II - Chapitre 22 : Le grand chambardement
BONJOUR A TOUS
LA FIN DU CONFINEMENT ARRIIIIIIVE je sais que nous sommes toutes et tous excités à l'idée de retrouver notre liberté de mouvement. Allez, comme ça, quelle est la première chose que vous allez faire lundi et que vous n'auriez pas pu faire depuis plus d'un mois?
Mais bon, la fin du confinement sonne la fin des un chapitre par semaine : je reprends à partir de maintenant mon rythme normal, donc vous aurez le chapitre 23 dans deux semaines !
CONCERNANT CE CHAPITRE bien, pas grand-chose à dire dans les faits, vous le découvrirez de vous-même et le titre vous donne déjà un gros indice sur son contenu. BONNE LECTURE !
Chapitre 22 : Le grand chambardement.
Dumbledore nous avait prévenu : c'était une simple faille. Le décret d'éducation numéro vingt-trois instaurant le poste de Grande Inquisitrice ne lui donnait pas le pouvoir d'exclure Trelawney du château et le numéro vingt-deux ne l'autorisait à trouver un professeur que si l'actuel directeur se trouvait impuissant. Dumbledore l'avait devancé sur les deux plans : bien que destituée de ses fonctions, Trelawney restait à Poudlard et il avait depuis longtemps anticipé son renvoi en négociant avec un centaure pour qu'il prenne le poste de professeur de divination – d'où sa hâte de se rendre dans la forêt. La tête d'Ombrage lorsqu'elle avait vu la créature avait été mémorable, m'avait raconté Emily en revenant dans la Salle Commune, extatique. Peu importe qu'elle continue de se voiler la face, nous étions à présent tous unis dans la haine contre cette femme de fer et de rose. Et l'action de Dumbledore nous donnait à tous de l'espoir. Poussé par l'ambiance générale, Simon revint définitivement en cours, même, à la plus grande contrariété d'Ombrage, en Défense contre les Forces du Mal. Nous faisions discrètement nos traductions de runes qui maintenait Simon assez occupé pour oublier le crapaud qui nous fixait toujours les yeux plissés. Je sentais bien que dans notre année, il était son principal souci avec Renata, qui ne manquait jamais une remarque toujours sur la limite de la patience de la professeure. Mais ni l'un, ni l'autre ne lui donnait l'occasion de les punir et en ça j'étais ravie. Le printemps était réellement la saison des espoirs.
Cependant, l'espoir et la révolte était atténué par la pression des cours qui se faisaient de plus en plus pesantes. Les ASPICs se rapprochaient : j'avais tellement été noyée sous mes problèmes que j'en avais oublié que j'avais une échéance importante en juin et je passai une grande partie du mois de mars à rattraper mon retard et cravacher sur notre projet avec Octavia. Nous avions utilisé mon devoir de l'an dernier pour la partie où le Secret International Magique avait été mis à mal qu'Octavia avait enrichi avec des exemples de la guerre contre Voldemort, bien plus documentés et mieux exploités que les miens. Je me surprenais à apprécier la finesse d'esprit de la Serdaigle, bien plus douce à mon égard depuis qu'elle avait reconnu le retour de Voldemort et qu'elle m'avait aidé pour Simon. J'avais passé sa connaissance sous silence, de peur de troubler ce dernier. Malgré mes nombreuses tentatives et bien qu'apaisé ces derniers temps, à la fois par l'article de Harry et par les actes de Dumbledore, il refusait de discuter de ses parents biologiques et de ses intentions au sortir de l'école.
-Tu sais, je ne suis pas sûre qu'il aille directement se venger de Jugson en sortant de Poudlard, fit valoir Octavia alors que je la raccompagnais, nos livres pleins les bras, vers la Tour de Serdaigle. Simon n'est pas idiot, il ne prendrait pas le risque de te découvrir toi, je pense.
Je dressai un sourcil en rajustant les lourds volumes sur les bras. Nous aurions aimé les faire léviter, mais depuis quelques jours, enragée par la décision de Dumbledore de passer par-dessus elle pour Trelawney, Ombrage s'était vengée sur nous en resserrant la vis sur la question de l'usage de la magie dans le couloir, sans doute la règle la moins appliquée de l'histoire de l'école. Trois personnes s'étaient retrouvées en retenue pour l'avoir transgressée et personne à présent n'ignorait la barbarie des retenues d'Ombrage.
-Je ne suis pas sûre que je pèse lourd face à ça ... Il continue de faire des cauchemars et si personne ne fait rien, il va vouloir le faire lui-même.
-Je ne sais pas, murmura Octavia avec lenteur. Tu sais, l'année dernière, quand tu t'es retrouvée le nez cassé ? Je sais qu'il se moquait de toi, mais il était vraiment furieux, il n'arrêtait pas de rager. D'ailleurs ça m'a agacé, on s'est disputé ... Bref. S'il a eu cette réaction pour un nez cassé, imagine si quelqu'un s'en prend réellement à toi ...
Je baissai les yeux, intimidé par le regard entendu qu'Octavia lorgnait sur moi. Quelque part dans ses prunelles veloutées, je sentais qu'un peu à la manière de Cho avec Cédric, elle avait été jalouse de la relation que j'entretenais avec Simon. Ce qui était surprenant, puisqu'elle était sortie avec lui à un moment où on ne pouvait pas passer dix minutes ensemble sans se mettre à se crier dessus.
Seigneur, que devait donc penser Miles, au fond de lui ? Et comment réagirait-t-il s'il savait tout ?
-Il me gâche la vie, maugréai-je, presque contre mon gré.
-Oui et c'est d'ailleurs pour ça qu'il y est toujours, ironisa Octavia avec un sourire mutin. Ne te fais aucune illusion, Bennett, partis comme vous êtes, vous mourrez ensemble. J'espère que Bletchley est préparé.
-Je ne passerais peut-être pas toute ma vie avec Miles, protestai-je faiblement, embarrassé.
Octavia me jeta un regard circonspect, avant de lâcher un profond soupir.
-Parfois, j'oublie que tu ne sais pas grand-chose des coutumes sorcières. Mais euh ... Chez nous, ça va assez vite, méfie-toi. Beaucoup de sorcier se marient avec la personne qu'ils fréquentent à Poudlard. Mais ce ne serait peut-être pas votre cas, ajouta-t-elle précipitamment en me voyant blêmir. Simplement, si votre histoire continue, il faudra être clair là-dessus et ... (elle leva les yeux au ciel avec exaspération) comment on en est arrivée à en parler de ça ?
Elle s'immobilisa devant la gargouille d'aigle qui dissimulait sa Salle Commune. Je déversai ma charge sur la sienne et elle disparut sous les livres, si bien que la gargouille l'entendit à peine lorsqu'elle donna la réponse à l'énigme. Réprimant mon rire pour ne pas m'attirer ses foudres alors qu'elle avançait à l'aveugle, je repris mon chemin en sens inverse, assez embarrassée par ce qu'elle m'avait dit. A part les Bones, qui semblaient effectivement s'être mariés et avoir eu Caroline jeunes, je n'avais pas d'exemple d'autres de famille de sorcier pour affirmer les dires d'Octavia. J'étais encore dans le flou concernant mon avenir, mais ce dont j'étais certaine, c'était que je souhaitais rentrer enfin à Terre-en-Landes et profiter de ma famille qui ne m'avait que trop manqué durant les années d'internat. Je ne voulais pas quitter mon village dans l'immédiat et donc encore moins prendre mon indépendance, et pour la suite – je sentis mes joues rougir – et au plus grand désarroi de mon père, je n'étais pas certaine d'avoir une appétence pour le mariage. Mes années à Poudlard et l'influence d'Alexandre avaient ruinés l'éducation prodigués par mes parents sur le couple. J'avais la représentation du mariage comme d'un acte qui était avant tout religieux et j'avais cessé depuis longtemps de croire en Dieu. Alors à quoi bon jurer fidélité éternelle devant lui ? Et quand bien même discussion il devrait y avoir dessus, j'espérais attendre longtemps. La sortie de Poudlard, c'était une réalité trop proche pour y songer, beaucoup trop proche et déjà noyée sous les urgences. Dans le but de me calmer, je me dirigeais aux toilettes pour me passer de l'eau sur le visage. J'étais en train de l'éponger avec un mouchoir quand j'entendis des pas précipités venant de l'extérieur. Un instant plus tard, la porte s'ouvrait à la volée et l'espace s'emplit d'une respiration saccadée. Je m'écartai du lavabo pour faire apparaitre dans mon champ de vision Cho Chang, écroulée contre la porte, cherchant désespérément son souffle avec une main sur la poitrine, comme si ça pouvait la retenir de s'élever et se rabaisser à un rythme affolant.
