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IIII - Chapitre 26 : Doute que la vérité soit menteuse infâme

Que fait une Perri quand elle est triste? Elle poste ! 

Parce qu'elle a toujours des supers commentaires et qu'elle tient à vous remercier ABSOLUMENT pour les commentaires du dernier chapitre. Ils étaient géniaux, vos réactions me faisaient tellement sourire ! Merci encore de suivre cette histoire, vous êtes formidables <3 

Bon, vous l'avez compris la semaine dernière : on va avoir le droit aux quatre vers. De base, ça devait deux chapitres. Puis trois, que j'allais nommer "le Triptyque du Simoria". Puis finalement le dernier chapitre a été coupé en deux et c'est devenu le "Quatuor du Simoria"! Tout a été écrit d'une traite. 

Bon, ce coupage explique que ce chapitre soit une sorte de "transition". On va faire redescendre la tension tout doucement ... Bonne lecture <3 Et encore MERCI BEAUCOUP ! 

Et pour la citation : c'est une de mes chansons préférées de Florent Pagny, voilà ahah. En fait je pense qu'elle vous parlera plus qu'à eux ! 

***

Savoir attendre

Goûter à ce plein bonheur

Qu'on vous donne comme par erreur

Tant on ne l'attendait plus...


- Savoir Aimer
Florent Pagny

***

Chapitre 26 : ... Doute que la vérité soit menteuse infâme ... 

Il fallait que je l'admette : c'était une sensation incroyable d'embrasser quelqu'un qu'on aimait.

J'avais pu être gênée lors de mes premiers baisers : par mon manque d'expérience, les nouvelles sensations, cette impression de vivre une expérience hors du corps où je devenais spectatrice de l'instant. Là toutes les petites choses qui pouvaient rendre un baiser désagréable étaient complétement éclipsées par la beauté du moment. Son sang battait à mes tempes et m'étourdissaient complétement, les lèvres de Simon sous les miennes semblaient être le plus beau des triomphes, sa main qui enserrait ma nuque et dont le pouce caressait les contours de ma mâchoire m'électrisait totalement. J'avais pu craindre que ce soit étrange : nous nous connaissions depuis l'enfance et c'était une posture dont nous n'avions pas l'habitude. La familiarité était allégrement bouleversée. Mais comme chaque fois avec un naturel qui me désarçonnait chaque et qui sonnait comme l'évidence.

C'était normal.

Emportée par la sensation grisante qui m'envahissait, ma main remonta dans son cou et effleura ses mèches soyeuses, souples sous mes doigts, indisciplinées et qui ne demandaient qu'à l'être plus. Mes poumons me brûlaient et réclamaient de l'air mais je ne voulais que Simon. Ma main s'aventura alors plus dans ses cheveux. Alors pour la première fois, je pressentis une raideur, une tension de côté de Simon et je me résolus à m'écarter d'un souffle et baissai ma main qui retourna sagement sur sa nuque. Il était encore si près que je ne savais pas où poser les yeux mais je sentais sa respiration laborieuse, erratique et tremblante.

Nous ne nous écartâmes pas l'un de l'autre et restâmes proches, presque front contre front à chercher désespérément notre souffle. Je n'osais prononcer le moindre mot. Parler, c'était briser l'instant, prendre le risque que la bulle éclate et que ce qui venait de se passer ne se dissolve dans la brume des souvenirs. Je gardais ma main accrochée à l'épaule de Simon, comme pour m'ancrer à la réalité, à du tangible. Et pourtant, maintenant que le baiser refroidissait sur mes lèvres, je peinais à réaliser la teneur du moment. Je peinais à comprendre ce que j'avais provoqué, à lire les sentiments qui faisait absurdement battre mon cœur. Du soulagement, soulagement parce que Simon n'avait pas paniqué et au contraire avait accepté les forces qui nous poussaient l'un contre l'autre. De l'exaltation face cette nouvelle sensation, cette nouvelle facette de notre relation qui s'ouvrait en un gouffre qui m'attirait inexorablement. De la joie. Oui, c'était la joie qui prédominait, mêlée à un soupçon d'appréhension car Simon continuait de se taire, sa main figée quelque part sur ma nuque, les yeux mi-clos.

-Ça va ... ?

-Hum ... Attends, mon cerveau a disjoncté.

J'essuyai un petit rire et repoussai une mèche de cheveux qui m'étais tombée devant les yeux. Cela me permit de prendre un peu plus de distance et d'avoir une vue d'ensemble sur Simon. Dès que je fus écartée, il coupa enfin le fil qui nous unissait et se laissa aller contre le canapé pour enserrer sa tête de ses mains avec un immense soupir. Sa poitrine s'élevait et s'abaissait à un rythme irrégulier et ses lèvres restèrent entrouvertes pour laisser échapper un souffle laborieux.

-Oh la la ...

-Je sais, soufflai-je, moi aussi bouleversée. C'est ... Mon Dieu ...

-Mon cerveau a disjoncté, mais je suis presque persuadé d'encore m'appeler Simon.

-Pff !

Avec un petit rire, je me laissai allée vers l'arrière et laissai mon corps s'enfoncer dans les coussins, haletante, le reste d'un sourire euphorique et incertain sur mes lèvres. Mes doigts passèrent sur mes lèvres avec l'espoir d'y trouver les traces du baiser dont la chaleur commençait à se dissiper. Les sensations incroyables et grisantes se dissipaient dans la brume et ne restaient que les mots et leur portée.

Tu es la seule personne dont je peux accepter ces vers, Simon.

C'est pour ça que je t'aime.

Il y avait un monde entre les deux phrases. Un monde fait de palabre et d'illusion.

-Simon ... ça fait combien de temps ?

-Ah.

L'interjection lui avait complétement échappée, je le sentais. Sans doute n'avait-il pas complétement repris ses esprits. Il se redressa sur un coude et de nouveau son regard me fuit : il préféra fixer ma main et se remettre à jouer avec la breloque de mon bracelet. Je le laissai faire, étrangement rassurée. C'étaient des gestes qui m'avaient manquée.

