III - Chapitre 30 : Suivre la piste
HE mais on est VENDREDI
Ma semaine est passée si vite. Après une merveilleuse réunion des trois-quart de l'Hydre au Père Lachaise, suivi d'une délicieuse soirée ramen/Charlie et la Chocolaterie, je suis allée en Normandie avec mes parents - chercher le bébé chien de ma soeur ! Oh la la il est so cute, c'est une peluche. Bref, début de semaine très chargé, mais c'était su-per !
Comme promis, le chapitre - mais maintenant on reprend toutes les deux semaines ! C'était une gourmandise de vacances, dirons-nous !
Bonne lecture <3
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Plus un détail apparaît outré plus il mérite de retenir l'attention ! Le détail qui semble compliquer un cas devient, pour peu qu'il soit considéré et manié scientifiquement, celui qui permet au contraire de l'élucider le plus complètement.
- Arthur Conan Doyle
Le Chien de Baskerville
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Chapitre 30 : Suivre la piste.
Raide comme un piquet sur le magnifique sofa de soie bleue roi, je gardais mes yeux rivés sur la somptueuse horloge astronomique qui occupait tout un pan du mur du salon d'apparat du premier étage de la demeure des Selwyn. Le magnifique manoir dissimulé en plein quartier de Westminster, à Londres. Pour la première fois de ma vie, j'avais eu enfin l'impression de parcourir les rues de la capitale et j'avais passé mon chemin la terre en l'air à tenter d'apercevoir tous les monuments connus de la ville, avant qu'Alexandre ne me tire fermement vers une grille ouvragée dans un style baroque qui se fondait parfaitement dans le décor ambiant. Melania nous avait attendu derrière, un grand sourire aux lèvres, vêtue d'une magnifique robe d'un bleu canard qui chatoyait sous le soleil. Elle avait ouvert la grille sur un chemin de pierres blanches qui serpentait entre les grands bâtiments de l'avenue moldue. Une fois émergé des deux murs étouffants, au lieu de la nouvelle rue moldue attendue en parallèle, nous étions devant le manoir ouvragé des Selwyn, niché dans un écrin de verdure qui ouvrait sur Hyde Park. Loin d'être une demeure lugubre à la gloire des anciens et du Sang-Pur comme pouvait l'être la maison des Black – à l'autre bout de la ville – c'était un endroit plein de charme, de lumière et de bon goût. Ulysse y évoluait comme un duc illuminé, fier de sa bibliothèque et Melania caressait comme un rituel le somptueux piano à queue qui ornait le salon principal. Julius montrait à mes parents avec fierté les portraits animés de ses ancêtres – et je fus certaine de voir ma mère retenir un haut-le-corps – pendant que Thalia donnait plein d'ordre à l'elfe de maison. La pauvre créature avait beau se faire la plus petite et la plus invisible possible, je n'en avais pas moins perçue sa présence – et les marques sur les jointures de ses mains. J'en avais lancé un long regard furieux à Melania qui s'était contentée de hausser les épaules, l'air de me dire « qu'est-ce que tu veux que j'y fasse ? ». Il se pouvait que la fusille encore du regard alors que le thé s'achevait dans une sorte de raideur ambiante qui n'était pas agréable à supporter, malgré le bel environnement.
-Vingt-deux ans, un âge magnifique, disait Julius Selwyn en reposant sa tasse de thé. Nous venions de nous fiancer, ma chère, vous vous en souvenez ?
Thalia se contenta d'acquiescer d'un hochement de tête poli. Le vouvoiement du couple Selwyn arrachait chaque fois à mes parents un regard incrédule. L'elfe de maison remarqua que la tasse de ma mère était vide et se dépêcha de la servir. Ma mère sursauta, une main sur le cœur et jeta un regard dégoûté à l'étrange créature aux oreilles de chauve-souris. Mon père, lui ne préférait y regarder.
-Si l'elfe vous indispose, nous pouvons la renvoyer dans sa chambre, proposa Melania avec douceur.
Je me retins de pousser un soupir de dédain que parut entrevoir mon frère quand il me jeta un regard d'avertissement. Pour être déjà venu plusieurs fois au manoir, il semblait incroyablement à l'aise dans ce décor fast et parvenait à garder une expression neutre devant la mine revêche et glaciale de Thalia Selwyn.
-Non, non, la rassura immédiatement ma mère, l'air néanmoins déboussolé. C'est juste ... un peu surprenant. Comment s'appelle-t-elle ?
Melania s'apprêtait à répondre mais sa mère la coupa sèchement :
-Son nom importe peu. Elle est censée d'être une invisibilité incontestable. N'est-ce pas ?
Son œil froid se darda sur la pauvre créature, retranchée dans l'ombre du fauteuil de ma mère, la théière entre ses longs doigts barrés de cicatrice. Quelque chose me disait que de nouvelles balafres blanches viendraient les ornait sous peu ...
-Oui, madame, couina l'elfe en s'inclinant. Excusez-moi, madame ...
-Ne t'excuse pas, file.
Ma mère porta une main horrifiée à son cœur devant la sècheresse du ton de Thalia et ne put retenir un cri de surprise quand l'elfe transplana avec un « crac » sonore. Mon père, lui, avait la mâchoire si contractée qu'il me semblait impossible qu'il laisse échapper une seule parole de plus.
-Ecoutez, ce n'était pas la peine, déclara finalement ma mère, remise de sa surprise. De toute manière, il est dix-sept heures, nous devons y aller ...
C'était bien que je lisais sur l'horloge depuis dix minutes, dix longues minutes que j'attendais que mes parents sonnent la retraite de cet inconfortable thé. J'étais si prête à partir que ma tasse encore à moitié remplie me sauta presque des mains et je dus faire un effort surhumain pour ne pas bondir du sofa. Crispée, j'attendis que ma mère se lève et tende une main amicale à Julius. Le père de Melania parut étonné et son regard passa brièvement sur mon père, toujours statique, quand il daigna prendre la main de ma mère.
-Monsieur Selwyn, c'était un plaisir pour nous de fêter l'anniversaire de votre fille avec vous, annonça-t-elle avec un petit sourire.
-Je vais chercher vos capes, comme notre elfe est parti, proposa Ulysse. Bennett, et si tu venais m'aider ?
-Ulysse, gronda sourdement son père.
-Victoria pardon. Un si joli nom, on ne devrait en occulter une seule syllabe !
-Bon sang, étouffe-toi, marmonnai-je en le suivant dans les corridors de la demeure.
Un sourire de coin fendit le visage d'Ulysse et il posa un index sur ses lèvres.
-Sois gentille, Bennett. Souviens-toi qu'on est dans le même camp, maintenant ...