-Cho ? m'inquiétai-je en m'approchant. Ça va ?
Elle sursauta à mon approche comme un oiseau apeuré. Je ne lui avais pas adressé le moindre mot depuis sa crise de larme devant la gargouille des Serdaigle et je n'avais pas d'autre nouvelle que celle de son rendez-vous raté avec Harry et celles de Roger qui disaient, enthousiaste, que son vol s'était amélioré.
-Mon dieu, Victoria, s'affola-t-elle, la main crispée sur son pull. Tu m'as foutue une frousse ...
-Qu'est-ce qui se passe ? Tu as l'air d'avoir couru un marathon ...
La perplexité de son regard fut gâché par l'affolement qui y brillait.
-Je ... je ...
Mais avant qu'elle ne puisse finir sa phrase, la porte s'ouvrit de nouveau avec violence et alla se fracasser contre le mur. Dans l'encadrement se tenait une fille grande et disgracieuse aux épaules carrées qui pointa sa baguette droit sur nous. Je me collai d'un bond contre le lavabo et Cho suivit mon mouvement. Sa cravate aux couleurs vertes et argents la situait chez les Serpentard et son air de sérieux malfaisant ne m'inspirait rien.
-Baisse ça ! glapis-je en sortant la mienne. Mais enfin, qu'est-ce qui te prend ?!
-Le professeur Ombrage nous a demandé de vérifier s'il n'avait personne d'essoufflé dans les toilettes ! rétorqua la fille, la baguette frémissante.
Des étincelles en jaillissait, arrachant un couinement à Cho. Avant même d'essayer de comprendre ce qu'elle me disait, je fis un geste sec de la mienne et désarmai la fille sans un mot. J'attrapai souplement sa baguette de ma main libre, sous ses yeux outrés. Elle voulut s'avancer vers moi, menaçante.
-Espèce de ...
-Essaie un peu, la coupai-je en brandissant ma baguette. Je n'apprécie pas qu'on me menace sans raison, alors explique-toi !
-Je n'ai rien à t'expliquer ! Je fais ce qu'on me demande et cette fille (elle pointa Cho du doigt, qui cherchait désespérément son souffle) semble avoir couru, alors je vais immédiatement prévenir ...
Je n'eus qu'un quart de seconde pour réfléchir. C'était une affaire qui concernait Ombrage et Cho paraissait effrayée en regardant la fille qui pivotait vers la porte. L'image de la main ensanglantée de Lee Jordan me fit prendre une décision :
-Elle est essoufflée parce qu'elle pleurait, espèce d'idiote ! Tu es contente ?
La fille s'immobilisa net face à mon mensonge. J'ignorai le regard que Cho posa sur moi, entre surprise et vexation. Ce n'était pas un secret que l'attrapeuse de Serdaigle avait passé une partie de son année à pleurer la mort de Cédric – y compris pendant son rendez-vous galant ...
-On parlait de Cédric, poursuivis-je sèchement. Maintenant va raconter ça au professeur Ombrage et dis-moi quelle tête elle fera.
Sans attendre, je lui lançai brusquement sa baguette. Elle ne sut la rattraper et pendant qu'elle courait après la tige de bois qui roulait à terre, je pris fermement Cho par le bras et la fit sortir des toilettes. La fille ne nous suivit pas, constatai-je avec soulagement après m'être plusieurs fois retournée. Cho marchait en silence mais je sentais bien ses regards à la dérobée, à mi-chemin entre l'admiration et la gêne. Moi-même je n'en revenais pas d'avoir pris si vite les choses en main, mais j'avais toujours eu un excellent instinct pour me guider.
-Merci, finit-t-elle par lâcher.
-J'espère pour toi qu'ils ne découvriront jamais que j'ai menti, sinon je suis dans de beaux draps. Qu'est-ce qui se passe avec Ombrage ?
Cho ne répondit pas immédiatement, mais je serrais son bras pour l'inciter à se délier la langue. Elle grimaça.
-Ce serait compliqué à expliquer, c'est juste ... (elle s'immobilisa, avant de me prendre brusquement les épaules). Il faut que tu retournes à ta Salle Commune !
-Quoi ?
-Susan Bones, c'est la sœur de Simon, non ? Une rousse, souvent avec des nattes ? Elle était avec moi !
Mon sang ne fit qu'un tour. Je n'arrivais pas totalement à décrypter ce qui se passait, mais si ça impliquait Susan, une course poursuite et Ombrage, ça ne pouvait qu'être une mauvaise chose. Je hochai la tête et abandonnai là Cho pour dévaler au pas de course tous les étages. Je crus que mon cœur allait éclater lorsque j'arrivais devant les tonneaux et mes doigts fébriles faisait trembler ma baguette alors que je l'appliquai sur chaque couvercle stratégique.
-Susan est là ? demandai-je à la volée une fois entrée.
Par manque de chance, le premier regard qui se planta sur moi fut aussi vert que ceux de la fille que je cherchai. Simon bondit du fauteuil sur lequel il travaillait et se précipita vers moi, l'air inquiet de me voir si affolée – et surtout que mon affolement concerne sa sœur.
-Qu'est-ce qui se passe ? Susan est rentrée il y a dix minutes, mais elle est allée directement dans sa chambre ...
Je n'attendis pas la suite pour m'engouffrer dans le couloir qui menaient aux chambres des filles, Simon sur mes talons. Je tambourinai le panneau rond de bois chaud de coup de poings. J'arrivais à entendre l'agitation qui régnait de l'autre côté du battant.
-Susie, c'est moi, ouvre !
Il y eut un instant de flottement où l'agitation cessa, remplacée par quelques éclats de voix qui fusèrent avant que la porte ne s'entrebâille pour laisser apparaître l'œil vert de Susan. Constatant avec soulagement que c'était bien moi, elle ouvrit plus franchement pour nous laisser passer et Simon et moi nous glissâmes dans la pièce. Je me stoppai net en remarquant la troupe qui s'était entassée dans la chambre : Hannah Abbot, Ernie McMillan, Justin Flinch-Fletchley et Zacharias Smith s'arrêtèrent net en nous voyant entrer. La préfète avait les larmes aux yeux, et Ernie soufflait comme un bœuf à côté d'elle, le visage rougi par l'effort.
-Par Merlin, qu'est-ce qui se passe ici ? lâcha Simon, abasourdi.
-On est désolé, s'excusa immédiatement Hannah.
-On voulait juste apprendre ...
-On ne pensait pas à mal, on est vraiment désolé Simon ...
-Tu vas nous aider, hein ?
Simon et moi échangeâmes un regard perplexe avant de le baisser sur Susan. Elle s'était plaquée contre la porte comme si elle avait espéré s'y fondre, les yeux baissés sur ses chaussures. Perplexe, je me tournai vers Hannah, qui se tordait les mains à n'en plus finir.
-Personne n'aidera personne tant qu'on ne saura pas. Qu'est-ce qui se passe ?
Hannah me jeta un regard furtif avait de le baisser sur ses mains. L'insigne de préfète sur sa poitrine semblait avoir terni.
-Bien ... il se pourrait ... qu'on fasse parti d'un club illégal de défense contre les forces du mal ...
-Hannah ! s'étrangla Ernie en plaquant une main contre sa poitrine. On n'est pas censé en parler !
-Tu as vu ce qui s'était passé, McMillan ? rétorqua âprement Smith. L'A.D., c'est fini !
Les autres baissèrent tristement et honteusement la tête. Hannah essuya une larme qui avait roulé sur sa joue et Susan avait serré les poings, si fort que ses jointures avaient blanchies. Il me semblait qu'elle fuyait nettement le regard de Simon. Laissant le frère et la sœur à leur confrontation silencieuse, je me tournai de nouveau vers Hannah, un sourcil dressé.
-Un groupe illégal de Défense contre les Forces du Mal ?
-C'est ça, céda-t-elle en faisant couler une natte entre ses doigts. On ... C'est Hermione Granger qui nous a proposé ça en début d'année et ... On avait peur, Vic' : Ombrage ne nous faisait pas cours et avec ce qui se tramait dehors ... On avait besoin d'apprendre à se défendre, alors Harry nous a donné des cours toute l'année.