-Je ... je ne suis pas sûr que tu veuilles savoir.

-Oh mon Dieu, soufflai-je, incrédule. Si longtemps ?

La torsion sur les lèvres de Simon me donna ma réponse et je le contemplai, médusée et même un brin horrifié. Roger, Miles : tous les deux m'avaient dit qu'ils avaient trouvé les sentiments de Simon plus évidents que les miens. J'avais refusé de les croire. Oui les sentiments étaient là, je n'en n'avais jamais douté. Mais en revanche, j'étais persuadée qu'il n'avait pas pris conscience de leur portée, qu'il n'avait jamais mis de mot là-dessus. Que l'idée même le paniquerait, le ferait fuir. Mais ils avaient eu raison. La mention de Miles provoqua un creux glacé dans mon ventre et je me couvris la bouche d'une main.

-Oh non, ne me dis pas que j'étais avec Miles quand ... Oh mon Dieu, gémis-je quand Simon acquiesça, toujours sans me regarder. Oh mon Dieu, oh mon Dieu ...

-Ce n'est pas grave, t'inquiète, assura-t-il avec un petit sourire. C'était presque bénéfique. Ça a servi de déclencheur, si on veut ...

-De déclen ...

Je m'interrompis et un souvenir me revint en un flash, une image tombée dans l'oubli depuis longtemps et qui pourtant avait été un véritable mystère à l'époque. Un œil vert, coincé au bout d'un couloir pendant que j'embrassais Miles ... Imelda dans son tableau qui me confirmait qu'un garçon s'était tenu là ... Sans pouvoir m'en empêcher, je retirai la main de ma prise de Simon, soudainement glacée.

-Tu étais dans le couloir de sortilège. Quand je me suis mise avec Miles.

-Oh Merlin, soupira Simon en s'enfonçant un peu plus dans le canapé.

Ses joues s'embrasèrent, mais cela ne m'attendrit pas. J'avais l'impression que les pièces d'un puzzle que je n'avais jamais deviné se mettait lentement en place.

-Tu étais là ! Bon sang, je le savais que c'était toi, je le savais que je n'avais pas rêvé ! J'ai juste oublié parce que ... Mais qu'est-ce que tu fichais là-bas ? Tu ...

-Non, me coupa-t-il en me pointant du doigt. Non, je ne t'espionnais pas si c'était ta question. S'il te plait, Vicky, accorde-moi un peu de crédit !

Il prit un coussin qu'il plaça sur ventre pour le serrer. Je l'avais assez vu dormir pour avoir compris que c'était une posture qui le rassurait et qu'il y ait recours prouvait bien son insécurité croissante.

-C'était un hasard complet ...

-Et ... c'est à partir de là que ... ?

L'idée me faisait suffoquer. Elle avait même du mal à se frayer un chemin dans mon cerveau encore à moitié paralysé. Si je comprenais bien ... Il y avait plus d'un an que Simon se posait des questions sur nous. Et que pendant qu'il s'interrogeait, il m'avait vu filer ma relation avec Miles ... Mes mains se plaquèrent contre ma bouche, épouvantée et mon geste finit par réveiller Simon. Il me prit les poignets pour les écarter de mon visage, briser ce geste d'horreur qui semblait l'angoisser plus qu'autre chose.

-Vicky ... (Simon écarta une mèche qui lui barrait le front avant de planter son regard dans le mien). Vicky, si je devais t'expliquer toutes les réflexions, les nuits blanches, les incompréhensions et les étapes qui m'ont amené à comprendre que je tenais un peu trop à toi, crois-moi on en aurait pour la nuit. Et peut-être même une partie de la matinée. Je ne dis pas que je ne te raconterais pas, précisa-t-il quand j'ouvris la bouche. Juste ... pas ce soir. S'il te plait. Ce soir ...

Ses yeux se baissèrent ostensiblement sur mes lèvres, les lèvres qu'il embrassait il y avait quelques minutes de cela. Il semblait perdu et cela fit fondre mes résistances.

-C'est juste ... j'ai beau ... j'ai beau avoir compris depuis une éternité que oui, ce n'était pas normal, que oui il se pouvait que tu sois pour moi plus que la fille insupportable qui m'enterreras un jour d'un « on se reverra en Enfer, Minus » ... Bon sang ... Moi non plus, je ne sais toujours pas quoi attendre. Je ne sais pas quoi faire ... de ça.

Ah, nous y voilà ... Le trou-noir, l'après sur lequel visiblement ni lui ni moi n'avions de projection, d'expectations. La voilà la panique que j'avais crainte chez Simon et qui n'avait pas daigné l'envahir alors que je lui avouais mes sentiments ou l'embrassais. Pour autant, un petit sourire retroussa ses lèvres et il leva une main pour repousser une mèche de mon front et la coincer derrière mon oreille. Mon souffle s'obstrua dans ma gorge quand elle s'attarda sur ma tempe, hésita quelques secondes puis que ses doigts caressèrent ma joue. J'avais déjà vu cette tendresse dans les yeux de Simon, plusieurs fois alors qu'il me fixait. Jamais je n'avais réellement compris sa signification. J'avais l'impression d'enfin percevoir la couleur de ses yeux dans leur globalité, avec cette teinte tendre, scintillante, calme qui fit manquer un battement à mon cœur.

-Ne te méprends pas, je ne dis pas que je regrette qu'on se soit embrassé. Au contraire même ... C'est juste que ... Je ne m'y attendais vraiment pas, Vic'.

-Quand j'ai commencé à être distante, tu ne t'es pas dit que c'était à cause de ça ?

-Ça ne m'a même pas effleuré l'esprit.

