III - Chapitre 2 : Dans les griffes du phénix
Bonjour à tous ! Comment vous allez en ce premier jour de nouveau confinement?
Bon, malheureusement je ne peux pas faire comme celui du printemps et vous offrir un chapitre par semaine pour compenser ... Je n'ai pas assez d'avance pour ça (je viens tout juste d'atteindre la dizaine de chapitre, ce qui me fait respirer plus librement et je ne compte pas y renoncer). Désolée ... Peut-être que je compenserais par autre chose, je vais y réfléchir.
Mais bon, cette fois la majorité d'entre vous continueront le collège et le lycée - pour ceux qui sont à la fac, force et honneur à vous. Mais sinon, essayez de le respecter un maximum, je pense que la France entière (voire le monde entier) aspire à sortir de ce bourbier et on y arrivera que si tout le monde fait des efforts !
Revenons à O&P ! Le titre du chapitre est emprunté à @annabethfan et à son bonus "Et si?" (l'un de ses meilleurs textes aaaahhh). Et la citation est issue de l'un de mes auteurs de fantaisie préféré, David Gemmel (je tiens à le signaler parce que ces livres sont tout bonnement géniaux, je vous conseille tout particulièrement la série Troie)
J'espère que ça vous plaira, bonne lecture à tous ! Et bon courage dans cette nouvelle épreuve ...
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Je ne te dis pas de ne pas te battre. Je te dis de ne pas haïr. Ce ne sont pas les guerres qui conduisent à des excès meurtriers, mais la haine. Des villages entiers, des villes et des gens balayés de la carte. La haine est pire que la peste.
- Banouin, Rigante Tome 1 : L'épée de l'orage, David Gemmel
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Chapitre 2 : Dans les griffes du phénix.
Le soir venu, personne n'avait été d'humeur à la conversation. En revanche, nous avions tous apprécié de manière plus vives les petites joies de la vie : Alexandre s'était montré plus tendre avec Melania qu'il ne l'avait été depuis l'attaque de Nestor, ma mère n'avait pas déversé sa rage sur moi après que j'ai accidentellement renversé mon jus de fruit sur l'un de ses dossiers et nous avions tous profité du repas, pourtant de simples pâtes au fromage mais me concernant, rien ne m'avait semblé si délicieux. Il avait fallu que je relise l'intégralité de Cyrano de Bergerac pour faire passer la boule que j'avais au ventre depuis le retour du camp. Même aujourd'hui, il me semblait que personne ne ressortait indemne d'Auschwitz.
Mais le lendemain, la vie reprenait son cours. Il ne nous restait que deux jours de séjour et nous avions fait presque tout ce qu'il y avait à faire à Cracovie. Ma grand-mère comptait se reposer : Jadwiga Liszka était forte, mais le pèlerinage de la veille l'avait éprouvée au-delà de mots.
-Je vais retourner à la basilique Sainte-Marie, m'apprit mon père au petit-déjeuner. J'ai croisé un chanoine cette semaine qui a accepté de me faire visiter la sacristie et les dépendances ...
-Maman vient avec toi ?
Les lèvres de mon père se pincèrent et il but une gorgée de café avant de me répondre :
-Non, je pense qu'elle va rester avec ta grand-mère aujourd'hui. Elle est assez secouée, elle aussi ... Ta mère a appris trop en peu de temps, Victoria.
Ça je ne le savais que trop bien ... J'avais encore la lettre qu'elle m'avait envoyée après avoir appris que son père était un sorcier caché dans mon dictionnaire de rune. Cela et à présent l'horreur de l'histoire maternelle ... Mes doigts se resserrent machinalement autour de ma tasse de chocolat. Froid, pour l'occasion : il était dix heures et il faisait déjà plus de vingt degrés.
-Mais c'est pour cela qu'elle est venue, soupira mon père en redressant ses lunettes sur son nez. Pour savoir. Ce n'est jamais agréable de savoir, mais la vérité est toujours plus gratifiante que l'illusion ...
-C'est Saint-Edward qui parle ? plaisantai-je avec l'ombre d'un sourire.
Les yeux bleus-gris de mon père pétillèrent d'amusement.
-Tu sais bien que je suis la voix de la sagesse dans cette famille, ma chérie. Et toi, qu'est-ce que tu fais ? C'est aujourd'hui que tu dois voir ton ami roumain ?
-Il est bulgare, pas roumain. Mais oui, c'est aujourd'hui. Je rentrerais dans l'après-midi, normalement.
-Moi, je note que c'est « ami » au masculin, se moqua Alexandre en entrant dans la pièce. Des choses à nous avouer, Tory ?
Je le fusillai du regard alors que mon père recrachait une gorgée de café. Contrairement à mes parents, Alexandre n'ignorait rien de ma vie amoureuse et savait pertinemment que je venais de rompre avec Miles Bletchley, mon petit-ami depuis un an. Alors il profitait de mon nouveau célibat pour se permettre ce genre de pique qui ne manquait pas d'interloquer mon père, toujours réticent à l'idée que sa petite fille grandisse – et malgré tous les efforts qu'il avait pu faire, qu'elle grandisse avec des sorciers.
-Ami, ami, insistai-je, ravie d'avoir pu garder mon sang-froid face au sourire goguenard de mon frère.
-Ami et il y a moyen que ça change, ami qui marche sur mes plates-bandes ou ... ?
-Fiche-lui la paix, intervint Melania. Et dépêche-toi de te préparer, je dois être sur la place du Marché dans une demi-heure ...
Pour un rendez-vous d'affaire, compris-je en la voyant si apprêtée, maquillée, vêtue d'une robe bleue légère qui cette fois couvrait pudiquement ses jambes et ses cheveux châtains attachés soigneusement en un élégant chignon. Puis je posais les yeux sur Alexandre, ce grand dadais aux cheveux bruns qu'il ne prenait jamais la peine de coiffer, contemplant son tee-shirt Star Wars et son bermuda d'un œil critique.
-Vous y allez ensemble ? vérifiai-je, sceptique.
-Si Alex accepte de passer une chemise, oui.
-Avec cette chaleur ? se recria mon frère, horrifié. Mais c'est de la torture !
Melania en laissa échapper le verre qu'elle venait d'attraper et il se brisa sur le sol avec fracas. Ils se fixèrent tous les deux un instant, entre horreur et consternation, le verre morcelé entre eux. Mon père but une si longue gorgée de café que je le soupçonnais de vouloir se noyer dans la tasse.
-Bien, lâcha Alexandre sans détourner le regard. Je pense que ... je vais aller passer une chemise.
Melania hocha la tête, visiblement incapable d'articuler le moindre mot et Alexandre rompit le contact en s'engouffrant dans leur chambre. La jeune femme se détourna également, livide et répara le verre d'un coup de baguette avant de le remplir de jus de fruit. J'en profitai pour lorgner mon père du coin de l'œil. Il était au courant de ce qui s'était passé à Bristol le mois dernier – tout simplement parce que cela avait nécessité qu'Alexandre déménage pour éviter de nouvelle visite impromptue de son beau-frère – et je voyais à sa mâchoire contractée que l'affaire lui restait encore en travers de la gorge. Il attendit que Melania s'éloigne en direction de la salle de bain pour me demander d'un ton neutre :
-Nous sommes obligés de rencontrer ces gens ?
