II - Chapitre 6 : Des dialogues de sourd
Booooonjour !
Chapitre 6 avec le bébé retour du Quidditch dans un premier temps ! Bonne lecture !
Chapitre 6 : Des dialogues de sourds.
-Il a vraiment dit ça ?
-Mais franchement, qui va le croire ...
-Ombrage lui a donné une semaine de colle, ça lui apprendra ...
-En même temps cette bonne femme n'est pas aimable ... Peut-être que Potter a raison, vous ne trouvez pas que le Ministère s'acharne un peu trop ...
-Mais qu'est-ce que tu racontes ? Tu as vu la Marque des Ténèbres flotter au dessus d'une maison, cet été ?
-Fermez-là tous, ce n'est pas le débat.
L'équipe se tourna vers moi, toute ouïe. Je les contemplai tous les six, réfléchissant à ce que je pourrais faire avec les capacités de chacun durant cette année. Zacharias Smith, un garçon blond au nez retroussé et à l'égo surdimensionné était malheureusement notre meilleur élément : les deux dernières saisons, il avait été notre meilleur buteur et j'avais pu constater lors de cet séance d'essai qu'il était également un bon formateur pour les deux poursuiveurs que nous avions sélectionnés. Evelyn Shelby était en troisième année, et c'était Madame Bibine, notre arbitre et professeur de vol, qui m'avait parlé d'elle pour l'avoir repéré lors de ses premières séances. Elle volait parfaitement bien, et à défaut d'avoir une grande précision de tir, sa petite silhouette lui permettait d'éviter habilement les cognards et poursuiveurs adverses. A l'inverse, Owen Cadwallader était massif et large d'épaule, assez puissant pour tirer des buts d'assassins, et je lui dédicaçais le bleu que j'aurais sur la poitrine après avoir arrêté l'un de ses souafles in extremis, et qui m'avait presque expédiée à travers l'anneau. Kenneth attendait debout derrière moi, et je le soupçonnai de faire des grimaces pour détendre le jeune frère de Judy, Aaron Summerby. Aussi mince qu'une tige à l'inverse de sa sœur mais souple et rapide, il avait une mèche conséquente de cheveux blonds qui lui tombait dans les yeux et qu'il m'avait promis de couper pour pouvoir mieux repérer le Vif d'Or. Il n'était pas celui qui l'avait attrapé le plus vite – sa touffe qui tombait sans cesse dans ses yeux l'avait lourdement handicapé – mais il était celui qui avait le vol le plus sûr et la fille qui l'avait battu avait passé son temps à critiquer ses adversaires. J'aurais assez de Smith à contrôler, je n'avais pas besoin d'un nouvel élément perturbateur. Certes, Aaron n'était pas aussi bon que pouvait l'être Harry Potter – ou même que l'avait été Cédric. Mais il avait une belle marge de progression, et une fois cette chevelure coupée j'avais bon espoir qu'il défense ses chances à attraper le Vif d'Or.
Grâce à Kenneth et Judy, remonter sur un balai et remplacer Cédric n'avait pas été aussi douloureux que redouté : ils avaient été derrière moi à chaque instant des essais. Et surtout, assise sur les plus hauts gradins, Angelina avait tenu à être là pour me soutenir, malgré les vertes protestations de Smith. C'était avec elle et Alicia que j'avais effectué mes premiers vols ce samedi matin, avant les essais, avant que cette dernière ne s'en aille en prétextant devoir finir un devoir de métamorphose. Cependant, il avait fallu que je m'éloigne une demi-seconde pour ranger les balles pour retrouver mon équipe débattre vertement des allégations comme quoi Harry Potter aurait devant sa classe et Ombrage clamé que Voldemort avait tué Cédric et qu'il avait combattu le Mage Noir avant de s'enfuir. J'avais passé ces essais sereinement, il était hors de question que je laisse cette séance couler sur des sujets qui risquaient de me faire perdre mon calme.
-Bien, ce n'était pas trop mal pour des essais, bienvenu aux nouveaux, entonnai-je avec un sourire pour Owen, Evelyn et Aaron. Smith, je compte sur toi pour les mettre à l'aise et leur apprendre le métier.
-Oui, facile quand la Capitaine de l'équipe adverse était dans les tribunes à analyser leur façon de jouer, répliqua-t-il d'un ton cinglant.
Judy, assise juste derrière lui, leva sa batte et fit mine de l'abattre sèchement sur son crâne, arrachant un éclat de rire à son frère.
-Gryffondor n'a pas besoin de faire de l'espionnage pour nous battre, rétorquai-je en réprimant mon sourire. Ils ont gardé presque la même équipe que l'année dernière, seul Dubois est parti. On connaît la qualité de leur équipe, et pourtant on est leur bête noire : Gryffondor a beaucoup de mal à gagner contre nous. Alors tu vas leur apprendre comment on déjoue Gryffondor, d'accord ?
Je fixai mon regard sur lui, de façon insistante. Smith finit par détourner les yeux, comme je l'espérais. Je savais avoir un regard incisif, d'un gris clair qui paraissait froid et qui d'après Emily était difficile à soutenir, et je comptais bien m'en servir pour remettre Smith à sa place.
-Parfait, lançai-je y voyant un signe d'assentiment. Allez, ça doit être l'heure du repas : allez-y, reposez-vous, et je vous attends de pieds ferme mardi soir pour la première séance d'entrainement.
-On sera présent, Capitaine, promit Kenneth en me prenant l'épaule. Et en forme, je prendrais un petit-déj' de compétition.
-Oh mon dieu, gémit Judy en fronçant du nez. Ça va être écœurant.
-Au bout de cinq ans que tu me connais, tu devrais être habituée ! rit Kenneth avant de coincer la tête de Judy sous son bras. Alors Summerby, un peu de combativité !
-Lâche ma sœur ! répliqua Aaron.
Mais Judy n'avait pas besoin de l'aide de son frère : elle écrasa les orteils de Kenneth sous son pied et enfonça sa batte dans son ventre. Le batteur recula, plié en deux et le souffle coupé, alors que Judy se redressait en faisant joyeusement tournoyer sa batte.
-Et voilà le travail ! Les femmes au pouvoir, les gars. (Elle jeta un bref regard à Evelyn, lui l'observait les yeux écarquillés). Tu n'es pas d'accord, miss ?