Je secouai la tête avec un petit rire et finis par emprisonner sa main dans la mienne pour l'appuyer contre ma joue. Simon ne se déroba pas : au contraire, un petit sourire, timide, incrédule, ourla lentement ses lèvres. Nous restâmes quelques instants dans cette position, à nous contempler comme si la réponse à nos questions se trouvaient sur le visage de l'autre. Cette fois c'était un silence songeur, agréable et serein. Bien sûr je voyais la réflexion dans le léger froncement de sourcils de Simon, mais surtout je sentais son index qui traçait des cercles quelque part en dessous de mon oreille et cela m'arrachait chaque fois des frissons sur l'échine. J'étais en train de songer que ses lèvres étaient à ma portée et que je préférais revivre cette expérience plutôt que de trouver une véritable solution quand Simon se pinça le nez de son autre main, visiblement déboussolé.

-Wha.

-Toi tu ne t'en remets pas, m'amusai-je.

-Non, du tout, avoua-t-il sans rougir. C'est ... Wha. On a ouvert une sacrée boite de Pandore.

-Belle expression.

-Merci. Je t'ai déjà dit que j'étais un génie ?

Je levai les yeux au ciel et décidai pour une fois de passer sur son manque criant d'humilité concernant ses capacités intellectuelles. Il n'avait lancé cette pique que pour se retrouver en terrain familier, retrouver des automatismes.

-Est-ce que le génie que tu es nous a trouvé une solution ?

-Disons les prémisses d'un plan.

Je ne m'attendais pas à cela et lui jetai un regard interloqué. Simon continua ses caresses mais son visage était plus sérieux, son regard moins voilé. Il commençait lentement à émerger.

-On ne décide rien ce soir. C'est trop frai, très inattendu pour moi et je suppose encore très confus pour toi. Je pense qu'il faut qu'on se laisse au moins la nuit de réflexion.

Je hochai la tête, convaincue par l'idée de base. C'était l'évidence même que nous n'avions pas la lucidité nécessaire pour prendre des décisions sur les paradigmes qui définiraient à l'avenir notre relation. Est-ce que Simon était en train de devenir ... mon petit-ami ? L'idée faillit m'arracher une grimace que je réussis à contenir. Non, ce mot n'allait pas. Trop restrictif. Trop ciblé. Trop présumant d'une certaine relation et de certaines normes qui ne nous correspondaient pas.

-Donc on réfléchit cette nuit et peut-être même un peu plus et on se retrouve soit demain, soit dans la semaine. Et on met tout à plat. Promis juré, je te raconterais tout. Sans que tu me aies à me l'arracher, sans résister.

-Toi, tu sais me parler.

La remarque provoqua un sourire presque timoré sur les lèvres de Simon et il passa une main dans ses cheveux.

-Oui, bon. Ça te va ?

-Oui, d'accord. Mais je rajoute deux-trois choses. Premièrement : ce n'est pas dans la semaine, c'est demain. Ça fait des semaines que mon cerveau est en ébullition, Simon, je ne suis pas sûre d'avoir la patience ...

-Oui, il faudra que tu me racontes aussi, du coup, enchérit-t-il avec un petit sourire. Un rapport avec les Détraqueurs ?

Je le fis taire d'une pichenette entre les yeux et poursuivis :

-Ensuite : un endroit neutre. Pas chez toi, pas chez moi. Disons, le parc de jeu. C'est bien ça, on connait tous les deux.

-Très bien. C'est là que tu m'as cassé le nez. Très symbolique. Une troisième volonté ?

-Euh ... Je ne crois pas ... Oh ! (Je plaquai une main désespérée contre mon visage). On est le 15 demain ?

-Bien, techniquement, c'est déjà le 15.

Mes lèvres grimacèrent seule et je me pris la tête dans une main, agacée contre moi-même. Décidemment, Simon n'était pas le seul à avoir le cerveau qui avait disjoncté.

-Octavia devait venir ...

-Ah non, refusa immédiatement Simon avec un mouvement de recul. Non, non, non. Je crois que c'est la dernière personne que j'ai envie de voir après ... ça.

Je ne sus que penser de ce « ça » pour désigner le fait que nous venions de nous embrasser – de nous avouer notre amour, de manière à la fois voilée et abrupte. Mais visiblement, Simon ne savait définir ce que cela signifiait. Comment le verbaliser. A sa décharge, j'étais exactement dans le même flou. Mes doigts se crispèrent sur la main de Simon. Seigneur ... J'avais franchi une montagne et j'avais l'impression de tomber à présent dans un gouffre. Fort heureusement, Simon chutait avec moi. Comme à chaque fois.

-Ne t'inquiète pas, je vais décaler, assurai-je, déterminée. Demain, c'est toi et moi.

Toi et moi. Les mots rependaient un nectar sur ma langue et je ne pus m'empêcher de sourire à l'idée qu'ils véhiculaient. Malgré l'appréhension qui m'habitaient et le gouffre qui s'ouvraient entre nous, j'étais heureuse de m'y jeter. Parce que je n'étais pas seule. Je ne l'avais jamais été. Je détaillai le visage de Simon, à la recherche de mouvement, d'un sourire, d'une étincelle qui trahirait qu'il ressentait la même chose que moi, mélange d'impatience et d'angoisse. Un petit sourire s'était dessiné sur ses lèvres, incertain et tremblant. Ses doigts s'étaient figés sur ma joue en un geste presque compulsif et loin de traduire de la panique ils semblaient plutôt vouloir s'ancrer dans l'instant. Être certains que je ne lui échappe pas.

Le sourire de Simon se teinta soudainement d'amusement. Je fronçai les sourcils et il secoua la tête d'un air désabusé.

-Rien. C'est juste ... Les vers. Mille gargouille ... Tu m'as bien piégé avec tes vers ... Bien joué, minus.