Je réprimai la grimace qui me venait spontanément aux lèvres. Rose Bones avait proposé, afin de désamorcer le conflit entre nos deux familles, d'organiser une rencontre avec les Selwyn. Mais c'était avait la mort d'Amelia et j'ignorais si elle y était toujours disposée. Personnellement, je restais mal à l'aise à l'idée que mes parents moldus rencontrent Julius et Thalia Selwyn, les parents de Melania mais également ceux de son frère jumeau Nestor, le garçon à qui j'avais accidentellement brûlé le visage sept ans plus tôt et qui en retour s'était cru le droit de torturer mon frère avec ses amis ... Et bien évidemment, qui disait Selwyn disait également Ulysse, leur fils cadet et héritier assumé de la famille depuis la fuite de Nestor suite à l'incident à Bristol. Et même si tout le monde s'accordait pour dire qu'Ulysse s'était assagi au cours de l'année écoulée, je n'oubliais pas qu'il m'avait persécuté presque toute ma scolarité.
Non, plus je mettais les éléments les uns derrière les autres, plus cette idée me semblait mauvaise.
-Il faudra en rediscuter avec Rose, éludai-je en haussant les épaules. Mais je ne pense pas qu'elle aura la tête à ça tout de suite ...
-Ah oui, c'est vrai ... Pauvre Amelia, ça m'avait l'air d'être une femme si bien ... Et George ...
-Ouais.
Je n'avais croisé George Bones qu'une fois après la mort d'Amelia, le jour de l'enterrement dans la crypte des Bones dans laquelle seule la famille avait été admise. Le géant s'écroulait sur ses pieds d'argile. Le pauvre homme était l'ultime survivant de sa famille, la mémoire vivante de son frère et de sa sœur, de ses parents. Tous étaient morts de la faute d'un seul homme qui revenait comme une vieille Némésis dans l'histoire de la famille.
Lord Voldemort.
Seigneur Simon, si tu fais la moindre connerie lors de mon absence, je te tue.
Mes doigts se crispèrent sur mon bol. Amelia était un nom de plus à rajouter à une longue liste de raison se battre. Une nouvelle étincèle qui venait attiser un brasier déjà ardent : la soif de vivre, de justice, de lutter pour que l'innommable ne se produise pas.
Si je restais statique alors que Lord Voldemort déployait son ombre sur ma vie, qu'adviendrait-t-il de moi ?
L'horloge de l'appartement de location sonna les onze heures et j'achevai mon bol de chocolat froid dans un silence gênant. Melania et Alexandre s'éclipsèrent discrètement, toujours tendu par le mot lancé en toute insouciance par mon frère mais qui réveillait tant de blessure et de culpabilité chez sa petite-amie. La jeune femme me prit à part avant de s'en aller alors que je me préparais dans la salle de bain.
-Ecoute, je ne sais pas exactement où tu vas, mais fais attention à toi quand même, prévint-t-elle de but en blanc. Les sorciers d'ici n'ont pas la même mentalité que chez nous : ils ont été à Durmstrang où on t'apprend la magie noire et surtout, où les nés-moldus ne sont pas admis. Il y a une raison à cela, Victoria, Grindelwald n'a pas été accepté ici sans fondement. Alors si on te demande, tu es de sang-mêlé, d'accord ?
-Oui, Mel, soupirai-je en rangeant ma baguette dans mon sac à dos. De toute manière, la personne que je vois n'a rien contre les nés-moldus, sois tranquille.
Mais Melania ne paraissait pas tranquille. Elle se mordit nerveusement la lèvre inférieure, les bras croisés sur sa poitrine avant de céder et de rejoindre Alexandre dans l'entrée. Je profitai de son départ pour achever de me préparer et observai le résultat dans le miroir. Ce qui me rassurait, c'était que je passerais parfaitement inaperçue : j'avais les joues rondes et le nez épaté des polonais et je faisais plus jeune que mon âge avec ma petite taille et ma totale absence de forme. Je passai une main dans mes boucles brunes que j'avais consenti à laisser pousser et qui m'atteignaient à présent les épaules et quittai la salle de bain.
Je partis quelques minutes après Alexandre et Melania, mes lunettes de soleil sur mon nez, en short et en tee-shirt et mon sac à dos sur l'épaule : une parfaite moldue et une parfaite touriste. Je consultai régulièrement la montre offerte par les Bones à mes dix-sept ans et me dépêchai de trouver un point à l'abri des regards à l'ombre de l'immeuble pour sortir mon livre de mon sac. Un sourire effleura mes lèvres lorsque je me souvins de la mien renfrogné d'Alastor Maugrey lorsqu'il m'avait demandé quel objet était le plus susceptible de ne pas me quitter lors de mon voyage et que je lui avais tendu Cyrano de Bergerac. Le rire de Fred et George Weasley résonnait encore à mes oreilles. Je regardai de nouveau ma montre. Onze heure dix-sept. Mes doigts se crispèrent sur le livre et je contemplai le nez proéminent de Cyrano avec une certaine appréhension. « Vigilance constante, Bennett », m'avait rappelé Maugrey en me rendant l'ouvrage accompagné du petit rouleau de parchemin que j'avais détruit une fois arrivée en Pologne. Ce furent ces mots qui m'accompagnèrent quand mon livre se mit à briller et qu'un hameçon agrippait mon nombril pour m'emporter loin de Cracovie.
***
Etourdie, je faillis vaciller en posant de nouveau le pied sur la terre ferme, des étoiles dansants devant mes yeux. L'air marin me chatouilla les narines et le vent ébouriffa mes boucles brunes, les plaquant contre mon visage. J'étais en train de recracher une mèche lorsqu'une voix s'éleva devant moi :
-Onze heurrre dix-huit ... Pile à l'heurrre ...
Je fis vivement volte-face, une baguette dans la main et Cyrano de Bergerac dans l'autre, prête à me servir de l'un ou de l'autre pour me défendre. Devant moi se tenait un jeune homme aux sourcils broussailleux et au nez brusqué, me tenait lui-même en joue avec une baguette sombre et courte. Malgré ses traits en totale conformité avec ceux de mon souvenir, je me forçai à asséner, le cœur battant :
-Quelle est la première question que tu m'as posée ? Lorsqu'on s'est rencontré ?
-A quel poste tu jouais, dans le Hall d'entrrréé de Poudlarrrd, avec Kamila, répondit immédiatement Viktor Krum, un fin sourire aux lèvres. C'est tout ce que tu as trrouvé, Victorrria ?
Je haussai les épaules en abaissant ma baguette, satisfaite de sa réponse. Je doutais qu'un possible imposteur se soit échiné à trouver les détails de la rencontre entre le célèbre attrapeur Bulgare et une anglaise anonyme.
-J'aurais pu te demander dans quelle équipe je jouerais en septembre, mais malheureusement c'est paru dans Balais Magasine la semaine dernière ..., plaisantai-je malgré mon appréhension.