-Potter ? vérifia Simon.
Tous acquiescèrent et Simon poussa un grognement. Il lorgnait toujours Susan du coin de l'œil, mais paraissait véritablement interdit parce qu'il découvrait. Je trouvais qu'il n'y avait aucune surprise à ce que des gamins perdus se soient tournés vers Harry, qui avait dû acquérir une certaine expérience de ses aventures et qu'ils aient cherché à combler les manques béants de l'enseignement d'Ombrage, mais je sentis mes yeux s'écarquiller lorsqu'Hannah m'expliqua qu'ils se réunissaient – une vingtaine d'élève – depuis le mois de novembre dans une salle secrète du château pour que Harry leur enseigne des sorts de défenses. Un si gros groupe, resté caché si longtemps et violant le règlement sous le nez d'Ombrage ... Je les dévisageai tous : Smith qui n'était pas connu pour son courage, Ernie et son amour de la grandiloquence, Justin qui blêmissait de minute en minute, la douce Hannah et enfin ma petite Susan. Sauf elle, aucun n'avait l'ébauche d'insurgés. Et encore, Susan était raisonnable : jamais elle n'aurait risqué de mettre sa famille en porte-à-faux en s'opposant ainsi aux directives d'Ombrage.
-On pense qu'elle a eu vent de l'idée au départ, poursuivait Hannah d'une voix qui tremblait. Parce que le lendemain de notre première réunion elle a fait passer le décret sur les groupes de plus de trois personnes ...
-Non mais je rêve, lâchai-je, abasourdie. C'est à cause de ça que j'ai failli perdre mon équipe de Quidditch ?
-Vicky, je pense qu'il y a plus urgent que le Quidditch ! m'admonesta vertement Simon. Qu'est-ce qui s'est passé ? Elle vous a découvert ?
Le ton était si sec que tous se recroquevillèrent et je jetai à Simon un regard d'avertissement. Préfet-en-chef ou non, ces agissements de ces derniers temps le plaçaient très mal pour leur faire la morale.
-C'est un elfe de maison qui a prévenu Harry, confirma Hannah dans un filet de voix. Alors on s'est tout de suite enfui, je ne ... je ne crois pas qu'elle nous ait vu ... elle n'a pas eu le temps ...
Les épaules de Simon se détendirent imperceptiblement et il coula un nouveau regard sur Susan. Justin se prit la tête entre les mains, désespéré.
-Mais imagine qu'elle nous ait vu ? On va tous se faire renvoyer !
-Si on charge Potter, en s'en sortira peut-être, songea Smith en se frottant la mâchoire.
-Non seulement c'est lâche, mais en plus ça ne marchera pas, rétorqua Ernie, alarmé. Elle en profitera pour frapper un grand coup, c'est sûr ! Avant même d'avoir passé nos BUSEs, c'est une catastrophe !
-Je doute que les BUSEs soient la priorité également, cingla Simon, sans l'ombre d'un sourire. Si vous êtes partis assez vite de la salle, vous serez sans doute passé inaperçu. Alors tant qu'Ombrage ne vient pas vous voir avec la preuve que vous avez fait parti de ce club, vous n'en avez pas fait parti, j'ai été clair ? C'est la seule chose qu'on puisse faire pour limiter les dégâts.
-Et fini les réunions, enchéris-je, passant outre ma surprise de voir Simon faire preuve d'autant d'autorité. Elle vous a découvert une fois, elle vous découvrira encore : les vacances sont proches et la fin d'année encore plus, ne prenez pas ce risque.
Ils échangèrent tous des regards honteux, sauf Smith, qui battait du pied dans son coin, l'air bougon et Susan qui continuait de fixer le sol. Hannah fut la seule qui songea à protester :
-Mais ... S'il y en a qui se sont fait prendre ... On ... on ne peut pas les laisser seuls ...
Douce et naïve Hannah. Elle ne songeait pas un instant que les élèves qu'avaient pu identifier Ombrage pourrait la dénoncer : elle pensait avant tout à ne pas les laisser endosser toute la responsabilité du groupe.
-A toi de voir si tu veux prendre ce risque, évaluai-je avec un pincement au cœur. Tu peux te dénoncer, mais ... Je ne sais pas ce qui adviendra par la suite. Le plus sûr, c'est de faire comme Simon l'a dit : faites profile-bas.
-Et si on nous dénonce ? rétorqua plus pragmatiquement Smith. Si Ombrage a su, c'est que quelqu'un lui en a parlé et cette personne va forcément donner nos noms à un moment ou à un autre !
-Ce sera votre parole contre la sienne, répondit Simon, l'air néanmoins inquiet par la perspective. Normalement, elle n'aura pas le droit de vous renvoyer sans réelle preuve. Ou en tout cas, je vous jure qu'on ne la laissera pas faire.
Mais c'était tout l'avantage d'un dictateur d'édicter ses propres règles, songeai-je avec un certain malaise. Ombrage serait bien capable de renvoyer tout le groupe sans autre base qu'un soupçon ... Malgré tout, la promesse d'avoir le soutien de Simon parurent les apaiser. Comprenant qu'il n'y avait rien à ajouter, celui-ci hocha longuement la tête avant de se passer la main sur son visage, l'air las.
-Bien ... Maintenant qu'on est d'accord sur ça ... (Il étendit le bras et pointa la porte). Tout le monde dehors, il faut que je parle avec ma sœur.
Susan se fendit de son premier mouvement en levant les yeux au ciel avant de me jeter un regard suppliant que Simon capta car il ajouta, la mine contrariée :
-Bon, d'accord, Vicky peut rester.
-En voilà une surprise, ricana Smith en s'arrachant du lit sur lequel il était avachi. Bon courage, Bones.
Mais avant qu'il ne puisse passer la porte, Simon lui faucha le bras et darda sur lui un regard dans lequel je lisais tous les sortilèges qu'il rêvait de lui lancer.
-Et personne ne chargera Harry. Contente-toi de la boucler, Smith, tu sauras faire ça ? Sinon je suis certain que Victoria ne verra pas d'objection à ce que je la prive de ta charmante présence pendant quelques semaines. Le Quidditch attendra.
J'appuyais d'un bref hochement de tête. Dans un autre contexte, ça aurait pu être jouissif de voir le poursuiveur déglutir et baisser les yeux, intimidé. Sans attendre son reste, il s'engouffra dans le couloir et les autres suivirent le pas, remerciant Simon à voix basse et jetant des regards à la dérobée à Susan. La porte se referma sur Hannah, qui paraissait la plus réticente à laisser son amie, mais le battant claqua quand même comme une sentence. Susan n'attendit pas un instant de plus pour vriller un regard farouche sur son frère. Malgré les cris qui se profilaient, je ne pus retenir un sourire. Ils n'étaient peut-être pas frère et sœur biologiques, mais indéniablement, le même sang coulait dans leurs veines.
-Vas-y, marmonna Susan en croisant les bras sur sa poitrine. Fais-toi plaisir.
Les poings de Simon se serrèrent et je vis un muscle tressauter sur le bas de sa joue alors que sa mâchoire se contractait. Comme Susan une seconde plus tôt, je me fondis dans les plis de rideau dans l'espoir d'y devenir invisible et de ne me prendre aucun éclat quand ça exploserait.
-Par les chaussettes de Merlin ... Tu me tannes depuis le début de l'année pour que je garde mon calme, que je ne fasse pas de vague, surtout je t'en supplie, Sim', ne t'énerve pas contre Ombrage, ne fais pas de vague, tante Amy te l'a demandé ... Pour que toi tu entres derrières dans un groupe illégal qui ne manquerait pas de nous attirer les foudres d'Ombrage ? Bon Dieu, Susie !
Susan tressaillit face à l'éclat de son frère, mais ne détourna pas le regard. A se tenir droite et fière ainsi, elle m'évoqua sa mère lorsqu'ils étaient revenus de France et qu'elle faisait face aux protestations de son mari et de sa belle-sœur, le soir de l'anniversaire de Simon. Celui-ci se passa une main dans les cheveux, contemplant sa sœur comme s'il la découvrait.
-Tout ça pour des cours de Défense contre les Forces du Mal ... Ce n'est pas comme si je n'avais pas pu t'aider, pourquoi tu n'es pas venue me demander au lieu d'aller chercher Potter ?!
-Parce que tu avais le temps pour moi ?