-C'est ça, fanfaronne, bougonna Smith avec un haussement d'épaule. On en reparlera au premier match contre Serdaigle. A plus.
Il s'éloigna à grand pas, et une nouvelle fois, Judy fit mine de le poursuivre avec sa batte sous les éclats de rire des deux jeunes. Je m'esclaffai et assénai un coup de balai sur la tête de la batteuse.
-Tranquille la lionne, on a besoin de lui pour faire des résultats. Malheureusement c'est l'un de nos meilleurs joueurs.
-Il m'a bien aidé pour être pris, ajouta Owen d'une voix fluette pour sa taille. Il m'a bien entrainé ...
-Je ne dis pas le contraire, mais il faut qu'il apprenne à se taire s'il ne veut pas que je l'assomme la prochaine fois !
-Tu ne seras pas assez rapide, se moqua Kenneth. Je l'aurais avant toi.
Judy répondit en tirant la langue, mutine, et le batteur la prit par les épaules pour l'emmener vers le château. Lorsqu'ils quittèrent le stade, je vis Kenneth pousser la jeune fille vers les arbustes qui bordaient les gradins, arrachant des glapissements à Judy. Un sourire attendri s'étira sur mes lèvres et je coulai un regard oblique sur Aaron.
-Tu crois qu'ils vont finir ensemble un jour ?
-Judy n'arrête pas de vouloir lui fracasser le crâne de sa batte alors je suppose que oui, confirma-t-il avec un sourire timide.
-Oh tu sais ça, ça ne veut rien dire, dis-je en songeant au nombre de coup que j'avais asséné à Simon. Comment tu te sens ?
Aaron haussa ses maigres épaules. Il ne restait que lui dans le stade, et Angelina qui griffonnait des notes sur un parchemin.
-Oh ... Je n'en sais rien, je t'avoue. (Il rougit furieusement). C'est dur de passer après Cédric ...
J'eus un sourire indulgent, et tapotai la place à mes côtés. Aaron trépigna un instant avant de s'installer, les épaules voutées et le regard rivé sur la pelouse. Il était petit pour ses quatorze ans, ce qui était surprenant vu la silhouette musclée de sa sœur.
-Tu sais, moi aussi. En tant que Capitaine.
-Ah oui, c'est vrai, réalisa Aaron, penaud. Et euh ... ça va toi ?
J'essuyai un petit rire, étrangement touchée par la sollicitude d'Aaron.
-Bof, comme tu le vois mais il faut bien que quelqu'un prenne le capitanat (je lui donnai une petite bourrade). Et le rôle d'attrapeur. A deux on devrait y arriver ?
Un léger sourire retroussa les lèvres d'Aaron, et il hocha doucement la tête. Après un dernier soupir de résignation, il se leva, agrippa son balai et quitta le stade d'un pas plus léger, presque bondissant. Une main se posa sur mon épaule et que je levai les yeux sur Angelina.
-Tu lui as bien parlé, assura-t-elle en s'essayant à côté de moi. C'est bien, Capitaine.
-Merci, Capitaine.
Angelina sourit et effleura du bout des doigts l'insigne qui brillait sur sa poitrine.
-Ça s'est bien passé, finalement. L'équipe est moins belle que l'année dernière mais il y aura moyen de faire de beaux matchs.
-Bon sang, je l'espère, soupirai-je en détachant mes cheveux. Je vais avoir des problèmes avec Smith si les résultats ne suivent pas.
-Smith est un crétin, asséna Angelina. Un excellent poursuiveur, mais un crétin. Surtout, ne l'écoute pas.
-Ne t'en fais pas, j'en avais l'intention. Merci, Angie.
Elle eut un nouveau sourire éclatant, et ébouriffa mes boucles en un geste moqueur.
-A ton service, ma grande. On va manger ? Je meurs de faim, par Merlin, j'ai besoin de viande !
-Voilà qui est surprenant. Et toi, tes essais ? C'était hier ?
Le visage d'Angelina se rembrunit. Elle repoussa ses cheveux constitués en une multitude de petites tresses derrière son épaule.
-J'avais qu'un poste à pourvoir, mais ça a été plus difficile que je ne l'aurais pensé. Personne ne convenait réellement alors j'ai pris Ron Weasley, le petit frère des jumeaux ...
-L'ami d'Harry Potter ?
Angelina gronda sourdement.
-Ne me parle pas de lui. Il s'est débrouillé pour se faire coller toute la semaine, y compris lors des essais. J'ai vraiment cru que j'allais lui arracher la tête.
-A cause d'Ombrage ?
Angelina tordit ses lèvres, comme si elle retenait un flot de paroles indigentes qui ne demandaient qu'à sortir. Mais la désapprobation se lisait clairement dans son regard sombre et ombragé par ces longs cils épaissis par du mascara.
-Ecoute, Victoria ... Je ne sais pas ce que tu penses de tout ça, mais Harry ...
-... a combattu Voldemort qui a tué Cédric, achevai-je, arrachant une expression de profonde stupeur à Angelina. Je sais.
Ses yeux s'étaient écarquillés d'horreur au nom de Voldemort et ce fut d'une voix prudente qu'elle poursuivit :
-C'est ... c'est vrai ? Tu crois Harry ?
-Pas toi ?
-Je mentirais en disant que je n'ai pas douté cet été, admit Angelina. Mes parents n'y croient pas, et ils plaisantaient sur Harry ... moins sur Dumbledore, je pense qu'ils le respectent beaucoup. Alors je ne sais pas, comme il ne se passait rien, ça me semblait ... étrange. Mais à la rentrée j'ai vu que Harry n'avait pas changé son discourt, et dans quel état il était, dans quelle colère ... Bon sang. (elle se prit la tête entre les mains). Je n'en sais rien, Victoria, je suis perdue de ce point de vue là. A vrai dire, je fais tout pour ne pas y songer, j'ai tellement de truc plus urgent, plus proche qui s'accumulent ... Les ASPICs ... le Capitanat ... Alicia qui s'est disputée cet été avec Oliver ...
-Alors ils étaient vraiment ensemble ?
Elle resta un instant interdite, avant de me repousser mollement au visage avec un éclat de rire.
-Alors c'est ça que tu as retenu ?
-C'est ça qui était le plus intéressant, plaisantai-je avant de reprendre mon sérieux. Je comprends que tu sois perdue, Angie. Que ça te semble loin, que le Quidditch et l'école te semblent plus urgent ... Mais si Voldemort est vraiment revenu ... C'est essentiel, non ?
