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III - Chapitre 21 : Un chaudron crépitant

CAN I GET AN ALLELUIA ? 

Oui, chers ami.e.s, oui oui j'ai réussi à réécrire ce chapitre ! 

Et pourtant, ce n'était pas gagné. Jusque hier, j'étais incapable de m'y remettre, incapable d'écrire la moindre ligne, découragée à l'idée de devoir tout réécrire un chapitre que je savais dense. J'étais désespérée à l'idée de devoir vous donner quelque chose en échange (je ne savais pas quoi, je voulais éviter LDP pour ne pas cramer mon avance). 

MAIS la sainte inspiration est revenue ! Je pense que c'est arrivé quand j'ai décidé d'arrêter de vouloir retrouver exactement la trame exacte originelle et de faire un chapitre un peu différent, avoir l'impression d'écrire et de ne pas réécrire. J'espère qu'il vous plaira ! J'aime plutôt bien cette version, donc c'est que ça va être satisfaisant pour vous. 

Bon, pour ce chapitre je suis clairement sur la longueur. J'ai failli le couper en deux, mais je n'ai pas pu résister au fait de vous me donner en entier. 

Allez, bonne lecture ! 

*** 

Le cadeau n'a rien à voir avec son prix, il tient tout entier dans l'intention et la beauté du geste. Si humble soit-il, il est comme un émissaire de la personne et garde sur lui son empreinte.

- Pascal Bruckner

***

Chapitre 21 : Un chaudron crépitant.

Mais ce n'était pas celle-là.

Je soupirai et mon souffle se transforma en une brume opaque qui m'arracha un frisson tant elle était à présent associée au souvenir des Détraqueurs. D'accord, j'aimais Simon, avais-je décidé d'admettre résolument. On ne pouvait pas éprouver des sentiments si forts, être aussi absolu l'un envers l'autre, sans que ce ne soit qualifié d'amour. Miles avait raison, ça en était, il n'y avait rien à dire. Il l'avait admis lui-même : l'amour avait plusieurs formes. Ce n'était pas grave, c'était normal, naturel et cela me soulageait grandement d'avoir enfin mis des mots sur les troubles qui m'agitaient depuis quelques semaines.

Ce n'était pas parce que j'aimais Simon que j'étais amoureuse de Simon.

Le mot me fit presque suffoquer, comme chaque fois que j'y songeais et je préférais me concentrer sur la façade de Barjow et Beurk. J'avais vu Yaxley sortir de son manoir un pâle jour de décembre et transplaner. J'avais transplané à mon tour, au pied de son club en plein Londres et à l'entrée du Ministère de la magie sans le voir nulle part. C'était pour cela que je faisais le pied de grue devant cette obscure boutique, en espérant le voir passer la porte. Je refermai davantage mes mains sur la cape d'invisibilité. Tonks avait tenté de retrouver leur fameux « escroc domestique », un certain Fletchler, sans succès. Et cela m'énervait, car Susan était revenue la veille du Poudlard Express et que je n'avais pas encore pu la voir, entre mon entrainement de Quidditch et l'Ordre. Je m'adossai au mur de pierre derrière moi et observai la petite allée sinueuse qui m'arrachait des frissons à intervalle régulier. Même en plein jour et en plein soleil, l'aura obscure qui l'emplissait semblait bloquer la lumière.

La porte teinta et je rivai mon regard sur elle, le cœur battant à tout rompre. Mais la seule personne qui en sortit fut un garçon au visage boutonneux et aux cheveux bruns et frisés. Je le reconnus sans peine : c'était lui qui servait de commis à Caractus Beurk, le gérant du magasin. Pas beaucoup plus âgé que moi, calme et précis : sans doute un ancien Serpentard qui avait trouvé sa voie dans la magie noire. Il sortit une cigarette de sa poche et l'alluma d'un mouvement habile de la baguette et je finis par froncer les sourcils. Ce n'était pas la première fois que je le voyais fumer cigarettes sur cigarettes, à rester dehors pendant plusieurs minutes, voire une heure. Je consultai ma montre et attendis dix, vingt, trente minutes et une dizaine de clopes avant que la cloche ne teinte à nouveau et qu'un homme élégant à la capuche relevée sorte de la boutique. Le commis cacha immédiatement sa cigarette derrière son dos.

-Bonne fin de journée, monsieur Yaxley.

Je retins mon souffle au moment où Yaxley se tendait et adressait un regard assassin au commis qui sembla se rétracter sur lui-même.

-Tu n'apprends décidément rien de ce qu'on te dit, Turner, cracha-t-il d'un ton glacial. Tu m'adresseras la parole lorsque tu sauras me prouver la pureté de son sang.

Il s'en fut sans même apprécier l'air furieux sur le visage boutonneux du commis, qui ne se priva pas de faire un geste obscène de la main dans son dos. Il finit par retourner dans la boutique et j'observai Yaxley remonter l'allée d'un pas déterminé avant de transplaner en un « CRAC » sonore. Il était sans doute rentré au manoir. J'aurais pu aller vérifier, mais je préférais m'attarder sur la boutique où les allées et venues ne cessaient depuis ce matin. Je l'avouais volontiers, l'activité de la boutique m'inquiétait plus que celles solitaires de Corban Yaxley. Evidemment que l'Ordre était au courant que Barjow et Beurk était un lieu à risque, un lieu qui pouvait servir comme la boutique des jumeaux de lieu de rassemblement. Mais surtout, Maugrey soupçonnait que la boutique soit un véritable laboratoire de Mangemort, où des tests et des plans étaient faits. C'était pour cette raison qu'il restait sceptique à l'idée de m'envoyer moi, maigre jeune fille de dix-huit ans à peine sortie de l'école, surveiller la boutique. A dire vrai, je n'en avais pas la permission mais je pouvais suivre Yaxley où il allait. Et il se trouvait qu'il fréquentait énormément Barjow et Beurk.

J'attendis encore une heure, une heure à observer des sorciers et des sorcières louches faire teinter la cloche du sombre magasin, à voir Turner le commis de Sang-mêlé faire très – trop – régulièrement des pauses cigarettes. Je consultai ma montre et finis par abandonner mon poste avec une certaine déception, sans avoir rien observer de probant. Mais le soleil commençait à être à son zénith et comme les vampires, les Mangemorts ne se montraient que la nuit, jamais au grand jour. Je remontai rapidement l'allée des Embrumes, assez agacée et débouchai sur le chemin de Traverse. J'ignorais à quoi il ressemblait la veille de noël, mais il devait certainement être plus coloré et festif que ça. Là, la seule couleur qui substituait était le violet des affiches du Ministère, tranchant avec le noir et blanc des photos des détenus qui continuaient d'être recherchés. Je jetai un regard chagriné aux vitrines condamnées d'Ollivander et de Fortarôme. Personne n'avait aucunes nouvelles des deux hommes et si le fabriquant de baguette continuait d'être activement recherché, le glacier semblait sombrer dans l'oubli des disparus. Même au sein de la communauté de sorcier, des hiérarchies demeuraient.

Je chassai mes sombres songes en me dirigeant vers la seule boutique qui relevait un peu le niveau de la rue commerçante. Les jumeaux s'étaient donnés du mal pour égayer la torpeur : leurs vitrines brillaient de pleins feux, avec des guirlandes lumineuses flottantes qui formaient alternativement les lettres W, F et G et les promotions pour les achats de noël fleurissait un peu partout. Pour un filtre d'amour acheté, une baguette surprise offerte – en échange de la garantie d'être invité au mariage, ajoutaient-ils avec une malice qui m'arracha un sourire. Je passai la porte, toujours couverte de la cape d'invisibilité et me faufilait dans la foule toujours très dense – surtout maintenant que les jeunes étaient revenus de Poudlard. Difficilement, et en marchant sur les pieds de plusieurs personnes, je finis par me frayer un chemin jusque l'un des jumeaux qui poussa un véritablement hurlement de surprise quand quelqu'un lui pinça les côtes. J'éclatai de rire en me découvrant.