Les sourcils épais de Viktor se froncèrent un peu plus. Il me dépassait de plus d'une tête et malgré sa démarche gauche je ne pouvais m'empêcher de me sentir impressionnée par son aura.
-Choisir les Torrrnades, pff, maugréa-t-il en abaissant sa baguette. Une équipe de nouveau-riche bonne uniquement parce que des amérrricains ont injecté de l'arrgent ... Tu m'as déçue.
-Désolée, mais c'était soit ça, soit les Canons de Chudley.
-Les Canons sont un club historrriques ...
-Et derniers du championnat !
Viktor leva les yeux au ciel et m'accorda ce dernier point. Il avait été l'un des premiers que j'avais prévenu pour les Tornades, une façon pour moi de décliner sa propre offre pour l'équipe de réserve de son club, les Vautours de Vratsa. J'avouai avoir été tentée par l'aventure Bulgare avant de me décider que je ne quitterais pas les rivages de l'Angleterre tant que Voldemort nuirait. Dans sa réponse, Viktor avait compris ce choix tout en fustigeant celui des Tornades, une équipe qui avait toute son aversion depuis qu'elle avait arraché aux Vautours l'un de leurs Batteurs. Une correspondance était donc née en juin où le célèbre attrapeur m'avait prodigué des conseils en tout genre pour mon entrée dans le Quidditch professionnel. Ce lien avait fortement intéressé Maugrey lorsqu'il avait épluché l'intégralité de mes relations et il avait envoyé l'un de ses agents à l'étranger contacter Viktor. D'après Maugrey, Voldemort avait profité de son année d'impunité pour étendre ses réseaux, notamment en Europe de l'est où son idéologie avait beaucoup de résonnance. Les nostalgiques de l'époque de Grindelwald se tournaient volontiers vers lui, espérant qu'après l'Angleterre ce serait l'Europe entière qui tomberait ensuite sous sa coupe. Alors de contact à l'étranger, c'est précisément de quoi l'Ordre du Phénix avait besoin et Maugrey avait trouvé en mon voyage en Pologne une occasion parfaite. Et je lui avais transmis des cartes qui avait fait s'étirer un sourire sinistre sur son visage.
Des cartes qui méritaient bien que je garde un peu ma baguette en main.
-Tu as signé ton contrat chez les Torrrnades du coup ? s'enquit-t-il d'un ton bougon alors que nous nous mettions en route. Quel gâchis ...
J'eus un sourire désabusé devant la nouvelle pique.
-Oui, j'ai signé. Mais ça ne veut pas dire que je passerais professionnelle chez les Tornades. Peut-être que d'ici-là Voldemort sera vaincu et que je pourrais te rejoindre chez les Vautours.
Mon inflexion avait baissé pour se muer en un murmure étranglé. Je me sentais assez présomptueuse, mais un léger sourire sur les lèvres fines de Viktor me rassura.
-Si la proposition tient toujours, complétai-je humblement.
-Avec une garrrdienne talentueuse comme toi, évidemment qu'elle tient. J'ai assisté aux essais de la réserrrve ... Mon Dieu, je t'en ai voulu, le garrdien qu'ils ont prris est une buse. Tu n'aurras aucun mal à prrendre sa place si tu veux quitter ton Angleterrre.
Mes joues rougirent d'un plaisir coupable et je laissai couler le compliment. La vérité était que je ne me sentais pas assez mûre pour quitter l'Angleterre – je n'arrivais déjà pas à quitter mon village ... Mais le voyage avait réveillé en moi des rêves oubliés, étouffés par l'urgence de la guerre et des problèmes quotidiens. J'avais toujours rêvé d'ailleurs, de dépaysement, de voyages ... Mais vivre à l'étranger ? La marche était trop haute pour moi. Viktor parut lire la réponse sur mon visage car il poussa un nouveau grognement de dépit.
-Ouais, je suppose que ce ne serrra pas pour tout de suite ... Au fait, tu aurais des nouvelles d'Her-miôn-euh ?
-Hermione ? répétai-je, amusée par la couleur rose qui était venue délicatement teindre les joues du Bulgare. Hermione Granger, la Gryffondor ?
Son heureuse cavalière au bal de noël ... l'être qui avait été attachée au fond du lac pour lui ... C'était la jeune fille qui m'avait transmis son adresse en juin dernier et je me demandais depuis quels étaient réellement leurs relations. L'idée me semblait étrange tant Viktor Krum semblait à l'opposé d'Hermione, Gryffondor studieuse, vive et souriante. Et puis, il était tout de même quelque peu plus âgé qu'elle ... Mais la rougeur de Viktor comme sa question prouvait qu'il n'avait pas oublié sa cavalière d'un soir.
-Je n'étais pas particulièrement proche d'elle à l'école ... Mais je pense qu'elle doit avoir eu ses BUSE – euh, nos examens en cinquième année – avec brillo. Ah et elle a été nommé préfète aussi ...
-Ça j'ai su, m'apprit-t-il avec un sourire fier. Elle m'a envoyé une longue lettre pour me l'annoncer ... Je penserais qu'elle viendrrrait ... Enfin, je ne sais pas, l'homme qui est venu me voir en Bulgarrrie ressemblait à son ami, le rouquin ...
-C'était son grand frère, confirmai-je. Charlie, je crois ? Il travaille avec des dragons en Roumanie.
-Ah, ça explique les cicatrrrices ...
-Mais Hermione et Ron sont encore mineurs, ils ne peuvent pas encore s'engager ...
Viktor se renfrogna, et je le laissai ruminer sa déception en silence. Nous longions une vaste digue sur laquelle s'écrasait la mer Baltique. Le vent marin ébouriffait mes boucles et je me trouvais vite à devoir les tenir d'une main pour qu'elles ne se plaquent pas systématiquement contre mon visage. L'air était plus frai qu'à Cracovie et je me félicitai d'avoir enfilé ma veste en jean. Gdansk était bien plus au nord et surtout côtière où les vents amenaient volontiers un froid venant de Scandinavie. Malgré tout le soleil demeurait éclatant et je remontai mes lunettes de soleil sur mon nez, de plus en plus nerveuse à mesure que nous avancions sur la digue.
-Il était trrrès gentil, Charrrlie, reprit soudainement Viktor alors que nous quittions la côte pour aller à l'intérieur de la ville. Un ancien attrrrapeur ... Je lui ai prrroposé de venir faire un match amical quand il aurrrait envie. Une vie à s'occuper des drrragons, ce n'est pas moi qui dois l'effrrayer ...
-Tu acceptes notre proposition, du coup ?
Viktor hocha sombrement la tête. Il s'était certes habillé en jean et en tee-shirt comme un moldu, mais il gardait sur ses épaules une cape noire et légère qui accentuait sa ressemblance avec un rapace. Un albatros, songeai-je en me souvenait de l'oiseau maladroit sur terre mais majestueux dans les airs. C'était cela, Viktor Krum était un albatros.
