse université, ses salles centenaires et sa bibliothèque mythique. Maintenant que j'y songeai, c'était sans doute dans cette ville qu'avait eu lieu mon coup de cœur pour l'Histoire, le passé et les vieilles choses. Tout avait tellement plus de charme quand c'était ancien ... Ma fascination s'était de nouveau réveillée lorsque Simon m'y avait conduit pour m'amener à l'IRIS : j'avais passé chaque pas à jouer aux touristes, émerveillée par l'élégance des bâtisses et touchée par l'histoire que renfermait ses pierres. Oxford avait gardé en son sein le passage du temps, de l'Antiquité romaine à au règne Elizabethain et s'était nourri de chaque époque pour s'enrichir culturellement.
Mon retour aux sources et à ma passion brute contribua à m'apaiser jusqu'au moment où j'arrivai devant l'immeuble que je recherchai. Il était situé en plein centre-ville, dans une rue perpendiculaire à George Street. « Tourner à gauche après le Nouveau Théâtre », disait les indications que je suivis scrupuleusement en atteignant le bâtiment couvert d'affiches – mais j'avais été tenté de suivre les flèches qui menaient à Trinity College, la partie de l'Université qui renfermait l'IRIS. Simon devait certainement y être à ce moment même ... Mais avec regret, je me pivotai résolument face à l'immeuble qui, comparé au reste, n'avait rien d'extraordinaire. J'hésitai face à l'interphone avant d'appuyer sur le bouton qui indiquait le cinquième étage.
-Oui ? lança immédiatement une voix dont le grésillement ne parvint pas à masquer la familiarité.
-Vous peignez toujours la Joconde ?
Il eut une seconde de silence, si bien que je craignis d'avoir mal retenu les indications de Simon. A moi aussi, la phrase censée m'identifier m'avait paru étrange ... Finalement, la voix reprit d'un ton un peu sec :
-Je vais tuer Noah. Tu peux rentrer !
La porte émit un « bip » caractéristique et je la poussai avant qu'il ne le cesse. Le hall de l'immeuble était grand, dans le style industriel avec des ampoules nues mais stylisées qui pendait sur un plafond bétonné et des boites aux lettres cuivrées étaient incrustées dans le mur de brique. L'escalier nu ne laissait entrevoir la moindre trace d'ascenseur. Monter les cinq étages me rassura sur ma forme physique que je pensais déclinante depuis que je ne m'entrainais plus trois fois par semaine : j'arrivais à peine essoufflée sur le pallier, face à une double porte de fer forgé vitré de carreaux fumés qui ne laissaient passer que des ombres. J'y frappai timidement, craignant encore un peu de m'être trompé mais ce fut bien un visage familier qui m'ouvrit avec un sourire. Puis un mouvement de recule lorsqu'il découvrit mon déguisement à travers lequel il devait peiner à me reconnaître.
-Ouh la, lâcha Julian Shelton, stupéfait. C'est fou comme une couleur de cheveux change une personne !
-Et un nez, ajoutai-je avec un pauvre sourire. D'ailleurs dès qu'on sera entré je vous solliciterai pour enlever tout ça, si ça ne vous dérange pas !
Julian se fendit d'un petit rire et s'effaça pour me laisser entrer dans l'appartement. C'était plus un loft, découvrais-je, assez interloquée par l'aspect. La porte ouvrait sur une pièce de vie très haute de plafond auquel pendant un lustre de fer forgé tordu et biscornu. D'immenses fenêtres faisaient l'angle de la pièce et donnaient sur les toits extérieurs et le dôme de la Radcliffle Camera, l'un des bâtiments qui constituaient la bibliothèque de l'Université. En face, un escalier de métal fendait les briques nues pour mener à une passerelle et à trois portes qui se découpaient dans le mur. Le tout était un mélange étrange de style art-déco et industriel, tranché par un parquet à chevreaux propres aux vieilles maisons. Intérieurement, je songeai que c'était la touche Julian. Je ne m'étais pas figurée que le professeur Julian Shelton puisse habiter dans un endroit pareil, je l'avais plus imaginé dans une belle maison victorienne aux vieilles pierres et qui étaient parfaitement habilité à être couverte de ce genre de parquet ...
-Charmant, commentai-je en jugulant la prudence dans ma voix.
-Merci ... Installe-toi, je vais te débarrasser de ... tout ça.
Tendue, je me laissai faire et laissai tomber mon sac sur le canapé de cuir. Julian leva sa baguette et avec un geste élégant mit fin à tous les sortilèges qui me défiguraient. Mon nez chauffa et retrouva sa courbe naturelle et mes cheveux s'élevèrent en un tournoiement pour redessiner les boucles. Je tâtai mon visage, rassurée de retrouver mes traits sous mes doigts.