J'eus un rire incrédule avant de le gratifier d'un sourire fier qui le fit lever les yeux au ciel. L'effet était gâché mais visiblement il ne pouvait pas s'empêcher de faire illusion. Je faillis lui demander pourquoi il avait fallu qu'il se sente piégé pour enfin se libérer, mais je retins les mots au dernier moment. Ça attendrait demain. Que les esprits s'apaisent, que le baiser s'estompe ... Qu'on réalise enfin. Je savais que je ne tiendrais pas longtemps avant de faire éclater les interrogations qui commençaient à bousculer dans ma tête alors je me fis violence et me penchai sur la joue de Simon pour y déposer un baiser. A la commissure de sa lèvre, comme j'en avais rêvé sous le perron, sans la culpabilité et les doutes qui allaient avec. Un geste naturel.

-Minus toi-même, soufflai-je en m'éloignant. Dors bien.

-Toi aussi, murmura-t-il. Mais honnêtement, je ne suis pas sûr de dormir de la nuit ...

-Ne m'oblige pas à rester pour m'en assurer.

Les joues de Simon rosirent légèrement et je m'en voulus d'avoir laissé échapper cette pique qui après le baiser revêtait une toute autre signification. Désireuse de dissiper le mal entendu, je me forçai à m'arracher du canapé avec un dernier sourire que j'espérais rassurant. Je m'éloignai de quelques pas, incapable de lâcher la main de Simon. Ses doigts restèrent noués aux miens jusqu'à ce nos bras soient tendus de part et d'autres du canapés, jusqu'à ce que ce soit impossible, jusqu'à ce qu'ils se défilent. Je lui adressai un dernier signe et Simon me répondit d'un sourire. Déjà ses jambes s'étaient repliées contre sa poitrine.

-A demain, me lança-t-il quand j'atteignis l'entrée.

Je hochai la tête et il disparut enfin de mon champ de vision quand je tournai dans le vestibule. Je restai une seconde la main sur la porte, indécise, le cœur battant à tout rompre dans ma cage thoracique et les mots tourbillonnant dans mon esprit à n'en plus avoir de sens. Finalement, e retournai rapidement sur mes pas. Simon semblait s'être rallongé sur le canapé mais sa tête émergea vite lorsqu'il m'entendit revenir, déboussolée plongée dans l'ombre qu'apportait la lumière des flammes dans son dos. Il me jeta un regard intrigué mais je ne savais même pas pourquoi j'étais revenue. J'avais crains tout perdre en passant la porte, en quittant la scène et les seuls mots que mon esprit fut capable de former s'envolèrent de ma bouche :

-C'est réel ... pas vrai ?

Les sourcils de Simon s'envolèrent sous ses mèches folles et ses lèvres esquissèrent un sourire amusé.

-Pourquoi ? Tu as besoin que je te pince ?

-Sérieusement, Simon. Quand tu as dit « c'est pour ça que t'aime » ... Tu le pensais ? Vraiment ?

Un instant, Simon sembla se demander de quoi je parlais car il me fixa d'un air absolument déboussolé qui en était presque attendrissant. Puis la lumière se fit dans son esprit et il laissa échapper un « Ahh ... » entre incrédulité et gêne. Seigneur, son cerveau avait vraiment disjoncté ... Il se reprit vite pour railler d'un ton ironique qui lui ressemblait déjà plus :

-Non, je l'ai dit pour plaisanter. Juste pour voir comment tu allais réagir.

Je dardai sur lui un regard exaspéré et il secoua longuement la tête en me contemplant avec une certaine condescendance qui me rappela soudainement pourquoi j'avais pu avoir des envies de meurtre contre lui.

-Sérieusement, Vicky, je suis le genre de personne qui laissent échapper ça pour plaisanter, insista-t-il avec plus de sérieux. Qui parle de façon hyper ouverte de mes sentiments, qui embrassent sur un coup de tête et qui prennent le risque de te faire du mal à toi ...

-Ça va, abandonnai-je avec un soupir. J'ai compris. Je voulais juste ... être sûre ...

Les doigts de Simon pianotèrent sur la tranche du sofa et le sourire qu'il esquissa ensuite fut beaucoup plus doux, presque timide.

-Victoria ... Je pense que tu peux prendre le dernier vers pour acquis. Réellement. Maintenant va dormir sinon on ne va jamais s'en sortir ...

-Le dernier ...

Le reste des mots se bloquèrent dans ma gorge. La strophe défila dans mon esprit jusqu'à que la voix voilée par les souvenirs de Simon me parvienne « ... mais ne doute jamais de mon amour ».

Jamais.

Le sang me monta brusquement à la tête et irrigua de façon trop intense mon cerveau et mon visage jusqu'à la pointe de mes oreilles. Simon semblait presque se délecter de ce spectacle et je compris son but malgré sa sincérité : se dévoiler, oui mais pas sans m'entrainer dans sa chute. Comme à chaque fois.

-Je prends, murmurai-je, incapable de parler plus haut. Bon ... A demain.

Avec un dernier signe de la main, je me détournai définitivement de lui et me précipitai dans le vestibule. Sans attendre, j'ouvris la porte et la refermai derrière moi pour m'y adosser, le souffle court, avec l'impression que le feu qui crépitait dans ma tête et dans mon ventre s'estompait enfin pour ne laisser qu'un silence grisant. La main encore chaude de celle de Simon effleura mes lèvres sur lesquelles grandissaient un immense sourire, extatique, incrédule. Sans réfléchir, je me décollai de la porte et m'élançai sur le perron pour franchir les marches d'un bond, les deux poings lancés vers le ciel avec au bord des lèvres un cri que je n'osais pousser à la face du monde.

Je ne savais pas ce que je venais de vivre, exactement. Quel cataclysme je venais de déclencher. Le ciel venait de me tomber sur ma tête, l'univers de perdre sa polarité et plus jamais le soleil ne se lèverait à l'est. Mais je me sentais plus vivante que jamais.

***

-Victoria ! Victoria, viens déjeuner, papa va le débarrasser ! Victoria !