-Difficile à dire, j'ai l'impression que ta mère a passé son après-midi à vouloir me réduire en cendre d'un seul regard !
-Connaissant ma mère, ce serait plutôt en statue de glace, évalua-t-il en me guidant vers une immense penderie dans le vestibule. Bon, comment ça marche, cette chose ...
Il claqua deux fois des mains avec une autorité qui me fit lever les yeux au ciel – vers le splendide lustre suspendu orné de feuilles de bronze et de délicates fleurs d'argent. Les portes aux boiseries raffinées s'ouvrirent alors en grand, révélant trois rangées superposées de capes, manteaux, chapeau et écharpe en tout genre. Un nouveau claquement de main d'Ulysse et les cintres s'envolèrent pour nous descendre élégamment toutes les affaires de ma famille. J'allais attraper ma cape mais Ulysse m'en empêcha d'un geste agacé de la main.
-Mais non enfin, Bennett ! Les cintres vont nous suivre !
-La magie ça rend vraiment fainéant, râlai-je alors que nos tenues s'alignaient parfaitement derrière Ulysse, prêtes à le suivre. Pourquoi tu avais besoin de mon aide si c'était si facile ?
-Ah, ça c'est un autre débat.
Il écarta un pan de son veston et en tira un rouleau de parchemin qu'il me tendit avec une mine immensément plus sombre. Je le saisis, interloquée et prête à le dérouler quand Ulysse claqua de la langue d'un air agacé.
-Enfin Bennett ! Tu verras ça chez toi ! Tiens, cache ça avec ce qui te sert de cape !
Sans délicatesse, il me jeta ma cape à la figure et je me retrouvais aveugle et engloutie sous une masse de tissu. Je la repoussai si maladroitement que ça arracha un soupir de dépit à Ulysse.
-Sincèrement, je me demande ce que Bletchley te trouvais ...
-Je me pose toujours la question pour Octavia ! rétorquai-je dignement.
Les joues rouges de confusion, je ramassai ma cape qui gisait à présent à terre et rangeai le parchemin soigneusement dans l'une des poches intérieures. Le regard d'Ulysse s'y était accroché jusqu'à ce qu'il disparaisse et un fin sourire vint ourler ses lèvres.
-Je pense que la réponse à ta question se trouve justement là-dedans. Au fait, Bones n'est pas venu jouer les chiens de garde ?
Je lui jetai un regard acéré. Pour tout dire, j'avais poussé pour forcer Simon à venir, mais celui-ci refusait l'idée même de se retrouver devant Alexandre en ce moment – et ça m'agaçait fortement – en plus de n'avoir aucune envie de passer l'après-midi avec les Selwyn – ce sont je ne le blâmais pas. Enfin, j'étais presque persuadée qu'il était depuis ce matin au QG avec Bill Weasley : l'un des membres était revenue d'une mission en Irlande avec une blessure magique inquiétante qui demandait leurs compétences.
-Tant mieux, poursuivit Ulysse devant mon mutisme. Je t'avouerais que supporter l'ex-petit-ami d'Octavia, ce n'est pas ce que je préfère.
Je haussai les sourcils et le rejoignis en quelques foulées sur l'immense escalier qui menait à aux étages supérieurs. Il était éclairé par une immense verrière qui donnait sur Hyde Park. Le tout rendait l'endroit extrêmement agréable, mais ce n'était rien comparé à l'air gêné d'Ulysse quand il avait compris que j'étais revenue l'interroger.
-Alors c'est tout ce que tu vois en Simon ? me moquai-je joyeusement, ma cape soigneusement pliée sur mon bras. Pas qu'il est major de notre promo, pas qu'il fait parti de l'une des familles les plus influentes, mais qu'il est l'ex d'Octavia ?
-Tant mieux pour lui s'il est major de notre promo, cingla Ulysse pour se redonner contenance. Et concernant sa famille, son influence est singulièrement réduite depuis la mort d'Amelia : heureusement que leur père continue d'être un pit-bull sinon crois-moi ce serait la fin des Bones.
-Mais tu as peur de lui quand même ...
-Peur de quoi ? cracha-t-il d'un ton presque venimeux. Je dis juste que ce n'est pas agréable le voir accroché à tes basques ou de savoir qu'Octavia passe une partie de son temps chez lui pour votre projet.
Le mépris qui avait transparu dans sa voix doucha mon amusement. Je me doutais qu'Ulysse devait rire devant les pages qui commençaient à s'aligner et qui tendaient à expliquer pourquoi nos cultures s'enrichissaient, mais l'entendre était hautement désagréable.
-Tu devrais être fier d'elle au lieu de dédaigner son travail, répliquai-je vertement. Je ne sais pas ce qu'il y a dans ma cape, Selwyn, mais sache que même avec ça tu n'arrives pas à la cheville d'Octavia McLairds.
-Et je suppose que Bones lui la méritait ?
Je ne sus quoi répondre à cela, d'autant que ces paroles furent accompagnées d'une crispation de sa main au niveau de la poche de son veston. Mon regard suivit le mouvement et Ulysse se détourna, les dents serrées.
-Laisse tomber, Bennett.
-Tu me caches quoi, là ?
-Rien.
-Ça, ça veut dire « quelque chose ». Mais ... ce ne serait pas une bague ?
J'avais lancé ça par hasard, simplement pour embarrasser Ulysse mais l'embrasement de son visage m'indiquait que, contre toute attente, j'avais visé juste. Sans pouvoir m'en empêcher, j'éclatai d'un rire incontrôlable qui nous obligea à nous arrêter sur un pallier face à Hyde Park et que je tentai vainement d'étouffer dans ma cape. Ulysse avait soudainement un regard semblable à celui de sa mère : prêt à me transformer en bloc de glace si le pouvoir lui était conféré.
-Oh mon Dieu ... !
-Je te jure que si ça sort d'ici, Bennett, je te transforme en grenouille ! persiffla Ulysse.
-Vas-y je te laisserais te débrouiller avec Simon, haletai-je en essuyant mes larmes de rire. Oh Seigneur tu vas vraiment la demander en mariage ! Tu sais que mon père est Pasteur, tu veux qu'il officie ?
-Tu vas te taire ? martela-t-il entre ses dents. Mes parents ne sont même pas au courant !
-Oh je suis la première ? Je suis touchée !
-Bennett ! Reprends-toi, par Merlin !
Avec beaucoup de difficulté, je réussis à calmer mon hilarité sans pour autant parvenir à effacer un sourire de mon visage. A moitié satisfait, Ulysse reprit sa marche en avant, suivit des trois cintres qui volait à quelques centimètres des marches et de moi qui tentait toujours de retrouver une expression neutre. Il m'attendit avant d'entrer dans le salon d'apparat et maugréa de nouveau :
-Pas un mot. Même à Bones – surtout à Bones.