-Bah alors, Weasley ! Franchement la sécurité de cette boutique, c'est le néant !

-Bennett ! ragea-t-il, une main toujours refermée sur le côté que je venais de pincer. Réserve tes blagues à Bones !

-Et j'espère au moins que tu t'approvisionnes chez nous, ajouta le second en arrivant derrière moi pour effleurer ma cape.

-Désolée, je l'ai emprunté et vous êtes trop chers pour moi.

-Demande à Bones de te la payer pour noël. Hé, Bones ! (Fred fit de grands gestes vers un coin de la boutique). On a un tuyau de cadeau pour Bennett !

Je suivis la direction indiquée par Fred pour voir Simon émerger de la foule, le visage rendu rouge par la chaleur ambiante et visiblement peu à l'aise. Je n'eus le temps de me sentir ni gênée ni attendrie que Susan apparaissait à son tour et se jetait sur moi. Sauf qu'elle commençait à devenir bien plus grande et que son élan m'emporta contre George qui vacilla.

-Hé, les filles !

-Désolée, bredouilla Susan en s'écartant. Mais ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vues !

Elle avait au creux de son coude un sac rempli de divers produits – dont beaucoup venaient de la fameuse « gamme pour sorcière » que j'avais décrié en début d'année.

-Pour Caroline, m'expliqua-t-elle quand je leur jetai un coup d'œil interloqué. Je ne savais pas quoi lui offrir cette année ...

-Allez, donne ça, bébé-Bones, lui lança Fred. Voyons combien tu nous rapportes ...

Simon lui jeta un regard peu amène mais Susan tendit docilement son sac, tout sourire. Contrairement à son frère, l'agitation ne semblait pas la déranger le moins du monde. Elle paya ses achats avec engouement et Simon préféra s'accouder au comptoir pour demander à George, un sourire sarcastique aux lèvres :

-Et bien qu'il soit trop tard, c'était quoi le tuyau ?

Il me désigna du menton et je tâchai d'ignorer la chaleur qui avait commencé de se diffuser dans mon ventre pour lever les yeux au ciel. Depuis quelques jours, j'étais en pleine tentative de normalisation de mes réactions face à lui. Ce n'était pas difficile : chaque fois que nous étions ensemble, le naturel reprenait le dessus. Pas de gêne, pas de malaise, mais une trop grande conscience de la présence de l'autre qui se manifestait par de drôles de sensations physiques. J'espérais qu'elle disparaitrait maintenant que j'avais mis des mots sur la place que Simon avait dans ma vie.

-Une cape d'invisibilité, répondit George. Je ne comprends pas pourquoi elle en a besoin, elle est si petite qu'elle passe déjà inaperçue.

-Oh encore des blagues sur la taille ? me moquai-je. Je ne les ai jamais entendues, celles-là ...

-Je crois que j'ai épuisé le stock il y a cinq ans, confirma Simon avec un sourire tordu.

-Alors pourquoi tu continues de les faire ? rétorqua Susan.

Simon haussa les sourcils et Fred ricana d'un air satisfait face à la pique de la jeune fille. Il lui rendit un sachet coloré plein de ses achats.

-Pour avoir rabattu son caquet, je te fais grâce des sept noises, bébé-Bones ! Bennett, toujours pas attirée par nos gammes de sorcières ? Ou tenter de rendre Bones fou amoureux d'Alastor ?

-Je laisse Alastor à George, répondis-je tranquillement. Bon, bonnes vacances et joyeuses fêtes, les gars !

Nous nous recouvrîmes de nos capes pour quitter enfin l'ambiance étouffante de la boutique des jumeaux. Ce fut le vent glacial de l'hiver qui nous accueillit et je profitai que la rue soit déserte en dehors de la présence de Susan pour me faire violence et passer mon bras sous celui de Simon. Pour mon plus grand soulagement, il ne se déroba pas et leva même les yeux au ciel, comme s'il anticipait la suite.

-Du coup, c'est quoi mon cadeau ? lançai-je d'un ton badin.

-Tu sauras à noël. Tu m'offriras quand Cyrano de Bergerac ?

-Ce n'est pas Cyrano !

Simon essuya un petit rire désabusé qui me donna envie de lui écraser le pied. L'année dernière, vous avions convenus que je lui offrais chaque année une pièce de théâtre pour noël après que je lui ai fait don d'Hamlet à celui de l'an dernier. Cela fait près d'une semaine qu'il semblait persuadé que c'était Cyrano de Bergerac et ne cessait de me harceler avec ça. Susan se retourna sur nous et se mit à marcher joyeusement à reculons.

-Et Lysandra vient pour de vrai, du coup ? Je n'ai pas suivi la fin de l'affaire ...

-Lysandra, Leonidas, Vicky, les parents de Vicky, les grands-parents de Vicky, énuméra Simon en levant ses doigts à chaque compte. Mel et Alex ?

-Non, ils seront chez les Selwyn.

Et cela avait profondément agacé Alexandre. Ils passeraient le réveillon avec nous et les grands-parents Benedict et Anne Bennett, nous accompagneraient pour la messe de la nativité mais fêterait la fête de noël chez les Selwyn. Le patriarche en personne lui avait fait cette invitation et tout le monde, y compris Octavia et Simon, avait insisté sur le fait qu'un refus serait perçu comme un affront. Melania avait bien tenté de convaincre sa famille de changer de jour, mais ce n'étaient les Selwyn qui s'adaptaient aux autres. Susan parut déçue mais se reprit vite.

-Oh, ça va en faire du monde ! Ça va changer un peu, c'est cool !

Une pointe de douleur traversa son regard et fana son sourire sans qu'il ne disparaisse totalement et je compris qu'elle songeait à tous les noëls qu'elle avait passé avec sa tante Amelia. Peut-être était-ce pour cela que ce noël en grand comité enthousiasmait une majorité de la famille Bones, y compris Caroline : cela estomperait le fantôme de cette grande dame qui n'était plus là à leurs côtés. Je glissai un regard discret du côté de Simon, dont les lèvres s'étaient pincées. Il se frotta le nez d'un air absent.

-J'espère franchement que ça va bien se passer entre maman et Lysandra ...

-Mais oui, pour toi elles feront l'effort, assura Susan. Et avec le monde qu'il y aura, elles ne seront pas obligées de se parler !

-Je ne sais pas. J'ai l'impression que j'ai pris plein d'éléments hypers explosifs et de les avoir tous mélangés dans un chaudron.

-Mon Liszka et legilimens de grand-père, ta fougueuse tante qui ne s'entend pas avec ta mère protectrice, ma rescapée moldue de grand-mère, mon saint pasteur de père, avec nous deux qui nous tapons dessus depuis qu'on est petits et Susie-Jolie pour arbitrer tout ça, énumérai-je.

Dit à voix hautes, je n'aurais su dire si j'étais inquiète ou amusée, mais Susan choisit de le prendre à la rigolade en éclatant de rire. Elle se remit en marche avant et jeta ses bras au ciel avec insouciance.

-Franchement, je ne vois pas ce qui pourrait mal tourner avec tout ça !

***

Oui, franchement, qu'est-ce qui pourrait mal tourner ?

Le réveillon s'était déroulé avec une lenteur et une précision millimétrée, comme chaque 24 décembre depuis que j'étais née. Je faisais de la cuisine à grande envergure avec mon père toute l'après-midi en visionnant Merlin l'Enchanteur, ma magie nous avait sauvé d'un nettoyage de plus grande envergure encore, il était parti chercher mes grands-parents pendant que je me préparais et que ma mère mettait la table. Benedict et Anne Bennett arrivaient, continuaient de prendre mon père pour leur enfant chéri et ma mère pour une fille d'immigrés qui ne méritaient pas leur précieux fils. J'étais toujours trop maigre et maintenant mes cheveux étaient trop longs, selon grand-mère Anne mais Alexandre s'était musclé, apprécia grand-père Benedict et quelle femme digne cette Melania ... Le « contrairement à Marian » était très souvent sous-entendu et je supposai que c'était pour cette raison que ma mère trébucha « accidentellement » près de la crèche, ce qui occasionna la chute de la figurine de la Vierge Marie qui se brisa.