Je poussai un grognement en ouvrant péniblement un œil. Mes volets laissaient filtrer des traits de lumières verticaux qui découpaient ma chambre et la plongeait dans un clair-obscur hors du temps. Je percevais la clarté du soleil, bas et éclatant entre les interstices. La brûlure de mes yeux signifiait que je n'avais pas assez dormi et j'eus tout le mal du monde de les ouvrir ne serait-ce qu'à moitié. Je me redressai difficilement sur un coude et jetai un coup d'œil sur mon vieux réveil mickey qui datait du temps où j'ignorais que j'étais une sorcière : la main gauche de la souris pointait à peine le dix. Je maudis mes parents anglicans qui prônaient le travail et la labeur et interdisaient la moindre grasse-mâtinée à leurs enfants.

-Victoria ! Bon sang, il est presque dix heures ! Allez, lève-toi ! ça t'apprendra à revenir à une heure du matin de chez les Bones !

Ses pas furieux s'éloignèrent, laissant flotter tels des spectres les derniers mots qu'elle m'avaient jetés. Je restai allongée sur le dos, épuisée, une main sur mon réveil d'enfant et l'autre sur mon ventre. Puis, minute par minute, lettre par lettre, les mots de ma mère finirent par pénétrer mon esprit et je me redressai brusquement, les yeux grands ouverts, les mains plaquées sur chacune de mes tempes. La torpeur et le sommeil s'évaporèrent d'un seul coup qui fut bien plus efficace que tous ceux qu'aurait pu porter ma mère sur ma pauvre porte.

-J'ai embrassé Simon, me souvins-je, incrédule. Oh mon Dieu, j'ai embrassé Simon Bones ...

L'espace d'un instant, je me demandais comment mon cerveau avait pu effacer une pareille information. Mes mains glissèrent jusque mes lèvres rendues gercés et sèche par le froid et la nuit mais ce fut en les parcourant que je pus rappeler à ma mémoire toutes les sensations de la nuit. Mon sourire fleurit seul et mes jambes battirent frénétiquement mon matelas dans un geste compulsif. Seigneur, je peinais à croire ce qui m'arrivait. Sans attendre, je me jetai de mon lit pour me précipiter vers la masse de parchemin qui couvrait mon bureau. J'en avais tant avec mes recherches que j'eus toute la peine du monde à en trouver un vierge et dû arracher la partie vide de mes notes sur l'épisode des sorcières de Salem. Je pris un stylo et griffonnai rapidement :

Salut ! On se voit ce matin ?

Je n'avais pas la lucidité d'en écrire davantage, ni même de signer : je m'élançai, encore en pyjama, dans le couloir, bousculai presque ma mère qui sortait de la salle de bain et dévalai mes marches quatre à quatre de mes pieds nus. Mon père était en effet en train de ranger la table du petit-déjeuner mais je lui adressai à peine un bonjour pour aller droit sur mon hibou. La cuisine était la pièce la plus reculée de la maison et contre toute attente, mes parents avaient adopté Archimède et ses grands yeux orange au point de lui faire une place près du buffet qui accueillait notre vaisselle avec un piédestal digne de l'oiseau du dessin animé.

Archimède tendit immédiatement la patte quand je lui montrai le message que j'avais enroulé sur le chemin et j'entendis mon père commenter pendant que je l'attachai :

-Je pensais que tu ne te lèverais plus ...

-Maman a menacé de priver de déjeuner, marmonnai-je avant présenter mon bras au hibou qui y monta sans crainte. Tu peux ouvrir la fenêtre ?

Mon père s'exécuta et je m'approchai pour laisser s'envoler Archimède et ses belles plumes couleur chocolat qui étincelaient au soleil. Je l'observai prendre de la hauteur puis me tordis le cou pour être certaine qu'il prenait bien la direction de la maison des Bones. Mon père éclata de rire en me voyant à moitié montée sur le montant.

-Tu y tiens à ton hibou !

-On va dire ça, bredouillai-je en descendant, les joues rouges de confusion. Ça a été votre Saint-Valentin ?

-Très bien, oui. On a simplement été à la Petite Frégate dans la ville d'à côté, c'est un restaurant avec pas mal de spécialité de poisson ... Ta mère a toujours eu un faible pour les huîtres même si elle est incapable de les digérer ...

Je l'écoutais à peine, le regard rivé vers la fenêtre comme si Archimède allait y apparaître alors que je venais seulement de le lâcher dans le ciel. Les images de la veille me revenaient par flash et je m'efforçais de réprimer le sourire qui forçaient mes lèvres. J'étais rentrée complétement euphorique, plutôt prête à mettre la musique à fond dans la maison qu'à aller me coucher. Malheureusement, la voiture dans l'allée avait coupé mes envies de danse dans l'œuf : mes parents étaient rentrés et même couchés. J'avais alors plutôt envoyé un hibou à Octavia pour la prévenir que je n'étais pas disponible aujourd'hui – à plus d'une heure du matin, elle avait dû me haïr quand Archimède avait toqué à sa fenêtre – et je découvris sa réponse près du buffet qui confirmait mon intuition : sèche, des lettres brouillonnes qui trahissaient un endormissement, la jeune fille n'avait pas apprécié.

J'espère sincèrement, mais alors sincèrement, que tu es en train de vomir tes trippes, Bennett. On se voit samedi, sans faute. O.

Satisfaite, je pus m'atteler à mon déjeuner, sans cesser de surveiller ma fenêtre sous l'œil amusé de mon père. Il commentait aussi mes cernes mais j'éludais d'un mouvement d'épaule : je ne pouvais pas décemment lui avouer que pour faire baisser mon excitation j'avais été forcée de regarder des dessins animés jusqu'à trois ou quatre heures du matin, ce qui expliquait ma fatigue. J'étais en train de faire la vaisselle et Archimède n'était toujours pas revenu après près d'une demi-heure. Il n'y avait pas autant pour qu'il aille chez les Bones, que Simon griffonne sa réponse et revienne, non ? L'attente commençait à m'inquiéter alors que j'essuyais mon bol tout en observant la fenêtre vide de tout volatile. Mon cœur bondit quand j'entendis un battement d'aile mais ce n'était qu'une tourterelle.