-Merci ..., fis-je sincèrement. Mais surtout ... enfin, merci de m'accueuillir ici, vraiment ... Je ...
Julian posa une main sur mon épaule pour m'interrompre. Dans l'intimité de son loft, il n'avait pas la stature intimidante du chercheur-professeur. A dire vrai, il portait un simple jean et un tee-shirt, loin de ses vestes de tweed ou de son uniforme de l'IRIS et une barbe de trois jours plus foncée que le blond de ses cheveux couvraient même ses joues. Ses yeux verts qui tendait presque vers le noisette brillaient de sollicitude.
-Vraiment c'est parfaitement normal, assura-t-il avec une certaine gravité. Ce qui se passe en ce moment ... C'est inimaginable ... C'est révoltant. C'est plus que normal de t'accueuillir chez nous ... C'est humain.
Je clignai des yeux, émue par la sincère conviction qui faisait vibrer la voix de Julian. La solution de venir habituer chez lui m'avait d'abord semblé saugrenue. Mine de rien, je n'avais vu Julian qu'à peu de reprise et souvent sous un prisme assez professionnel, lié à la publication de mon livre. L'idée d'aller m'installer chez lui pour une période indéterminée m'avait donc semblé étrange, malgré l'insistance de Simon et l'enthousiasme de Remus et Tonks, soulagés d'avoir cette solution de repli pour moi. Mais surtout, j'avais été surprise que ces deux derniers n'aient pas besoin des explications de Simon : le nom de Julian Shelton leur semblait parfaitement familier ... Ce qui avait fini par s'éclaircir.
-Je ne savais même pas que vous faisiez parti de l'Ordre ...
Julian rit de bon cœur.
-Oh je ne dirais pas ça ! Disons simplement que lorsque Dumbledore est venu me faire une visite fortuite à l'IRIS il y a deux ans, j'ai accepté de ... donner un coup de main, pour des tâches mineures. De façon très satellitaire, ça ne me disait rien de m'engager ouvertement dans la lutte ... Je n'ai jamais mis les pieds dans le QG et de façon très honnête j'ai été très peu sollicitée depuis deux ans. Je suppose que le vrai travail commence aujourd'hui ...
Un petit regard sur la personne semblait ajouter « avec toi » et je peinais à lui rendre son sourire. Mon stress visible poussa Julian à me faire le tour du propriétaire : le salon et la salle manger se partageaient l'espace de vie et je fus surprise de croiser des prises derrière les canapés et même une télévision face à eux, ainsi qu'une armoire comprenant une collection impressionnante de cassettes et qui avec la bibliothèque prenait tout un mur. La cuisine dans une pièce attenante était petite, mais fonctionnelle et un chaudron en étain mijotait au milieu des casseroles.
-On est au dernier étage et le loft le couvre entièrement, ajouta Julian en me guidant dans l'escaliers dont l'absence de contre-marche m'effrayait quelque peu. Pas de voisin de pallier, peu de vis-à-vis et c'est bien isolé ... C'est une ancienne imprimerie en fait, ils l'ont réhabilité quand Noah et moi on a cherché à s'installer ici.
-Je vois...
Je mis avec un certain soulagement le pied sur la passerelle recouverte de moquette. La rambarde de métal nous séparait du vide et de la pièce de vie qui s'étalait en contre-bas.
-Quand on l'a acheté, on avait que les quatre murs de béton, poursuivit Julian, comme s'il revoyait l'appartement tel qu'il l'avait reçu. C'était assez déroutant, mais Noah s'est tout de suite projeté. « Mais si regarde, là on va mettre une passerelle, et là ce sera notre atelier dessins ... et là, un petit géranium ! »
-Un petit géranium ?
-Sur la terrasse, je te montrerai après ... Tu dors là.
Il fit coulisser la première porte qui se découpait sur le mur de brique. Elle donnait sur une pièce relativement spacieuse. Les murs toujours de pierre brute étaient cette fois peins d'une couleur pastel. Pile au milieu du lit, pelotonné sur le couvre-lit bleu, un chat aux longs poils tout en nuance de gris et d'argent ronronnait aussi fort qu'un moteur.
-Ton colocataire, Lennon, me présenta Julian alors que je grattais les oreilles du félin dont les ronronnements s'intensifièrent.
-Le chat du professeur Burbage, murmurai-je, la poitrine compressée. Simon m'a raconté.
-Un peu comme toi, il est en pension chez nous en attendant la fin de la guerre ...