Je me réveillai le lendemain avec un mal de tête dû au vin blanc nécessaire à la bonne acceptation du dîner. Je m'étais intérieurement maudite : de tous, c'était l'alcool qui me faisait le plus d'effet le lendemain. Je commençais à avoir assez d'expérience en la matière pour le savoir. Je me dépêchai de prendre ma douche pour faire passer la migraine, frottai énergiquement mes cheveux qu'Alexandre avait enduit de sauce quand nous avions fait la cuisine ensemble à deux heures du matin. J'émergeai d'une douche embuée et fit disparaitre toute la brume d'un coup de baguette. Soudainement, mon reflet fut visible sur le miroir et me renvoya mon petit sourire extrêmement satisfait. C'était dans ce genre de moment que j'aimais être une sorcière. J'étais en train de passer mes sous-vêtements quand Alexandre tambourina à la porte :

-Tory ? On y va avec Mel !

-D'accord, bonne chance ! m'écriai-je en me débattant avec l'agrafe de mon soutien-gorge. Tu me raconteras ce soir !

-Compte là-dessus. Pour passer le temps, je vais essayer de faire cracher ta pote sur sa relation avec Simon !

Un faible sourire ourla mes lèvres alors que les pas d'Alexandre s'éloignaient dans le couloir. Je me baissai pour prendre une serviette hygiénique dans l'armoire – Dame Nature choisissait toujours les pires moments pour faire surface – et l'appliquai avait de passer la robe. C'était une nouvelle, offerte par ma tante Beata que nous ne pourrions voir cette année et qui était arrivée cette semaine. Je n'étais pas une personne qui aimait faire la boutique et elle le savait, c'était pour cela qu'elle se faisait un devoir de remplir ma garde-robe de jolies choses que je n'aurais jamais pu trouver moi-même. Cette fois c'était une robe gris anthracite au tissu soyeux et fluide qui dont le décolleté descendait bien plus bas que mes autres tenues – mais au moins, j'avais la sensation d'avoir la poitrine. La jupe était couverte d'arabesques noires et stylisées et était plus longue derrière que devant. Pieds nus, je m'amusais à tourner et à la faire gonfler et tournoyer. C'était une robe de grande, mais j'adorais faire la petite fille dedans. J'étais encore en train de jouer quand la voix de ma mère cingla depuis le rez-de-chaussée :

-Victoria ! On t'attend !

-J'arrive j'arrive !

Je n'arrivais pas. Je me dépêchai de me maquiller sommairement et puis je me précipitai en bras mes petites chaussures à la main. Ma mère poussa un gros soupir agacé en me voyant débarquer, à moitié prête et pas coiffée. Elle monta les escaliers quatre à quatre et redescendit avec une brosse qu'elle appliqua dans mes cheveux encore humides.

-Hé ! protestai-je.

-Laisse-toi faire, je veux juste les attacher. Ça va prendre cinq minutes.

-Tu vas me faire un chignon, je le sais ! Je déteste les chignons, j'ai toujours l'impression que tu m'enfonces les épingles dans le cra... Aïe !

Elle venait justement d'enfoncer une épingle qui me meurtrit le cuir chevelu. Une autre, et encore une autre et elle se déclara enfin satisfaite de ma coiffure. Les regards de détresse que je jetai à mon père n'y firent rien et je pus contempler dans le miroir de l'entrée le chignon bas qui ornait ma nuque. J'attendis que ma mère soit passée pour défaire quelques boucles qui encadrèrent mon visage de façon plus naturelles et la suivit à l'extérieur. Mon père avait les bras pleins de plat que vous avions préparés la veille qu'il disposait dans le coffre de la voiture. De l'autre côté, Miro transférait les siens de sa voiture à la nôtre alors que Jaga était déjà installée à l'avant. Je grimpai dedans et lui embrassai rapidement la joue avant d'être rejoint par ma mère et Miro pendant que mon père prenait le volant. Le trajet fut court et se fit dans un silence désagréable, un peu comme celui qui nous avait accompagné à notre retour de Cracovie. Je fus la première à sauter de la voiture et à prendre les plats dans le coffre pour me présenter chez les Bones. Susan m'ouvrit avant même que je n'aie le temps de frapper, vêtue de sa jolie robe bleue pastel, un sourire crispé aux lèvres.

-Pas trop tôt. Il faut vite de l'agitation, sinon elles vont se jeter l'une sur l'autre.

Elle s'effaça pour me laisser passer et je fus la première à entrer avec une certaine appréhension. Mon fauteuil avait été laissé libre, constatai-je avec soulagement. Parce que Lysandra Grims, vêtue d'une somptueuse robe pourpre, était installée sur une chaise et tournait soigneusement le dos à l'escalier. Son mari était debout devant la cheminé et discutait joyeusement avec Caroline. Dans le canapé, Rose avait croisé ses jambes sous ses jupes et fixait Lysandra les yeux plissés. Ce fut son aînée qui joua les rôles d'hôtesse en se précipitant vers nous.

-Bonjour ! Je peux prendre vos capes et manteaux ? Vous êtes magnifiques, Mrs. Bennett ! Susan, aide-moi, on va mettre tout ça dans la penderie ... Installez-vous, je vous en prie !

Il était évident que Caroline cherchait à fuir l'ambiance pesante du salon et Susan ne chercha pas à protester. Je me tournai vers ma famille, dont chaque membre portait un plat et finit par les ensorceler pour les débarrasser. Ma mère poussa un cri de surprise quand la saucière lui échappa des mains.

-Victoria, préviens la prochaine fois !

-Tu me préviens quand tu m'enfonces des aiguilles dans le crâne ?

Elle me fusilla du regard et les yeux de ma grand-mère roulèrent dans leurs orbites. Elle fut la première à s'avancer dans le salon d'une démarche chancelante et tendit sa main décharnée à Lysandra Grims.

-Jadwiga, la grand-mère de Victoria.

-Oh ... (Lysandra se leva, surplombant ma fragile grand-mère de toute sa hauteur). Enchantée, je suis Lysandra. Euh ...

-Ma tante.

Simon venait d'émerger de la cuisine. Il portait le même costume que lors de la fête de Slughorn, celui qui lui allait si bien mais quelque chose avait changé et m'avait fait tiquer. Quand je compris, je faillis éclater d'un rire compulsif. Simon Bones avait enfin décidé de coiffer ses épis et avait suavement ramené ses mèches blondes sur un côté, dégageant parfaitement son regard vert et son front haut. Pour cacher mon hilarité croissante, je filai vers la cuisine avec mes plats flottants, à peine consciente de la moue qu'avait esquissé Rose lorsque Simon avait publiquement revendiqué sa parenté avec Lysandra. La porte se referma à peine sur moi que j'éclatai ouvertement de rire, sous le regard effaré de George qui supervisait la vaisselle. Les plats que j'avais ensorcelé magiquement m'avaient suivi et tanguèrent sous mon manque de concentration et il les fit se déposer sur la table avec précipitation.

-Victoria, fais attention !

-Je suis désolée, haletai-je, les larmes aux yeux. C'est juste ... Oh mon Dieu ...

J'étais toujours incapable d'aligner deux mots quand la porte de la cuisine s'ouvrit de nouveau sur Simon, toujours aussi ridiculement coiffée. Il me jeta un bref coup d'œil avant d'échanger un regard avec son père qui me pointa vaguement du doigt.

-Tu es responsable de ça ?

-Je pense que ma coiffure l'est.

-Oh mon Dieu, m'esclaffai-je, le visage entre les mains pour masquer mon rire.

C'était un cuisant échec et je sentis le regard désabusé que me lançait Simon. Sans doute dans l'espoir de me faire taire, il s'approcha et tripota mon chignon.