-Evidemment que j'accepte. Mon grrrand-père a été tué par des sbires de Grrindelwald, il est horrrs de question que je laisse mon pays sombrrer de nouveau dans l'horrreur ... Et le meilleur moyen de le faire, c'est d'agir préventivement contre les agents de Voldemorrrt ici. De promouvoir le contraire de son idéologie. Je ne suis qu'un joueur de Quidditch, Victorrria mais sache ceci : on a un grrros avantage. Nous, on nous entend. Et je compte bien me fairrre entendre.
Je lui jetai un regard oblique, assez soufflée par son sérieux et la ferveur de son ton. J'avais deviné lors de son année passée à Poudlard qu'il était de ces élèves qui rejetait l'héritage de Grindelwald mais je n'avais pas songé pour autant qu'il souhaiterait agir contre cela.
-C'est courageux de ta part.
-Ça ne demande pas un gros investissement pour l'instant, évalua Viktor d'un ton neutre. Charrrlie a proposé que je multiplie les déclarations publiques en faveur de l'acceptation et de la tolérrrance et je dois donner une interrrview à un journal de Quidditch Bulgarrre et Russe aussi, je profiterais pour faire passer quelques messages ... J'espère que ça pèserrra sur les esprits.
-Tu es le meilleur attrapeur du monde, connu et reconnu partout en Europe ... Evidemment que ça pèsera.
Viktor eut un vague mouvement d'épaule.
-Si je suis honnête, je ne le ferrrais pas que pour vous. Il est temps que nos pays guérrrissent de Grindelwald et qu'on se libèrrent de notre réputation. Si on prône la tolérrrence et l'égalité entrre tout sorciers pour vous, on la prône pour nous. Et il y a de quoi fairrre quand on sait que les nés-moldus ne sont même pas acceptés à Durmstrang, pas considérrré comme des sorciers par notre administrration ... Vous aider c'est aussi changé cet aspect-là de notrre culturrre.
-Tu vas demander a ce que les nés-moldus soient intégrés à Durmstrang ?
-Peut-être pas dans un prremier temps, admit Viktor, maussade. Le successeur de Karkarroff était son adjoint, tout aussi pourrri que lui. L'école se considèrrre comme pure, intacte, un sanctuaire pour le sang sorcier ... jamais elle n'accepterrrait la moindre goutte de sang moldu ... Mais je sais qu'il en existe une autre, dans les Carrrpates slovaques. Elle n'est reconnue par la Confédération Internationale et c'est tout une toute petite strructurre mais c'est une petite strructurre qui perrmet aux nés-moldus d'Europe d'étudier. Je compte les aider d'une manière ou d'une autrre à être reconnue comme treizième école de sorcellerie mondiale.
-Whao, soufflai-je, assez impressionnée. C'est un sacré projet ...
Et qui donnait une toute nouvelle dimension au célèbre attrapeur de Quidditch. Au fil des lettres échangées en juin et début juillet, j'avais pu apprécier son ouverture d'esprit et son accessibilité que son attitude réservée ne laissait pas apercevoir d'ordinaire. Mais c'était une profondeur insoupçonnée que j'appréhendais là. Viktor Krum n'était pas qu'un joueur de Quidditch de grand talent : c'était un sorcier en mission pour son pays, pour le bien de tous. A côté de cela, le Quidditch semblait bien fade ... Mais apportait la visibilité et les fonds nécessaires à ses ambitions.
Viktor ne répondit pas, se renfermant dans un silence quelque peu maussade en songeant sans doute à la masse de travail qui l'attendait pour réaliser ce projet. J'avais déjà remarqué à Poudlard que ce n'était pas quelqu'un de très bavard : la longueur de ses lettres m'avait surprise et il devait avoir épuisé son quota de mots pour la journée.
Le silence se poursuivit alors qu'il me guidait dans les rues étroites de Gdanks. J'avais l'impression qu'il évitait soigneusement les endroits fréquentés – sans doute de peur d'être reconnu, sa popularité dépassant de très loin la Bulgarie. Pourtant, d'après les livres que j'avais lu cet été pour familiariser avec ma nouvelle vie, la Pologne n'était pas connue pour être une grande terre de Quidditch, au contraire puisqu'elle n'avait pas de championnat propre et que ses talents s'exilaient en Bulgarie et jusqu'en Angleterre. Je le suivis jusqu'à une grille d'apparence anodine fermée par des chaînes. Il sortit discrètement sa baguette pour ouvrir le cadenas d'un cliquetis et me tint galamment la grille qu'il referma ensuite.
-Espace sorrrcier, tu peux sorrrtir sa baguette sans prrroblème, m'apprit-t-il alors que nous entrions dans une petite cour bordée d'immeuble de brique rouge. Tout ce complexe est frrrappé d'un sorrrtilège repousse-moldu ... Si j'ai bien comprrris, ils ne voient qu'une ancienne usine désafectée ...
-Je vois ... Et donc ... Elle habite ici ?
-Par là, confirma-t-il en pointant un escalier qui menait à l'une des habitations. Au quatrième étage ...
Mon estomac se contracta lorsque mon regard effleura l'appartement en question. Les fenêtres, frappées de plein fouet par le soleil, étaient à moitié cachées par des persiennes donc je doutais qu'elle nous ait vu entrer dans la cour. Par mesure de précaution, je me munie de ma baguette avant de suivre Viktor dans les escaliers. Je fus presque soulagée d'arriver au quatrième étage sans être essoufflée : mon programme de remise en forme portait ses fruits. Avant d'avancer davantage dans le couloir, Viktor s'immobilisa pour me jeter un regard oblique.
-Tu es sûre que tu veux fairrre ça ?
Malgré mon appréhension, je hochai résolument la tête. Ça faisait deux semaines que je me préparais psychologiquement à ce jour et même si j'admettais que son souvenir me faisait encore avoir des sueurs froides, j'avais fini par me persuadée que j'avais besoin de cette rencontre, autant que l'Ordre. Viktor ne paraissait pas convaincu.
-Elle n'a peut-être pas changé d'avis te concerrrnant ...
-On est deux contre une, répliquai-je avant qu'il n'arrive à me faire douter. Et même si elle était la meilleure duelliste de Durmstrang, je pense qu'on peut parfaitement la vaincre si jamais ça dérape.
Viktor me concéda ce point d'un grognement.
-Très bien. Mais ne te montrrre pas tout de suite, reste sur le côté et attends mon signal. Et surrrtout, ne lâche pas ta baguette.
Ça, je n'en avais pas l'intention ..., songeai-je sombrement en le suivant jusque la porte de l'appartement. Je me collai contre le mur pour ne pas être vue de la résidente et hochai la tête à l'adresse de Viktor. Le visage grave, il frappa trois coups contre le battant. Je penchai la tête pour écouter un signe de présence à l'intérieur et sursautai presque en entendant des pas qui venaient dans notre direction. Après quelques secondes qui s'écoulèrent à une lenteur infinie, la porte s'ouvrit à la volée, si brusquement que Viktor eut presque un mouvement de recul. Un rire se fit alors entendre, suivit de quelques mots en polonais dont le ton était très clairement ironique. Le Bulgare se rembrunit.
-Je ne parle toujours pas polonais, rappela-t-il en anglais, puisque c'était la langue universelle de communication. Tu permets ?