Le ton amer de Susan me brisa le cœur et Simon parut sonné par la réplique. Cela parut donner du courage à sa sœur, qui poursuivit, la voix vibrante d'émotion contenue :
-Tu étais tellement occupé, entre des devoirs de préfet-en-chef, les ASPICs, tes disputes avec Emily ... Et je comprenais, ajouta-t-elle alors que Simon ouvrait la bouche pour protester. Mais tu étais déjà épuisé, Simon, dès le début de l'année ! Je ne voulais pas t'embêter davantage alors quand Hannah est venue me voir en disant qu'Hermione proposait qu'on prenne des cours par nous-même, j'ai accepté. En plus j'étais heureuse qu'elle me le propose, ça me permettait de ...
La voix de Susan se mourut, mais je n'eus aucun mal à compléter sa phrase. Ça lui permettait de se détacher de nous. De se faire des amis en dehors de ceux de son frère. Susan avait toujours été solitaire dans son dortoir, plus proche de nous que de ses camarades mais ce n'était maintenant que je réalisais à quel point ça avait dû lui peser. Elle se mâchouilla la lèvre, l'air indécise, avant de continuer :
-J'ai même un instant songé à t'en parler, mais quand je suis allée à la réunion, je me suis dit que c'était du suicide. Si tu entrais dans un groupe comme ça, tu te plongeais jusqu'au cou dans la résistance à Ombrage, au Ministère. C'était juste au moment où tu commençais à te calmer, où on pouvait parler de Tu-Sais-Qui sans que tu ne sortes de tes gongs, et je ne voulais pas raviver la flamme. Je voulais l'étouffer. Parce que contrairement à moi, Simon, si tu étais entré dans l'A.D., ça ne t'aurait pas suffi : ça t'aurait donné des ailes et Dieu sait ce qu'il se serait passé !
Je savais que tout ce qu'assénait Susan avec autant de véhémence était vrai. Simon ne connaissait pas la demi-mesure, mais cela n'expliquait pas tout. Je me trémoussai d'un pied à l'autre, mal à l'aise, avant de me résoudre à soupirer :
-Mais tu n'as pas répondu à la question de Simon, Susie. Il a raison, c'est ... un peu hypocrite ce que tu as fait – entrer dans un groupe illégal tout en exigeant de Simon qu'il fasse profil-bas. Et ça ... n'explique pas pourquoi tu n'es pas venue m'en parler à moi.
Les yeux de Susan s'écarquillèrent et je sentis sa détermination vaciller comme la flamme d'une bougie. Simon m'adressa un regard reconnaissant avant d'à nouveau le planter sur sa sœur avec un triomphe que je trouvais exagéré. Agacée, je pris le premier coussin que je trouvais pour lui lancer à la figure et effacer cet air affreusement satisfait dans son regard.
-Aïe !
-Redescends, Bones, tu es extrêmement mal placé pour lui faire des reproches. Ça fait des semaines que tu as presque abandonné tes devoirs de Préfet-en-chef, que tu sèches les cours, et que tu es un fantôme et pourtant tu écrasais ta petite sœur ! Rien que pour décharger Susie de ça, je suis heureuse d'être allée fouiner dans les journaux !
Simon pâlit et je m'en voulus d'avoir si vertement évoqué cette partie de lui qui peinait encore à sortir. Comme si elle ne pouvait pas s'en empêcher, Susan lui jeta un regard inquiet, avant de paradoxalement enfoncer le clou en chuchotant :
-Je t'avais prévenu de lui en parler plus tôt.
-Non mais c'est quoi, ça ? se défendit Simon, l'air de se replier sur lui-même. C'est elle qui a ...
-Je ne dis pas le contraire, l'interrompis-je sèchement. Elle a fait une connerie. Mais toi aussi et je ne t'ai toujours pas arraché les yeux. Et en plus elle a été d'une patience absolument infinie avec toi alors je pense que tu peux passer sur la seule erreur qu'elle ait faite dans sa vie, Simon.
Les yeux de Simon roulèrent dans leurs orbites mais il se mura dans un silence bougon qui sonnait à mes oreilles comme une concession. Mais avant que Susan n'ait pu se sentir sortie d'affaire, je pivotai souplement pour la pointer du doigt.
-Du coup c'est à moi que tu vas rendre des comptes, Susie-jolie. Je t'ai posé des questions, je t'écoute.
De nouveau, Susan baissa le regard et passa de la femme forte que j'avais entraperçue à une petite fille prise en faute.
-Je ne voulais pas t'embêter non plus, tu avais des propres problèmes aussi et surtout ... (elle prit une immense respiration pour avouer dans une voix qui faiblissait : ) je ne voulais ... risquer que tu en parles à Simon. Ou que tu lui mentes. Je savais qu'il allait avoir besoin de toi alors ... je ne voulais pas que vous risquiez d'être en froid à cause de moi.
Simon et moi échangeâmes un regard éberlué. Jamais je n'aurais cru que les réflexions de Susan auraient été aussi loin dans l'anticipation, dans le but de protéger son frère – même si cela devait passer par moi. Evidemment, cela ne manquait de pas de pertinence, mais il y avait quelque chose de gênant dans la façon dont Susan gérait tout sans partager à quiconque.
-Mais enfin, Susie ...
-Ecoute, Vic' ... Je sais que tu m'en veux un peu et tu as parfaitement le droit mais ... Tu l'as dit toi-même (les larmes affluèrent à ses yeux et elle les chassa d'un battement de cil). Je n'en pouvais plus ... Surtout depuis l'évasion de Jugson, j'ai bien cru que j'allais m'écrouler ... Spencer, Matthew ... Je ne les ai jamais connus mais c'était quand même mes cousins. J'avais peut-être un an, mais j'ai l'impression d'avoir toujours porté leur deuil. Mais comme j'étais la seule à savoir pour Simon ... Alors l'A.D. ... c'était aussi ... quelque chose que j'avais rien qu'à moi, tu comprends ? Un endroit où je ne devais rien gérer, juste apprendre, me défouler. Si tu savais le nombre de sortilège de Stupéfixion que Smith s'est pris dans cette période, je suis devenue très forte. Alors désolée si je bafouai le sacro-saint règlement d'Ombrage, désolée si je mettais en péril la famille mais ... j'ai fini par en avoir besoin ...
-Susan ...
Cette fois, la colère semblait avoir totalement déserté Simon. Il contemplait sa sœur d'un œil neuf, comme s'il lisait enfin toute la douleur, toute la charge qu'elle avait dû porter sur ses épaules pendant des mois. Le secret de Simon, sa propre colère, l'A.D. ... ça faisait beaucoup de poids pour une jeune fille d'à peine seize ans. Il s'avança d'un pas vers elle et tendit une main, comme s'il voulait la toucher mais qu'elle était soudainement devenue inatteignable.
-Susan ... Je suis vraiment désolé ...
Une nouvelle fois, Susan papillonna des paupières pour chasser les larmes et je fus impressionnée par sa force mentale, car malgré son trouble apparent, elle n'en laissa échapper aucune. Les mots prononcés par Simon un jour dans la Grande Salle résonnèrent soudainement dans mon esprit : « Susie a des valeurs. Susie est une lionne comme maman. Ce sera elle la grande sorcière ». Elle contempla un instant la main tendue de son frère d'un œil vide, avant de hocher la tête et de s'avancer vers lui. Simon la prit dans ses bras, plus tendrement qu'il n'enlacerait jamais personne et je me sentis enfin de trop alors que Susan enfouissait son visage dans le cou de son frère. A pas de chat, je me dirigeai vers la porte et fis rouler la poignée ronde et cuivrée pour les laisser à leur intimité.
-Alors ? s'enquit immédiatement Hannah quand j'arrivais à la Salle Commune. Ça se passe bien ?
-Je pense que ça devrait aller, la rassurai-je en posant une main sur son épaule. Maintenant, vous faites comme on a dit : profile-bas et bouche cousue. Et peut-être que si l'univers est avec nous ... il n'y aura pas de conséquence.
***
L'univers n'était pas avec nous.
L'univers avait même décidé de faire abattre le Déluge sur nous, ainsi que les sept plaies d'Egypte et la destruction de Sodome.
Ou en tout cas, cela me faisait la même impression alors que je relisais encore et encore l'écriteau de bois qui couvrait les murs de Poudlard.
Par ordre du Ministère de la Magie
Dolores Jane Ombrage (Grande Inquisitrice) remplace Albus Dumbledore à la direction de l'école de sorcellerie Poudlard, conformément au décret d'éducation numéro vingt-huit.