-Tu veux vraiment qu'on parle cheveux ? C'est quoi, ça ? Et comment ça tient ?

-Par magie, répondis-je après une grande inspiration pour me calmer.

J'éventai mon visage et le levai pour réprimer les larmes que l'hilarité l'avait arraché. Les traits de Simon étaient brouillés et retrouvèrent lentement leur netteté. George soupira et s'en fut dans le salon avec les apéritifs. Je me retrouvais seule avec Simon, encore trop obnubilées par ses mèches parfaitement coiffées sur le côté pour songer à tout ce qui me hantait ses dernières semaines.

-Seigneur, ça doit vraiment te stresser pour que tu te coiffes comme ça ...

Simon leva les yeux au ciel et s'éloigna pour se servir un verre de whisky Pur-Feu. Cette fois, mon rire cessa net et je l'observai ingurgiter le verre d'un trait, incrédule. La coiffure avait servi de diversion, mais à présent que je passai outre je voyais bien que ses traits étaient crispés et que même se moquer de mon chignon n'avait pas suffi à créer un véritable sourire sur ses lèvres.

-Ah c'est à ce point-là ?

-Je te dis, c'est un véritable chaudron prêt à exploser, soupira Simon en passant une main dans ses cheveux.

De fait, ses mèches commencèrent à partir dans tous les sens, sans doute trop impatiente de reprendre leur place chaotique habituelle. Je m'approchai de lui et levai une main pour aplatir la partie qu'il avait secouée.

-Arrête, tu vas ruiner tes efforts. Ça va bien se passer, ne panique pas.

Simon poussa un grognement de dépit sans m'empêcher de le recoiffer. Ce qui en disait encore long sur son stresse.

-Je ne panique pas. Je dis juste que ma mère et Lysandra sont en train de se livrer une bataille de regard depuis qu'elles sont arrivées.

-Attends que ma mère s'y mêle, plaisantai-je en replaçant une mèche un peu longue derrière son arrière. Allez, du nerf, Bones. Ça va bien se passer.

Je lui tapai l'épaule avec un sourire entendu et il lâcha un gros soupir, sans doute pour relâcher la pression. J'étais en train de me demander depuis combien de temps il stressait pour avoir accumuler une telle tension quand je pris brusquement conscience de notre position, beaucoup trop proche. Du fait que je venais de le recoiffer, que j'étais assez proche pour sentir son parfum. Excellent choix de parfum par ailleurs. Je fermais les yeux l'espace d'une seconde pour me reconcentrer et laisser retomber ma main en espérant que le geste avait l'air naturel. Mes doigts se replièrent compulsivement sur mes paumes.

Vic' ? Tu n'es pas censée être crispée comme ça à son contact.

Pourtant, maintenant que j'étais face à lui, si proche de lui, sans l'hilarité pour me détourner, je me trouvais brusquement aussi tendu qu'il pouvait l'être. Simon écarta son col, comme pour se donner de l'air et je fus tentée de faire le même geste.

-Sincèrement, j'espère que tu as raison. Je te jure quand ils sont arrivés j'ai cru que ...

Mais je ne sus jamais ce qu'il avait cru : la porte s'ouvrit à la volée sur une Caroline furibonde devant un George désœuvré. Elle pointa un index accusateur sur nous deux.

-Hors de question que je vous laisse seuls dans une pièce pleine de couteau, tous les deux ! Dehors, et que ça saute ! La situation est déjà assez pénible !

-Mais de quoi je me mêle, se rebiffa immédiatement Simon, le nez froncé. Ça fait longtemps qu'on est capable de se parler sans se balancer un truc à la figure !

-Et qui j'ai retrouvé plein de savon à Pâques dernier ? Non, non, hors de question vous sortez de là ! Je ne vous fais pas confiance !

-Caro, soupira Susan en arrivant derrière sa sœur. Ça va, tu n'es pas maman.

Caroline se dépêcha dans la cuisine, ses cheveux bruns volant derrière elle qu'elle repoussa un geste impatient.

-Non, mais il faut bien que quelqu'un tienne son rôle maintenant qu'elle est occupée à jouer avec Lysandra Grims – brillante idée, Simon !

-Oh, moi qui pensais que tu serais ravie ...

Susan laissa échapper un couinement pendant que Caroline faisait prestement volte-face, incrédule. Simon avait profité de sa joute verbale avec sa sœur pour enfin se détendre et s'adosser au buffet avec un petit sourire qui devait donner envie à Caroline de le gifler. Enfin moi, à sa place, j'en aurais eu très envie. La jeune femme dressa un sourcil et déclara froidement :

-Qu'on arrête de te coconner ? Complètement. Maintenant va mettre les coupes à table s'il te plait – et mets-toi le plus loin de Victoria possible pendant l'apéritif, je ne veux pas risquer une guerre !

-Et là on est quoi, en paix ? marmonna Susan à mon adresse.

Caroline lui jeta un regard agacé et mon amie se dépêcha de déguerpir, les mains pleines de petits-fours. Simon passa devant moi après avoir ensorcelé les coupes pour qu'elles le suivent. Discrètement, il joignit ses paumes avant de les écartes brutalement pour mimer une explosion et je hochai la tête. Effectivement, le chaudron était en train de crépiter.

***

Et il crépita tout le long de l'apéritif, malgré les positions diamétralement opposées de Rose et Lysandra et l'obligation de mon grand-père de taire ses pouvoirs de sorciers. Pas que je n'avais pas confiance en les Grims pour garder la chose pour eux, mais je voulais à tout prix que Miro ne les effraie pas avec ses pouvoirs de légilimens et ses manières de Dumrstrang. Néanmoins, les piques pleuvaient « Ma sœur préférait le portrait au-dessus de la cheminée – Oui Cassie disait d'elle-même qu'elle avait très mauvais goût », avait rétorqué Rose. Mon grand-père ne se gênait pas pour faire comprendre qu'il s'y connaissait en affaire sorcière et s'agaçait quand Leonidas, conciliant, tentait de lui expliquer ce qu'était la poudre de cheminette. Et pour ne rien arranger, Simon avait tenu un point d'honneur à se mettre à côté de moi sur le canapé tout en lorgnant Caroline et ses airs de dame parfaite. Il en fut de même pour le dîner où il s'appropria la chaise à côté de la mienne, comme s'il préférait être au milieu de ma famille que de la sienne.

Difficile à partir de là pour moi d'avoir des airs de dame comme Caroline.

-Je rêve, mais tu me colles plus que moi à la Répartition ! persifflai-je au milieu du dessert.

Simon leva les yeux au ciel et prit un petit morceau de sa crème aux œufs. Caroline avait renoncé à nous fusiller du regard et parlait maintenant géopolitique sorcière avec Leonidas. A priori, les Etats-Unis avaient fermé leurs frontières avec l'Angleterre ...

-Toi, je sais gérer. Ça, je ne sais pas.

-Ça, c'est ta famille. Débrouille-toi avec.

-Perelko, lança ma grand-mère juste en face de moi. Si je me souviens bien, tu étais accompagnée lorsque tu es revenue après la dispute avec ton grand-père ...

Je m'empourprai furieusement alors que Simon pointait une cuillère triomphante pour moi. Mais ma rougeur était moins dû à son intervention qu'à l'image qu'elle me mit en tête – Simon et moi, élancés sur la plage pendant que je tentais de lui faire comprendre qu'il fallait qu'il accepte qui il était.

Pourquoi, de façon très soudaine, ce tableau se teintait-il de romantisme ?

-Bien que ce fût un piège lâche, c'en est pas moins une vérité, enchérit joyeusement Simon, ajoutant à mon malaise.

Jaga haussa les sourcils. Elle portait la même tunique que l'année dernière, celle en soi avec les fleurs brodées et ses cheveux toujours noirs étaient noués à l'arrière de sa tête.

-Tu t'es senti piégé ?