Il leva sa baguette et prononça une formule qui sembla nous engloutir dans une bulle, avant que cette sensation ne disparaisse. Mais à partir de ce moment, je pus parfaitement comprendre ce que baragouina la fille dans depuis son appartement :
-Je disais donc : mais quelle immense surprise. Qu'est-ce que tu fais si loin de Vratsa ?
-Ravi de te revoir aussi, rétorqua Viktor du bout des lèvres. Comment vas-tu ?
La fille essuya un nouveau rire, plus amer que le premier.
-Un an à m'ignorer et tu vas me faire croire que tu te présentes devant chez moi juste pour me demander comment je vais ? Qu'est-ce que tu veux, Viktor ?
-Juste discuter. Et pour cela, j'aurrrais besoin que tu lâches ta baguette.
-Pas question.
-Tu crrrains une attaque de moi ? Allons ... Moi je n'attaque pas les gens par derrrière.
Le reproche voilé parut soufflé les protestations de son interlocutrice. Le cœur battant, j'attendis jusqu'à entendre un petit choc, indiquant qu'elle venait de poser sa baguette, vraisemblablement sur un meuble à côté de la porte.
-C'était petit.
-C'était la vérité. Maintenant, je te demande de ne pas paniquer et de garder ton calme, sinon je t'assurrre qu'au moindrrre mouvement brusque, je te stupéxie, tu m'as comprrrise ?
-Attends, tu es sérieux ? Mais pourquoi tu ... ?
Sans lui laisser le temps de finir, Viktor m'adressa un bref hochement de tête et recula d'un pas, sa baguette fermement tenue en main. Agrippant la mienne, je pris une immense inspiration et me décollai du mur pour me découvrir à la jeune femme qui se tenait dans l'encadrement de la porte. Ses mots s'étouffèrent dans sa gorge lorsqu'elle m'aperçut. Elle avait maigri depuis notre dernière rencontre : ses joues rebondies semblaient avoir fondu pour ne laisser qu'un visage maigre et marqué par la fatigue. Pour autant, sa queue-de-cheval brune était toujours aussi impeccable et son allure tout aussi féline. Elle me le prouva en bondissant sur la console sur laquelle elle avait laissé sa baguette mais Viktor et moi levâmes la nôtre d'un même mouvement, la stoppant net dans son geste.
-Ne fais pas ça. On vient juste parrrler.
-Parler ? cracha Kamila Tokarsky, incrédule. Avec elle ?
-Si tu te souviens de moi, tu dois aussi te souvenir de mon nom, lui rappelai-je d'une voix que j'espérais calme et assurée.
Soit tout le contraire de ce que je ressentais intérieurement. J'avais beau me préparer à ce moment depuis des semaines, revoir Kamila avait ravivé toutes les appréhensions, toutes les douleurs liées à cette nuit là où elle avait tenté de me tuer, en réparation du meurtre de sa grand-mère par mon grand-père. C'était elle qui m'avait mise sur la piste de l'histoire des Liszka, elle qui était à l'origine du drame familial qui avait suivi. Elle qui m'avait retenue alors que Cédric mourrait dans le labyrinthe. Toutes ses émotions remontèrent et faillirent me faire suffoquer. Kamila plissa ses yeux bruns en me contemplant.
-Victoria. (Un sinistre sourire s'étira sur ses lèvres). Tu viens te venger ?
Ma gorge se ferma au mot qui avait justifié son acte perpétré plus d'un an plus tôt. Je te tuerais, et je retournais chez moi, avait-t-elle juré en pointant sa baguette sur moi. J'irais sur la tombe de ma grand-mère pour lui dire que j'ai rétabli l'équilibre, et que la dette est payée. A titre personnel et malgré ce qu'elle m'avait fait, Kamila n'avait aucune dette envers moi. Tout ce que j'avais voulu, c'était la fuir et oublier cet épisode et s'il n'y avait pas eu cette idée absurde de Maugrey, jamais nous ne nous serions retrouvées de nouveau l'une en face de l'autre. Mais parfois, mieux valait affronter le destin que le fuir.
-Désolée de te décevoir, mais je prends ce genre d'histoire moins à cœur que toi. Et crois-moi, j'ai autre chose à penser que ça. On peut rentrer ?
J'abaissai ma baguette en signe de bonne foi, songeant qu'elle n'y consentirait pas si elle se sentait agressée. Viktor parut faire de même dans mon dos car elle lui adressa un long regard, à la fois entendu et furieux. Il dut silencieusement la convaincre, car elle poussa un grognement et s'en retourna dans son appartement en fauchant sa baguette au passage, laissant la grande porte ouverte comme une invitation à entrer. Peu téméraire, je laissai Viktor me précéder dans le petit espace, à peine assez grand pour qu'y tiennent une petite cuisine, une table et des chaises dépareillées et un salon fait de bric et de broc. Un journal sorcier polonais était étalé sur une table et Kamila y donna un coup de baguette pour qu'il aille se ranger sur une pile fournie sur laquelle une tasse était posée en équilibre précaire. Elle rangea magiquement les verres et l'assiette qui allèrent se poser dans l'évier déjà débordant, et je vis également un placard se refermer sur une bouteille de vodka. Sur le canapé était jeté pêle-mêle des couvertures et un oreiller, indiquant très clairement que c'était ici qu'elle dormait. Je refermai la porte, nerveuse, alors que la jeune femme prenait place sur sa chaise la plus confortable.
-Tu n'as toujourrs pas trrrouvé d'emploi, pas vrai ? devina Viktor en se défaisant de la cape. Difficile sans diplôme, je suppose ...
Kamila le fusilla du regard, sa baguette frémissante entre ses doigts. Elle avait été renvoyée de Durmstrang suite à mon agression, quelques jours à peine avant la fin de son cursus scolaire. De quoi, je supposais, justifier amplement qu'elle m'adresse de nouveau un regard féroce.
-Je ne pense pas non plus que tu sois venu ici pour cela. Venons-en au fait. Qu'est-ce que vous voulez ?
Viktor et moi échangeâmes un regard, se demandant mutuellement par où commencer la conversation. J'avais beau m'être faire mille scénarios, je n'étais toujours pas certaine de moi. Pour apaiser la tension qui agitait toujours la jeune femme, je préférais entonner par le sujet le moins brûlant :
-Je ne sais pas si tu lis la presse étrangère, mais l'Angleterre entre en guerre contre Voldemort.
-Qui ça ?
-Un mage noir, Kamila, précisa sombrement Viktor. Comme Grindelwald.
Les sourcils de Kamila se froncèrent et son regard glissa ostensiblement vers moi.
-On en avait parlé, je crois. A la bibliothèque, pour ton devoir.
-C'est ça, confirmai-je, soulagée d'avoir réussi à piquer sa curiosité. En réalité, ça fait un an qu'il a retrouvé sa puissance, mais il a profité que notre Ministère n'y croit pas pour restaurer ses forces. Maintenant que c'est fait, il attaque. (Je déglutis). Par exemple, il y a quelques jours, ses partisans ont fait s'effondrer un pont, ça a tué des dizaines de moldus ... Et il s'est allié avec des géants qui sévissent actuellement dans le Somerset.