-Tu l'as envoyé à la reine ton hibou ou quoi ? s'étonna mon père alors que je me détournais une fois de plus de la fenêtre, déçue.

Je me contentai de répondre d'un petit rire et rangeai mon bol et le reste de ma vaisselle. Je sentais mon père m'observer par-dessus les mots croisés. Ma mère entra dans la cuisine en furie, en tailleur et pieds nus, les boucles encore trempées de sa douche : à moitié femme fatale, à moitié mère débordée.

-Edward, tu as vu mes escarpins ? Bon sang je déjeune avec mon patron ce midi ...

-Le lendemain de la Saint-Valentin, comme c'est romantique, commenta mon père sans la moindre aigreur.

-Je les ai vu dans le couloir je crois, me souvins-je vaguement.

J'étais en train de ranger mes couverts et mon geste se figea soudainement, paralysé par une idée dérangeante. Ma mère ne laissait jamais trainer ses affaires, que faisaient ses escarpins devant ... ? Un frisson désagréable me parcourut et comme tous les enfants je chassai cette idée de mon esprit. Difficile car quand je me tournais vers mon père, il prenait une gorgée de son thé et la fumée embua ses lunettes, cachant la malice qui avait commencé à briller dans son regard. Ma mère en retour s'était mise à rougir et s'en fut dans le couloir. J'entendis ses pas précipités dans l'escaliers. Je secouai la tête face au silence amusé de mon père. Parfois, je me demandais comment ils avaient fait pour n'avoir que deux enfants. Plusieurs fois, malgré leur discrétion, j'avais saisie quelques scènes d'intimité et j'étais certaine que ma mère ne prenait pas de contraceptif.

-Tu as fait quoi toi hier ? s'enquit tranquillement mon père, mettant fin à ma litanie gênante.

Je fus heureuse d'être face à l'évier. Les images de la veille me traversèrent par flash : mes larmes au cinéma, la tête de Simon crevant la surface du ruisseau, sa main s'abaissant pour découvrir le petit sourire qui ourlait ses lèvres après mes aveux, son nez frôlant le mien alors que je me penchais vers lui ... Mes joues s'échauffèrent et j'y posais une main timorée. Puis elle descendit sur mes lèvres pour y frôler les fantômes du baiser et de nouveau un sourire absurde s'y dessina. Définitivement, heureusement que je tournais le dos à mon père ...

-Pas grand-chose, on est allé au cinéma avec Simon. Ça faisait super longtemps ...

-Petite, tu déboitais les chaises pour pouvoir te grandir, expliqua mon père et j'entendis un froissement de papier qui signalait qu'il tournait une page. Je n'ai jamais compris ... avant, bien sûr, de savoir que tu étais une sorcière. Tu faisais vraiment de la magie bébé ?

-Je ne sais pas. A part quand j'arrivais à faire léviter les bonbons chez Mrs. Fisher et quand j'ai teint les cheveux de Simon à neuf ans, je ne vois rien d'anormal ...

-George disait tu avais été précoce, fit savoir mon père d'un ton prudent. Plus que la moyenne, qu'il t'avait vu faire de la magie à trois ans et que ce n'était pas la première fois ... Apparemment, c'est la mère de Simon qui a compris que tu étais une sorcière.

Cette fois, je fis littéralement volte-face et ouvris sur mon père des yeux choqués. Je savais que mes parents étaient au courant de la véritable ascendance de Simon mais ils l'évoquaient rarement : ils considéraient que ce n'était pas leur rôle. Et plus que cela, ce fut les révélations de mon père qui me troublèrent.

-C'est Cassiopée qui a découvert que j'étais une sorcière ?

Les talons de ma mère claquèrent contre les marches de l'escalier et elle émergea quelques secondes plus tard, grandie de quelques centimètres mais les cheveux toujours sans dessus dessous. Mon père en profita pour la prendre à parti :

-En tout cas, George le tenait d'elle. C'est ce qu'il nous a dit Marian ?

-Quoi ? lança ma mère, déboussolée. Oh Cassie, oui ... J'aurais préféré que ce soit elle qui me le dise, j'ai toujours eu un meilleur rapport avec elle qu'avec Rose. Sa sœur lui ressemble un peu, je l'avais beaucoup aimé à Noël ... Evidemment, moins hargneuse et plus ... respectable mais on sent qu'elles ont les mêmes gènes ... (Elle hésita, une main tripotant la boucle d'oreille qu'elle venait d'enfiler). Ça va mieux Simon ? Par rapport à ses parents ...

Mon père eut un vague sourire et prit avec douceur la main de sa femme.

-Toi aussi ça t'a soulagé qu'il assume comme ça à Noël ?

-Chaque fois que je voyais avec George et Rose, ça me fendait le cœur, avoua ma mère en baissant la main. Je veux dire ... S'il nous était arrivé quelque chose, j'aurais détesté que mes enfants appellent Beata « maman ».

-On aurait confié nos enfants à mes parents, ma chérie, pas à ta sœur.

-Tes parents ? Jamais ! Plutôt cracher dans le bénitier que de laisser ma fille à ta mère !

Je les contemplai tous les deux, complétement estomaquée par cette discussion fluide et entendue – et je compris que ce n'était pas la première fois qu'ils avaient déjà eue cette conversation, qu'ils l'avaient souvent et qu'enfin elle débouchait sur une issue qui leur plaisait.

-Attendez, vous vous inquiétiez pour lui ?

-Evidemment qu'on s'inquiétait, assura mon père avec toujours cette même sérénité. Victoria, on était là il y a quinze ans. J'ai croisé Simon et George, juste après l'enterrement ... Tu ne t'en souviens pas, mais tu étais là aussi – et même toi tu étais inquiète alors que vous vous crêpiez déjà le chignon. Crois-moi, un gamin orphelin comme ça, ça te brise le cœur ...

-Plusieurs fois ton père a proposé à Rose de le prendre avec lui pour l'aider, avec des moyens plus doux, m'expliqua ma mère, un pli entre les sourcils. Une personne neutre, habituée à guider les âmes et qui en plus connaissait l'histoire ...