Pour ne pas prendre le risque à nouveau m'esclaffer, je préférais faire le signe de verrouiller mes lèvres et de jeter la clef avec un innocent sourire. Ulysse ne parut pas rassuré par la silencieuse promesse, mais ouvrit néanmoins la porte avec la mine affable qu'il réservait toujours à la bonne société – un masque qu'il avait en commun avec Octavia. Mes parents et Alexandre récupérèrent leurs affaires et la famille au complet nous raccompagna jusque la grille qui ouvrait sur le quartier de Westminster. Melania repartait avec nous et Ulysse m'adressa un long regard accusateur de ses yeux bleus glacés jusqu'au moment où je disparus de sa vue en tournant à l'angle de la rue.
-Au fait, lançai-je à Melania. Est-ce que les normes sorcières vous autorise à vivre ensemble sans être mariés ?
Melania parut s'étrangler devant ma question et Alexandre jeta un regard paniqué à mon père qui marchait avec ma mère quelques mètres plus loin.
-Mais ça ne va pas de parler mariage devant papa, toi ! Tu sais combien il rêve de pouvoir nous marier, à défaut qu'on ait attendu le mariage pour avoir des relations sexuelles !
-Alex, par les chaussettes de Merlin, soupira Melania quand je m'étranglais de panique à mon tour. Et pour répondre à ta question : ça dépend des familles, comme les moldus. De manière générale, on reste plus puritain mais la mienne l'est particulièrement. Donc non, on n'est pas censé ni vivre ensemble ni avoir des relations sexuelles, puisqu'Alex en parle de façon si élégante ...
Elle fusilla son petit-ami du regard, qui ouvrit les bras avec une mine indignée.
-En fait je parlais surtout de Tory !
-Dis-le plus fort, papa n'a pas encore entendu !
-Néanmoins, reprit Melania, comme pour faire cesser nos chamailleries, j'ai décidé que je m'en fichais, comme mon jumeau se fiche de l'honneur de la famille ou ma petite sœur de la notion d'éthique. Laisse tomber : Ulysse sera le seul enfant parfait des Selwyn et c'est très bien comme ça parce que maintenant c'est lui l'héritier. Tout le monde se fiche de comment vit la fille.
Et visiblement, elle n'en percevait aucune amertume car ça lui permettait de se promener en plein Londres main dans la main avec un moldu. Un léger sourire effleura mes lèvres quand je les contemplai, aussi insouciant que pouvait l'être un jeune couple malgré les nuages hivernaux. Si Ulysse respectait les mœurs familiales, le mariage était l'unique moyen de passer une étape avec Octavia, de lui prouver à quel point elle importait pour lui. C'était à la fois attendrissant et risible, sans qu'un sentiment ne prenne le pas sur l'autre. Dans un geste compulsif, je plongeais ma main dans ma poche pour en retirer le rouleau de parchemin qu'il m'avait confié. Il n'était pas scellé et se déploya naturellement dans ma main, comme s'il frémissait d'être lu. Ma lecture fut troublée par mon frère qui vint passer un bras autour de mes épaules.
-Mais cela dit, Tory, puisqu'on parle de chose qui ont à voir avec les garçons ...
-Mais ça n'a rien à voir, protesta Melania.
-... Dis-moi tout, rien depuis le petit sorcier ?
Je fus heureuse d'avoir les yeux rivés sur le parchemin pour avoir une excuse de ne pas lever les yeux sur Alexandre. A dire vrai, j'étais si prise par le déchiffrement des colonnes de chiffre qui le noircissait que je ne pris même pas la peine de rougir et que le nom de Simon traversa mon esprit sans s'y attarder.
-Non ... C'est calme ...
Cette fois, je revis clairement le visage de Simon s'imprimer dans mes pensées et je secouais la tête comme pour chasser un insecte. Mon frère ne s'avoua cependant pas vaincu et renchérit :
-Vraiment ? Pas de beaux sorciers au Quidditch ? Pas d'ancien camarade de classe qui déprimerait de ta charmante présence ?
-Arrête de vouloir corrompre ta sœur, intervint soudainement mon père, me faisait sursauter. Laisse-la faire les choses à son rythme !
Au ton de mon père, on devinait sa fierté à ce que mon rythme soit selon lui lent et conforme au sien et cette confiance me tordit le ventre. Je dardai un regard oblique sur mon frère, agacée d'être face à mes omissions par sa faute mais il me désarma d'un immense sourire.
-Je veux juste le bonheur de ma petite sœur, papa, comme nous tous ici ! Bon, qu'est-ce que tu nous lis, Tory ...
-J'en sais rien, admis-je en toute sincérité.
Mais la mention du Quidditch par Alexandre m'avait donné une échappatoire et que je concrétisais en trouvant des yeux une ruelle qui s'enfonçait dans les entrailles de Londres. J'adressai un sourire d'excuse à mes parents et me défis souplement de la prise de mon frère.
-Ça vous dérange si je vous laisse ? Je dois passer au centre ...
-A cette heure ? s'étonna ma mère.
-Eden a dit que je pouvais venir m'entrainer avec lui si je ne finissais pas trop tard ...
-Eden, répéta Alexandre, le regard étincelant. Tiens donc et qui est Eden ?
-Alex !
Le cri de Melania et de ma mère fit rentrer la tête de mon frère dans ses épaules et j'eus un sourire triomphal, d'autant que mon père me donna son accord d'un hochement de tête. Je leur adressai un dernier signe avant de me dépêcher sur le passage piéton le plus proche et de traverser la rue en direction de la ruelle que j'avais repéré. Je n'eus à la parcourir de quelques mètres pour trouver un nouvel embranchement discret où je pus transplaner en toute quiétude, le parchemin d'Ulysse crisper entre mes doigts.
***
-C'est un code vous pensez ?
-C'est donné par un putain de Sang-Pur. Moi, j'y touche pas.
Tonks et moi nous accordâmes pour jeter un regard exaspéré à Podmore, assis au bout de la table de la cuisine à lire un épais traité de magie défensive qu'Arthur Weasley avait déniché dans la bibliothèque des Black. L'unique autre personne présente dans la pièce était une femme que j'avais entraperçu qu'une fois et qui se nommait Hestia. Elle était assez mignonne, dans la trentaine avec des joues constamment rougies et des boucles châtains ébouriffés. Elle était occupée à faire les comptes à la place de Maugrey et ne prêtait absolument pas attention à notre discussion en bout de table.