Signé : Cornelius Oswald Fudge, ministre de la Magie.
Chaque fois que je le lisais, j'avais l'impression que le feu qui s'était mis à brûler en moi se résorbait lentement. Nous n'avions pas dormi de la nuit, avec Simon, lisant dans son lit des pièces et des romans pour calmer nos nerfs éprouvés par l'idée qu'Ombrage puisse faire renvoyer Susan. J'avais tenté d'en profiter pour parler avec Simon de ses parents, mais de nouveau il s'était renfermé comme une huitre et j'avais préféré laisser couler. Lorsque nous avions quitté la chambre après avoir séché le petit-déjeuner puisque nous avions une heure de libre en début de matinée, nous tombâmes sur l'écriteau qui mangeait la grande partie de notre tableau d'affichage. Quelques élèves de septième et sixième année qui n'avaient pas cours y était également scotchés, bouche bée et frémissant de colère.
-Alors là, l'école est foutue, conclut Judy, défaitiste. Maintenant Dumbledore n'est plus là pour ne serait-ce que la contrer un tout petit peu ... elle a les pleins pouvoirs.
-Mais ... comment ça a pu arriver ? balbutiai-je, le cœur au bord des lèvres.
Je relisais sans cesse les mots jusqu'à ce qu'ils en perdent leur sens. C'était comme si soudainement, l'espoir insufflé par l'article de Harry et la non-exclusion de Trelawney volait en éclat ... et cela faisait vaciller le feu qui s'était mis à brûler en moi. Une main se crispa sur mon épaule et je levai les yeux sur le visage fermé de Simon. Par automatisme, je couvris sa main de la mienne.
-J'ai entendu des choses au déjeuner, nous apprit Renata à mi-voix. Est-ce qu'elles sont vraies, je ne sais pas ... Mais ce qui ressort, c'est que Fudge était là avec des Aurors pour arrêter Dumbledore et qu'il leur a échappé à tous.
Mon cœur se serra et j'échangeai un regard alarmé avec Simon. Il était peu probable que les motifs d'arrestation n'aient rien à voir avec l'A.D., qui, comme nous l'avait révélé Susan, signifiait « Armée de Dumbledore ». Amelia nous avait bien dit que c'était bien la crainte secrète de Fudge ... La raison pour laquelle nous n'étions plus formés à la magie martiale et défensive ... Je plantai mes dents dans ma lèvre inférieure.
-J'ai aussi entendu que Fudge se trouvait à présent à Ste Mangouste avec une citrouille à la place de sa tête, ricana Kenneth.
-C'est hautement fantaisiste, ça, rétorqua Renata en levant les yeux au ciel.
-Ouais, mais je préfère me dire que c'est vrai, ça dédramatise la situation.
-Comment tu veux la dédramatiser ? protesta Judy en désignant l'écriteau. C'est dramatique ! Poudlard était sûr parce que Dumbledore en était le directeur et qu'il est le seul sorcier à faire peur à Tu-Sais-Qui ! Qu'est-ce qui va se passer maintenant ?!
L'éclat de Judy jeta sur le groupe un froid semblable à celui que pouvait provoquer les Détraqueurs, de ceux qui faisait resurgir de nous-même nos pires désespoirs. Simon poussa un profond soupir, comme si par ce souffle il pouvait extraire toute la tension de son corps.
-Ecoutez ... ça ne sert à rien de paniquer, concernant Vous-Savez-Qui. Avant Dumbledore, ce sont des sortilèges qui protègent l'école et quand bien même il a l'idée obstinée et absurde tuer Harry, je ne pense pas qu'il risquerait de se casser les dents sur Poudlard alors qu'il n'a visiblement pas récupérer toutes ses forces.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ? rétorqua Judy en dressant un sourcil.
-Parce que s'il avait récupéré toutes ses forces, il se montrerait au grand jour, répondis-je à sa place, suivant son raisonnement. S'il ne le fait pas, c'est qu'il lui manque encore quelque chose.
-Simon a raison, je m'inquiète d'avantage d'Ombrage, enchérit sombrement Renata. Qui sait ce qu'elle va instaurer maintenant ...
J'eus l'impression qu'une main glacée me retournait les entrailles. J'en venais presque à espérer que Voldemort se montre et que le gouvernement de Fudge valse : après ça, Ombrage valserait sans doute avec. L'un des rares avantages de cette sombre affaire, c'était que Dumbledore pouvait à présent pleinement de consacrer à la lutte contre Voldemort. Et en ça, le mage noir ne devait pas être ravi des agissements du Ministère ...
-Simon ?
Nous nous tournâmes en bloc vers Emily, qui venait d'entrer dans la Salle Commune. Son visage semblait également défait et elle parut réticente quand elle annonça :
-Ombrage veut voir les préfets-en-chef ...
-On a Sortilège, rappela âprement Simon. Hors de question que je sois à la botte de cette femme.
Je retirai ma main de la sienne pour le frapper sèchement à l'épaule. Le geste déclencha un cri chez Simon et un rire chez nos camarades, même Renata. Je lui jetai un regard flamboyant.
-Moi qui pensais que tu commençais à te remettre dans ton rôle, maugréai-je, consternée. Dumbledore n'est plus là ! La structure de l'école va s'écrouler et les préfets-en-chef, c'est encore peut-être la seule chose qu'elle n'a pas encore sous sa coupe ! Vous êtes peut-être le dernier tampon entre elle et nous ! Tu veux quoi, abandonner et qu'elle nomme quelqu'un qu'elle aura à sa botte ? Tu veux qu'on se retrouve avec Warrington ?
-Quelle effrayante perspective, commenta Renata, un faible sourire aux lèvres.
Simon cessa de me fusiller du regard pour réfléchir, comme s'il n'avait pas envisagé les choses sous cet angle. Sa tante Amelia restait l'un des plus solides piliers du Ministère malgré une administration avec laquelle elle était en complet désaccord : il faudrait que Simon fasse preuve de la même force d'esprit. Et il finit par y consentir parce qu'après quelques secondes de silence où il me fixa, quelque peu contrarié, il finit par suivre Emily dehors tandis que Renata et moi prenions la route de la classe de Sortilège. Même Flitwick paraissait avoir perdu de sa bonhomie et le cours se passa dans une ambiance des plus maussades. Je discutai à voix basse avec Miles pendant tout le cours : il me confirma les informations données par Renata, tout en ajoutant que seul Harry – le leader du groupe, étrangement ... - et une Serdaigle nommée Marietta et qui se trouvait actuellement à l'infirmerie avaient assisté à la scène. Il dut rapidement me quitter pour aller aider sa petite sœur à la bibliothèque. Il prenait un soin particulier de ses sœurs depuis qu'il avait admis le retour de Voldemort, même si la petite Cora paraissait en avoir assez d'être couvée et fuyait à présent Miles comme la peste. Je parcourais lentement un couloir, la mort dans l'âme, avec comme point de mir les jumeaux Weasley qui complotaient à voix basse devant moi :
-Mais si on fait exploser tout le stock, on n'aura plus rien à vendre !
-On en refera ! Mais je pense que ça vaut la peine ...
-Oh, Seigneur, soupirai-je, avant d'élever la voix pour qu'ils m'entendent : vous allez vraiment le faire ?
Les jumeaux sursautèrent mais parurent rassurés lorsqu'ils me virent les rejoindre à petite foulée, réprimant à peine mon sourire. L'un d'entre eux me prit immédiatement par les épaules lorsque je fus à leur portée :
-Aaah, ma petite Bennett ! J'avoue que tu nous as donné une idée des plus brillantes !
-Et on ne t'en remerciera jamais assez, plaisanta l'autre en me pinçant la joue.
-Bats les pattes ! répliquai-je en me dégageant. Alors ... c'est parti ? Le grand chambardement Weasley ?
Les jumeaux eurent un identique sourire machiavélique qui n'annonçait rien de bon. Il était clair depuis longtemps que Fred et George Weasley n'étaient pas fait pour le travail scolaire et depuis qu'ils étaient virés de l'équipe de Quidditch, ils s'étaient investis corps et âmes dans leur boutique. Leurs produits devaient atteindre la perfection s'ils risquaient ainsi l'exclusion. Je plissai les yeux :
-Tout est paré ? Vous avez les fonds ?
-Il nous reste un peu d'or pour entamer la production et on a déjà pas mal vendu à Poudlard. Ce secteur est presque épuisé.