Un pincement affreux me meurtri le cœur et je coulai un regard prudent sur le visage fermé de Julian. Comment pouvait-il songer qu'il y avait une chance que Charity Burbage soit encore en vie ... ? N'était-il pas plus réconfortant de s'imaginer qu'elle avait rejoint Matthew aux cieux ? Je serrai les dents pour ne pas les laisser échapper mes doutes. Il y avait des vérités qu'il valait mieux garder pour soi ...
Pour faire passer le malaise, je fis le tour de la chambre, provoquant le miaulement de protestation de Lennon lorsque je cessais mes caresses. Un placard était incrusté dans le mur d'en face et je remarquai même un bureau placé devant la fenêtre qui donnait sur les toits et plus loin un bâtiment majestueux couleur ocre aux allures de temple grec.
-L'Ashmolean Museum, l'un des plus vieux musées de Grande-Bretagne, m'apprit timidement Julian en remarquant ma fascination avant de frapper le bureau de ses phalanges. Je me suis dit que c'était bien de le rajouter, des fois que tu aurais d'autres idées brillantes. Normalement c'est notre chambre d'invité mais ... avec ce qui se passe je crains que les visites se fassent rares.
-Désolée ...
-Oh mais ce n'est pas du tout de ta faute. C'est de la faute à la situation ... Certains de mes amis vivent toujours aux Etats-Unis, comme ma famille ... (Il me servit un pauvre sourire). Mon père est né-moldu aussi ... Il a décidé de faire un séjour prolongé chez ma grand-mère maternelle. Et avec la chute du Ministère, les liens diplomatiques avec les deux pays sont coupés ... Tu n'es pas la seule à attendre les colis de Leonidas ...
Mon cœur vibra du même chagrin que véhiculait la voix de Julian. Au fond, nous étions dans la même situation ... Peut-être était-ce cette analogie qui l'avait poussé à m'accepter si facilement chez lui, malgré le danger. Le simple fait que nous nous retrouvions esseulés sur une île en guerre avec notre famille de l'autre côté de l'Atlantique. Julian s'efforça de sourire.
-Enfin, cette chambre est la tienne aussi longtemps que tu auras besoin. N'hésite pas à bouger les meubles, à accrocher ta propre déco, fais comme chez toi ...
-Merci, c'est très gentil à vous ...
-Et arrête de me vouvoyer, j'ai l'impression d'avoir cinquante ans. C'est pareil pour Noah aussi, par ailleurs ...
-Il n'est pas là ?
-Non, il travaille au journal aujourd'hui. La voix du chaudron, on en avait parlé chez Leonidas, je ne sais pas si tu te souviens ... Ce sont des amis à moi qui l'ont fondé au Canada et ils essaient de l'implanter depuis quelques années en Angleterre. Comme Noah était sur place, il a aidé à la mise en place mais la plupart du temps il se contente de dessiner.
-Des caricatures, me souvins-je avec en tête le ton méprisant de Lysandra.
Julian acquiesça avec un sourire et lorsqu'il se retourna, je ne pus m'empêcher de le sentir soulagé. Il avait une démarche plus souple alors qu'il me désignait les deux dernières portes comme étant leur propre chambre, suivie de la salle de bain. Je pris note mentalement de ne jamais oublié mes vêtements en allant se doucher, de peur de devoir parader sur cette plateforme ouverte en serviette pour regagner ma chambre. De nouveau, je baissai les yeux sur la pièce en contre-bas et les posai sur l'immense cheminée de marbre qui fendait la bibliothèque et les armoires à film.
-Ne t'inquiète pas, elle est condamnée, intervint Julian en remarquant mon air intrigué.
-Pourquoi donc ? Vous n'en avez pas besoin pour aller à l'IRIS ?
-On est vraiment au cœur de l'Université, ici, Trinity College n'est qu'à deux pas ... Je peux parfaitement les effectuer à pied ... On a estimé que c'était plus prudent lorsqu'ils ont passé une loi sur la sécurité l'année dernière qui impliquait notamment la surveillance du réseau de cheminée. Ce n'est pas que j'ai quelque chose à cacher ... mais je refuse de plonger dans un roman de George Orwell.
Un sourire retroussa mes lèvres devant la référence moldue, un auteur connu notamment pour des livres sur les mondes totalitaires. Mes yeux se baladèrent sur l'armoire à cassette, sur la télévision et je me détendis quelque peu devant la familiarité des objets.
-Je n'ai jamais lu Orwell.
-J'ai un exemplaire de 1984 dans la bibliothèque si ça t'intéresse. C'est vrai que c'est tristement d'actualité ...