Simon déglutit nerveusement et malgré mon embarras, je réussis à lui jeter une œillade triomphale qui le força à prendre une nouvelle cuillère de crème aux œufs. Miro se fendit d'un éclat de rire qui fit se retourner vers lui la moitié de la table.

-Tu es grillé mon garçon. Et évidemment que ma femme est une rencontre qui t'a fait du bien. Elle fait du bien à tout le monde.

Il prit tendrement la main de Jaga pendant que Simon le fusillait du regard, comme s'il pressentait une intrusion dans son esprit – ce qui était certainement le cas. Je l'interrogeai silencieusement et Miro balaya mes suspicions d'un geste vague de la main.

-Ne t'inquiète pas, perelko, ils sont très entraînés ces gens – comme beaucoup de famille de Sang-Pur. On apprend très jeune à mettre ses pensées et ses émotions dans des boites. Et il y a du mieux, le moustique, admit-t-il à l'adresse de Simon. On s'entraine dans ton école ?

-J'essaie, marmonna Simon, l'air toujours circonspect. Mais c'est un art ... très difficile.

Il me jeta un bref regard envieux avant de vite détourner les yeux sur le reste de son dessert. Je fronçai les sourcils. Jamais je n'aurais cru que Simon pourrait un jour m'envier quelque chose magiquement parlant ... Mais c'était vrai que s'il y avait bien un domaine dans lequel j'étais naturellement mieux lotie que lui, c'était l'occlumentie. Jaga continuait de parcourir la pièce des yeux. C'était la première fois qu'elle entrait chez les Bones.

-C'est ici que tu as grandi ?

Simon haussa les sourcils avant de hocher la tête. Le regard de Jaga s'obscurcit sans que je ne comprenne.

-Et ... c'est ici aussi que ...

-Oui, répondit Simon avec un brin de sécheresse. Excusez-moi, je vais aider ma sœur à ranger.

Caroline venait en effet de se lever tout en jetant un regard insistant à Simon et Susan, le plat achevé de dessert entre les mains. Je jetai un regard accusateur à ma grand-mère qui observait la fratrie débarrasser d'un air tranquille.

-Mamy ...

-C'était juste pour vérifier. J'avoue, je ... je ne comprends pas.

-Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? s'enquit Miro d'un air bourru.

Jaga croisa ses doigts devant son visage, sans détacher ses yeux de Simon qui disparaissait à présent dans la cuisine à la suite de Susan, bougon. Rose et George faisaient eux à la conversation à mes parents, laissant les Grims quelque peu esseulés en bout de table.

-Comment il a pu grandir ici. Là où toute sa famille est morte. Moi-même si j'avais dû rester à Cracovie ...

Ses lèvres se pincèrent – une marque de douleur visible, tangible, qui obligea Miro à couvrir sa main de la sienne. D'un geste distrait, elle la tapota doucement.

-Tout va bien. Je dis juste que je ne m'imaginais pas vivre dans la maison où Emilia est morte ... Avec tout ce qu'il a intériorisé ... Je doute qu'ils aient choisi la meilleure solution pour lui.

-C'était la pire.

La voix de Lysandra trancha avec le calme de ma grand-mère. Elle s'était rapprochée de nous avant de se laisser tomber sur la chaise inoccupée de Simon, une coupe de vin à la main. Quelques mèches s'étaient échappées de son chignon pour encadrer son visage de porcelaine et un sourire tordu déformait ses lèvres peintes de rouge.

-J'étais contre, à l'époque. J'étais même pour l'emmener aux Etats-Unis.

-Vous avez demandé sa garde ? m'étonnai-je.

C'était étrange, mais jamais ça ne m'était venu à l'esprit qu'il ait été envisageable de confier Simon à une autre que Rose. Je savais que Barthemius Croupton, le frère aîné de Cassiopée, avait tenté la chose après la perte de son propre fils mais pas que les Grims auraient pu être ses tuteurs. Lysandra se fendit d'un petit rire.

-Sa garde ? Morgane non, j'étais bien plus à l'aise dans mon rôle de tante que dans celui de mère, même de substitution. En revanche, j'ai proposé à Rose et George d'emménager avec nous outre-Atlantique. La famille de Leonidas est puissante, je commençais à y être bien implantée et ... (Son visage gracieux s'assombrit). Vous n'imaginiez pas comme pouvez être la guerre ...

-Oh, si, dirent mes grands-parents en chœur.

Je jetai un regard d'avertissement à Miro mais c'était Jaga que fixait Lysandra avec surprise – ce petit bout de grand-mère avec les cheveux encore noirs et ce regard sombre difficilement soutenable. Elle balaya les interrogations muettes de Lysandra d'un geste de la main.

-Guerre moldue, il y a longtemps en Pologne, je doute que ça vous intéresse.

-C'était une guerre sorcière aussi, rétorquai-je avec un soupir avant d'expliquer succinctement à Lysandra : Grindelwald. Il a attisé les conflits moldus pour servir sa cause. Les deux guerres se sont jouées en parallèle avec des connexions.

-Du coup on n'imagine très bien la volonté de fuite après de tels drames, enchérit Jaga avec un petit sourire. C'est le choix que nous avons faits également ...

-Ce n'était pas une fuite, rectifia Miro avec aigreur. C'était de la survie. La Pologne allait finir par nous consumer ...

Lysandra contempla longuement mes grands-parents et leurs mains toujours entrelacées sur la nappe, unis dans les épreuves et les choix. Des choix similaires à ceux qu'elle avait fait. Elle dût se reconnaître dans les mots utilisés par Miro parce qu'un sourire de dépit retroussa ses lèvres.

-Un nouveau départ sain pour mieux se reconstruire.

-Je vois que nous nous comprenons. Mais vous êtes revenue ...

-J'avais laissé un petit quelque chose derrière moi.

-Très petit, marmonnai-je.

Je lorgnai vaguement Simon, accroupi à côté de sa mère, les sourcils froncés pendant qu'elle parlait avec de grands gestes. Devant la scène, la mienne ouvrait de grands yeux tout en cherchant le regard de mon père. Lysandra essuya un petit rire et contempla elle aussi son neveu, un lueur nostalgique au fond du regard.

-Ah, ça ... Cassie était plus petite que moi, Edgar plus impressionnant par son charisme que par sa carrure. Pas étonnant que Simon soit ainsi. Comme ses frères. Spencer aussi était petit et menu, presque plus que Simon ... C'était déjà un tout petit bébé. C'est peut-être pour ça que Cassie l'a appelé Hercule.

-Sûr que c'était censé lui donner de la force, commentai-je avec un sourire.

Lysandra haussa les épaules et replaça une mèche derrière son oreille. Même assise, elle était beaucoup plus grande que moi et me surplombait, mais elle était moins intimidante. Les souvenirs semblaient adoucir les beaux traits de son visage.

-Oh, c'était une manie chez Cassie. Elle n'a jamais revendiqué notre héritage de sang-pur, qu'il vienne des Croupton ou des Black ... Et pourtant, Merlin qu'elle agissait en Black, notre mère crachée et parfois quand je ses yeux furieux j'avais l'impression de voir mon grand-père Arcturus. Bref, elle a rejeté tout ce qu'elle était ... sauf une chose. Une étoile.

-Pardon ?

-La constellation, perelko, m'aiguillonna Miro en hochant la tête. Cassiopée est une constellation. Celle en forme de « W ».

Lysandra le toisa avec une certaine stupeur, sans doute étonnée qu'il connaisse ainsi le nom de sa sœur et qu'il l'assimile si bien à l'objet céleste. Jaga eut un petit rire.

-Une passion pour l'astronomie dans votre famille ? Arcturus est une étoile également, non ?

-Ah ça ... Les Black ont toujours été tournés vers les étoiles. C'est la seule chose qu'ils admettaient au-dessus d'eux, vous comprenez ? C'est pour ça qu'ils donnaient des noms célestes à leurs enfants, une manière de faire comprendre qu'ils étaient des astres descendus des cieux pour apporter aux pauvres mortels la lumières ... Le prénom pour l'étoile et le nom de famille pour la nuit, n'est-ce pas poétique ?