-Un local ?
-Au Chemin de Traverse, on te donnera l'adresse.
-Des tympans neuf au cas où votre mère percerait les vôtres lorsqu'elle verra que vous êtes renvoyés ?
Les jumeaux éclatèrent de rire et l'un d'entre eux m'ébouriffa les cheveux en m'assurant que leurs oreilles resteraient intactes. J'eus un pincement au cœur en songeant que dans un futur proche, la vie à Poudlard pourrait se faire sans Fred et George Weasley. Un sourire triste s'étira sur mes lèvres.
-Bien ... Faites durer le plaisir, alors. Ce serait dommage qu'Ombrage ne profite pas longtemps de votre talent.
-Oh, Bennett, laissa échapper l'un d'entre eux, l'air étrangement ému. Ne t'en fait pas, on ne compte pas se faire renvoyer tout de suite.
-Mais il faut marquer le coup, ajouta l'autre avec un sourire malicieux. Pour Dumbledore. Et pour lui montrer que, non, elle n'a pas encore gagné.
Ces mots jetèrent un vent sur les braises en moi qui était en train de mourir, ravivant une flamme que le départ de Dumbledore avait failli éteindre. Non, vraiment, Ombrage ne savait pas à quoi elle s'exposait le jour où elle avait permis à Fred et George Weasley d'avoir tout le temps libre nécessaire pour un jour se dresser contre elle. Je voulus répondre, leur assurer que j'étais avec eux, mais une voix fusa derrière nous :
-AH AH ! Vous complotez contre la directrice !
Nous fîmes prestement volte-face pour voir Graham Montague, le Capitaine de Serpentard, pointer un index triomphal sur les jumeaux, une expression d'avidité presque indécente sur le visage. L'un des jumeaux se fendit d'un reniflement méprisant.
-Regardez ça, Fred, un babouin qui parle.
George eut un ricanement cynique et je fronçai les sourcils pendant que Montague s'avançait sans se départir un seul instant de sa mine satisfaite.
-Je vous ai entendu, poursuivit-t-il avec détermination. Vous avez parlé de « grand chambardement » et toi aussi Bennett !
-Et qu'est-ce que tu vas faire, nous hurler dessus en faisant de grands gestes de babouin babillant et empoté ? répliqua George avec un somptueux mépris.
Montague piqua un fard et lança un regard furieux aux jumeaux. Il les dépassait pourtant d'une bonne tête et imposait niveau carrure, mais le Capitaine de Serpentard n'était pas connu pour sa vivacité d'esprit.
-Je suis membre de la brigade inquisitoriale ! s'écria-t-il alors que les jumeaux continuaient de ricaner.
-La quoi ? me troublai-je.
Agacé, Montague montra un minuscule « I » épinglé sous son insigne de Capitaine. Une police privée, constatai-je avec un mélange d'amusement et d'effroi. On passait de la dictature au totalitarisme ... Fred et George haussèrent les sourcils, peu impressionnés.
-Alors là on marche sur la tête, soufflai-je, consternée. Et tu peux faire quoi ? Mettre des retenues, enlever des points ? Non mais je rêve ! glapis-je quand le regard de Montague se tourna vers moi, ravi et entendu. Je te jure que si je me retrouve en retenue le jour du match contre Serpentard, je te le ferais payer au centuple, Montague !
La grimace qui déforma ses lèvres m'indiqua que j'avais parfaitement percé ses plans à jours mais cela ne fut qu'emballer mon rythme cardiaque. Mais la façon dont il se redressa, l'air menaçant, prouva également qu'il ne prenait pas au sérieux ma promesse de représailles. Il s'approcha de moi, un sourire ironique aux lèvres.
-Essaie un peu, Bennett. Maintenant que Dumbledore n'est plus là, c'est elle qui commande. Alors autant tout de suite gravé le nom le Serpentard sur la coupe. Alors ne me tente pas. Très personnellement, j'ai plutôt envie de te battre à la régulière, Serpentard n'en ressortira que plus grand et j'ai toujours rêvé de te faire passer à travers tes buts. Mais si vraiment tu veux me provoquer, je n'ai qu'un mot à dire et une grosse partie de mon équipe serait ravie de faire la chasse au sang impur ... AAAAAAAAAH !
Montague se trouva pendu par la cheville à quelques mètres du sol, gesticulant dans le vide, le visage cramoisi. Derrière moi, Fred avait la baguette tendue, le visage animé d'une colère qui ne lui était pas coutumière.
-Très mauvaise idée, petit babouin. C'est de très vilains mots qui sortent de ta bouche, maman Ombrage ne serait pas contente.
-Laisse, Fred, soupirai-je en posant une main sur son bras. Il ne sait sans doute pas ce que ça veut dire ...
Montague était certes un idiot, mais il n'était pas particulièrement raciste. Il suivait simplement le mouvement de Warrington dans son dortoir, et sauf lorsque ça concernant le Quidditch je n'avais jamais eu à faire à lui. Mais visiblement, être sous la protection d'Ombrage semblait lui donner des ailes parce qu'il éructa :
-Lâchez-moi ! Je vous ferais tous renvoyer, je suis quelqu'un, maintenant ! Et ce n'est pas deux traitres à leurs sangs qui vivent dans un trou à rat et une stupide fille de moldus qui ...
-George, le coupa Fred, l'air de plus en plus furieux. Ouvre l'armoire, s'il te plait.
Mais c'était l'armoire à disparaitre, réalisai-je alors que George l'ouvrait. Ça faisait des années que je passais devant en sortant de Sortilège, sans y faire réellement attention mais Flitwick nous avait prévenu dès notre première année qu'il ne faudrait surtout pas y toucher car sa magie était capricieuse. J'aurais voulu arrêter les jumeaux, mais alors que Montague menaçait de leur faire perdre des points, Fred l'envoya dans la gueule béante de l'armoire : son « cinq cents points en moins pour ... ! » alla mourir dans un immense fracas et George referma les battants dans un claquement sec avant de tourner la clef dans la serrure. L'armoire s'agita un instant sous les coups de Montague et puis soudainement, tout fut silencieux ... Je fixai les jumeaux, les yeux écarquillés par l'horreur.
-Mais ça ne va pas ! Vous vous souvenez de ce qu'a dit Flitwick ? Elle est cassée, il pourrait prendre des jours à réapparaître !
-Ou bien des semaines, oui, confirma sombrement George. Dis-nous merci, Bennett, on vient de t'offrir ta coupe sur un plateau d'argent.
-Ne nous regarde pas comme ça, ajouta Fred alors que je les contemplais, estomaquée. Il n'avait pas à t'insulter, Bennett, et je commence à en avoir assez de cette stupide chanson... « Un trou à rat » ... Bon sang, on aurait dû les faire payer dès le début. Si on laisse faire des petites brutes comme Montague, alors imagine dehors ...
Je les considérai encore un long moment avant de m'avouer vaincue. Rien ne servait à délibérer : Fred et George se croyait dans leur bon droit et dans l'idée, ils avaient une part de vérité. De toute manière, ouvrir l'avoir n'aurait servi à rien : Montague y avait déjà disparu. L'acte en lui-même m'embarrassait réellement, même si je comprenais la motivation, même si leur argument était valable, je n'aurais pas été capable moi de faire la même chose. J'aurais plutôt ... fait dos rond pour mieux fuir. Mais j'avais conscience que ce serait léger le jour où je me retrouverais à pire que Graham Montague.