-Tu as peut-être raison. Mais le temps qu'il se manifeste, je vais me concentrer sur mes études.
Je hochai la tête. Ça pouvait sembler diablement égoïste ... Mais en un sens, je comprenais le raisonnement d'Angelina. Même si on tendait à y croire, le retour de Voldemort s'était fait en silence, de façon si insidieuse, voilée, qu'elle en paraissait lointaine, à peine perceptible. Les sorciers étaient bien trop préoccupés par leurs activités quotidiennes pour pouvoir s'inquiéter du regain de forme du Mage Noir.
Il fallait qu'un ami soit mort de sa baguette pour s'en soucier.
-Comment va Harry ? demandai-je du bout des lèvres.
Je l'avais aperçu lors de la première semaine, l'air soit taciturne, soit furieux. Plusieurs fois sa meilleure amie, Hermione Granger, le houspillait – ou houspillait Ron Weasley, ça dépendait de l'humeur du groupe. Mais toujours était-il que le trio semblait fort tendu depuis le début d'année. Angelina donna un coup nerveux dans le banc devant nous.
-Bof. Je te l'ai dit, il a l'air constamment en colère – et il y a de quoi, vu comment la presse et l'école le traitre. J'avoue que je me suis énervée aussi contre lui, quand j'ai su qu'il était collé pour les essais ... Mais il ne comprend pas, j'avais ... j'avais besoin de lui, pour trouver un nouveau gardien. C'est un super joueur, et moi j'étais très stressée à l'idée de faire mes premiers pas en tant que Capitaine, j'avais besoin de personnes sûres pour les sélections ... Pour avoir des avis sûr, tu comprends ? Du soutien, quoi.
-Evidemment je comprends, approuvai-je. Si je n'avais pas eu Judy et Kenneth, jamais je n'aurais pu organiser mes essais.
-Alors bien sûr j'avais Alicia. On ne pouvait pas dire que je pouvais vraiment compter pour les Weasley, ils sont d'excellents batteurs et sont essentiels pour le vestiaire mais pas assez sérieux ... Katie Bell a essayé de m'aider, mais je voulais vraiment l'avis de Harry. C'est lui qui me remplacera au Capitanat, pas Katie.
C'était sans doute vrai : Harry avait un véritable charisme que ne possédait pas la poursuiveuse, malgré ses qualités de jeu évidente. Je comprenais pourquoi il avait été frustrant pour Angelina de ne pas avoir son attrapeur sous la main dans les moments les plus importants de l'année – car toute la saison découlait de la composition initiale de l'équipe. Je posai une main sur l'épaule d'Angelina.
-Ça va aller, tu l'as trouvé ton gardien.
-Mais je ne sais pas si j'ai eu raison ... Il a des gestes vraiment maladroits, et son vol n'est pas hyper sûr ... Mais il y a eu d'excellents joueurs dans la famille – Charlie Weasley, pour ne citer que lui – et bon, il n'était pas le pire ...
-Tu sauras si c'est le bon choix le jour du match, lui rappelai-je. Tu verras ...
Ma fin de phrase s'étouffa en un gémissement lorsque Angelina m'écrasa le pied sous son talon.
-Salut Harry !
En effet, maintenant que venions de sortir du stade, je vis distinctement deux silhouettes descendre vers nous, balai sur l'épaule et en tenue de sport. Le premier était un grand dadais aux cheveux roux au long nez et aux grandes mains, et l'autre était plus petit et plus mince. Il fallut la main ferme d'Angelina sur mon bras pour m'empêcher de m'immobiliser au milieu de la voie en reconnaissant Ron Weasley et Harry Potter. Je ne pus m'empêcher de dévisager ce dernier, ce qui expliqua peut-être le regard irrité qu'il m'adressa à travers ses lunettes rondes qu'il semblait avoir rafistolé plusieurs fois. Je détournai aussitôt le visage, les joues enflammées.
-Vous allez prendre la température de l'air avant l'entrainement ? s'enquit Angelina au moment où nous passions à côté d'eux.
Si Ron rentra la tête dans les épaules, l'air intimidé par le regard alerte de sa Capitaine, Harry sembla faire tous les efforts du monde pour se fendre d'un sourire rassurant. Il me faisait l'effet d'un garçon qu'on avait étiré à l'extrême durant l'été, car il me dépassait presque d'une tête tout en restant maigre comme un clou. Sa stature maigrichonne et sa tignasse ébouriffée m'évoquaient quelque peu Simon.
-Oui, vérifier si je n'ai pas été rouillé pendant cet été, affirma Harry en levant son balai.
Qui s'avérait être un Eclair de feu, l'un des meilleurs balais au monde. Je ne pus retenir une exclamation admirative, et Angelina m'adressa un regard moqueur.
-Victoria n'a pas l'occasion de voir un si beau balai, fit-t-elle remarquer avec une œillade moqueuse pour ma Comète.
-Hey ! protestai-je en serrant mon balai contre ma poitrine. C'est la plus belle chose que je n'ai jamais possédée ! Un peu de respect, elle m'a permis de vous battre lors de notre dernière confrontation !
-Vous avez un peu été aidé par les Détraqueurs, non ?
Pour toute réponse, et pour fracasser le spectre de Cédric qui commençait à se solidifier entre nous, j'assénai un coup de manche sur le crâne d'Angelina.
-Fais ta maline, on réglera ça en février.
La jeune fille repoussa mon balai du sien avec un éclat de rire, avant de me prendre fermement par les épaules.
-Harry, Ron, je ne pense pas vous avoir présenté la charmante Capitaine de Poufsouffle !
Je m'empourprai violemment face à la double paire d'yeux qui se riva sur moi, toute deux inquisitrice. Un regard lourd de sens, comme si chacun prenait conscience de ce qu'il y avait derrière le « Capitaine de Poufsouffle ». Le léger sourire de Harry se figea.
-On a dû se croiser sur le terrain ...
-... sans vraiment se voir, achevai-je, la commissure des lèvres relevée. Enchantée.
Je tendis une main à l'attrapeur. Harry hésita un instant avant de la serrer, et j'adressai une nouvelle poignée de main à son ami en retrait.
-Tu es le frère de Fred et George, reconnus-je avec un sourire. On a un problème d'occupation de la cuisine eux et moi.