Le ton de Lysandra suggérait qu'elle ne trouvait pas cela poétique pour deux sous. Elle but plutôt une gorgée de vin pendant que Caroline émergeait de la cuisine en criant « c'est l'heure des cadeaux, maintenant ! », provoquant un haussement de sourcil presque méprisant de la part de Lysandra.

-Le portrait craché de Rose, celle-là ... Bref, Cassie n'a jamais vraiment réussi à renoncer à l'héritage céleste des Black. Elle aussi était fascinée par le ciel, mon père lui avait offert un magnifique télescope pour son entrée à Poudlard ... Alors elle a fait en sorte de léguer cet héritage à ses propres enfants.

-Simon ne sonne pas comme céleste, ironisa Miro.

Simon parut entendre son prénom, car il tourna brusquement la tête vers nous au moment où Lysandra lâcha un petit rire. Son regard vert croisa le mien et mon cœur eut juste le temps de manquer un battement que je compris parfaitement où se cachait l'identité céleste de Simon.

-Mais non, soufflai-je quand Lysandra entonnait :

-Simon, non je vous le concède, pas plus que Matthew et Spencer ... en revanche Leo, Hercule et ...

-Non !

Simon s'était dressé sur ses pieds, en même temps que moi. Ignorait les mines perplexes de mes grands-parents et de Lysandra, je pointai un index triomphant sur lui. Peu importe que ses prunelles vertes étincellent, que ses cheveux aient repris leur indiscipline naturelle pendant le dîner ou que décidément, le bordeaux était sa couleur : l'air à la fois penaud et furieux qui se peignait sur son visage, voilà pourquoi je vivais.

-C'est ça ! Ton deuxième prénom, ton prénom de Sang-Pur, c'est le nom d'une étoile ! George, vous avez une carte du ciel dans la bibliothèque ?

-Oh par Merlin, maugréa Caroline. C'est parti.

-On a dit que c'était l'heure des cadeaux, répliqua Simon, les pommettes rouges. Révérend, vous n'avez pas un cadeau pour Vicky ?

Mon père soupira en touillant son café, sans doute las d'être une nouvelle fois utilisé comme bouclier dans la lutte entre Simon et moi. Ma mère revenait justement du sapin, un paquet entre les mains qu'elle abandonna prestement en nous voyant, Simon et moi, chacun debout à une extrémité de la table à se toiser entre exaspération et moquerie.

-Excellente idée, le cadeau de Victoria. Viens, chérie ...

-Non mais sérieusement, vous pensez qu'on va se sauter à la gorge ?

Simon dressa un sourcil qui signifiait clairement que c'était la sensation qu'il avait – que mon cri équivalait à une griffe sous son menton. Néanmoins, il se tourna négligemment vers Caroline, comme pour la mettre au défi de répondre par l'affirmative et elle soupira :

-Tout ça pour un prénom ...

-Hé, je le cherche depuis des mois le prénom, me défendis-je.

-Et tu vas continuer, enchérit Simon d'un air sévère. Arrête de tricher en demandant à ma tante.

Lysandra esquissa un sourire au moment où Rose pinçait des lèvres, un regard coulé sur son fils d'adoption. Je croisai mes bras sur ma poitrine, presque blessée par l'obstination de Simon. Sa réaction était ambigüe : une forme de jeu sur un fond de secret absolu. « Tu vas continuer ». N'avais-je pas déjà assez ramé ? Ma joie était lentement en train de s'éteindre pour ne laisser qu'un tas de cendre qui alla rejoindre le marasme s'émotion qui me secouait depuis quelques semaines et je fus presque soulagée que ma mère me prenne par le bras.

-Allez viens, ma chérie, c'est dehors que ça se passe.

-Dehors ? m'étonnai-je.

J'avais toujours les yeux rivés sur Simon, ce qui me permit de voir le petit sourire entendu qui ourla ses lèvres et détendit les traits de son visage. Mon cœur manqua un nouveau battement et je me laissai entrainer par ma mère qui se fendait de « Edward, viens ! Toi aussi, papa ! », et me retournai régulièrement pour voir Simon se diriger vers le sapin pour offrir ses propres cadeaux, sans savoir si je voulais l'interroger du regard ou revoir ce sourire. Mais il me tourna bientôt le dos et je fus attirée sur le perron glacial des Bones. Après les pluies des dernières semaines suivie de températures polaires, des stalactites s'étaient formées sur le toit mais c'était là le seul indice que l'hiver laissait. Au sud de l'Angleterre et à proximité des côtes, même la morsure de l'hiver se faisait douce. Je jetai un regard éperdu à ma mère avant de balayer la terrasse du regard.

-Hum ... Est-ce que c'était juste un vaste de plan pour m'éloigner de Simon et éviter que je lui saute effectivement à la gorge ? Si c'est ça, vous êtes de sales traitres.

-Chérie, le dîner était déjà assez tendu pour que vous en rajoutiez, lança tranquillement mon père, qui était sorti avec sa tasse de café. Et ne fustige pas Simon, il nous a beaucoup aidé.

Ma grand-mère s'était elle couverte d'une couverture et tenait le bras de mon père de sa main osseuse pour se déplacer. Derrière eux, Miro arrivait à son tour, une grande masse dans les bras recouverte d'un drap fin. Un lent sourire s'étendit sur mes lèvres quand je reconnus la forme et je jetai un regard incrédule à ma mère derrière moi.

-Tu as fait ça ?

Marian Bennett croisa ses bras sur sa poitrine, l'air fier d'elle. Elle se précipita elle-même vers le drap qu'elle arracha pour découvrir une cage qu'elle ouvrit immédiatement. Elle enfonça sans crainte son bras dans le ventre des grilles et lorsqu'elle le ressortit, un hibou aux plumes tachetés et moucheté marron et crèmes se tenait sur son bras. Mon grand-père mit une main sur mon épaule et m'adressa un grand sourire.

-L'indépendance d'une sorcière, ça passe par communiquer seule. Il est temps que tu arrêtes de dépendre des Bones, perelko ... et voler de tes propres ailes.

-C'est un hibou des marais, expliqua mon père en caressant l'oiseau sans sourciller. Et on a pris le droit de le nommer sans ton accord ...

-Archimède, soufflai-je, émue.

L'image de ma mère, souriant et caressant le plumage d'un hibou dans la moindre crainte, créa une boule au fond de ma gorge. Je n'y avais pas accordé d'importance alors qu'elle le faisait avec celui d'Octavia, mais ce simple tableau résumait à lui seul le chemin qu'avaient fait mes parents ces derniers mois.

Ce hibou, c'était le symbole du monde magique devant lequel ils hurlaient jadis. Ce hibou, c'était la sorcière en moi. La sorcière qu'ils acceptaient enfin.

Ma mère tendit le bras et Archimède se déplaça sur son perchoir sans qu'elle ne bronche. Lentement, je m'approchai d'elle et levai le mien. D'un déploiement d'aile et sans la moindre crainte, l'oiseau se déplaça et referma ses serres sur mon bras. Je le caressai doucement, incrédule avant d'adresser un regard brillant à ma famille qui me contemplait, tout sourire. Mon père frotta doucement mon bras.

-On va vous laisser faire connaissance, on a encore des cadeaux à donner. Joyeux Noël, ma chérie.

-Joyeux Noël, papa ...