Tristement d'actualité, certes mais ce fut la discussion qui acheva de me détendre et me permit de sourire sincèrement à Julian. Parler de livre, de livres moldus avec un homme dont la curiosité faisait briller le regard avait quelque chose de familier et de rassurant, égayé par le dôme au fond qui ne cessait d'attirer de mon regard. Julian me faisait la liste des autres ouvrages que contenait la bibliothèque quand la porte en bas claqua. J'eus à peine le temps de baisser mon regard qu'une silhouette s'était engouffrée sous la passerelle. L'instant suivant, de la musique retentissait dans l'appartement et je souris en reconnaissant les Rolling Stones. Julian soupira profondément.
-Noah est rentré ... Tu comprends pourquoi c'est bien insonorisé ici ...
-Oh si ce n'est que les Stones, je vais m'y faire ...
Julian m'adressa un regard dubitatif avant de m'enjoindre à descendre avec lui dans la pièce principale. Il y avait une autre porte à côté de l'ouverture qui menait à la cuisine, et de laquelle se diffusait Satisfaction à un volume qui me fit grimacer. Derrière se trouvait la pièce la plus intéressante de l'appartement et de loin. Presque aussi grande en surface que la pièce de vie, elle était découpée de grandes baies vitrées qui ouvraient sur une terrasse verte et ensoleillée. Deux fenêtres sur les extrémités du mur étaient constituées de vitraux de couleurs dont la lumière jouait sur le parquet et les murs pour leur donner un aspect à la fois joyeux et mystique. Malgré sa forme rectangulaire, elle était atypique : pas de meuble si ce n'était une grande armoire à disque et vinyle et la table qui soutenait le gramophone et la radio, elle ressemblait davantage à un atelier. Deux établis à dessins étaient posés en travers de la pièce, couverts de feuilles et de crayons – l'un rangé au millimètre, l'autre dans un désordre total – et un chevalet portant une toile immense était installé en pleine lumière. Derrière lui, un homme grand et élancé était assis sur un tabouret, le dos voûté, une mine concentrée sur le visage. Une barbe de trois jours couvraient ses lèvres et la ligne de sa mâchoire sans grignoter ses joues et des boucles noires et folles tombaient sur ses yeux obstinément fixés vers la toile. Nous étions à sa hauteur et pourtant il ne nous prêtait aucune attention : il restait statique, le pinceau à la main mais de façon tendue comme s'il s'apprêtait à dégainer.
-Victoria, voici Noah, mon compagnon, me présenta Julian, l'air vaguement désolé. Qui a visiblement passé une mauvaise journée ...
-Grosse dispute avec la rédactrice, marmonna ledit Noah sans quitter sa toile des yeux. La grossesse la rend prudente ... Et irascible.
-Tu ne peux pas lui en vouloir ... (Julian pivota de nouveau vers moi en me présentant la pièce d'un large mouvement du bras). Le dessin, c'est important pour Noah et moi, cette pièce y est un peu dédiée ... Mais n'hésite pas à venir aussi, vraiment, pour lire, écrire ... la terrasse est très agréable, même en hiver ... On s'est installé ici parce que c'était la meilleure exposition, justement ... Tu peux même venir regarder ce qu'on fait.
Noah s'anima enfin pour agripper les bords de sa toile et la ramener quelque peu contre lui dans un geste possessif et jaloux.
-Hé ! Je ne veux pas qu'elle regarde ce que je fais, moi !
-Tu ne peins pas la Joconde, non plus, soupira Julian, un sourcil dressé.
Un sourire goguenard retroussa les lèvres de Noah et il défia son compagnon du regard avant de le glisser subtilement sur moi.
-Alors, Jules, tu as aimé ma petite phrase ?
-Tu n'as rien trouvé de mieux ?
-Je n'ai rien trouvé de plus drôle, rectifia Noah d'un air pédant. Ce qui me fait d'ailleurs dire que je suis en train de perdre mon capital « humour ». La preuve, ça fait cinq minutes que je m'échine à trouver une façon amusante de me présenter à Valentine sans y parvenir, quelle tristesse ...
-Victoria, Noah ...
La présentation était impactante à défaut d'être amusante, songeai-je nerveusement alors que le regard sans artifice de Noah se posait de nouveau sur moi. Il m'étudia de la tête aux pieds, comme s'il retenait ma silhouette pour un jour la matérialiser sur papier. Dans sa main le pinceau tremblota, comme si ses doigts trépignaient d'esquisser les traits.
-On se ressemble un peu, évalua-t-il, la mine circonspecte avant de se pivoter souplement vers Julian sur son tabouret. C'est parfait pour une couverture, on pourrait presque dire que c'est ma fille !