Si Kamila était restée impassible face à l'effondrement du pont, la notion des géants provoqua chez elle un léger écarquillement des yeux. Elle consulta un instant Viktor du regard avant de croiser les bras sur sa poitrine.
-Des géants, répéta-t-elle, dubitative.
-Les autorités font passer ça pour une tempête qui déracine des arbres et détruit des maisons de moldus, mais en réalité c'est bien eux. Voldemort a profité de l'année écoulée pour créer une alliance avec eux ... Comme pour étendre son réseau à l'étranger.
Kamila dressa un sourcil, nullement impressionnée. Sa baguette faisait toujours des bonds entre ses mains, créant des marques de brûlure sur la table à chaque coup et j'en crispai mes doigts sur la mienne, lorgnant le moindre mouvement de sa part. La jeune femme eut un sourire en captant mon geste.
-Tu as peur que je t'attaque, avoue ?
-Je pense que tu ne m'en voudras pas là-dessus.
-Et c'est bien pour ça que je suis assez surprise de te voir ici... Faire des milliers de kilomètres pour venir voir une personne qui a tenté de te tuer ... Je suppose que tu représentes l'autre camp et que tu es là pour faire votre réseau à l'étranger, c'est ça ?
Je hochai la tête, sans chercher à nier. Maugrey avait été prévenu par Dumbledore de ma mésaventure avec Kamila et comme la moindre petite information qui passait dans son esprit, il cherchait à l'exploiter. La polonaise avait certes tenté de me tuer, mais elle n'en demeurait pas moins la meilleure duelliste de Durmstrang et singulièrement opposée à toute forme de magie noire. Un sourire tordu déforma les lèvres de Kamila.
-Et tu t'imagines que je vais accepter alors que l'ambassadrice a du sang Liszka dans les veines ?
Kamila cracha presque le nom de famille et mon cœur se mit à battre ma chamade. J'avais reconnu dans ses intonations la même haine maladive qui l'avait habité le soir où elle avait tenté de me tuer. Viktor dût les percevoir également car il s'avança pour être à ma hauteur.
-En l'occurrrence, nous ne sommes pas là pour discuter de cela, rappela-t-il durement. A l'ouest, un nouveau mage noir s'élève, Kamila et il a déjà commencé à répandrrre son venin à l'est. Je ne tiens pas à vivre ce qu'a vécu mes grands-parents et toi ?
Elle se leva d'un bond, si brusquement que la chaise sur laquelle elle était assise valsa en un bruit sourd.
-Tu oses me parler de mes grands-parents ? Devant elle ? Je t'ai expliqué ce qu'il s'était passé, Viktor, comment Miroslav Liszka a tué ma grand-mère, comment sa famille (elle me pointa d'un index tremblant) avait contracté une dette envers la mienne et tu n'as pas daigné comprendre ! Et maintenant tu viens me parler de ce qu'ont vécu nos grands-parents ?!
-Est-ce que t'aiderait de savoir que je ne suis pas sa petite-fille biologique ?
J'avais lancé l'information dans l'espoir que ça éteindrait le début d'incendie qui étincelait dans le regard de Kamila, des flammes douloureusement familières et qui m'avait forcée à lever la baguette, d'instinct. J'exhalai un léger soupir en constatant que cela fonctionnait : la jeune femme s'était figée et me contemplait à présent avec suspicion.
-Comment ça ?
-Tu avais raison. Miro Liszka, mon grand-père dont je t'avais parlé, est bien celui qui a tué ta grand-mère à Gdansk. Cependant, je peux t'assurer qu'il n'est pas celui qui a estropié ta mère – l'homme en question est en prison – et il s'est marié avec ma grand-mère, une moldue, après qu'elle est tombée enceinte.
Je tirai Cyrano de Bergerac de mon sac et d'une main, réussis à en extraire la photo de famille que j'avais pris le soin d'emporter. Sachant très bien qu'en cas d'échec, il était question d'effacer les souvenirs de Kamila, je la glissai sur la table sans crainte. Elle daigna y jeter un coup d'œil et ses prunelles flamboyèrent quand elle découvrit le visage de mon grand-père.
-Comme tu peux le constater, ma mère ne lui ressemble pas – et moi non plus alors que je tiens d'elle, détaillai-je pour éloigner son esprit de Miro. En plus de cela, je peux t'assurer qu'elle, sa sœur et mon frère sont parfaitement moldu. Je suis la seule sorcière de la famille. Pas par le sang, mais par le hasard. Alors si c'est le sang qui t'importe, tu peux immédiatement arrêter de fomenter mon assassinat pour payer celui de ta grand-mère.
-Et à dire vrai, tu n'aurrrais pas dû attendrrre d'avoir cette inforrrmation pour arrrêter, grondra sourdement Krum. Tu as tenté de jouer le jeu de ceux qui ont tué ta grrrand-mère et en faisant cela tu t'es déshonorrrée, Kamila.
Une pointe de rancœur avait percée malgré le ton neutre que Viktor avait tenté d'aborder. Malgré tout, il semblait être en permanence déçu par le chemin pris par celle qui avait été son amie à Durmstrang. Kamila le toisa sombrement avant de reporter son attention sur la photo, sans oser y toucher.
-C'est facile de parler d'honneur quand la justice a été faite. Ceux qui sont responsables de la mort de ton grand-père sont en prison depuis longtemps, Viktor, mais moi ...
-Miro ne t'a pas attendu pour se punir, Kamila, la coupai-je. Quand il a quitté l'Angleterre, il a cassé sa baguette et cessé la magie. Je pense que tu peux t'imaginer quelle douleur c'est pour un sorcier d'abandonner ce qui fait toute son identité et sa distinction ...
-Tu prétends que ça efface l'ardoise ? s'indigna Kamila, incrédule. Que parce qu'il arrête la magie, son acte est effacé, qu'il ...
Mon cœur eut un soubresaut aux mots de la polonaise. C'étaient exactement les mots que j'avais objecté à mon grand-père ... Ils ravivèrent les cendres de la colère qui m'avait animé en décembre dernier, lorsque je l'avais enfin confronté aux allégations de Kamila, à son passé, et elles furent comme un écho de la propre douleur de la jeune femme face à une justice qui n'avait pas fait ton travail.
Je pouvais comprendre sa colère. En un sens, elle était un reflet de la mienne.
Avec lenteur, je tirai une chaise vers moi et m'y installai pour être à la même hauteur que Kamila, cesser de la prendre de haut avec mes bons sentiments et mes airs de victimes. Cette affaire dépassait de loin cette simplicité manichéenne. Nous avions toutes les deux un peu raisons – et un peu tort.
-Bien sûr que non. Non, je ne prétendrais jamais cela. Kamila, lorsque mon grand-père m'a avoué tout cela, je lui en ai voulu, si fort que j'ai cru que je ne serais jamais capable de lui parler, de lui pardonner. A dire vrai, je ne lui pardonne toujours pas. Rien ne justifie qu'il ait pris la vie d'Agata. Je n'ai pas vocation à m'excuser à sa place mais ... je suis quand même désolée.
