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II - Chapitre 20 : La vie d'un autre

BONJOUR 

Alors plusieurs choses avant de débuter ce chapitre : 

- Je poste maintenant parce que je suis faible (déjà, un cruel manque de volonté), que j'ai 4 dossiers à rendre pour lundi et que j'ai passé ma mâtinée entre eux et la relecture du chapitre donc j'éprouve le besoin de me libérer. 

- annabethfan la meilleure  a été assez adorable pour me faire un aesthetique de Susan : 

Et encore une fois, il est topissime, merci Anna

- J'espère que vous allez tous bien, que le confinement n'est pas trop lourd, que vous continuez de travailler et que vos proches vont bien  ! 

Sur ceux, bonne lecture ! Et par ailleurs, merci à Cazolie pour la relecture d'une partie ! 

Chapitre 20 : La vie d'un autre.

Dans la semaine qui suivit, Simon ne descendit pas de sa chambre. Susan alla jusqu'à demander à Madame Pomfresh de l'examiner et Chourave fit deux fois son apparition pour parler avec lui et le convaincre de retourner en cours, mais rien n'y faisait. A dire vrai, son état de fatigue avancé avait fini par l'affaiblir et le rendre malade : l'infirmière préconisait de toute manière un repos complet et Ombrage s'était trouvée fort contrariée lorsque j'étais arrivée en cours avec un mot d'excuse signée par Madame Pomfresh et ma directrice de Maison pour justifier de l'absence de Simon. Sans doute avait-elle caressé l'espoir que son absentéisme serait une belle opportunité de renvoyer le brillant neveu d'Amelia Bones. J'avais essayé plusieurs fois de toquer à sa porte, de le convaincre d'au moins me laisser entrer, mais chaque fois, Erwin ou Charles m'ouvrait pour m'annoncer qhu'il le voulait voir personne. L'unique personne à pouvoir l'approcher était Susan, mais sa propre santé en pâtissait : elle était tombée malade en cours de Métamorphose et à présent, elle aussi se retrouvait clouée dans un lit d'infirmerie pour au moins deux jours le temps qu'elle se repose. Et rien que pour ça, j'étais prête à aller gifler Simon Bones à toute volée.

-Là, ce n'est plus de l'inquiétude, c'est de l'angoisse, m'avoua Emily au matin de mon second match de Quidditch. Hannah m'a raconté que Susan s'était carrément évanouie, en Métamorphose, elle doit être au bord du gouffre la pauvre ...

Depuis la maladie de Simon, nous avions décidé d'enterrer la hache de guerre pour nous resouder, elle et moi. De nouveau, la croyance au retour de Voldemort devenait secondaire face aux problèmes plus urgents qui avait explosés dans ma réalité et la présence – muselée, il fallait le dire – d'Emily m'évitait de me sentir totalement abandonnée.

-Ne m'en parle pas, marmonnai-je en tartinant rageusement mon toast. Je pense que je vais imaginer que chaque souafle qui foncera vers moi est le visage de Simon, simplement pour me défouler.

-Tu as déjà fait ça au dernier entrainement et ça a bien marché, tu as été excellente, confirma Judy avant de lancer un regard consterné à l'assiette de Kenneth. Mais tu vas manger tout ça avant le match ? Ton ventre va exploser !

-Oh, Summberby, tu me sous-estimes ! s'esclaffa Kenneth en mordant avec entrain dans un morceau de bacon.

-Tu es un porc, maugréa Smith, la joue appuyée sur son poing. Passe-moi la marmelade.

-Réflexes ! s'écria le batteur en lui jetant vivement le pot fermé.

Smith n'eut aucun problème à s'en saisir et se fendit d'un soupir face au rire goguenard de Kenneth. L'échange et la bonne humeur de mon batteur m'arrachèrent un sourire et, malgré les tensions pendant ma préparation, je pus même croire que j'allais passer le match sereinement. Jusqu'à ce qu'Aaron déchire le silence apaisant d'un éternuement sonore.

-A tes souhaits, chantonna toute la table.

-Merci, bredouilla l'attrapeur, les larmes aux yeux.