Je haussai très haut les sourcils, pas certaine d'apprécier la façon dont il parlait de ma personne sans même m'adresser à moi. Une moue sceptique déforma les lèvres de Julian.
-Pas vraiment ...
-Arrête, mais si ! (Il pointa un index sur moi). Les cheveux sombres bouclés, les yeux bleus ... Sur un malentendu, ça peut passer !
-Mais ça voudrait dire que tu l'as eue à quinze ans.
-Une frasque qui n'est pas à mon actif, convint Noah, l'air néanmoins plus emballé. Mais tu m'as connu ado, tu sais très bien que j'en aurais été capable !
-Qu'on prévienne Othilia alors ! rétorqua Julian avec une certaine dérision. Je pense que cette grossesse est passé sous son radar ...
Noah gonfla ses poumons et instinctivement je sentis un flot d'argument venir s'abattre sur Julian qui le contemplait, l'air désabusé. Les laissant à leur dispute qui tenait plus de la chamaillerie, je m'approchai des murs. Depuis le début, le papier peint attirait mon regard, mais ce ne fut qu'en approchant que je découvris qu'il s'agissait en réalité de dessins. Les murs étaient littéralement tapissés de leurs œuvres ... Certains avaient le coup de crayon fin, soigné et composait des images d'un réalisme saisissant et d'autres avaient le trait plus fuyant, plus abrupt, fait pour les éclats de rire et de rage. Je croisais aussi une immense peinture à l'huile qui semblait représenter un corps nu à peine esquissé, un peu androgyne, quelques aquarelles dépeignant le reflet de l'université sur la Tamise mais la plupart du temps il s'agissait de dessins au fusain. Il fut très vite aisé pour moi de comprendre quel dessin avait été fait par quelle main, surtout lorsque je découvris leurs signatures d'auteurs peintes à même le mur. Lentement, je fis le tour de la pièce jusqu'à la terrasse qui ouvrait sur la même vue que ma chambre : l'Ashmolean Museum, son fronton de temple et ses pierres ocres.
-Ah, Victoria, me héla Julian en me suivant sur la terrasse. Tiens, je te présente Hortense.
Il me pointa un bac à fleur dans lequel d'épanouissait de belles fleurs rouges au feuillage épais. Je dressai les sourcils, amusée.
-Hortense le géranium ?
-Hortense la géranium. Attention, elle mord quand on la mégenre. Ou Noah mord à sa place.
Impossible de déterminer s'il était sérieux tant son visage était stoïque, mais je remarquai le frémissement du coin de ses lèvres. Noah, lui, roula des yeux dans un geste somptueusement condescendant. Il se donna une impulsion du talon qui fit faire au tabouret un tour sur lui-même pendant lequel il fixa le vide, l'air de chercher l'inspiration.
-Baisse un peu les Stones, j'ai des étudiants qui vont passer travailler, lança Julian. Ou alors fais preuve d'un peu de bon goût et passe aux Beatles ... je refuse d'avoir l'air un crétin devant mes élèves.
-Encore ? Vous n'avez pas des salles de travails, en dessous de Trinity College ?
-Si mais c'est moins agréable depuis que ce monde a décidé de passer du côté obscur de la force.
L'allusion familière à Star Wars ne suffit pas à gommer l'image de la grande pièce ouverte grouillant d'étudiants de l'IRIS venus travailler sur la grande table. Un soupçon de peur dû se lire sur mon visage car Julian s'empressa de me rassurer :
-Je suis vraiment navré, je n'ai pas d'autre choix ... Tout le monde se sent oppressé à l'IRIS en ce moment ... Mais ça n'arrivera qu'une fois par semaine, au maximum ... Tu pourras rester ici, si tu veux ou dans ta chambre ...
-Elle ne me regardera pas peindre, prévint Noah, à moitié sérieux. Attention, pas que je ne suis pas heureux de t'avoir avec nous, je commençais à tourner en rond avec simplement Jules pour me supporter. Sincèrement tu es la bienvenue...
-Mais la peinture a l'air sacrée, achevai-je d'un ton un peu sec. J'ai compris ... De toute manière je dois aller ranger mes affaires, non ?
La clandestinité de ma situation venait de m'exploser à la figure et je me sentis soudainement extrêmement lasse, sur le point de pleurer. M'enfermer dans ma nouvelle chambre où j'allais passer les prochaines semaines, voire mois de ma vie, à dévorer du regard un musée sans pouvoir m'y rendre, à me dissimuler aux yeux d'étudiants qui fuyaient la guerre comme ils le pouvaient, à éviter un Noah dont je ne savais réellement pas quoi penser, me parut sur l'instant mon plus grand désir.