J'embrassai sa joue, plus longtemps qu'accoutumé pour marquer mon émotion avant d'enlacer maladroitement ma mère, encombrée par l'oiseau en équilibre précaire sur mon bras. Ma mère caressa ma joue avant de suivre mes grands-parents à l'intérieur. Ce fut mon père qui referma la porte et je me retrouvai seule sur le perron avec un hibou au pelage moucheté et aux yeux orange qui me contemplait, interloqué. Un son à mi-chemin entre le rire et le pleur s'échappa de ma gorge. J'avais tant envié mes camarades qui avaient pu avoir des chats, des hiboux qui leur rapportait chaque matin des nouvelles de leur famille ... Je m'assis sur les marches et caressai les plumes soyeuses d'Archimède. Même cela, mon père s'en était souvenu. « Oh s'il te plait, on achète un hibou et on l'appelle Archimède – Ce serait drôle, mais je doute que ta mère soit d'accord ». C'était un an plus tôt, pendant ces mêmes festivités de noël. Et maintenant, Archimède était sur mes genoux, à me fixer de ses grands yeux orange. Parfois, la roue tournait dans le bon sens ...

J'étais en train de songer pour lui donner à manger – il commençait à attraper de son bec la breloque « soleil » qui pendait à mon bracelet – quand la porte s'ouvrit. Je me tournai à moitié et poussai un grognement en voyant Simon dans l'embrassure, deux paquets à la main. Je me repliai immédiatement sur Archimède mais ça ne parut pas le décourager car il s'assit à côté de moi sur les marches en ricanant.

-C'est drôle, ça me rappelle des souvenirs ...

Je fronçai les sourcils avant de comprendre. C'était ici, une veille de noël, que je lui avais fait les confidences sur le 5 Novembre.

-Non mais je rêve, laissai-je échapper, incrédule. Mais continue, tu ne m'as déjà pas assez exaspérée comme ça !

Simon leva les yeux au ciel, nullement décontenancé par ma mine revêche. Le crépuscule commençait à tomber sur Terre-en-Landes, amenant avec lui ses belles couleurs orangées qui effaçaient les taches de rousseurs sur son visage et découpait ombres et contrastes dans le jardin des Bones. Il fixait les pierres qui déterminaient l'emplacement d'un petit bosquet qui fleurissait au printemps, un léger sourire aux lèvres.

-Qu'est-ce que tu crois, Vicky ... je ne tends pas la perche si facilement. Ma tante t'a donné un indice, estime-toi heureuse. Joli hibou, en fait. J'ai bien choisi.

Je baissai les yeux sur Archimède, la gorge nouée. Oui, il était magnifique et je m'étais doutée que Simon avait joué dans son achat après le sourire qu'il avait eu et les allusions de mes parents. Pourtant, je trouvais à répondre :

-Il ne ressemble pas à Archimède de Merlin l'Enchanteur. Il n'est pas tout marron. Et si ton cadeau n'est pas une carte du ciel, je n'en veux pas.

J'avais tenté de teinter ma voix de joie, d'espièglerie, pour adoucir la pique mais je doutais qu'elle paraisse naturelle aux oreilles de Simon. Il préféra laisser couper et hissa l'un des paquets – le plus petit, rectangulaire – sur ses genoux, un sourire aux lèvres.

-Ce que tu peux êtes difficile ... Bon. Est-ce que je peux enfin ouvrir Cyrano ?

-Simon ? Je n'en peux plus de toi.

Il m'adressa un sourire en coin qui faillit me dérider.

-Et bien l'éternité risque d'être bien longue ... Tiens, au fait. Je te laisse l'ouvrir, c'est lourd et comme Alex aime le rappeler, j'ai une force de crapaud.

Il désigna le second paquet qu'il avait glissé entre nous. Je n'y avais pas prêté attention, mais c'était en effet volumineux – et très mal emballé. Un léger sourire se dessina mes lèvres malgré tout et j'effleurai le papier décoré de sapin et de canne à sucre.

-Tu as utilisé combien de rouleau de scotch pour faire le paquet ?

-C'est Susan, dénonça-t-il immédiatement, occupée à tâter le sien d'un air pensif. Et ça, c'est clairement une forme de livre. Bennett, tu n'as aucune imagination.

-Toi non plus.

-Ouvre et on en reparle.

Un éclair de satisfaction et de malice avait traversé ses iris et je devais admettre que j'étais intriguée par le sourire fier qui s'échappait sans cesse sur ses lèvres. Alors je laissai Archimède sur la balustrade pour m'attaquer aux trois rouleaux de scotch qui enserraient mon cadeaux. J'étais sur le point d'utiliser la baguette quand Simon se fendit d'une exclamation triomphale et brandit fièrement une édition ancienne – à la mode sorcière – de Cyrano de Bergerac.

-Tu n'as vraiment, vraiment, aucune imagination, jubila-t-il en ouvrant immédiatement l'ouvrage. C'est quoi les vers préférés dans celui-ci ? « Un baiser, mais à tout prendre qu'est-ce ? ».

Je sentis mes joues s'empourprer devant le vers choisi – absolument pas au hasard – par Simon. Il me fixait avec la mine d'une araignée qui venait de voir sa proie s'engluer au milieu de sa toile. Mais ce n'était pas le pire pour moi. Le pire, c'était le léger mouvement que firent mes yeux vers le bas pour effleurer ces lèvres qui me souriait avec espièglerie avant que mon regard ne se baisse résolument sur mon paquet.

Non mais je rêve ... il tient vraiment à faire de moi une romantique ?

Victoria ... concentre-toi !

Je voulus passer une main fébrile dans mes cheveux avant de me rappeler que j'avais un chignon affreusement serrer et juste quelques mèches avec lesquelles jouer nerveusement pendant que je déballais mon cadeau. Simon, lui, avait déjà entamée la pièce de théâtre, adossé contre la rambarde, sous le regard curieux d'Archimède.

-Alors, acte I ... Non, c'est quel acte celui du balcon ? Attends, le ruban est coincé à une page, tu ne l'aurais pas lu avant de me l'offrir ?

J'eus un sourire entendu à la mention du ruban accroché au livre qui servait de marque page. J'arrivais enfin à arracher le papier cadeau pour découvrir un coffre d'acajou pendant que Simon se murait dans un silence pensif. J'eus tout le loisir d'ouvrir la boite, intriguée et de laisser échapper une exclamation admirative.

C'était une machine à écrire.

Une ancienne, une très vielle « Remington » avec des touches rondes reliées à la machine par des tiges de fer. Aussitôt, mes doigts les effleurèrent et résistèrent à l'idée d'y taper pour entendre le cliquetis caractéristique.

-Elle est ensorcelée.

Je relevai les yeux sur Simon, qui me contemplait avec un petit sourire qui n'avait plus rien de moqueur. Plus doux, plus tendre : une lueur tranquille au fond de ses yeux que le crépuscule ne suffisait pas à assombrir. Ma main se perdit dans mon cou où mon pouls s'était mis à pulser contre ma peau et je détournai le regard.

-Vraiment ?

-Oui. Le chemin se remet tout seul, elle peut accueillir du parchemin et il faut encore je travaille un peu dessus, je n'ai pas eu beaucoup de temps, mais je pense que dans quelques jours je pourrais réussir à la miniaturiser.

Devant mon mutisme, il finit par hausser les épaules, d'un geste peut-être trop crispé, trop lent pour être réellement naturel. Lui aussi avait fini par détourner les yeux pour les river sur la pièce et c'étaient peut-être les ombres crépusculaires qui jouaient sur sa peau mais j'avais l'impression que ses joues s'étaient colorées.

-Tu avais l'air désespéré de devoir recopier tout ton projet à la main ... Disons que c'est ma contribution parce que ... Je trouve que c'est vraiment un beau projet.

-Oh, Simon ...

Je sortis la machine de son écrin, surprise de sa légèreté – mais là encore, elle devait être modifiée par Simon. Sans pouvoir m'en empêcher, je tapais quelques mots au hasard, juste pour le plaisir de sentir les touches s'enfoncer sous mes doigts. Après quelques secondes, je finis par lever un regard sur Simon. C'était inutile de le cacher : je savais qu'il devait briller de reconnaissance.

-C'est magnifique, soufflai-je, émue. Merci.