-Ah, répondit brièvement Ron, les oreilles rougis par l'embarras. Euh, bien ... On se reverra sur le terrain. Tu viens, Harry ?
-Ouais, on y va. (Il sourit à Angelina avec plus d'entrain). J'ai une séance à rattraper.
-Je te remercie bien, marmonna-t-elle en levant les yeux au ciel. Bon courage, les gars.
Harry leva son balai en guise d'au revoir, et ils descendirent tout deux vers le terrain, le vent s'engouffrant dans leurs cheveux et y créant de nouveaux épis. Je passai le mien derrière ma nuque, dans l'alignement de mes épaules et calai mes bras par dessus le manche.
Oui, Harry. Du courage, il va t'en falloir cette année.
***
-Tu aurais dû lui dire que tu le croyais. Ça lui aurait fait du bien.
Susan donna l'ultime coup de ciseau sur son rouleau de parchemin, et la partie qu'elle ne tenait pas flotta jusqu'à la table avec un bruissement d'aile. Mes doigts tapotaient le vernis du plateau de façon nerveuse.
-Tu lui as dit, toi ?
Une moue contrite déforma les lèvres de Susan. Elle étala son parchemin raccourci devant elle et s'arma de sa plume. Nous étions installées à la bibliothèque avec la nouvelle préfète Hannah Abott, qui ne semblait pas s'émouvoir de nos discussions sensibles. Ses longues nattes frôlaient la table alors qu'elle se penchait sur son devoir, la langue pincée entre ses dents.
-Non, admit-t-elle, honteuse. J'avoue que je ne lui ai jamais parlé depuis le début de ma scolarité, alors ça fera bizarre de lui parler que de ... ça.
-Et tu crois qu'à moi, ça ne me ferait pas bizarre ? plaisantai-je de manière aigre-douce. Même au Quidditch on ne fait que se croiser.
-Je lui dirais, lança distraitement Hannah en relevant la tête. On a quelques contacts avec Ernie, et c'est vrai que ça pourrait le rassurer. On lui en a parlé en début d'année, qu'on le croyait.
Un élan d'affection et de respect poussa en moi pour cette gamine aux tresses blondes et au sourire aimable. Elle était la première personne d'extérieur à la famille Bones qui semblait croire au retour de Voldemort à qui je m'adressais. C'était un sentiment agréable de ne pas se sentir seule dans sa vision.
-Tu ferais ça ? s'assura Susan, la plume suspendue au dessus du parchemin. Vraiment ?
-Oui, bien sûr. On va faire comme si c'était mon rôle de préfète, répandre la bonne parole. Oh d'ailleurs, il faut que j'aille voir ton frère, Susan, je devais faire une ronde hier avec Malefoy, et il n'est pas venu, c'est la deuxième fois qu'il rate sa ronde nocturne ...
-Mais quelle idée de l'avoir nommé préfet celui-là, maugréai-je.
Je croisai mes bras sur la pile de volume qu'avait apporté Hannah et posai mon menton sur mon avant-bras, blasée. J'avais vu Emily et Simon s'échiner sur ce planning de ronde, et il y avait un côté rageant à constater que tout leur labeur était gâché par un imbécile de la trempe de Malefoy. Hannah haussa les épaules.
-De toute manière il est là, il va bien falloir faire avec. Susan, tu aurais tes notes d'Histoire de la Magie ? J'ai décroché au dernier cours ...
-Moi aussi, admit-t-elle en tortillant une de ses mèches autour de son doigt. Par Merlin, j'ai tellement mal commencé cette année ... Alors que c'est les BUSEs quand même, je devrais être plus sérieuse ...
-On a tous démarré l'année du mauvais pied, fis-je valoir sombrement.
J'avais d'ailleurs récolté un simple « A » à mon premier devoir de sortilège, ce qui était une sorte d'exploit compte tenu du contexte dans lequel il avait été écrit. Je soupçonnais cependant Flitwick de me trouver des circonstances atténuantes et d'adoucir ces notes, car Emily avait été toute aussi étonnée par son « E ».
-Mais si ça peut vous aider, j'ai mes notes d'Histoire de la Magie de cinquième année dans ma malle, leur proposai-je. Comme on va faire principalement des travaux de recherche cette année alors j'ai tout pris ...
Hannah fut si enthousiasmée par mon offre qu'elle faillit en renverser sa bouteille d'encre qu'elle rattrapa in extremis.
-Tu ferais ça ? Ça sauverait mon année d'Histoire de la magie ! Comme ça je pourrais réviser la Potion pendant le cours de Binns, j'ai tellement peur de ne pas pouvoir valider cette année ...
-Viens les chercher tout à l'heure, vous vous les partagerez ...
-On pourrait faire moitié-moitié, songea Susan avec un grand sourire. Et après on échange nos fiches, on sera plus efficace !
Leur enthousiasme scolaire m'arracha un sourire désabusé, et je les laissai à leur répartition pour aller chercher un manuel de métamorphose. Par Merlin, il faudrait que je prenne exemple sur mes cadettes. Moi aussi j'avais une échéance importante à la fin de l'année, tout les professeurs l'avaient répété à la rentrée : les ASPICs étaient importantes pour notre avenir. Pourtant, durant la première semaine écoulée je n'avais mis aucune bonne volonté dans mes études. Moi qui avait tant été angoissée au moment des BUSEs, qui avait frôlé la panique à chaque examen de chaque année, j'étais à présent indifférente à l'idée du temps qui filait avant l'échéance d'un devoir, aux nombreuses ratures rouges sur mon parchemin, et même complétement détachée face aux examens qui arrivaient à la fin de l'année. Ça me semblait d'une importance si minime par rapport à ce qui se déroulait hors des murs de Poudlard, tout ce que j'ignorais et qui croupissait ... Je me laissai aller contre l'une des étagères, les paupières pressées. Il y avait une vie en dehors de ses murs, une vie que je devais me construire, et Voldemort ou pas j'avais besoin des ASPICs pour y entrer. Il fallait que je me reprenne.
-Bennett, bouge un peu, tu me gâches le passage.
J'ouvris brusquement les yeux au ton de cette voix, et levai un regard déboussolé sur Ulysse Selwyn. Il avait croisé les bras sur sa poitrine, son pied tapant impatiemment le sol et ses yeux bleus et glacés rivés sur moi. D'un geste impatient, il écarta l'une de ses mèches châtain de son visage d'albâtre.