Il enfouit son nez dans un mouchoir et je profitai qu'il se détourne pour darder un regard inquisiteur sur sa sœur Judy. Laquelle semblait particulièrement absorbée par ton jus de fruit.

-Il me semblait qu'on s'était dit que si ton rhume ne s'arrangeait pas, c'est Pomfresh et pimentine ?

-Désolée, Capitaine, j'ai oublié, soupira Judy en repoussant son verre. J'avais un devoir de Sortilège à finir cette semaine, je n'en sors pas avec mon travail ... Moi qui pensais que la sixième année était la meilleure ...

-Tu parles, j'ai l'impression qu'on n'a jamais eu autant de devoir que cette année, enchérit Kenneth en plongeant sa fourchette dans ses œufs brouillés. Imagine ce que ce sera l'année prochaine.

Les Batteurs échangèrent un regard torve qui me serra le cœur. On arrivait à mi-saison, et Chourave m'avait pris à part cette semaine pour réfléchir à mon possible successeur au brassard. D'instinct, mon choix s'était plutôt porté sur Kenneth et Judy, qui étaient à la fois de bon joueurs et des possibles leaders, mais leurs remarques sur le travail me mirent le doute. L'un comme l'autre avait des difficultés en cours et ils entraient l'année prochaine en septième année. Seraient-ils capable de gérer l'équipe tout en réussissant leurs études ? Puis mon regard se porta sur Aaron, dont le nez rouge était une inquiétude latente depuis une semaine. Un rhume n'était pas grave, mais dans un poste qui demandait autant d'attention que celui d'attrapeur ... Je bus une gorgée de chocolat, dépitée. Décidemment, rien, pas même le Quidditch, n'était simple cette année. Je me sentais prête à plonger dans la mélancolie lorsque Roger entra dans la Grande Salle et qu'Emily lui adressa un sourire éclatant qui se teinta de tendresse lorsqu'il le lui rendit. J'écarquillai les yeux, attendant qu'elle pose le regard sur moi pour observer ma réaction. Ses joues s'empourprèrent et un sourire embarrassé s'étira sur ses lèvres.

-Ah ... Bien ... Il se pourrait ...

-Avec le sosie de Lokhart, Fawley, sérieusement ? s'étonna Judy.

-Toi, tais-toi ! exigeai-je avant de pointer un index sur Emily. Quand, comment, où et pourquoi je ne suis au courant que maintenant !

-La semaine dernière, juste avant la sortie de Pré-au-Lard, derrière les serres de Botanique, parce qu'on se faisait la tête et qu'après avec Simon je n'y ai pas pensé. Satisfaite ?

Un immense sourire fendit mon visage. Les muscles étaient si peu habitués à ce genre de mouvement ces derniers temps qu'ils protestèrent, mais c'était la première réelle bonne nouvelle que je recevais depuis une éternité. Ça valait bien un immense sourire. Mes pieds se mirent à marteler frénétiquement le sol, extatiques.

-Enfin ! Je savais que Davies n'était pas qu'un idiot au cœur d'artichaud !

-C'est ça que je t'ai vu entrer chez Madame Pieddodu à la sortie, réalisa Judy, ce qui me fit m'écrouler de rire sur ma table et elle récolta le regard furieux d'Emily. Mais quoi ?

-Madame Pieddodu, Seigneur, Emily, m'esclaffai-je en essuyant mes larmes de rire.

Mon amie devint rouge pivoine alors que l'hilarité prenait tout notre groupe. Elle prit une serviette pour s'éventer le visage, tout en jetant un regard furieux à Judy et Kenneth, écroulés l'un contre l'autre.

-Non seulement ça ne vous regarde pas, mais en plus sachez que ça a été une affreuse expérience. On a ... préféré s'embrasser plutôt que de supporter les angelots qui lançaient des confettis et même là, les pleurs de Cho nous ont dérangé !

-Cho ? répétai-je alors que Judy et Kenneth cessaient net de rire. Qu'est-ce qu'elle faisait là ?

Emily haussa les épaules et prit une gorgée de thé.