-Merci pour tout, m'obligeai-je à ajouter en battant des cils. Merci pour toi, merci infiniment pour ce que vous faites, nous n'imaginez même pas ce que ça représente ...
Julian ouvrit la bouche pour me répondre mais je ne lui en laissai pas le temps et fis prestement volte-face, les poings serrés. Du coin de l'œil, je perçus l'ombre de Noah qui daignait se lever de son tabouret et poser la main sur l'épaule de Julian et l'image ne fit que me tordre les entrailles. En un éclair, je revis Josefa Ramirez embrasser Sarah Ferguson, comment leur amour m'avait paru simple et secondaire à l'époque, comment le désespoir avait balayé tous mes préjugés sur l'homosexualité. Alors pourquoi cette simple marque de tendresse me crispait-t-elle ?
Je suis nerveuse, me moriginai-je en retrouvant la quiétude de la chambre. Je suis déracinée, bouleversée. Je vais m'y faire ... Cela ne me parut pas évident lorsque je m'assis sur le couvre lit, seule et désœuvrée, à fixer mon sac sans trop savoir par quoi commencer. Faute de mieux, je sortis en premier ma machine à écrire que je posais sur le bureau si consciencieusement apporté par Julian. Mes livres la rejoignirent, s'alignant parfaitement et absurdement. Mes vêtements allèrent se ranger dans la penderie d'un coup de baguette. Au moment où j'entendais les premiers éclats de voix monter de l'étage, mon sac était vide, et moi assise sur le lit. Bien consciente qu'il m'était étranger, je peinais à répondre à mon envie de m'y étaler de tout mon long avec un soupir de désespoir. De plus, Lennon, toujours installé en plein centre, avait ouvert un œil vert et frondeur sur moi quand j'avais commencé à m'installer. Visiblement, je perturbais son espace ... La guerre promettait d'être longue entre ses quatre murs ...
Un grincement me fit sursauter et je me levai souplement pour dégainer ma baguette. Mes yeux fouillèrent la pièce pour découvrir une porte discrète que je n'avais pas remarqué sur le mur où était plaqué mon lit. Elle s'entrebâilla légèrement pour laisser apercevoir le sourire de Simon.
-Les portes communiquent depuis la salle de bain, comme c'est pratique ! Tu as besoin que je te prouve qui je suis ?
Je restai une seconde interloquée, la bouche légèrement béante avant de décréter que je n'avais ni le temps, ni l'envie de trouver une question à lui poser. Je jetai ma baguette sur mon lit, ce qui fit fuir Lennon qui détala avec un feulement, et lui sautai au cou sans réfléchir, sans un mot, simplement mue par le besoin de le sentir, le toucher et me fondre dans son étreinte. Simon referma ses bras sur moi avec un petit rire qui trembla dans mes cheveux.
-Salut.
-Salut ..., soufflai-je sans émerger. Je ne demanderai même pas ce que tu fais là, je vais me contenter de trouver un moyen de te séquestrer.
-Et je vais prendre ça comme une preuve de ton amour.
L'ironie qui sous-tendait délicatement sa voix agit sur moi comme une couverture chaude et rassurante qui acheva complètement de me détendre. Je levai le visage et mes lèvres se joignirent tout naturellement à celle de Simon. C'était un baiser que je n'aurais jamais voulu interrompre : je m'y jetais à corps perdu pour que sa chaleur fasse fondre mes angoisses, mon appréhension, la peur qui n'avait pas complètement disparu depuis que j'avais ouvertement posé un pied en plein soleil. J'aurais voulu emprisonner Simon avec ce baiser, le sceller à moi pour le reste de la guerre mais il finit par s'écarter avec douceur et un petit sourire sur ses lèvres.
-Je n'ai pas des masses de temps, murmura-t-il en balayant de la joue de son pouce. Sinon les autres vont se poser des questions ...
-Attends ... les étudiants dont parlait Julian, c'était toi ?
Simon haussa les sourcils d'une telle façon que je me sentis idiote.
-Tu pensais que c'était qui ? On est que trois promotions à l'IRIS et de même pas dix élèves. Julian s'occupe de la mienne en plus ...
Un sourire absurde s'étira sur mes lèvres. Les muscles de mon visage s'était atrophié ces dernières semaines et n'étaient plus vraiment habituée à cette sensation, mais le simple fait d'y parvenir provoqua une joie qui vainquit la raideur.
-Alors tu vas revenir souvent ?