-Ils ont refusé ?

-Ils préféraient ne pas le brusquer, confirma mon père. Ce n'était pas mon intention, bien sûr mais ... j'estimais que c'était mieux que cette sorte de fausse-histoire dans laquelle ils étaient en train de l'enfermer.

Je m'efforçai de masquer ma surprise face à la virulence inhabituelle de mon père. Je devais très mal m'y prendre car ma mère la lut en un coup d'œil et laissa échapper un petit rire.

-Pourquoi crois-tu qu'on le défendait contre toi ? Que ton père lui ait donné la guitare ? On s'est toujours inquiété pour lui, Victoria. Je suis vraiment contente que ça aille mieux pour lui, il mérite d'être heureux ... A ce soir, vous deux !

Elle embrassa mon père sur la joue et disparut dans le salon. La porte claquée indiqua son départ et mon père suivit en finissant triomphalement ses mots croisés. Il quitta la pièce et me laissa seul avec le sourire attendri que m'inspirait leur tendresse manifeste pour Simon Bones, son histoire, son parcours et ce qu'il était devenu. Cela diffusa une chaleur bienfaisante dans ma poitrine et ma main tordit distraitement ma chaine. J'avais craint de présenter Miles à mes parents, avec pour seul critère la magie qui courrait dans ses veines. Mais s'il y avait bien un sorcier qui n'indisposait pas mes parents, c'était bien celui qui vivait au bout du village.

Et qui mettait un temps fou à répondre à ma lettre qui se réduisait pourtant à une ligne.

Maintenant que mes parents n'occupaient plus mon esprit, je me remis à fixer frénétiquement la fenêtre et à guetter le retour d'Archimède. Incapable de quitter la place sans nouvelle et tiraillée par la boule d'appréhension qui grossissait dans mon ventre, je me résolus à nettoyer l'évier, plus la graisse sur la hotte et enfin les résidus noircis sur les plaques de cuissons quand

soudain je l'entendis, ce petit bruit sourd contre la vitre qui aurait fait hurler ma mère d'horreur quelques mois plus tôt.

-Pas trop tôt, maugréai-je en ouvrant la fenêtre.

Archimède alla docilement se placer sur sa branche et tendit la pate au bout duquel pendait un morceau de parchemin. Je lui arrachai presque et le hibou poussa un cri de protestation qui me rendit penaude : il n'avait pas à être victime de mon impatience.

-Pardon mon grand. Tiens.

Je lui donnai un miam-hibou qu'il emprisonna dans son bec avant de s'envoler vers la branche plus haute de son piédestal. Sans attendre, je déroulai le message, le cœur au bord des lèvres. Simon n'avait même pas pris la peine de prendre un nouveau morceau de parchemin et à ma ligne répondait :

Désolé, Caroline vient d'arriver à l'improviste. Je mange avec elle mais promis on se voit cet après-midi. Vers 14h ? Juste le temps que je la foute dehors mais je crois mes parents lui ont demandé de me surveiller. Bref. A toute à l'heure. Encore désolé.

-Caroline, gémis-je en laissant ma tête aller vers l'arrière.

Je consultai ma montre. Il me restait trois heures. Une éternité. Une éternité qui devait être comblé avec de nouveau dessins animés si je ne voulais pas finir à tourner comme un lion en cage.

***

Les films n'avaient pas suffi. Alors je m'étais activée de mon mieux pour passer le temps : j'avais rangé ma chambre à la main, je m'étais douchée et m'étais lavé deux fois les cheveux – et j'avais même poussé à mettre un soin sur mes pointes. La dernière heure fut la plus longue et celle où mon cerveau finit par disjoncter : en peignoir et une serviette formant un mont précaire au sommet de mon crâne, j'étais incapable de me décider sur ma tenue. Elle n'avait pourtant pas d'importance : malgré le soleil qui nous gratifiait de ses pâles rayons, le thermomètre ne dépassait pas les dix degrés et je doutais enlever mon manteau et mon écharpe. Mais ce fut plus fort que moi, j'essayais au moins trois tenues avant de me fixer sur une tunique que m'avait offerte ma tante Beata à mon anniversaire dans un tissue fluide d'une belle couleur azur sur un jean qui ne contenait ni trou ni tâche d'encre. Pour mes cheveux, je ne pouvais rien faire : plus étaient longs, pire c'était. Ils atteignaient à présent mes omoplates et leur lourdeur détendaient mes boucles qui n'en étaient plus vraiment. Incapable de leur donner une forme, je les attachai en queue-de-cheval et ce fut quand je passai l'élastique que je vis que la main de Mickey s'approchait de plus en plus du « 2 ». Mon cœur manqua un battement et je dévalai les escaliers, pris mon mentaux et mon écharpe aux couleurs de Poufsouffle et m'élançai dans les rues.

Je me rendis à pied au parc de Terre-en-Landes dans une tentative d'éliminer mon énergie nerveuse avant de me retrouver devant Simon. A présent que mon esprit était au repos, les questions que j'avais voulu maintenir à l'écart en m'activant affleuraient à mon esprit et faisait monter l'appréhension. En tête : depuis quand exactement Simon avait-il pris conscience de ce qu'il ressentait ? Et pourquoi n'avait-il jamais cherché à m'en parler, pourquoi attendre que je le « piège » ? L'idée amenait avec elle tout ce que j'avais pu craindre : la peur des relations qu'il avait ou peut-être n'était-il pas sûr de lui ...

Mais il m'avait embrassé. C'était lui qui avait comblé ce vide. Et surtout, il avait laissé échapper qu'il m'aimait. Le souvenir diffusa une douce chaleur de ma poitrine compressée jusqu'à ma gorge où la boule d'angoisse fondit lentement.