Il y avait énormément de chose dans ce cadeau, comme dans celui de mes parents. Une nécessité. Le charme de l'ancien avec la touche magique. Et une incroyable connaissance de moi. Après un incroyable instant de paix, je n'eus qu'à croiser le regard de Simon pour que les doutes m'assaillent de nouveau.

C'est normal ?

Et lui, il trouve que c'est normal ?

J'arrachai mon regard à celui de Simon pour le river sur la machine à écrire et tentai de remplir mon esprit d'interrogation plus saines. Fort heureusement, elles affluèrent rapidement et mes sourcils se froncèrent.

-Attends. Tu veux dire qu'avant toi, aucun sorcier n'a pensé à ensorceler une machine à écrire.

Simon dressa un sourcil, l'air surpris de la tournure de la conversation. Il caressa le ruban, l'air songeur.

-Hum ... Je n'en sais rien. Sans doute. D'un point de vue purement technique, c'est illégal de modifier magique des objets moldus, pour éviter qu'ils se retrouvent ensorcelés sur le marché moldu. Mais ça va là, ce sont des sortilèges mineurs, ajouta-t-il lorsque j'ouvris de grands yeux. C'est juste que pour le coup, la législation bloque un peu l'appropriation des technologies moldues pour les protéger.

-Pourtant vous en avez quelques-unes. Regarde la radio, je ne pense pas que ce soit les sorciers qui les aient inventés.

-Ah non, on l'a complètement volé, confirma Simon avec un sourire. J'ai étudié ça avec le professeur Shelton, comment on a compris le mécanisme pour les adapter au monde magique, quels sortilèges il a fallu inventer, ceux qu'il fallait détourner ... c'était fascinant. C'est ça qui m'a donné l'idée, à dire vrai, pour la Remington.

J'eus un bref sourire et passai mes doigts sur les touches. Pourtant, l'historienne en moi fronça les sourcils en repensant aux propos de Simon.

-Vous avez pris le train, la radio et le gramophone mais vous vous êtes arrêtés en chemin ? Pourquoi ?

-Je n'en sais rien. Peut-être ... que ça devait être lié intrinsèquement au monde moldu et à la technologie qui leur est propre. L'électricité, les circuits électroniques, toutes ses petites choses qui échappent de plus en plus à notre compréhension et que, par conséquent, on ne peut pas ensorceler.

-Mais vous avez fait l'effort pour la radio, alors pourquoi pas pour le reste ? A moins que ...

Simon dressa un sourcil pendant que je réfléchissais. Mes doigts s'étaient crispés sur la machine à écrire et frétillaient d'y taper les mots qui défilaient dans mon esprit.

-Ça pourrait être culturel. Le XIXe, c'est le moment où il commence à avoir un grand sentiment anti-moldu un peu partout, surtout en Europe. C'est un fait établi dans toutes les recherches ... Peut-être que les sorciers ont été réticents à emprunter des technologies moldues. Pas parce qu'elle était difficile d'appropriation ... mais justement parce qu'elle était moldue.

Simon pencha la tête sur le côté. Cyrano était complètement abandonné sur ses genoux et Archimède s'était éloigné pour essayer d'atteindre les boules de graines que les Bones avaient disposés aux poutres. Son regard était passé à celui de l'intellectuel en plein régime – que je lui avais vu assez rarement à Poudlard, tant les cours avaient été pour lui d'une facilité déconcertante.

-Ah ... Ce n'est pas complètement dénué de sens comme corrélation. C'est vrai que depuis les années vingt, on a complètement cessé les transmissions technologiques.

-Après la première guerre mondiale, justement parce que le débat sur la séparation stricte entre les sorciers et moldus – est-ce que c'était notre devoir de magique t'aider les non-magiques dans leur guerre ... Bref. Mais tu l'as dit, la loi interdit la transformation, justement au motif de protéger les moldus, on est tombé dans un cercle vicieux qui empêche la technologie sorcière d'avancer !

Je baissai le regard sur la machine, impatiente d'y taper toutes les réflexions qui traversaient mon esprit – saine, réalistes et tellement exaltantes. Faute de feuille, je fis apparaître un stylo et inscrivis les idées en vrac à même ma peau : j'avais trop peur qu'elles s'envolent de mon esprit et elles s'intégraient trop dans mon projet avec Octavia pour que je les laisse ainsi s'échapper. Simon s'approcha pour observer mes notes et son léger parfum qui flotta autour de moi ne perça même pas ma bulle.

-Tu vas l'intégrer ?

-Je vais faire des recherches, et ... oui, je pense que ça peut faire un bon chapitre. Un manque d'interaction qui nous bloque dans notre progression ...

-Du coup est-ce que ça veut dire que j'aurais mon nom dans ton livre ?

Il y avait un mélange d'amusement et de fierté dans la voix de Simon et je me risquai à lui jeter un petit regard, sans cesser d'écrire sur mon avant-bras.

-Peut-être, Simon prénom-étoile Bones. Seigneur, qu'on me donne une carte du ciel !

-Oh Merlin, soupira Simon en passant une main fébrile dans ses cheveux. Sérieux, ça te réduit le champ des possibles.

Et cela me réjouissait, mais la mine sceptique de Simon faillit entamer ma bonne humeur. Plutôt que de me laisser aller à l'agacement comme à l'intérieur. Ma peau était noircie d'une idée, un germe d'idée qui ne demandait qu'à être développée pour prouver qu'une séparation stricte entre les mondes nous appauvrissait. Cela avait trop de potentiel pour que je me laisse distraire.

-Alors, le passage du ruban ?

Simon poussa grognement et j'eus un petit rire et récitai par cœur :

Et que faudrait-il faire ?

Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,

Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc

Et s'en fait un tuteur en lui léchant l'écorce,

Grimper par ruse au lieu de s'élever par force ?

Non, merci !

-Je vois, marmonna-t-il avec un sourire en coin. Il n'y a pas que le nez, c'est ça ?

-Nop, confirmai-je en rangeant le stylo dans la boite. Et par ailleurs, je trouve que ça concerne toute la famille Bones. Plutôt mourir que de s'élever artificiellement, par d'autre moyens que les vôtres. Merci pour l'idée, minus. Et le cadeau.

Sans réfléchir, j'enroulai un bras autour de son cou et plaquai un baiser sur sa joue. Le temps parut alors ralentir et j'eus douloureusement conscience de mes lèvres qui effleuraient sa peau brûlante, de son parfum qui me frappa les narines et de son souffle qui effleura ma joue. Également de la proximité de ses lèvres, juste un peu plus bas, laissées entrouvertes par la surprise. Et pire que tout, j'étais consciente de ce que cela provoqua chez moi, de mon cœur qui semblait monter dans ma gorge et du sang qui battait à mes tempes. Simon se laissa faire, visiblement pris de court et lorsque je m'écartai d'un souffle, nos regards se croisèrent, suspendus. J'arrivai à voir chaque tache de rousseur en dessus de son œil comme la tâche noisette au bord de l'iris et à lire le début d'un trouble au fond de ses prunelles. Mon souffle se coinça dans ma gorge lorsque je réalisai que nos nez se touchaient presque et que Simon avait renoncé à me fixer pour baisser son regard. Et lorsque je vis la couleur écarlate qu'avaient pris ses joues, le temps reprit son court.

Je m'écartai vivement, empoignai le coffre et me levai d'un bond pour rentrer. Je ne jetai pas le moindre regard en arrière et fermai la porte derrière moi. Je m'adossai au battant et dans le calme du vestibule, je revis la scène se repasser au ralenti en boucle dans mon esprit. Je me laissai allée sur la porte, une main plaquée contre ma joue qui devenait de plus en plus brûlante, heureuse d'être invisible dans l'espace clos et silencieux du vestibule. Le pire dans tout ça ? Le baiser était d'une spontanéité déconcertante. Et j'avais visé bien trop bas pour être naturelle. Le regard dérouté échangé par la suite me l'avait bien fait comprendre.

Oh, oh. 

***


*souffle sur ses ongles en attendant les réactions de frustration ultime* 

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