Les lèvres de Simon se tordirent et le geste doucha mon enthousiasme. Ne le voir qu'une seule fois en dix jours après que des Mangemorts s'en soient pris à lui avait été une véritable épreuve et j'avais réalisé à quel point je m'étais tout entière tournée vers lui après le départ de mes parents, faute de disposer d'un autre point d'ancrage. Ma famille était sur un autre continent, ma maison était calcinée, tous mes projets gelés par la guerre ... C'était d'une tristesse affligeante, mais Simon était la seule chose qui me restait et j'en étais privée. Il expia un petit soupir et s'assit sur le lit, m'attirant avec lui par la main qui nous unissait toujours.
-Pas vraiment, Vicky ... C'est tendu chez moi, en ce moment, la maison est surveillée la plupart du temps ... Ils ont même envoyé des Détraqueurs dans Terre-en-Landes ...
-Oh mon Dieu ...
L'information m'arracha un frisson glacé autant qu'une pointe de révolte, la même que j'avais ressenti quand j'avais dû abandonner des moldus à leur souffle de désespoir en plein Londres. Sauf que là il s'agissait de personne que je côtoyais depuis l'enfance ...
-Ils n'ont embrassé personne, m'assura-t-il, lisant la peur secrète sur mon visage. On a fait ce qu'il fallait pour ça ... Mais ils risquent de revenir, comme les personnes qui nous surveillent ... Vicky, je ne veux pas les mener à toi.
Il y avait à la fois des regrets et de la fermeté dans la voix de Simon. J'accusai le coup, stoïque. Dans ma poitrine, mon cœur venait de faire une chute vertigineuse.
-D'accord ...
-Ça se calmera. Ils trouveront autre chose à faire, d'autres gens à surveiller ... c'est juste la conséquence de ce qui s'est passé la dernière fois mais ça va finir par se tasser. Il faut juste que d'ici là, on les ait convaincus que rien de suspect de se passe dans cette maison ...
-Et donc faire ce que Remus t'a dit, compris-je en hochant la tête. Ne faire que les trajets entre la maison et l'IRIS sans dévier ... et je suppose que l'IRIS est tout aussi surveillée ...
Le silence de Simon me donna raison. Ce n'était pas surprenant : les Universités étaient souvent les lieux chauds des révoltes. Beaucoup de mouvement contestataire naissaient de jeunes esprits survoltés et éclairés. Alors Trinity College n'avait beau être qu'à deux pas, ça ne réglait en rien le problème. Simon pressa ma main.
-Je viendrai, promit-t-il en accrochant mon regard. Je suis presque persuadé que si Julian a organisé cette séance chez lui, c'est pour me permettre de te voir, ne serait-ce que quelques minutes ... et il n'y a rien de suspect à ce que je me rende parfois chez mon professeur, je le faisais déjà un peu l'année dernière. Simplement on va éviter d'attirer les regards sur cet endroit tant que nous sommes surveillés quotidiennement ...
-Simon, je comprends. Vraiment.
Un pauvre sourire s'étira sur ses lèvres pour m'indiquer qu'il n'était pas franchement dupe. Bien sûr que ça tombait sous le sens, que tous les efforts n'avaient pas été fait pour m'extrader pour qu'on commence à commettre des imprudences. Le fait que cela m'affecte devait résolument être secondaire ... mais visiblement, cela ne l'était pas pour Simon qui souffla :
-Je suis désolé ...
-Pourquoi ? Pour m'avoir trouvé un abri ? tentai-je de plaisanter avec un menu sourire. Ça va aller Bones, je vais trouver de quoi m'occuper en ton absence ... Ce serait sympa que tu puisses récupérer mon manuscrit, quand tu auras l'occasion.
-Je ferais ça dès que possible. (Il étudia brièvement la pièce du regard). Sympa. Mais ça tient dans la machine à écrire, ça donne tout son charme.
-Je me demande qui l'a faite.
-Un génie, certainement.
-Pff.
Je lui donnai un coup sur l'épaule et il fit mine d'en être douloureusement heurté en se laissant tomber dans le lit en grimaçant, les bras en croix. Je ne pris même pas la peine de paraître désabusé, bien consciente que le manège n'était là que pour me faire sourire et me gratifier d'un semblant de normalité. Je m'allongeai plutôt à côté de lui en travers du couvre-lit et mes doigts allèrent jouer avec les mèches soyeuses qui auréolaient son visage.
-Juste ... Tu as beaucoup parlé à Noah ?
-Il est déstabilisant, convint immédiatement Simon, me rassurant sur mes impressions. Mais plutôt intéressant dans sa façon de penser. Ce n'est pas le genre de personne qui se complait dans les faux-semblants.