Je m'accrochai à ça quand j'entrais dans parc, avec cinq minutes d'avance. Ombragé par quelques frênes aux branches gelées, il était modeste mais abrité par des haies et bien aménagé avec son toboggan, son petit parcours du combattant dans lequel j'étais tant tombée petite et les cheveux sur ressorts sur lequel je m'installai dans un équilibre précaire. Il était désert, à l'abri des regards : c'était l'un des endroits les plus calmes et les plus intimes de Terre-en-Landes. Je me fis subitement la réflexion qu'il ne devait pas servir qu'aux jeunes enfants, mais aussi aux couples d'adolescent qui cherchaient à se soustraire aux regards de leurs parents – ou pire, de l'Ancien. C'était peut-être ça qui avait cassé la plaque tournante deux ans plus tôt ...

J'attendis beaucoup trop longtemps sur la plateforme fragile, mais de laquelle je pouvais parfaitement voir l'entrée du parc. Je consultai régulièrement ma montre, observai les rares passants mais une demi-heure plus tard, Simon n'était toujours pas arrivé. La nervosité commençait à me reprendre, à me faire sentir complétement ridicule et à me mettre en colère contre lui qui osait me faire attendre. Enfin, alors que je songeais sérieusement à sortir du parc pour aller frapper chez lui en furie, il fit enfin son apparition au bout du sentier, les mains dans ses poches du même sweat pourpre que la veille et l'air de fort mauvaise humeur. Plus il avançait, mieux je pouvais observer son visage fermé, ses lèvres pincés et les fréquents regards qu'il jetait derrière lui. Prudente, je finis par sortir ma baguette et il eut un mouvement recule en portant la main à sa poche de jean.

-Quel film on est allé voir hier ? demandai-je immédiatement.

-C'est tout ce que tu as trouvé ? rétorqua Simon avec un rire incrédule. Hamlet. Pas terrible, l'interprétation. Quoique je n'ai pas vu la fin ...

-Hamlet meurt et Fortinbras devient roi. Fin de l'histoire.

-Je sais. J'ai lu la pièce.

J'eus un faible sourire devant son regard entendu, insistant. « Tu m'as bien piégé avec tes vers ». Toutes mes idées n'étaient pas parfaites mais celle-ci j'en étais particulièrement fière. Nous restâmes quelques secondes à nous contempler silencieusement, incertains. Je sentais les mots d'hier flottaient entre nous, indistincts, présents comme des spectres. Il n'avait même pas pris la peine de prendre un manteau, remarquai-je quand il fut parcouru d'un frisson et ses marques sombres marquaient la peau sous ses yeux. Il n'avait pas menti : il avait été parti pour ne pas beaucoup dormir.

-Désolé du retard, finit-il par lâcher. Caroline m'a retenu ...

-Comment ça se fait qu'elle est là ?

Simon poussa un grognement de frustration et se leva, faisant gémir la vieille structure de la balançoire. Il avait sorti sa baguette qui claquait régulièrement contre sa cuisse.

-Parce que visiblement, j'ai dix-huit ans et mes parents ne font pas confiance pour me gérer tout seul. Ou alors ils ont peur de ce que je pourrais faire s'ils ne sont pas là pour avoir un œil sur moi ... Bon sang, je finis par croire que c'est pour ça que ma mère prolonge son arrêt : pour veiller sur moi.

Il posa de nouveau le regard sur moi, remarqua que je le fixai toujours, insensible à ses doléances sur sa sœur et ses parents. Ce n'était pas pour ça que j'étais là, que j'avais daigné l'attendre dans le froid, pas pour ça que mon estomac faisait des nœuds à n'en plus finir en attendant qu'il prenne la parole. Simon comprit parfaitement cela, d'un regard, un regard qui dura une demi-seconde.

-On va se balader ? proposa-t-il finalement, l'air hésitant.

-Pourquoi ?

-Parce je ne sais pas si je vais supporter de te débiter tout ce que je dois avec tes grands yeux plantés sur moi. Je te jure, rien que l'idée m'angoisse.

Je ne sus si je devais en rire ou en pleurer. Moi je l'avais fait. Devant ses yeux écarquillés, devant son silence, sa position figée. Et son « c'est pour ça que je t'aime » qui était sorti avec une telle facilité ... Une facilité trompeuse, visiblement. Ma gorge se noua et faute de trouver une réelle réponse, je hochai la tête. Les épaules de Simon se détendirent et il m'adressa un sourire qui disait tout son soulagement. Il pencha légèrement la tête vers la sortie et je m'ébrouai, les mains dans les poches. Nous marchâmes côtes à côtes en silence, nos bras se frôlant parfois quand le trottoir se rétrécissaient – et chaque fois, ça emballait mon cœur. Le bêton fit vite place aux pavés et aux chemins de terres qui sillonnaient les champs environnants et nous laissâmes et bâtisses couleur miel derrière nous. J'observai Simon à la dérobée, ses traits qui s'étaient détendus à mesure de notre avancé malgré le tic qui agitait régulièrement le coin de sa joue. Il finit par sentir mon regard sur lui car il esquissa un sourire timide avant de demander :

-Bon. Je commence par quoi ?

-Le début, proposai-je avec un semblant de sourire. C'est bien le début.

-Le jour où on est né ?

Je lui donnai une bourrade qui le fit dévier de sa trajectoire avec un petit rire. Je me plaçai alors devant lui, les mains dans mes poches et marchant à reculons devant lui. Je ne voyais absolument pas où j'allais mais ça ne m'angoissait pas. Un petit sourire de défi se dessina aux lèvres. Celui auquel je savais qu'il ne pouvait résister, l'un des moteurs de notre relation. Et si j'en jugeai par l'étincelle qui embrasa le regard de Simon, mon intuition visait encore juste.

-Bon, tu m'as vue embrasserMiles, entonnai-je résolument. Ensuite ? 

*** 

Voilà, petit chapitre de transition tout en douceur avant un chapitre plus dense avec les explications tant attendues, je crois ! J'espère qu'il vous aura plu quand même ! 

A dans deux semaines <3 

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