-C'est bon, tu bouges ?
-Selwyn, saluai-je poliment en m'écartant de l'étagère. Je t'en prie.
Pour toute réponse, il leva les yeux au ciel dans un geste somptueusement méprisant et s'avança vers les livres que j'avais laissé libre d'accès. Le cœur battant à tout rompre, et pivotai vers les étagères d'en face et fis mine de lire les titres sur les tranches des grimoires. Après avoir été mon persécuteur durant mes premières années d'études, j'admettais que le zèle du Serpentard à mon égard s'était calmé. Malgré tout, je restai mal à l'aise face au frère du garçon à qui j'avais brûlé la moitié du visage. Un frisson glacé me parcourut l'échine.
« Les temps changent, Victoria. Et les temps qui s'ouvrent ne sont pas réellement propices à des petites Sang-de-Bourbe comme toi. »
L'avertissement de Nestor Selwyn résonna dans ma tête de façon désagréable, et ce fut sans doute mue par ses mots que mes lèvres s'activèrent :
-Passé de bonnes vacances ?
Je lui jetai un regard à la dérobée pour observer sa réaction. Il était dos à moi, le cou étiré par observer les livres sur les étagères supérieur, mais je vis distinctement ses épaules se tendre à ma question. Mais ce fut le seul mouvement qu'il amorça, et il répondit d'un ton sec :
-Je ne pense pas que ça te regarde.
-Un peu quand même, poursuivis-je, appuyant mon front contre la plinthe de l'étagère comme si ça pouvait amoindrir la teneur de mes mots. Vu comment ton frère a parlé sur le quai 9¾ ...
Cette fois, je n'osais pas lancer le moindre regard par dessus mon épaule, et mes doigts se crispèrent sur un volume au hasard. Un silence pesant se suspendit entre nous, flottant entre les étagères tel un spectre lourd qui s'abattait sur mes épaules. Au bout de quelques secondes d'une tension telle que les doigts tremblèrent contre la plinthe, j'entendis le bruit sourd du parchemin qui glissait sur le bois, et le parquet de la bibliothèque gémir sous les pas de Selwyn.
-Si la question est « est-ce que ton frère va me tuer pendant mon sommeil ? », tu peux dormir tranquille, Bennett, cingla froidement Selwyn. Tu ne vaux pas la peine qu'on s'intéresse à toi, et contrairement à ce que tu peux croire, la famille Selwyn n'est pas une famille de tueur.
Sans attendre ma réponse, ni plaidoyer d'avantage, il quitta l'espace entre les deux étagères et disparut sans un mot. Libérée du poids de sa présence, je pivotai pour m'adosser aux planches, à bout de souffle. J'avais toujours été nerveuse en présence d'un Selwyn, mais c'était pire depuis le retour de Voldemort et la brève conversation que j'avais eue avec l'aîné de la famille sur le quai 9¾. Des propos aux notes vengeresses qui m'avait sursauté au moindre bruissement tout l'été. Et je ne savais pas si je pouvais me fier aux dires de son jeune frère. Je tentais de dénouer le vrai, du faux, de l'imaginaire lorsque Miles apparut au détour d'un rayonnage. Il désigna la salle de lecture du pouce.
-Je viens de voir Selwyn sortir d'ici, est-ce que je dois m'inquiéter ?
-Oh Seigneur, lâchai-je en levant les yeux au ciel. Non, imbécile, tout va bien. Tu n'avais pas Soin aux Créatures Magiques ?
-Et toi Etude des moldus ? contre-attaqua Miles avec un sourire en coin.
-Burbage est malade ce matin, je me suis levée pour rien.
En réalité, j'avais pu passer une mâtinée paisible : le premier cours du lundi était une classe de Potion que je ne suivais plus, et ce cours d'Option que j'adorais. J'avais presque été déçue en découvrant la pancarte annonçant l'annulation du cours sur la porte. Miles dressa un sourcil et s'accouda à l'étagère.
-Alors toi aussi tu es coupée du monde depuis ce matin ?
-Pourquoi ? m'enquis-je, perplexe.
Miles haussa les épaules.
-Parce qu'en cours de Soin aux Créatures Magiques, Alicia Spidnett m'a appris, complétement furieuse, qu'Ombrage avait maintenant le droit d'inspecter et de renvoyer les profs.
-Attends, pardon ?
Un lent sourire dépité s'étira sur ses lèvres, et il ouvrit les bras en signe d'impuissance. Je papillonnai stupidement des paupières, sidérée.
-Mais elle n'a pas le droit, protestai-je de manière automatique. Ce n'est qu'une prof, elle ...
-Apparemment depuis ce matin, elle aurait le droit, rétorqua Miles. J'ai essayé d'en demander plus à Alicia, mais Gobe-Planche nous a interrompu, et j'ai passé le reste de l'heure à m'occuper de Licornes ...
-Dure vie, me moquai-je malgré mon trouble.
Le pouvoir d'inspecter les professeurs, me répétai-je, interdite. L'hypothèse que j'avais émise en début d'année sur le fait que le Ministère allait essayer d'arracher Poudlard à Dumbledore grâce à Ombrage me revint en tête et mon sang se figea dans mes veines.
Alors ainsi, ça commençait.
-Mais quel enfoiré.
Les yeux de Miles s'écarquillèrent face à l'insulte. Mais je n'avais pas pu la retenir, elle avait franchi les lèvres sans passer par mon cerveau.
-C'est pas possible, poursuivis-je, la colère enflant en moi à mesure des mots. Poudlard tourne très bien, pas besoin que cette bonne femme qui ne sait même pas nous faire cours inspecte les autres professeurs ! Qu'est-ce qu'elle y connaît à l'enseignement ? C'est une bureaucrate !
-Calme-toi, enfin ! m'enjoignit Miles, visiblement pris au dépourvu. Ce n'est pas surprenant avec tout ce qu'il se passe entre Dumbledore et le Ministère que Fudge veuille avoir un œil sur ce qu'il nous dit ...
-Pas surprenant, certes, mais ça reste scandaleux ! Tu la vois aller dire à McGonagall qu'elle ne sait pas tenir sa classe ?
Malgré le ton furieux sur lequel était prononcé cette phrase, un sourire fendit le visage de Miles et ses yeux pétillèrent d'amusement.
-Mais j'espère bien qu'elle va lui dire. J'ai hâte de voir ce que McGonagall va bien pouvoir lui répondre.