-Le Sang-Pur en question veut prouver à sa belle qu'il est quelqu'un de bien, rétorqua vertement Tonks, les mains plaquées de chaque côté du parchemin. Peu importe ce que sont les colonnes de chiffres, elles doivent signifier quelque chose ! Qu'est-ce qu'il fait chez les Selwyn ?
-Rien, il est dans une section de commerce au Ministère, pour l'instant, répondis-je. Mais il a promis à Mel qu'il vérifierait les transactions de sa mère, peut-être que ça a un rapport ...
-Merveilleux mais ça ne nous dit pas ce que veulent dire les chiffres. Bon sang, je n'y comprends rien, je n'ai jamais été douée en math !
-Qui l'est ? rétorqua tranquillement Hestia sans quitter son cahier des yeux. Poudlard ne nous apprend pas les maths, elle nous apprend que la magie ...
-Et ça nous appauvrit dans d'autres domaines, confirmai-je avec un sourire.
Hestia me le rendit avant de lécher son doigt et de tourner une page. Elle écrivait au stylo, remarquai-je avec un certain amusement. Cela suggérait certainement une ascendance moldue ...
-On se calme les révolutionnaires, marmonna Podmore avant de tirer la feuille à lui. Pourquoi on s'y intéresse aux Selwyn ? A part les interactions entre la femme et Yaxley ...
-Et le fils qui vit chez Rowle : on a déjà trop de ponts ! rappela Tonks, l'air excité. S'il nous fournit une preuve supplémentaire ...
-On est sur la surveillance de Barjow et Beurk, la coupa brutalement Podmore. Donc la colonne de chiffre, on va la donner à Kingsley.
J'échangeai un regard déchiré avec Tonks. J'avouai avoir un mal fou à me détacher du parchemin qui m'avait été dûment confié, de ce qu'il pouvait nous apporter mais Podmore avait raison. Nous n'étions pas nous occuper de cet aspect-là, mais seulement de ce qui se déroulait chez Barjow et Beurk. Résignée, Tonks finit par repousser le parchemin sur la table au moment même où Fletcher entrait dans la cuisine, un George bougonnant sur ses talons.
-'Lut, nous salua l'escroc en prenant place sur le banc. Hestia, toujours aussi ...
-Bonjour Ding, l'interrompit rapidement la jeune femme sans tourner le regard vers lui.
Fletcher leva les yeux au ciel et gratta sa barbe rousse de trois jours. J'ignorais combien de temps Podmore l'avait laissé sous la douche quand nous l'avions ramené, mais il amenait toujours avec lui des effluves d'alcool et de tabac.
-Ouais, bref. Bon je vous ai ramené un des doubles, là. J'espère que j'ai pris le bon.
-Mille gargouilles Ding, fais un effort ! râla Podmore en jetant un regard oblique à George. T'es le bon ?
-Non, je suis venu jouer aux bavboules, railla George.
Il s'installa en face de moi et évita soigneusement le regard que je tentai d'accrocher. Mon cœur se serra. Oui, c'était le bon et visiblement il m'en voulait encore de ne pas l'avoir soutenu face à Maugrey. Inconsciemment, je passai les doigts sur mon bracelet, comme pour prier les perles noires et or de me rassurer et au petit soleil de m'apporter un peu de chaleur. Podmore contempla longuement George et sa mine morose, le visage fermé.
-Arrête de faire la tête, petit. C'est déjà bien que Maugrey te laisse continuer la mission avec nous vu ce que vous nous avez fait la semaine dernière. C'est comme ça ici, il faut vite passer à autre chose si on ne veut pas sombrer.
Hestia se tendit à ces mots et osa un petit regard vers Podmore.
-Comment elle va ... ?
-On ne sait pas. Toujours en haut.
Comprenant qu'il faisait référence à la personne qui avait été blessée en mission, je restai coite mais sentis mon regard s'orienter vers le plafond. « Elle ». Je n'avais pas vu énormément de fille dans le QG, excepté Tonks et Hestia, et le seul autre visage féminin qui me vint à l'esprit était celui de Renata Morton ... Une éternité que je n'avais plus vu mon ancienne camarade de Poufsouffle. Mes doigts se crispèrent sur le breloque « petit soleil » et j'entendis à peine Podmore reprendre :
-Bref, il va falloir qu'on soit efficace les enfants et pour ça il faut coopérer et agir en équipe – exactement le contraire de ce que vous nous avez fait pour attraper Ding.
Son regard courroucé se planta sur l'escroc qui leva les deux mains en signe de bonne foi.
-Hé, je suis là maintenant. Dettes effacées, opérationnalité maximale. Mais de ce que j'ai pu entendre depuis Swansea, vous avez raison de vous intéresser à Barjow et Beurk.
Je sentis l'atmosphère changer, s'étouffer, et toutes les attentions – même celle de la discrète Hestia – se braquer sur Fletcher. Loin de se délecter d'être ainsi le centre de la pièce, il poussa un grognement de dépit. Ses yeux injectés de sang semblaient singulièrement vides.
-A ce qu'il paraîtrait, Barjow cherche une pièce. Un truc rare, pas mal chargé en magie noire. Il a fait tous les fournisseurs que je connais mais ils ne m'ont jamais dit la pièce en question. Mais tous s'accordaient à dire que le vieux avait l'air terrifié et ça les faisait bien rire.
-Quand on a Yaxley et Lestrange aux fesses, ça se comprend, songea Tonks, l'air sombre.
Elle repoussa la mèche d'un châtain souris qui lui barrait le front. Un pli soucieux était apparu entre ses sourcils et elle ne riait plus du tout, à présent.
-Donc il est sans doute question d'une pièce. Ce serait pas mal qu'on ait la nature de la pièce, à quoi elle sert. Peut-être que ça n'a rien à voir ...
-Tout ce qui est en rapport avec la magie noire a à voir, répliqua Podmore. Trouve la pièce, Ding, nous on va continuer à surveiller.
George essuya un petit rire incrédule et je me trouvai une passion soudaine pour la contemplation du plafond. Sur son bout de table, Podmore s'était raidi.
-Quoi encore, Weasley ?
-Rien. Juste, vous continuez de donner vos ordres sans prendre en compte nos avis ou nos propositions. Mais c'est cool, normal. On est des gosses après tout.
Il n'avait même pas pris la peine de cacher l'ironie dans sa voix et Podmore se leva lentement de la table, d'un air que je sentais menaçant. Les mots de Simon tournèrent l'espace d'un instant dans mon esprit : à trop nous mettre à l'écart, quelqu'un ferait une bêtise. Les jumeaux en tête ...
-Il a raison.
Tonks me lança un regard d'avertissement mais je l'ignorais pour lever les yeux sur Podmore. Il avait dressé un sourcil, dubitatif.