-Et tu n'as pas à l'être, maugréa Viktor en prenant une chaise à son tour, la baguette posée en évidence sur la table. Ce serrrait plutôt à Kamila de s'excuser.
-Bah bien sûr, railla-t-elle avec un sourire désabusé. Si c'est ça que vous êtes venus chercher, vous pouvez partir immédiatement.
-Je n'ai pas besoin de tes excuses, je vis très bien sans, répliquai-je, piquée au vif. Je ne fonctionne pas comme toi avec un système strict de dette et remboursement, je me fiche de ça. A dire vrai, je me fiche de nous et de ce qui s'est passé il y a un an, ce n'est pas pour ça que je suis ici. Ce n'est pas notre histoire, Kamila, c'est celle de nos grands-parents et je trouve ça stupide de nous déchirer pour ce qui appartient au passé. Je tenais quand même à te fournir une explication parce que ta famille le mérite, pour comprendre pourquoi ta grand-mère est morte. Tu la veux, ou je passe directement à la vraie raison de ma présence ici ?
Elle me fixa un instant de ses prunelles sombres, enflammées, torturées. Malgré tout, malgré ces mots, malgré ces actes, je percevais toujours ce doute en elle, cette incertitude quant à faire le bon choix, la chose juste. C'était sur cette incertitude que je devais jouer et j'avais réussi à la faire vaciller car elle baissa les yeux sur la photo et finit par hocher sèchement la tête. Soulagée, je me mis alors à raconter l'histoire comme mon grand-père me l'avait narrée quelques mois plus tôt : son endoctrinement sur la suprématie du sang, comment il avait adhéré aux idées de Grindelwald tout en détestant le personnage et son usage de la magie noire, comment il avait été chargé d'arrêté un résistant caché chez une tante, Agata Tokarsky. Comment un duel à la mort s'était engagé entre elle et lui et comment il l'avait remporté en la tuant. Comment l'acte avait déchiré sa vie au point que ses convictions en aient été totalement ébranlées. Comment la mission à Auschwitz et la rencontre avec ma grand-mère l'avait totalement fait changer d'idée, au point où en décide de vivre avec une moldue, sans magie.
Kamila écouta tout cela en silence, les yeux rivés sur la photo qui représentait mes grands-parents, ma mère, mon frère et moi. Au moment où j'évoquais Auschwitz et le sort de Jaga, elle osa enfin l'effleurer du bout des doigts et j'y vis un signe de trouble qui ne transparaissait pas sur son visage. Profitant de cette fulgurance de fragilité, j'achevai avec douceur :
-Ne crois pas qu'il n'y pense jamais. Il y pense tous les jours. Ça ne rachètera jamais ce qu'il a fait alors on a tenté une autre méthode. Après avoir fait le mal pour une idéologie nauséabonde, il va tenter de faire le bien pour la justice. Si j'ai accepté de passer l'éponge, c'était parce que j'avais besoin de lui pour protéger notre famille. Je suis née-moldue, Kamila, je suis une des personnes qui risquent le plus, dans cette guerre. Il est hors de question que j'attende tranquillement que Voldemort me prive de mes droits et il est hors de question pour mon grand-père qu'il attende que ses partisans s'en prennent à notre famille parce que ce sont des moldus. On compte se battre pour la protéger.
Je pris une profonde inspiration, étrangement émue pour ces mots que j'avais, somme toute, prononcer assez peu de fois à voix haute. C'était un sentiment vertigineux que d'affirmer ainsi, à la face de tous, mon engagement.
-Je pense qu'on a des visions inverses de la dette qu'il a contractée, Kamila. Tu veux racheter le sang par le sang. Moi je veux racheter la vie par la vie. Laisse-le en sauver plutôt que de prendre inutilement la sienne.
Viktor m'adressa un regard et malgré son air renfrogné et alerte, je crus percevoir une note admirative qui disparut lorsque je le fixai. Kamila resta longuement silencieuse, contemplant ma photo d'un œil indéchiffrable. En tout cas, elle ne touchait plus sa baguette à quelques centimètres de sa main sur ta table. Elle finit par lever les yeux sur moi et je fus rassurée de constater que dans ses iris, le feu s'était étouffé.
-Je vois que tu as bien préparé ton discours ... Et je suppose que la conclusion de tout ça, c'est que tu vas me proposer de rejoindre ton combat ?
-Pas tout-à-fait, intervint Viktor. Comme elle te l'ai dit, son mage noir a activé des réseaux dans nos pays, à la fois pour recrrruter mais aussi pour trrrouver des fonds et, on peut l'imaginer, préparer une offensive quand il aurrra l'Angleterre. Enfin, si il l'a, ajouta-t-il en remarquant mon regard peu amène. J'espère que vous l'aurrrez arrêté avant.
-Je t'avoue que j'espère aussi.
-Vous êtes sûrs qu'il s'intéressera à nous un jour ? demanda Kamila.
Je haussai les épaules.
-On ne peut pas te le garantir. Mais si un jour il a le Royaume-Uni entier sous sa coupe, il se peut qu'il tourne son regard vers les pays continentaux. Et je pense que l'Europe de l'est, élevée à Durmstrang et qui a accueilli avec joie Grindelwald, sera ravie de le suivre.
-Et quand bien même ce n'est pas lui qui vient à nous, notre modèle est tout de même en danger, enchérit Viktor alors que Kamila ouvrait la bouche, indignée. Si l'Angleterrre passe sous le règne d'un homme qui crroit en la suprématie du sang, alors cerrrtains de nos dirigeants songerrront à lui emboiter le pas. Ce serrrait nous voiler la face que de ne pas admettrre que nos pays ont un penchant cerrrtains pour les chefs forts et suprrémacistes ... Beaucoup sont nostalgiques de l'époque de Grrrindelwald.
-Pas tous.
-Mais une majorrité, Kamila. Et cette majorrrité se situe aux sommets de l'état.
Kamila se mura dans un silence bougon, mais qui sonnait comme une défaite. Chaque sorcier d'Europe de l'est était façonné à Durmstrang, école où les nés-moldus étaient persona non grata et symbolisant bien la hiérarchie qui existait dans l'esprit des dirigeants de ce monde : les sorciers valaient plus que les moldus. Des adolescents grandissaient avec cette idée en tête et j'étais persuadée que les adultes qu'ils devenaient étaient plus aptes à suivre Voldemort que Dumbledore.
-Chez nous, une organisation a été mise en place, poursuivis-je pour en venir au cœur du sujet. Pour lutter contre Voldemort et ses partisans, éviter qu'il n'arrive au pouvoir. Elle s'appelle l'Ordre du phénix. Je ne te dirais pas qui la dirige ni qui elle compte dans ses rangs mais ...
-Mais tu en fais partie. Toi, la petite maigrichonne qui m'a suivie sans te méfier dans la forêt ?
Mes joues se mirent à chauffer. J'avais beau être de nature confiante, le fait d'avoir effectivement suivie la meilleure duelliste de Durmstrang au moment où j'étais menacée d'étrange notes, seule et dans un endroit reculé, me paraissait à posteriori d'une incroyable naïveté.