Je poussai un soupir pour expier toute la tension qui s'était épris de moi depuis que j'avais croisé le regard d'Ulysse Selwyn, et fis quelques pas vers Miles pour poser mon front contre son épaule, exténuée malgré l'heure matinale.
-Désolée. Simplement ça me met hors de moi qu'on donne autant de pouvoir à cette femme au sein de l'école alors qu'elle n'en a pas de légitimité ... Alors que notre directeur c'est quand même Dumbledore, bon sang, Fudge est un imbécile.
-Dumbledore est vieillissant, Vic', tenta de m'apaiser Miles en refermant ses bras sur moi. En un sens, je comprends que Fudge veuille avoir l'œil sur lui, même si j'ai des doutes sur les capacités d'Ombrage. L'idée part d'une bonne intention même si elle est mal exécutée ... De même qu'Ombrage a eu raison de coller Potter. Cora est venue me voir paniquée parce qu'elle croyait que Tu-Sais-Qui était revenu ... il n'a pas à effrayer ma sœur comme ça.
Je me figeai totalement dans ses bras, mon pouls battant à mes tempes sous l'effet de la pression. Miles exhala un souffle mortifié dans mes cheveux.
-J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas dire, c'est ça ?
Je ne répondis pas, les bras plaqués le long de mon corps en une position gênante. Les graines de colères que la mort de Cédric avant planté en moi se révoltèrent contre les conclusions de Miles, pourtant je me fis violence pour contrer d'une voix calme :
-Je ne suis pas d'accord avec tout, on va dire, mais ce n'est pas grave. On n'était pas d'accord sur Selwyn non plus.
J'aurais voulu dire cela sur le ton de la plaisanterie, mais même à mes oreilles ça sonnait comme un aveu de fatalité. Les bras de Miles se crispèrent autour de moi, et je sentis son front se poser sur mon crâne.
-Tu veux qu'on en parle ? De tout ça ?
-Non, répondis-je d'une voix résolue. Tu n'étais pas prêt à entendre ce que j'ai à dire, et je suis pas disposée à entendre ce que tu as à dire non plus, alors si on pouvait juste ... éviter d'en parler.
Ce fut au tour de Miles de se murer dans le mutisme. Je sentais sa respiration laborieuse se perdre dans mes boucles et se répandre dans mon cou, et je sentais ses bras m'enserrer de façon incertaine. Je restai immobile, sans bouger d'un iota, figée dans l'incertitude.
-D'accord, céda-t-il finalement. Quand tu voudras qu'on en parle, comme les adultes que nous sommes, tu sais que tu peux venir me parler. Mais s'il te plait, Vic', ne laisse pas les mots de Potter te faire peur, d'accord ?
Je hochai la tête, la nuque raide, et m'écartai pour le gratifier d'un fin sourire. Je me dressai sur la pointe des pieds, et l'embrassai sur la joue. Miles parut se détendre à ce contact, et posa à son tour un baiser sur mon crâne, avant de m'enlacer avec plus de conviction. Je me laissai aller contre lui, le cœur serré.
C'était un véritable dialogue de sourd, constatai-je en me laissant aller contre lui, le cœur serré. Miles refusait d'entendre le retour de Voldemort, pour ne pas effrayer sa petite sœur. Angelina refusait de l'envisager, parce qu'il y avait plus urgent pour elle à gérer que cette menace à peine perceptible. Alors Harry aurait beau hurler, s'époumoner du haut de la Tour d'Astronomie ou face à ses adversaire, son cri ne serait que du vent aux oreilles de ceux qui refuseraient d'écouter. Alors à quoi perdre de l'énergie à s'égosiller ? Autant laisser le temps faire son œuvre. Et hurler le moment venu.
Et crois-moi Miles, le jour où ça arrivera, je te hurlerais aux oreilles si bien que je percerais des tympans.
***
-Non mais je n'y crois pas.
Je fixai le journal où s'étalait la mine de crapaud affreusement satisfait d'Ombrage, abasourdie. Miles avait dit vrai. Elle était nommée « Grande Inquisitrice » de Poudlard, avec le pouvoir s'inspecter les professeurs, et si ces inspections n'étaient pas concluantes, elle pouvait signifier leur renvoi pur et simple sans en référer au directeur. Un véritable contrepoids de pouvoir à Dumbledore. La lutte d'influence entre le Ministère et le directeur s'insinuait à l'intérieur même de l'école.
-« Baisse de niveau à Poudlard », marmonnai-je avant de replier le journal sur sa moitié, excédée.
-Ça c'est de ta faute, Vicky, plaisanta Simon.
Il était assis devant moi, au pied de mon fauteuil et achevai son devoir de potion. Je lui flanquai un coup de journal sur le crâne pour toute réponse.
-C'est tout ce que tu trouves à dire ?
-Oh j'ai plein de truc à dire, tellement que si je m'y mets maintenant, je n'aurais jamais le temps de finir mon devoir.
Acceptant l'argument imparable, je me calai dans le fond de mon fauteuil, les jambes repliées contre ma poitrine. La Salle Commune s'était vidée face à l'heure tardive et ne restait que les retardataires qui copiaient frénétiquement sur leur parchemin, et Mathilda et Erwin qui s'enlaçaient dans un fauteuil à l'autre bout de la salle. Je consultai la belle horloge de fer forgé qui prenait tout un pan du mur. On s'approchait des minuits, et il ne restait plus que nous et le couple dans la pièce. Simon finit par inscrire le point final de son devoir et roula son parchemin avec un soupir de satisfaction. Je me redressai, aux aguets.
-C'est bon, je peux y aller ?
-Oh bon sang ... Allez, feu.
-Est-ce qu'il a vraiment le droit de faire ça ?
Les lèvres de Simon se tordirent et il se hissa sur le sofa à côté de moi avant de poser les jambes sur la table basse où trainaient encore ces affaires.
-Je crois que oui, sinon tout le Magenmagot aurait démissionné. C'était drôle d'ailleurs, tu as vu la petite note concernant les liens entre Griselda Marchebank et les groupes subversifs de gobelin ? A peine a-t-elle dit un mot contre Fudge qu'ils s'arrangent pour qu'elle ait l'air suspecte.
-Ce n'est pas la femme qui t'a fait passer ton épreuve pratique de Sortilège en cinquième année ? Celle qui a dit qu'elle n'avait « rien vu d'aussi extraordinaire depuis des décennies » ?