-OK, on a fait une bêtise chez Fletcher, avouai-je, vaguement intimidée. Mais c'était pour aider : on piétine littéralement. Surveiller et faire le pied de grue devant Barjow et Beurk ça reste limité. On ne pourrait pas ... je ne sais pas, utiliser les oreilles à rallonges ?
Je tentai un coup d'œil vers George, guettant son approbation et espérant que l'allusion à sa création le radoucirait. Sans être parfaitement attendri par la tentative, il me désigna néanmoins d'une main d'un air évident.
-Voilà des propositions sensées ! Ou je remets sur la table le polynectar. Je sais que c'est difficile à préparer et que nos ressources sont précieuses, ajouta-t-il avec un ennui palpable quand Tonks ouvrit la bouche. Mais je demande à peine une demi-gorgée : on se faufile derrière Yaxley quand il rentre et hop ! Ou derrière un fournisseur de Ding ! Promis je vous prépare la potion moi-même !
-Toi ? douta Fletcher avec un ricanement.
-Il fait bien un amortentia parfait, le défendis-je.
Cette fois, l'esquisse d'un sourire se dessina sur les lèvres de George et j'ajoutai résolument :
-S'il nous prépare lui-même le prochain stock de polynectar, est-ce qu'on peut envisager d'essayer ? Juste histoire ... de changer un peu de méthode.
Tonks et Podmore échangèrent un long regard. Je sentais la jeune femme sensible à nos propositions, à notre fougue mais le colosse paraissait sceptique. Il finit néanmoins par céder avec un soupir.
-Très bien. Mais je tente, pas la peine que vous nous mettiez en danger, petites canailles. Trouvez-moi des cheveux de moldus, Ding trouve nous la pièce et vous, préparez-vous à prendre des notes et à cacher vos stupides et détectables ficelles.
-Je vais demander à Bones s'il n'a pas un sortilège qui les rendrait moins détectable ...
-Laisse ton frère s'occuper Bones, toi tu as une potion à faire. Fissa Weasley !
-Et Bones est occupé là tout de suite, rappela Tonks avec un regard inquiet pour les plafonds.
Un silence sinistre s'en suivit durant lequel seuls retentirent les gouttes qui s'échappaient du robinet derrière Podmore et s'écrasaient dans l'évier. J'étais encore en train de me demander si Renata était la victime quand la lumière de la cage d'escalier s'alluma brusquement, découpant trois ombres dans la pierre. Une femme émergea vite de la noirceur et j'eus l'impression qu'un soleil entrait dans la pièce et chassait par sa simple lumière la morosité ambiance. Grande et gracieuse, elle exécuta avec enthousiasme une pirouette qui vit de ses longs cheveux blonds argentés un véritable halo autour de son visage de porcelaine.
-Comme neuve ! annonça-t-elle en étendant sa jambe sur le banc.
-Ne t'en vante pas trop, la prévint Bill en arrivant derrière elle.
Il attrapa la jeune femme par la taille et plaqua un baiser dans ses cheveux. Son visage fut illuminé par l'aura qui semblait émanait de la jeune femme qui lui adressa un sourire étincelant. Elle dégagea enfin son visage et je me retrouvais face aux traits d'une perfection insolente de Fleur Delacour, championne de Beauxbâtons. J'en fus si abasourdie que je pris à peine conscience que la troisième ombre appartenait à Simon et qu'il s'était glissé à côté de moi sur le banc. Il laissa sa baguette tomber sur la table et elle roula sur quelques centimètres devant moi. Cet abandon manifeste arracha mes yeux aux traits envoutants de Fleur et je suivis longuement le cours de la baguette des yeux avant de poursuivre jusqu'à la main de Simon affalée sur la table pour le découvrir prostré, la tête niché dans son coude, l'air au bord de l'épuisement. Aussitôt, je passai une main dans son dos et il lâcha un soupir sans pour autant se redresser.
-Ça va. J'ai juste ... fatigué. Chercher le contre-sort toute la nuit.
-Et appliqué avec brillo, apprécia Fleur, toujours souriante. Encore une fois, merci Simon !
Les deux syllabes du prénom de Simon furent déformées par son accent français, le rendant étranger, inidentifiable. Pourtant elle appuya ses dires en se précipitant vers lui : elle prit sa tête entre ses doigts fuselés et plaqua un baiser sur la tempe accessible de Simon qui rendit sa peau rouge pivoine. Malgré moi, mes sourcils s'envolèrent et je perçus du coin de l'œil George cacher son fou rire dans sa main. En se redressant, les yeux bleus de Fleur se posèrent sur moi et son regard s'écarquilla.
-Victoria ?
Quelque chose dans sa voix, dans l'agrandissement stupéfait de ses yeux, dans l'accent français qui écorchait mon prénom, me ramena presque deux ans en arrière où elle m'avait également contemplé avec cette même surprise, ce même cri étonné, couverte de terre sèche et les vêtements déchirés. Et elle poursuivit exactement de la même façon, comme dans un mauvais rêve, une parodie de pièce, en m'attrapant par les épaules.
-Mon dieu oui, c'est toi !
Sans attendre, elle fondit sur moi et plaqua deux baisers brûlants sur mes joues, geste si inattendu et si étrange qu'il claqua la bulle désagréable dans laquelle j'étais emmurée et cassa le fil de mes souvenirs. Sans vergogne, elle se fraya un chemin pour s'assoir entre Simon et moi, les mains toujours crispées sur mes épaules et l'air toujours un peu déboussolée.
-Oh la la ... Tu me reconnais ?
-Oui, bredouillai-je, déroutée. Oui, bien sûr ... juste ...
A présent qu'elle était en face de moi, plusieurs questions se bousculaient dans mon esprit. Que faisait-elle là, elle la française de Beauxbâtons ? En Angleterre et au QG de l'Ordre du phénix ? Pourquoi venait-t-elle s'embrasser Simon ? Comment avait-elle pu reconnaître mon visage noyé dans tant d'autre ? Elle esquissa un pauvre sourire, comme si elle lisait toutes les interrogations dans mes prunelles. Même penaude, elle était d'une beauté à couper le souffle.
-Je suis fiancée à Bill, expliqua-t-elle en arrachant sa main de mon épaule pour agiter ses doigts où brillait une bague. Alors je suis venue m'installer en Angleterre ... donner un coup de main ... Oh mon Dieu, ça fait tellement étrange de te revoir ! J'avais dit au père de Bill de chercher parmi les amis de Cédric, je savais que vous ne voudriez pas rester sans rien faire mais je ne savais pas ... Je viens assez rarement ici, je suis là en appoint ...