-Je n'étais pas censée me méfier de toi. Je ne sais pas, j'étais persuadée que tu étais une bonne personne, pas du genre à m'attaquer par surprise.
Le rire étouffé de Viktor lui valut le regard noir de Kamila.
-Mais j'avoue que c'était naïf de ma part, admis-je finalement. Mais j'ai grandi, j'ai changé, en un an. Je t'assure que ça n'arrivera plus.
Comme ça ne m'arriverait plus de croire une bataille gagnée d'avance, songeai-je amèrement en songeant au sort que Drago Malefoy m'avait jeté dans le dos alors que je l'avais cru occupé avec les chauves-souris. J'avais appris nombre de leçon en un an, mais je comprenais avec une certaine appréhension que les plus grandes des leçons étaient encore à venir – avec les douleurs qui allaient avec. Kamila parut plus sérieuse.
-Mais c'est vrai que tu étais une bonne duelliste, se souvint-t-elle, puisqu'elle avait assisté à nos cours. Tu avais une très bonne gestuelle, une excellente réactivité ... Si tu avais la puissance magique, tu serais une sorcière redoutable.
Elle me contempla un instant, l'air de se demander si j'avais acquis la puissance magique qui me manquait. Je tentai de soutenir son regard sans laisser paraître ma gêne – car en toute honnêteté, j'en doutais. De manière générale, j'étais soulagée de la façon dont la conversation tournait et se détournai de mon grand-père et de la haine qu'elle éprouvait face à ma famille. Le feu brûlait toujours au cœur de ses prunelles, mais un feu moins destructeur. Le feu purificateur des bonnes causes.
-Qu'est-ce que ton Ordre attend de moi ? s'enquit-t-elle finalement du bout des lèvres. De nous ?
Elle désigna Viktor du menton, le visage grave. Pas haineux ni belliqueux : juste la gravité que provoquait les moments solennels et les choix difficiles. Je retins un soupir rassuré et ma main se détendit pour la première fois de l'entretien sur ma baguette.
-Pas grand-chose. Juste trainer les oreilles et nous donner des informations sur le réseau de Voldemort à l'étranger. Viktor compte promouvoir des idées de tolérances et d'équité afin que le terreau des pays de l'est soit un peu moins fertile à la magie noire.
-Je pense que tu m'as cernée, Victoria, je ne suis pas faite pour le bla-bla, ironisa Kamila avec un petit sourire. Tu n'as rien de mieux à me proposer ?
Je clignai les yeux, surprise et coupée dans le discours appris par cœur et répété cent fois à Maugrey.
-Je pense qu'on pourrrait également recrrruter pour des antennes locales, proposa Viktor, me sauvant de l'embarras. Les gens feront plus confiance à des locaux qu'à des anglais. Ça nous permettrait également de court-circuiter leur propre recrrrutement. Certains de leurs recrrues sont peut-être indécises ... Et puis, au cas où les choses se passeraient mal, il faudrrra sauvegarrder nos propres pays.
-Et si tu acceptes, je suis sûre que nos chefs seront ravis de te faire part de mission plus ... actives. Après, bien sûr, tu n'es pas obligée. Mais je suis certaine que tu n'es pas le genre de femme à rester inactive face à un danger potentiel. Pas vrai ?
-Alors ça, non, laissa échapper Viktor avec l'ombre d'un sourire. Tu te souviens que tu as provoqué Sisko en duel en quatrrrième année parce qu'elle portait le symbole de Grrrindelwald ?
Le souvenir fit s'épanouir un sourire fier sur les lèvres de Kamila autant qu'il fit pincer les miennes. Je me souvenais de cette jeune fille froide qui m'avait traitée de « Sang de Bourbe » dès notre première rencontre. La polonaise croisa ses bras sur sa poitrine et battit tranquillement son pied dans le vide.
-Elle ne l'a plus porté après ça, cette petite peste.
-Et elle t'a respectée. Beaucoup de monde te respectait à Durmstrang, Kamila et peu savent que tu as été renvoyée – et s'ils le savent, ils ne savent pas pourrrquoi. Beaucoup t'écouterrraient si tu leurs parrrlais ... ils t'écoutaient déjà à Durmstrang, au club de duel. Je te connais, nous avons été amis. Je t'estimais beaucoup, Kamila, jusqu'à ce que tu cèdes au pirrre de toi. Je suis prêt à oublier cet incident et à te tendrrre de nouveau la main si tu es prête à redevenir la perrrsonne que tu étais.
La mine de Kamila s'adoucit aux mots de Viktor et une vague de nostalgie sembla traverser son regard. J'observai ton teint cireux, son appartement miteux et les verres et bouteilles vides qui s'alignaient dans la cuisine. Peut-être que finalement, c'était précisément ce dont Kamila avait besoin en ce moment. Une main tendue et un sens à sa vie. Du moment que le sens de sa vie n'est pas d'exterminer la lignée Liszka ... La polonaise fut prise d'une sorte de spasme dans le bras, comme si elle avait voulu amorcer un mouvement.
-Je t'ai déçue, pas vrai ? souffla-t-elle sans le quitter du regard. Ce jour-là.
-Prendrrre au sérieux une dette de sang et s'en prendrrre à une innocente ... Des actes dignes des parrrtisans de Grindelwald, Kamila. Je suis d'accord qu'il faut savoir se battre – férrrocement – pour la justice, mais il ne faut pas le faire avec leurs arrrmes, ni de façon injuste. Ça, c'était injuste.
-Donc s'en prendre à Miro Liszka ...
-... Aurait déjà été plus acceptable, mais tu as entendu Victorrria. Sa pénitence se situe autre part. Il serrrait totalement contre-prroductif de l'éliminer.
Je m'attendais à ce que Kamila se rembrunisse et proteste, mais elle me surprit en esquissant un petit sourire. Ses yeux se mirent à étinceler, apaisant mon cœur qui s'était mis à battre la chamade à la mention de mon grand-père.
-Je vais réfléchir à cette idée. Mais pour le reste ...
Elle se retourna sur les placards, abandonnant sa baguette et ma photo sur la table. Elle saisit trois verres assez petits et évasés puis empoigna une bouteille au liquide transparent dont je reconnus immédiatement l'odeur forte lorsqu'elle le posa devant nous. Je fronçai du nez. Une bouteille qui hantait également les placards d'Alexandre ... Kamila versa trois généreuses doses avant de redresser la chaise qu'elle avait fait tomber et de s'y installer. Son regard sombre se planta sur moi alors qu'elle levait son verre, comme pour me porter un toast.
-Très bien. Bois cul-sec, l'anglaise, tu as beaucoup de choses à me raconter. Je veux des détails. Des détails sur ton Ordre, comment tu as fini par y entrer, sur comment le pire raciste de la terre a pu épouser une moldue ... (Son sourire se fit sinistre). Et lorsqu'on aura éplucher tout ça et que tu auras fini, je déciderai si j'accepte ton offre et renonce à la vengeance familiale. La balle est dans ton camp, Victoria. Sois convaincante.
L'œil pétillant devant mon visage décomposé, elle éclata de rire avant de renverser sa tête en arrière et porter le petit verre à ses lèvres pour l'avaler d'un trait.
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