-Elle-même en personne, mais passons. Ça n'a pas dû se faire sans difficulté, ma tante et ma mère doivent être furieuses, elles n'étaient déjà pas pour la nomination d'Ombrage ... Je suis surpris de ne pas avoir reçu de lettre. Bref, le fait simple que ce soit un décret, et non une loi votée par le Mangenmagot, est significatif. Il a peur du revers qu'il pourrait lui infliger ...
-Miles trouve ça bien, ne pus-je m'empêcher de me plaindre.
Simon m'adressa un regard oblique, les yeux plissés comme s'il me soupçonnait de suivre l'avis de mon petit-ami. Je le détrompai immédiatement en ajoutant :
-Mais il ne voit pas à quel point c'est stupide ... Nous sommes en sécurité ici simplement parce que Dumbledore est le directeur de cet école, qu'est-ce qui se passera si on endigue ses pouvoirs ?
-Avant Dumbledore, ce sont des sortilèges qui protègent l'école. Des sortilèges puissants et anciens. Des sortilèges qui se renforcent avec le temps. Tu savais que les enchanteurs détestent venir à Poudlard ? Ils sentent toutes les vibrations magiques, dans les murs, les tableaux, la protection dont les fibres enchantées sont en suspension dans l'air ...
-Tu la sens, toi ? La tonalité de la magie dont nous a parlé Flitwick ?
Simon eut un sourire fier qui me donna ma réponse. J'aurais été surprise qu'un si bon enchanteur que lui ne soit pas sensible aux vibrations magiques.
-Parfois, quand je me concentre. Il faut que je travaille dessus, cette année. Enfin, quand j'aurais un peu de temps, il faut que je mette la main au collet de Malefoy, Hannah est venu me voir ... Le pire, c'est qu'Emily l'a vu donner une heure de retenue à une fille de Serdaigle qui l'avait bousculée dans le couloir. Je vais finir par aller voir Dumbledore.
-Lance-lui un sort. Ça devrait le calmer.
Simon essuya un petit rire.
-En dernier recours. Malheureusement, la rumeur dit qu'en tant que préfet je dois privilégier la diplomatie.
-Quelle ironie. (Je jetai un bref coup d'œil à l'horloge). Allez, crevette, c'est l'heure d'aller se coucher. Dormons et prie pour que ce soit Rogue qui se fasse examiner demain.
-Je n'ai pas Potion demain, mais qui sait. Sur un malentendu. Bonne nuit.
Mais au moment où je me levai pour m'en retourner vers ma chambre, je remarquai que Simon était resté cloué au sofa, le regard rivé sur les braises mourrantes dans le feu. Je m'immobilisai en plein mouvement, avant de pivoter pour lui faire face, les sourcils froncés.
-Tu vas dormir dans ton lit, j'espère ?
La réponse se lisait sur le visage blafard de Simon, et dans l'étincelle qui venait de s'éteindre dans ses yeux au moment où il avait reçu la question. Lentement, l'agacement monta en moi, balayant la colère et la fatigue.
-Arrête de faire l'enfant, Simon. Tu as entendu Chourave ? Des gosses t'ont vu dormir dans le canapé. Ça ne peut pas continuer.
-Je sais ...
La teinte de la voix de Simon était éraillée, et il avait rentré la tête dans les épaules en un geste de repli. Mais ça ne suffit pas à m'attendrir et j'assénai :
-Simon, Susan s'inquiète. Que tu te crèves à dormir ici, que tu en deviennes un zombie et qu'à cause de ça tu rates ton année et tes ASPICs, c'est ton problème. Mais que tu entraines Susan dans ta chute parce qu'elle s'inquiète énormément pour toi et qu'elle va finir par se ronger les sangs – et à négliger ses BUSEs, là je t'en voudrais. Et toi aussi tu t'en voudras.
Il ne répondit rien, mais je fus satisfaite de le voir baisser honteusement le nez. Quelques mèches folles virent couvrir ses yeux et jeter des ombres lugubres sur son visage. Je m'accroupis devant lui, les bras croisés sur mes genoux. Je tentai de croiser son regard, mais chaque fois que je l'effleurai, il détournait les yeux qu'il riva sur les flammes. Leur éclat orage se mêlait au vert de ses prunelles et les rendait d'onyx, durs et hantés.
-C'est si difficile ? murmurai-je dans un souffle.
-Tu n'imagines pas à quel point ... J'ai essayé, le premier soir, je te jure que j'ai essayé. Mais j'ai cru que j'allais devenir fou à rester allongé dans mon lit ... Dès que je fermais les yeux je voyais Cédric, alors je les ai gardé ouvert, ouvert à me les assécher totalement, à me brûler la cornée ... Mais même comme ça, c'était comme si son visage était dessiné sur les tentures.
-Et moi lorsque j'ai fait mes tours de reconnaissance avant les essais, je tournais la tête toutes les cinq minutes parce que j'étais persuadé qu'il était derrière moi, prêt à me dépasser.
Cette fois, ses yeux glissèrent sur moi et se plantèrent dans les miens, étincelants. J'eus un sourire penaud, et pressai ma joue contre mon avant-bras.
-Ne te fais pas bile, Simon. Evidemment qu'il sera toujours là. Mais ce qu'il y a de plus difficile c'est de s'y confronter. Au moins une fois. Et une autre. Et puis un jour, il finira par s'effacer.
-Ce n'est pas illusoire de croire qu'il va s'effacer ?
-Tu ne le sauras pas si tu n'essaies pas. Tu veux que je vienne avec toi ?
Ma proposition provoqua l'écarquillement des yeux de Simon, et il repoussa l'une des mèches qui lui barrait le front d'un geste impatient.
-Dans ma chambre ?
-Du calme, Bones, je ne parle pas de te chanter une berceuse en te tenant la main, me moquai-je en me redressant. Mais je sais que ça m'a aidé d'avoir Alicia et Angelina avec moi pour faire mes premiers tours à balai, samedi. Alors peut-être que ça te rassurerait de ne pas t'endormir tout seul... Promis, je partirais dès que tu aurais fermé les yeux.