-Sauf quand visiblement tu tombes sur Rabastan Lestange en promenade ..., marmonna Podmore.
Bill le fit taire d'un regard incisif et Podmore leva une main pour s'excuser. George masquait toujours son hilarité et les yeux de Tonks allaient alternativement entre Fleur et Bill, la mine assez morose. Avec un coup au cœur, je me souvins de la scène que j'avais perçue, quelque mois plus tôt et où j'avais clairement eu l'impression que la jeune femme enviait la place de la fiancée de Bill. « L'avantage à être quelqu'un comme elle, c'est qu'on est jaloux de personne ». En effet, qui pouvait bien craindre la divine Fleur Delacour ? Celle-ci adressa par ailleurs une moue dédaigneuse à Podmore.
-Et bien je m'en suis sorti, de ma promenade ! C'est insensé ce sort qu'il m'a jeté votre Mangemort, le pauvre Simon a dû rester éveillé toute la nuit pour trouver le contre-maléfice ...
-De rien, marmonna Simon, toujours avachi contre la table. Je peux sombrer dans le coma maintenant ?
-C'est exceptionnel ton niveau ! poursuivit néanmoins Fleur. Pourquoi tu ne t'es pas inscrit au Tournoi il y a deux ans ?
De l'autre côté de la jeune femme, je vis les épaules de Simon se tendre, en écho de ma propre raideur face au rappel de ce qui nous avait pris notre meilleur ami.
-Pas l'âge. Pas l'envie.
-Et la médicomagie ? Tu serais très utile à Sainte Langouste ...
-Pas la patience, répliquai-je pour éviter à Simon de répondre. Magie trop restrictive. Et c'est Ste Mangouste.
Fleur haussa les épaules, l'air indifférente à son erreur et se leva enfin pour repousser son rideau de cheveux blonds-argenté dans son dos. Dans un mouvement dont j'analysais seule la dimension inquiète et presque possessive, je comblais l'espace qu'elle libérait en me rapprochant de nouveau de Simon. Dès qu'il eut conscience de notre proximité, je le sentis bousculer son poids vers moi, comme s'il me cherchait et ma main se glissa sous la table pour venir se placer sur sa cuisse. Ses oreilles couvertes de quelques mèches blondes étaient encore rouges du baiser de Fleur Delacour.
-Victoria tu connais donc ma fiancée, soupira Bill depuis l'autre côté de la table où il s'était servi une tasse de café. Les présentations sont faites donc ... Qui espionne Gringrotts ?
-Hein ? réagit Fletcher.
La main de Bill glissa sur la table et alla trouver la feuille de parchemin confiée par Ulysse et que Tonks avait repoussé quelques minutes plus tôt. Ses yeux d'un marron très doux, très velouté, parcoururent les colonnes de chiffre avec attention.
-Gringrotts ? répéta Tonks, intéressée.
-Ce sont des virements. Les sommes, et le numéro de compte associé dans la dernière colonne.
-Dis-moi pas que c'est pas vrai, marmonna Fletcher.
Il sortit de son pardessus un épais cigare qu'il coinça au bord de sa bouche molle. Simon, très sensible aux odeurs de tabac, en empoigna immédiatement sa baguette pour la pointer vers le responsable de ses désagréments. Un éclair jaune jaillit de sa pointe et frappa le cigare qui se ramollit et se verdit entre les lèvres de Fletcher pour devenir un pissenlit. L'escroc le cracha sur la table, dégoûté alors que l'assemblée était secouée d'un éclat de rire.
-Oh p'tit ! C'était mon dernier !
-Le tabac c'est mauvais pour ta santé, Ding, chantonna tranquillement Hestia.
-Mais c'est bon pour mon moral ! répliqua-t-il en lorgnant méchamment Simon. T'es un rapide, toi ...
Simon avait enfin émergé de ses bras pour caller sa joue contre son poing et n'attendis pas que j'ouvre la bouche pour pointer immédiatement sa baguette d'acacia sur moi. Ses yeux étincelaient d'un avertissement silencieux et dans ses prunelles vertes je me revis le jeter dans le ruisseau de Terre-en-Landes.
-Non, toi, tu te tais.
-Hé !
Je retirai vivement ma main de sa jambe pour passer un doigt sur la baguette de Simon et l'écartai de mon visage. Arrivée à sa pointe, j'y donnai une pichenette pour définitivement dévier de sa trajectoire avec un sourire mutin.
-Tout le monde le sait que je suis plus rapide que toi, inutile de s'épandre là-dessus. (Je me tournai résolument vers Bill, qui étudiait toujours le parchemin). Qu'est-ce que ça dit, donc ?
Bill semblait ébahi parce qu'il découvrait. Il avait sorti sa baguette pour faire quelques vérifications et le parchemin baignait toujours dans une agréable lumière dorée. Ses doigts suivait chaque ligne de chiffre avec la plus grande des attentions et Fleur vint se placer juste au-dessus de lui. Elle pointa un numéro à trois chiffres.
-Je suis certaine que c'est celui des Lestrange. Maugrey m'a demandé de noter tous les numéros de compte des Mangemorts à Gringrotts ... Argh, comme c'était long ...
-Et celui-là je pense que celui-là est en lien avec les Malefoy, j'ai dû y poser un maléfice la semaine dernière, murmura Bill avant de lever les yeux sur Tonks. Quel est le compte de base ?
-Thalia Sewlyn.
C'était ma voix qui avait retenti dans la cuisine de la noble maison des Black et je sentis une dizaine de paire d'yeux se braquer sur moi, incrédule. Je n'en revenais pas d'avoir oublié cette information ... de ne pas avoir fait le lien ... Je pivotai rapidement vers Tonks.
-Elle a un compte, Mel me l'a dit, un compte avec sa dot et Ulysse devait voir ce qui en sortait. Voilà ce qui en sort ! Elle finance ouvertement les Mangemorts !
-Toi, tu t'arrêtes là, me coupa immédiatement Podmore. Ton histoire avec les Selwyn, on la connait, ne va pas plus t'impliquer là-dedans !
-Mais merci pour le tuyau, nuança Hestia en se saisissant du parchemin. Fleur, tu penses que tu peux identifier les comptes ? Si Maugrey te l'a déjà demandé ...
-Tu es toujours en stage à Gringrotts ? s'étonna George.
La poitrine de Fleur se bomba de fierté et elle prit la feuille de virement entre ses longs doigts fuselés.
-J'ai même été embauchée, oui ! Je peux vous trouver ça, je la donnerais à Maugrey ...