***
Le grand chambardement Weasley avait été à la hauteur de toutes les espérances, même si j'admettais que l'éclat des feux d'artifice avait été ternie par la scène à laquelle j'avais assisté et par la vision des sabliers dans le Hall : tous se vidaient inéluctablement, excepté ceux des Serpentards, qui semblaient majoritaire dans la nouvelle « brigade inquisitoriale ». Le cours d'Etude des Moldus n'invitaient en plus pas à la fête : Burbage avait décidé de profiter de l'actualité pour évoquer la Shoah, choquant nombre de nos camarades. Roger était assez intelligent pour faire le lien entre la situation des juifs pendant la guerre et la mienne et avait passé l'heure à me jeter des regards à la dérobée, le teint vérâtre. Malgré tout, j'éclatai de rire lorsque Burbage m'ordonna d'aller chercher Ombrage quand un dragon d'étincelle d'infiltra dans notre salle de classe d'Etude des moldus et que je trouvai la nouvelle directrice aux prises avec un immense soleil tournoyant, couverte de suie, son nœud rose pendant misérablement au bout de ses cheveux châtains. Apparemment, tous les professeurs la mobilisaient et elle avait passé la journée à courir d'un bout à l'autre du château pour contrer les feux de Fred et George. Si elle avait soupçonné que c'était eux, elle n'avait pas pu le prouver et les étincelles continuèrent de faire leurs dégâts mais de façon plus diffuse jusqu'aux vacances de Pâques. Tout cela avait redonné de l'engouement à un Poudlard abattu par le départ de Dumbledore. Simon et Emily, malgré les réserves d'Ombrage, étaient également maintenus dans leurs fonctions, même si elle leur avait clairement fait comprendre que pour garder le bel insigne, il allait falloir obéir à ses ordres. Le groupe de Poufsouffle qui avait fait parti de l'A.D. culpabilisait grandement d'avoir provoqué le départ du directeur, mais il leur permettait au moins de voir s'éloigner le spectre du renvoi. Visiblement, Ombrage et Fudge étaient trop ravis d'avoir pu compromettre Dumbledore pour se soucier de ce groupe de défense illégal – prouvant une nouvelle fois le caractère postiche des nouvelles réglementations.
La dernière semaine était arrivée et avec elle l'anniversaire de Miles le trois avril. J'avais tout juste eu le temps de lui donner son cadeau – une écharpe de son équipe de Quidditch préférée et une boussole à balai – avant de courir en Métamorphose. Mais nous avions prévu de passer la soirée ensemble, pour la première fois depuis ce qui me semblait être une éternité. Entre le travail, le renvoi de Dumbledore et tout ce qu'il impliquait, les séances de Quidditch et tout le tracas, j'avais l'impression d'avoir à peine vu Miles ce trimestre, mais j'avais bien l'intention de me rattraper. Le regard lorsque j'en avais parlé à Emily m'avait fait rougir jusqu'aux oreilles.
-Est-ce qu'il va falloir qu'on parle de contraception, toutes les deux ? s'amusa-t-elle alors que nous sortions de notre dernier cours. Je ne sais pas comment ça se passe chez les moldus, mais chez nous c'est soit tu vas demander à un guérisseur de te poser un sort – très délicat, sauf si on est brillant, à ne pas pratiquer soi-même – soit une potion, mais elle est vite périssable donc il faut la faire très vite avant le début du cycle et la renouveler tous les vingt-huit jours donc c'est contraignant et en plus uniquement pour les filles. Je veux dire, les garçons peuvent également se faire poser le sort, mais eux n'ont pas de cycle donc la potion est obsolète pour eux. Mais si tu veux, je peux te la faire ...
J'éventai mon visage, d'autant plus qu'Emily répondait à des préoccupations que je commençais effectivement à me poser. Le peu de temps que j'avais pu passer avec Miles montrait bien une chose : les choses s'accéléraient entre nous. Les mains s'aventuraient en dessous des vêtements, les lèvres descendaient de plus en plus bas, et le manque de confort et d'intimité devait une contrainte pire de jour en jour. Même si les évolutions ne me déplaisaient pas le moins du monde, la finalité, elle, continuait d'effrayer l'enfant que j'étais encore. Emily éclata de rire devant mon visage écarlate.
-Mais regardez-moi ça, petite Victoria devient une grande !
-Calme-toi, on n'y est pas, répliquai-je tant bien que mal. Mais je dois conclure de ta connaissance que ... les choses se sont faites avec Roger ?
Ce fut au tour des joues d'Emily de rougir et elle leva les yeux au ciel avec un immense soupir.
-A dire vrai ... ça c'était fait il y a longtemps mais ... apparemment, à ce moment-là, c'était « juste comme ça », alors ...
-C'était ça ! compris-je en pointant un index accusateur sur Emily.
Malgré toute ma bonne volonté, je ne pouvais m'empêcher de me sentir vexée. J'avais l'impression que la vie d'Emily me parvenait goutte à goutte, seulement selon son bon plaisir. Un intimité secrète paradoxale quand on connaissait son côté intrusif. Emily dressa un sourcil perplexe face à mon ton véhément et j'explicitai :
-L'année dernière quand vous étiez en froid, c'était à cause de ça ? Pourquoi tu n'as rien dit ?
Emily eut un pauvre sourire.
-Et comment vous m'auriez jugé, Cédric, Simon, toi ? Que je couche avec un garçon et que je me fasse jetée derrière ? C'est quelque chose qui m'a blessé, Vic', je ne tenais pas à supporter votre regard en plus.
-Je pense qu'on est tes amis et qu'on t'aurait soutenu, répliquai-je avec une pointe d'aigreur. En tout cas, moi je l'aurais fait ...
-D'accord. Alors disons simplement que ... je n'aurais pas supporté d'en parler. Très honnêtement, je n'en avais pas envie, je ne peux pas te le dire autrement.
J'ouvris la bouche, indignée, avant de la refermer promptement alors que le poids de ce que je n'avais pas pu dire à Emily, de peur de sa réaction, de son regard ou simplement parce que j'avais voulu le garder pour moi, s'abattait sur mes épaules. Je n'avais pas le droit de lui en vouloir pour des choses que je lui faisais subir et sur ces mécanismes que sans doute je pouvais comprendre. Alors je pris une grande inspiration pour lâcher :
-Bon. D'accord. Mais sérieusement, Emily ... Je sais que c'est ... parfois difficile, entre nous en ce moment mais ... Ne pars pas du principe que je vais te juger ou que tu ne peux pas compter sur moi. C'est faux. Je pensais que tu le savais ...
-Vic' ... (elle mit une main tendre sur mon bras). Bien sûr que je le sais. C'est juste ... (sa bouche se tordit et elle leva les yeux au ciel). Bon sang, Cédric avait raison, l'année dernière. Je suis peut-être la plus bavarde et la plus extravertie, mais je suis aussi la plus secrète du groupe. Je n'aime pas révéler mon intimité, ça me fait sentir ... vulnérable, tu comprends ? C'est une sorte de mécanisme de défense ... C'est peut-être idiot mais ... C'est ce qui me permet de ne pas perdre pied.
-Je peux comprendre, admis-je à contrecœur en repensant à ce que Simon et moi lui cachions.
-Comprendre quoi ?
Simon venait de nous rattraper, lisant toujours le commentaire que Flitwick avait noté sur son devoir et qui devait être fort élogieux vu le sourire fier qui flottait sur ses lèvres. Emily et moi échangeâmes un regard avant d'adresser un sourire carnassier à Simon. Il pâlit sous ses tâches de rousseur.
-En fait, je ne suis pas sûr de vouloir savoir ...
-Bien voyons, commenta Emily en dressant un sourcil. Bon, parlons d'autre chose. Vous êtes sûrs de ne pas vouloir rester pendant les vacances ?
Simon et moi hochâmes la tête de concert. Il était vrai que l'immense majorité de ceux qui avaient des échéances importantes – BUSEs et ASPICs – restaient à Poudlard pour profiter de la bibliothèque et des conseils des professeurs. Mais j'éprouvai un désir ardent de retrouver mon village, ma famille et faire une pause après tout ce qui avait pu se passer ce trimestre. Je ne serais pas désavantagée pour les révisions, puisque je savais que les Bones avaient une grande bibliothèque assez fournie pour me guider et que Rose était une excellente sorcière. Après quelques jours d'hésitation, Miles avait aussi décidé de rentrer sous l'insistance de Cora et Felicity et Simon lui avait charitablement proposé de venir réviser chez lui s'il avait besoin, mais cela avait plutôt embarrassé Miles. Je doutais qu'il soit à l'aise dans la maison d'une famille aussi prestigieuse que les Bones.
Emily poussa un gros soupir.
-Bon, très bien. Hauts les cœurs, c'est la dernière ligne droite avant d'entrer dans le monde merveilleux des adultes.
Elle me jeta un regard suggestif qui échauffa de nouveau mes joues et laissa Simon perplexe. Ce fut le moment que choisit Miles pour enfin sortir de la salle, le regard lui aussi plongé sur son devoir de Sortilège et mes joues s'embrasèrent face au sourire entendu d'Emily. Sans attendre, elle faucha le coude de Simon et m'adressa un signe coquin de la main.
-A ce soit, Vic' ! Pas de bêtise et rentre avant le couvre-feu !
-Mais qu'est-ce qui se passe ? glapit Simon en tentant de s'échapper de la poigne d'Emily.