Simon me considéra longuement sans rien dire, impassible. La lueur rougeâtre que les flammes jetaient sur son visage effaçait ses tâches de rousseurs. Je tentai de soutenir son regard sombre, mais j'avouai que c'était loin d'être facile. J'avais rarement vu les yeux de Simon exprimait si peu de chose, et à la fois tant d'émotions. Un voile humide lui couvrait la cornée, mais j'ignorais si elle était due à la conversation ou à la fatigue. Il finit par arracher son regard au mien pour le baisser sur le sol, résigné.
-Bien. On y va.
J'exhalai un petit soupir soulagé, et m'appuyai sur mes genoux pour me redresser, avant de lui tendre la main. Il la considérait quelques secondes avant de la saisir et de se dresser sur ses pieds. Simon me suivit mollement jusque sa chambre, et il s'immobilisa sur le seuil lorsque j'ouvris la porte du dortoir, et je dus exercer une nouvelle pression sur sa main pour le faire avancer. Malgré ma bonne volonté, mes entrailles se nouèrent lorsque mon regard parcourut la pièce éclairée par un rayon de lune, et les braises rougeoyantes du poêle de la chambre. Ça me faisait un drôle d'effet de voir trois lits dans cette pièce qui en avait compté quatre, et je compris en un éclair ce qui dérangeait Simon chaque fois qu'il se retrouvait face à l'espace vide qui avait un jour accueilli le lit de Cédric. On l'avait effacé. Alors l'esprit de Simon matérialiser à nouveau notre ami, comme s'il ne pouvait accepté ce vide qui avait été crée. Je pressai mes paupières pour reprendre le fil de mes pensées.
Il ne fallait pas que je tombe dans ces réflexions.
-Viens, soufflai-je pour ne pas réveiller les deux garçons qui dormaient sans doute. C'est celui là ton lit ?
Simon hocha la tête d'un mouvement raide. Ses yeux fouillaient la pièce sans s'arrêter sur le moindre détail, et je finis par le pousser dans sa salle de bain pour qu'il se change.
-Je t'attends, mais il est hors de question que tu dormes en uniforme – ni que je t'accompagne pour te changer.
Je fus satisfaite de voir un bref sourire passer sur les lèvres de Simon, et il attrapa son pyjama pour s'engouffrer dans sa salle de bain. Je grimpai sur son lit, et refermai les rideaux sur l'espace jusqu'à ce que Simon revienne. Il se glissa dans ses draps sans un mot, et ramena sa couverture sous son menton, aussi raide qu'un piquet. Je m'assis sur le bord du lit, adossée au mur, la tête posée contre le pilier, et voulus refermer les rideaux sur nous mais Simon m'interrompit :
-Non, laisse, je dors les rideaux ouverts.
Je haussai les sourcils mais lâchai le tissu de velours. J'avouai les tirer chaque nuit : ce lit refermé dans les rideaux était notre seul espace de pure intimité dans cette école. Malgré tout, ceux qui drapaient les fenêtres de la chambre suffisaient amplement à l'obscurité : aucun trait de lumière ne filtrait, si bien que je ne pouvais distinguer l'expression de son visage. Cela dit, il la traduisit bien en lâchant :
-C'est bizarre.
-D'accord, cédai-je en laissant aller ma tête contre le pilier de bois. J'accepte la berceuse.
Le léger ricanement de Simon fit trembler l'air autour de nous, et le froissement des draps m'indiqua qu'il changeait de position.
-Et si je mets des heures à m'endormir ?
-Alors je resterais là des heures, soupirai-je. Evite moi cette peine, et essaie de dormir. Sinon je t'obligerais à m'apporter mon petit-déjeuner demain matin. Beaucoup de miel dans le chocolat chaud, s'il te plait. Et tu prendras mes notes de cours de la matinée.
-On a Ombrage, tu n'aurais qu'à lire le chapitre ... 3, 4 ? J'ai perdu le compte.
-4. C'est insupportable, j'ai l'impression de perdre mon temps.
-Je t'ai déjà dit que je t'aiderais pour tout ce qui est maléfice. Et les autres cours, ça va ?
-Simon ? Dors.
-D'accord, d'accord ...
Je le sentis ramener sa couette contre lui, et se mettre en position fœtale, le visage tourné vers moi. Je restai immobile, à examiner sa respiration, lourde et laborieuse de celui qui luttait, à fixer l'obscurité devant moi en tentant d'extraire Cédric de mon esprit.
-Merci, Vicky.
Mon regard tomba sur la masse informe que formait Simon, et un de mes sourcils se dressa, perplexe. Il me semblait qu'il s'était un peu plus replié sur lui-même et la voix était étouffée par sa couette, comme s'il y avait enfouis son visage.
-Pardon ?
-Ça va, ne m'oblige pas à répéter. Juste ... merci. Et désolé.
Sa bouche devait être collée aux draps tant sa voix était assourdie, à peine perceptible, rendue rauque par l'émotion. Je ne sus l'expliquer, mais la teinte de sa voix et tout ce que ces simples mots véhiculaient firent vaciller quelque chose en moi, et je repliai mes jambes contre moi, troublée. Sans l'avoir décidée, ma main s'avança à tâtons dans l'obscurité jusqu'à heurter son visage. Je sentis Simon se tendre d'avantage à mon contact, et ce fut donc avec d'infinie précaution que les doigts remontèrent jusque dans ses épis d'une douceur que je n'avais jamais soupçonnée pour les caresser doucement. Au bout de quelques secondes, il parut s'apaiser : sa respiration se fit plus profonde, plus régulière, et il inclina doucement la tête comme pour s'abandonner à ma caresse. Un étau compressa ma gorge.
-Ce n'est rien, Simon. Contente-toi de dormir, d'accord ?
-D'accord, murmura-t-il d'un ton plus tranquille. Bonne nuit ... minus.
-Minus toi-même.
Un dernier éclat de rire secoua la poitrine de Simon avant que le silence ne tombe dans le lit, et l'espace fut vidée de son comme il l'était de lumière. Seule subsistait son souffle qui m'effleurait la main, chaud et régulier, alors que mes doigts jouaient toujours avec ses mèches soyeuses. Combien de temps il fallut pour que je sois certaine qu'il dorme, je n'en avais aucune idée. Toujours était-il que lorsque j'en eus la certitude que Simon s'était assoupis, au moment où il détourna le visage et roula sur l'autre côté, je me laissai glisser dans ses draps, épuisée, et je sombrai une fois que ma joue eût touchée l'oreiller.
Ce fut ainsi que je passai ma première nuit avec Simon Bones.
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