-Merci, fit Hestia, soulagée. Ça pourrait nous donner de nouvelles informations sur les activités – et qui est actif. Car qui dit déplacement de fond dit forcément activité malveillante. Bon sang si seulement tous les Mangemorts pouvaient nous donner leurs relevés de comptes !
-On est sûr que ... ? commença à douter Podmore.
-C'est une copie, mais une copie authentique, confirma Bill avec certitude. On sent que dans le gemellement l'enchantement a gardé des traces de la magie de traçage et d'authentification des gobelins ...
-Je ne savais pas que le sortilège de reproduction reproduisait aussi la charge magique, souffla Simon, un lueur intéressée dans les yeux.
-Pas exactement. La copie d'un objet magique ne serait pas magique, mais on peut quand même sentir les échos de l'enchantement de base. C'est fin, pas forcément accessible à tous ... Tiens, regarde par toi-même ...
Bill prit le parchemin et le fit glisser jusque Simon qui le déploya devant lui en prenant soin de garder toute la surface de sa paume au contact. J'avais rarement l'occasion de le voir travailler autrement que dans ses lèvres mais il avait des gestes assurés qui prouvait qu'il s'était entrainé à estimer, même sans baguette, la charge magique des objets. Son front s'était barré d'une ride de concentration mais quelque chose brillait dans ses yeux, mélange d'exaltation et de curiosité qui illuminait ses prunelles d'une façon que je voyais assez peu. Il y avait quelque chose de fascinant, de satisfaisant de voir Simon dans son élément : la magie pure, qu'il pratiquait à la pointe de la baguette qu'il venait de nouveau de saisir pour répandre une lueur dorée autour du parchemin. Un sourire vint effleurer ses lèvres et il leva un regard exalté sur Bill.
-On la sent à peine ... !
-Mais c'est là, acheva Bill avec un doux sourire avant de tourner le regard vers Podmore. Tu as une double vérification. Convaincu ?
-Ça ira, trancha-t-il avec un haussement d'épaule. Bien joué, Bennett. Si le petit Selwyn a encore des relevés qui trainent, qu'il n'hésite pas.
Avec un sourire, Fleur récupéra le parchemin et l'enroula soigneusement pour le glisser dans la poche de sa robe de sorcière d'un élégant mauve. Puis elle étala de nouveau sa jambe découverte devant elle et effleura sa peau lisse et parfaite. Aucune trace d'une quelconque cicatrice et je songeais avec amertume à celle que je n'arrivais pas à faire disparaître dans mon dos suite au sort que j'avais reçu l'année dernière. Elle ressemblait à présent à une vaste tâche de naissance couleur café et ce n'était pas affreux en soit, mais ça restait un rappel constant de mon attaque. Face à l'éclat littéral qui baignait la peau de Fleur, je réussis à me souvenir qu'elle avait du sang de Vélane dans les veines, des créatures connues pour leur beauté envoûtantes. Peut-être que ça lui donnait des capacités de cicatrisation plus développée pour sauvegarder sa perfection ... Elle adressa un sourire éclatant à Simon fit tant rougir le visage de celui-ci que ça en effaça ses tâches de rousseurs.
-Encore merci, tu as fait un travail incroyable !
-Au moins on saura qui appelé si on se prend un maléfice, songea distraitement George en évitant soigneusement le regard de Fleur.
-Non, contra fermement Tonks. On ne vous a pas dit le protocole quand vous vous trouvez blessé dans une joute ?
-Si la blessure est magique il faut éviter de transplaner, le transplanage les aggravent, répondit immédiatement Simon.
-Mais si vous êtes au milieu d'un groupe de Mangemort, vous n'aurez pas le choix, lança Podmore. Alors transplanez sur la plus courte distance possible pour limiter les dégâts, du moment que vous êtes en sûreté. Puis essayez de contacter un membre de l'Ordre. Pas de Ste-Mangouste : le Ministère surveille toutes les blessures suspectes également et c'est infesté de médicomage qui leur sont loyaux. Moins on a affaire au Ministère, mieux on se porte. Evidemment si on n'a pas le choix et que la blessure est trop grave ... Mais on n'a quand même des personnes compétentes. Je ne me déshonore pas en Potion – Bennett peut en témoigner – Tonks a sa formation d'Auror et dans le pire des cas n'oubliez pas que le Big Boss c'est Dumbledore.
-Oh Simon n'a rien à lui envier ! lança Fleur avec un magnifique sourire.
Simon demeura coi, une preuve d'humilité grandement inhabituelle qui me força à couler vers lui un regard entre amusement et suspicion. Pas que j'avais le moindre doute sur lui, sur ses sentiments, sur la place que j'occupais et que personne ne me prendrait, mais ce n'était pas pour cela que j'appréciais qu'on me ramène à ma condition de petite fille sans forme et sans beauté. Fleur Delacour était clairement tout ce que je n'étais pas et je fus secrètement soulagée quand les yeux de Simon se baissèrent et que son pied trouva le mien. Mais je n'étais pas dupe sur ce geste : ce n'était pas de la tendresse, c'était la recherche d'un point d'ancrage pour éviter de sombrer devant les pouvoirs hypnotiques de la jeune femme. De quoi m'arracher un sourire moqueur que je cachais en pinçant des lèvres.
-Fleur, soupira Bill, visiblement conscient de l'effet de sa fiancée. Tu n'en as pas déjà assez avec mes frères ?
Simon, dont les joues pâlissaient enfin, piqua un nouveau fard et échangea un regard avec George qui couvrait le plafond des yeux depuis l'entrée de la Française. Fleur haussa les épaules, rangea sa jambe et attacha ses cheveux en un chignon lâche qui ne la rendait pas moins désirable. Même Podmore s'était trouvé un intérêt certain pour le fond de sa tasse – et cela provoquait un fou rire difficilement réprimé de Tonks.
-Je suis encore pleine d'adrénaline, et quand c'est le cas je maîtrise mal mon pouvoir, râla la jeune femme. En parlant de tes frères, tu as envoyé son cadeau à Ronald ? C'est son anniversaire samedi ?
George reporta brusquement son attention sur Bill, qui hochait la tête d'un air distrait.
-C'est samedi l'anniversaire de Ronnie ?
-Oh George ...
-Quoi ? On est hyper occupé en ce moment ! On cherche à racheter la boutique de Zonko à Pré-au-Lard pour avoir une filiale, tu imagines les ressources que ...
-Zonko a fermé ? s'exclamai-je, horrifiée.
-Et ça ne t'apportera rien si les élèves ne sortent pas, renchérit Simon avec précipitation. Je veux dire, la sortie à Pré-au-Lard de samedi, justement, est annulée et je doute qu'il y en ait d'autres cette année ...