-Oh, mon petit ... je t'expliquerais quand tu seras grand.
J'essuyai un petit rire face à la mine désorientée de Simon et laissai Emily l'entrainer dans le couloir malgré ses protestations. Le cœur battant, je rejoignis Miles, qui lisait toujours son devoir les sourcils froncés devant la salle.
-Acceptable, marmonna-t-il en roulant le parchemin. Pas le meilleur des cadeaux d'anniversaire ...
-On travaillera ça pendant les vacances, proposai-je avec un sourire. On va faire une balade ?
Un sourire effleura les lèvres de Miles.
-Dans la Forêt Interdite ?
Je ne pus retenir une grimace. L'an dernier, il l'avait convaincu d'entrer dans la mystique forêt de Poudlard, mais l'escapade romantique avait viré à l'angoisse lorsque nous nous étions retrouvés à fuir à perdre haleine. Depuis, je n'avais pas éprouvé la moindre envie de remettre le moindre orteil à la lisière. Miles s'esclaffa face à ma mine dubitative et plaqua un baiser sur mon crâne.
-Ne t'inquiète pas, je ne te referais pas vivre ça. Tu as déjà trop eu de souci ces derniers temps ... Pas de problème pour ce soir, d'ailleurs ? Bones ne va pas provoquer Ombrage, Susan créer un club illégal ou ton frère sortir avec une autre sorcière problématique ?
-Très drôle, Bletchley. Mais non, j'ai engagé Emily comme baby-sitter de Simon et l'avantage de l'A.D. c'est que Susan s'est fait des amis.
-Et qu'elle a fait virer Dumbledore.
Je le frappai sèchement à l'épaule. C'était dit sur le ton de la plaisanterie, mais certains élèves avaient réellement apostrophé les membres connus de l'A.D. en leur reprochant d'être à l'origine du départ de Dumbledore. Simon avait calmé tout le monde pour protéger Susan, mais je savais qu'il y avait eu une mini-crise du côté de Serdaigle dont Roger et Octavia se plaignaient continuellement.
-C'est de la faute d'Ombrage, rétorquai-je en me mettant en marche. Comme c'est de sa faute si je perds contre vous en juin. J'ai vu que Warrington et Malefoy faisaient aussi parti de la « brigade inquisitoriale ». Je suis presque sûre de me retrouver en retenue le jour du match ...
-Et encore, si c'est la retenue c'est qu'ils ont revu leurs ambitions à la baisse, m'avoua Miles en serrant ma main. Warrington a la haine, surtout depuis que ça a fait le tour de Poudlard que les Tornades t'ont proposé des essais et ça a contaminé une partie de l'équipe. De la jalousie tout ce qu'il y a de plus primaire ... Mais bon, comme les jumeaux nous ont privés de notre Capitaine ...
Montague avait fini par réapparaitre au bout de quelques jours de disparition des plus inquiétante qui avait mis mes nerfs à rude épreuve. Malheureusement, il n'était pas revenu indemne et restait depuis cloîtré à l'infirmerie dans un état léthargique. Cela dit, Miles ne regrettait aucunement l'état de son camarade. Pour cause : il approuvait les représailles des jumeaux et il avait été nommé Capitaine par intérim, à la plus grande stupéfaction de tous qui avait cru que Warrington ou Malefoy hériterait plutôt du brassard. Mais visiblement, le dévouement de Miles à son équipe avait fini par lui valoir la reconnaissance de Rogue – ainsi que son match remarquable face à Serdaigle où ses arrêts et la chance indécente de Malefoy contre Cho leur avait permis d'arracher la victoire quelques semaines plus tôt. J'eus un sourire malicieux.
-Certes, ce serait équilibré que mon équipe soit privé de son Capitaine mais ... ce serait plus romantique qu'on se serre la main le jour du match, non ?
Miles dressa un sourcil.
-Non seulement Montague sera peut-être revenu d'ici juin, mais en plus je ne suis pas sûr que tu sois une fille qu'on pourrait qualifier de « romantique », Victoria.
Avant que je n'aie pu me sentir vexée par la remarque, Miles passa une main derrière ma taille et m'attira à lui pour poser ses lèvres sur les miennes. Le baiser étouffa mes protestations qui fondirent dans ma gorge et je passai mes mains à l'arrière de sa nuque pour l'embrasser en retour. Mon cœur se mit à cogner sourdement contre ma cage thoracique, comme celui d'un oiseau effrayé et lorsque je m'écartai d'un souffle, j'étais déjà hors d'haleine. Un sourire s'étira sur les lèvres de Miles et il caressa doucement ma joue de son pouce.
-Mais ce n'est pas grave, tu compenses amplement sur d'autres choses. Et ce serait ennuyeux une fille qui m'emmènerais chez Madame Pieddodu à chaque sortie ...
-Pieddodu, ce n'est pas du romantisme, c'est de la niaiserie, fis-je remarquer, amusée. Mais comme ça, par quoi je compense ?
Miles éclata de rire avant de prendre mon visage en coupe et de m'embrasser doucement sur le nez, puis sur le front et à chaque baiser chuchoter :
-Tu es drôle, tu es intelligente, tu es forte. Peut-être un peu trop têtue et tu as un peu trop d'abnégation mais ... C'est une partie de toi que j'admire beaucoup. Vraiment ...
Ses lèvres glissèrent de nouveau jusqu'aux miennes en un baiser beaucoup plus tendre, à peine plus d'une caresse sur ma bouche, douce et légère. Cela m'arracha un sourire que je savais être niais. Mon regard se porta sur le mur d'en face où une porte entrebâillée se découpait. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine et je me détachai de Miles pour pousser la porte. C'était une salle non utilisée dans laquelle je le fis entrer avant de refermer la porte, un sourire à la fois mutin et gêné aux lèvres.
-Mais je ne suis pas romantique, c'est cela ?
L'étincelle dans le regard de Miles vacilla et l'intensité de son regard me fit rougir autant qu'elle m'attira indéniablement à lui. Nos lèvres se trouvèrent seules, s'explorant avec douceur, s'écartant sur notre peau, nos joues, nos gorges, lentement d'abord, puis avec un plus d'avidité. Je passai une main sous la chemise de Miles et la passai dans son dos pour le presser un peu plus contre moi et mon rythme cardiaque s'emballa lorsque ses doigts dégagèrent la mienne coincée dans l'élastique de ma jupe pour effleurer la peau de mon ventre. Un violent frisson me parcourut, d'autant que les lèvres de Miles embrassaient la zone sensible au creux de mon cou. Mes doigts se crispèrent sur sa nuque, mue par toutes les émotions qui montaient en moi et diffusaient une chaleur brûlante au creux de mon ventre. Je me hissai sur une table pour me mettre à sa hauteur et ma main se perdit sur le nœud de sa cravate et sur le col de sa chemise. Miles produisit un bruit de gorge rauque qui sonnait comme une approbation. Avec des gestes fébriles, je dénouai la bande de tissu qui lui enserrait la gorge et ouvrit le premier bouton de sa chemise pour embrasser sa clavicule. Il répéta l'opération sur moi, dénouant ma cravate et picorant mon cou de baiser pendant que ses mains s'affairaient sur ma chemise. Lorsqu'elle tomba à terre, me dévoilant comme je ne m'étais jamais dévoilée, je sentis un sentiment de peur mêlé d'excitation m'envahir. Alors je glissai mes mains sur ses hanches et happai de nouveau ses lèvres avant que ces yeux puissent se poser sur moi et que la gêne ne nourrisse la peur. Aujourd'hui, ce n'était rien que pour nous. Aujourd'hui, je voulais oublier toute la douleur que le semestre m'avait apporté.
Aujourd'hui, je ne voulais pas avoir peur.
EDIT EDIT : J'ai oublié de vous donner des devoirs (que voulez-vous, la future prof qui sommeille en moi). Le prochain chapitre s'appelle "La vie c'est comme une boite de chocolat". Vous avez la ref?
Bon pour ceux qui ne l'ont pas, c'est le film Forrest Gump qui est un absolu classique et l'un de mes films préférés. Il va y avoir quelques allusions, donc, sortez vos agendas et notez pour ceux qui ne l'ont pas fait pour samedi prochain : "regarder Forrest Gump". Franchement, vous ne le regretterez pas, c'est un super film en plus de vous donner un balayage de l'histoire moderne des US !
Voilà, c'est tout :D BON DECONFINEMENT !
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