-Il ne va pas s'embarrasser de moi pour embrasser Julian ?
-Nop. Prépare-toi, Victoria Anne Jadwiga Bennett : tu vas voir deux hommes s'embrasser. Ta petite vertu d'anglicane va-t-elle survivre à cet affront ?
Je le gratifiai d'une pichenette sur la joue qui lui arracha un nouveau « aïe » mollement articulé et qui fondit dans un petit rire lorsque je plaquai un baiser sur la zone heurtée. Il tourna légèrement le visage pour trouver mes lèvres. Cette fois, la joie simple laissa place à une sensation plus grisante, plus euphorique à mesure que le baiser s'approfondissait, perdait le goût de l'angoisse et de la fuite pour redevenir un plaisir simple qui hérissait l'échine et provoquait une chaleur diffuse dans mon ventre. Peut-être que ça tenait à la position allongée, à la main de Simon qui alla se perdre dans mes boucles pour presser davantage mon visage contre le sien, mais je me déclarai perdue lorsque les doigts s'infiltrèrent sous le tee-shirt de Simon pour effleurer sa peau avec envie. Le rire de Simon trembla sur mes lèvres et il s'écarta d'un souffle.
-Serait-ce un stratagème pour me séquestrer ? chuchota-t-il avec un sourire mutin.
-Tu as tout compris. Moi, ou l'étude fascinante de la magie, Simon Sirius Bones ?
-Le choix est rude.
Mais il se fit pourtant avec une étonnante facilité. Simon m'embrassa une dernière fois, beaucoup plus sobrement avant de basculer en position assise d'une impulsion. Ses traits s'étaient quelque peu tendus, se teintant d'une expression chagrinée.
-Je dois y aller, annonça-t-il finalement en se levant. Je suis déjà parti depuis trop longtemps ... Mais je reviendrai dès que je peux, je te le promets.
-Très bien.
C'étaient des mots de résignation totale et Simon parut parfaitement le percevoir car il m'embrassa longuement sur la tempe, comme si la longueur du baiser pouvait compenser, l'imprimer sur ma peau afin que je garde une trace de lui dans les jours à venir. Puis il se glissa par la porte qui menait à la chambre de Noah et Julian et la referma derrière lui, me laissant seule, désœuvrée et frustrée dans la maison des artistes.
***
ALOOOOOORS ??
(Oui je trépigne en attendant les réactions là)
Bon c'était un chapitre très calme de mise en place et de description parce que ... on va rester quelques chapitres avec Julian et Noah. ça tombait vraiment bien parce que vous pouvez lire les HP, la période entre Septembre (l'intrusion au Ministère) et Décembre (Godric's Hollow) c'est VIDE.
POUR CELLE.EUX qui ont résisté jusqu'au bout et n'ont pas fait leurs devoirs. Noah et Julian sont deux personnages principaux de L'héritage d'Ilvermorny de @annabethfan ! Elle compte leur histoire d'amour, si conflictuelle et si touchante, leur combat contre eux-mêmes puis contre la société pour pouvoir vivre et aimer tel qu'ils le veulent !
Pour un bref résumé, après un drame familial, Julian émigre depuis l'Angleterre en guerre dans sa famille maternelle aux Etats-Unis (dont fait parti Leonidas que vous avez pu croiser). A Ilvermorny, il rencontre Noah, un garçon troublant avec qui il va se lier grâce à leur passion commune de l'art et du dessin. Ce sera leur langage. Après de nombreuses épreuves où ils parviendront à s'assumer ensemble, ils retournent à deux en Angleterre où Julian devient professeur à l'IRIS et Noah dessinateur professionnel au service de La voix du chaudron, journal créer par ses amis.
AVERTISSEMENT POUR CELLE.EUX QUI ONT LU : Attention au spoile !!! A part les choses dont je parle explicitement dans le récit (bon le Nolian je le raye de la liste très clairement) évitez d'évoquer ouvertement les grands mystères de LHDI ! Attention je serais aussi intransigeante que si c'était ma propre histoire !!
Je remercie infiniment Annabethfan qui me laisse utiliser ses personnages pour le bien de mon histoire ! Vraiment cette idée a été le coup de génie dont on n'avait pas forcément besoin et les chapitres qui vont suivre sont une expérience qui nous a toutes les deux enchantées. Je ne le dirais jamais assez mais c'est incroyable de pouvoir travailler sur mes histoires avec elle. Elle me rend meilleure écrivaine !
Voilà, j'espère que ça vous plaira ! A dans deux semaines pour la suite de la vie de Vic avec Noah et Julian !
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