-Dumbledore n'a pas eu le choix, confirma Tonks quand George ouvrit de grands yeux. Au ministère le bureau des alertes a eu quelques menaces, quelques alertes faites sur le village ... Pendant la première guerre déjà il y a eu des raids de Mangemorts qui profitent que les élèves soient dehors pour des enlèvements ou pire ... Et avec ce qui est arrivée à la petite Katie à la première, il ne préfère pas ... tenter le diable.
Un silence sinistre s'abattit sur la table, silence qui étouffa quelque peu l'éclat rayonnait de Fleur et qui permit aux tâches de rousseur de réapparaître sur le visage de Simon. George paraissait contrarié par la nouvelle et je voyais presque les Gallions qu'il perdait avec cette situation défiler dans ses prunelles.
-Bon, on va y aller quand même, voir ce qu'ils nous proposent, décréta-t-il pour faire bonne figure. Et en profiter pour trouver un cadeau pour le petit Ronnie. Qui a une idée ?
-Mais quel frère en carton, murmura Simon à mon adresse.
Il s'était de nouveau avachi sur la table, la tête entre les bras, le visage tourné vers moi. Son pied était resté collé au mien, invisible sous la table. Il étouffa un bâillement en plaquant sa bouche contre son bras et je pouffai discrètement.
-Qu'est-ce qui te fatigue ? La nuit à chercher un contre-sort ou passer du rouge au blanc depuis dix minutes ?
-Oh, Vicky ..., gémit Simon en enfouissant son visage dans son coude.
-Pas que ce ne soit pas un spectacle hautement distrayant ...
Simon se redressa d'un centimètre pour laisser un œil vert émerger, planté sur moi, étincelant. Devant l'éclat dans son regard, ce fut à mon tour de m'empourprer, d'autant que sa jambe se pressa contre la mienne avec plus d'insistance. Je balayai la table d'un regard nerveux : George s'était jeté sur Bill pour dégoter une idée de cadeau pour Ron et Tonks éclipsée avec Hestia pour faire un point avec Maugrey.
-Un problème, Victoria Bennett ? chuchota Simon d'un ton mutin.
-Oh, Tic et Tac, nous lança Podmore en se levant. Si vous restez, vous faites notre vaisselle !
Il désigna les tasses, l'assiette de pâte au fromage que s'était faite Ding en guise de goûter et les pelures de pommes d'Hestia d'un geste du doigt circulaire. Devant l'injonction, George et Ding se dépêchèrent de détaler quand Bill et Fleur ricanèrent d'un air approbateur. Simon se redressa vivement, outré mais je m'empressai de le devancer :
-OK, pas de problème.
-Comment ça « pas de problème » ? protesta Simon. Si, problème justement, je ne suis pas son elfe de maison !
J'écrasai son pied sous mon talon et un petit sourire retroussa mes lèvres quand les siennes furent tordues d'une grimace. Podmore éclata d'un rire aussi bref que surprenant et me donna un grand coup dans le dos qui me projeta contre la table. Bill et Fleur le précédèrent dans l'escalier qui menait à l'étage et je me retrouvai seule avec Simon fulminant qui fixait l'assiette incrustée de fromage de Ding comme s'il pouvait la brûler d'un regard. Je m'étais déjà levée pour donner un coup de baguette sur les tasses qui s'alignèrent docilement pour s'amasser dans l'évier et le regard furieux de Simon finit par glisser sur moi.
-Pourquoi ? s'agaça-t-il sans amorcer un mouvement pour m'aider. Je suis crevé Vicky, comme je l'ai rarement été et pourtant j'en ai passé des mauvaises nuits, et tu ...
Je le fis taire en me glissant de nouveau sur le banc pour m'emparer de ses lèvres. Ses protestations s'étouffèrent dans ma gorge et il parut s'abandonner à moi l'espace d'une seconde avant de reculer précipitamment, les yeux rivés sur les escaliers.
-Euh, Vicky ...
-La vaisselle ça prend deux secondes, tout le monde est parti et l'unique personne restante dans le QG est Maugrey qui ne descend jamais ici à cause de sa jambe, énumérai-je tranquillement en faisant disparaitre les pelures de pommes. Et si tu m'embrasses tout de suite, j'accepte d'oublier que tu viens d'insulter les elfes de maison et de rougir comme un gosse devant la magnifique Fleur Delacour.
-Ah, ah ! laissa échapper triomphalement Simon. Donc, il y avait bien un problème.
-Il n'y aura aucun problème si tu m'embrasses maintenant.
Je le sentais, le petit sourire teinté de défi qui s'était mis à jouer sur mes lèvres dès que la pièce s'était vidée de ses occupants, dès que j'avais entraperçu l'occasion d'effacer cette couleur cramoisie sur les joues de Simon – ou d'en changer la source. Et j'adorais tout ce qui montait en moi alors qu'il me contemplait avec ce regard étincelant, embrasé par mon ton injonctif, par l'occasion, par le baiser qui devait encore lui brûler fugacement les lèvres. Tenté, il inclina le visage vers moi et sa main effleura mon bras, hésitante. Mon sourire s'étira un peu plus à mesure qu'il se rapprochait, avec une lenteur et une indécision aussi attendrissante qu'insupportable.
-Bon sang, où est-ce qu'on va comme ça ? souffla-t-il, ses lèvres à quelques épouvantables centimètres des miennes.
L'interrogation faillit me faire reculer et figea quelque peu mon sourire. Dans mes veines courrait la même exaltation que dans mon cellier, quand Simon et moi avions été plus proches que jamais, quand les mots avaient paru inutiles et que seuls nos lèvres s'étaient exprimées pour faire comprendre à quel point je comptais, à quel point il comptait. C'était comme apprendre un nouveau langage et lui comme moi étions avides d'apprendre. Cela brouillait totalement les lignes de notre relation, délaçait des automatismes pour en tisser d'autres, mais c'était une sensation incroyable. J'avais envie de poursuivre cette exploration, de profiter de chaque moment pour poser mes lèvres sur les siennes et continuer d'apprendre à le connaître comme ça. Ça n'avait pas à avoir de sens. Juste à être partagé et Simon me le confirma en réduisait la distance entre nous jusqu'à ce que nos lèvres se frôlent à peine, juste pour apprécier leur chaleur, nos souffles qui se raccourcissaient et se mélangeaient. Délicatement, il caressa mon nez du sien et répondit à sa propre question dans un murmure :
-Je n'en sais rien ... mais on y va.
***
Et à cette phrase, Anna m'a répondu "et j'y vais avec eux" et je suis entièrement d'accord.
Alors verdict de ce chapitre?
On se voit dans deux semaines, profitez bien de la fin de vos vacances et Keur sur vous <3
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