-Elle était avec Harry Potter. Très drôle de couple, mais ça ne me surprend qu'à moitié, déjà quand elle était avec Cédric, ce n'était pas net ... (Ses doigts se crispèrent sur son bol et elle me jeta un regard où flottait le fantôme de notre ami). Je pense que c'est pour ça qu'elle pleurait, d'ailleurs. Elle avait envie d'en parler. Pas Harry, visiblement.

Je hochai la tête avec compréhension. Oui, ça ne m'étonnait pas. J'avais été sceptique lorsque Cho avait voulu faire de leur guérison de la mort de Cédric la base de leur relation. L'anecdote d'Emily me confirmait que l'idée était malsaine. Cela m'attristait pour Cho, qui avait depuis la rentrée semblait reprendre sa vie en main. Mon regard coula vers la table des Gryffondor où Harry lorgnait avec envie les joueurs de Gryffondor qui s'apprêtaient à jouer contre nous. J'achevai mon chocolat et attendis que Kenneth engloutisse sa colossale assiette avant de me lever et de saisir mon balai.

-Allez bande de môme, allons dompter du lion.

-Il faut quand même te rappeler que tu fais moins d'un mètre soixante, marmonna Kenneth en se levant.

Pour toute réponse, j'assénai un coup de balai sur sa haute tête et pris la tête de mon équipe. Je frappai dans la main tendue de Hannah et d'Ernie avant de passer la porte. Les dernières minutes avant le match se déroulèrent dans le silence, chaque joueur s'isolant pour sa préparation mentale. Aaron se mouchait tant que je me demandais qu'il espérait que son rhume disparaisse de cette façon et Evelyn faisait des allers-retours dans la pièce pour s'échauffer. Je m'attendais à la même physionomie de match que contre Serdaigle : une forte attaque peu pressée par mes poursuiveurs qui attendrait pour partir en contre les rares souafles grattés par Evelyn. J'avais un net avantage concernant les batteurs, mais je m'inquiétais d'Aaron face à sa camarade de classe, Ginny Weasley, épatante pour une débutante. Les forces étaient plus égale que s'il s'était retrouvé face à Harry Potter, mais ce maudit rhume changeait la donne.

-Il faut que vous marquiez un maximum, soufflai-je à Smith une fois dans le couloir qui menait au stade. Les attrapeurs vont être la grande inconnue de ce match, ce serait bien qu'on prenne de l'avance juste ... au cas où.

Smith baissa sur moi un regard circonspect.

-Pour ça, il faut qu'on prenne aussi le moins de but que possible.

-Je connais mon job, Smith, rétorquai-je sèchement. Toi, fais le tien : il faut avoir le souafle pour marquer. Si vous n'arrivez pas à presser, alors faites comme aux entrainements et soyez hyper précis dans vos passes pour ne pas leur laisser l'occasion de récupérer le souafle. Si vous arrivez à le monopoliser, on a une chance de prendre le large.

Le poursuiveur médita un instant mes paroles avant de hocher la tête avec raideur. Soulagée de voir un peu de subordination de la part de Smith, je me concentrais sur l'équipe de Gryffondor qui s'avançait dans le tunnel, menés par une Angelina qui m'adressa un sourire crispé. L'équipe était loin de la fringance de celle qui avait soulevé la coupe deux ans plus tôt : les deux batteurs n'avaient pas le quart de la moitié du commencement du panache des jumeaux Weasley et Ron était si pâle qu'il semblait malade. A ma grande gêne, on entendait déjà d'ici le chœur de Serpentard qui chantait vivement « Weasley est notre roi ». Madame Bibine avança entre nos deux files, et fronça les sourcils en entendant le chant.

-Je ne comprends pas pourquoi ils ne l'ont pas encore interdit, marmonna-t-elle, comme pour elle-même avant de lancer un regard à Angelina. Johnson, j'espère que cette fois vous saurez tenir vos joueurs.

Avant même que la Capitaine ne puisse répondre, Bibine ouvrit la porte et nous fit entrer sur le terrain. Je grimaçai en remarquant la pluie qui tombait et le vent qui déferlait sur nous en faisant claquer nos vêtements. Je rabattis la capuche de ma tenue sur mon front, priant pour que le Vif d'Or soit un tant soit peu visible par ce temps. Lee Jordan dût s'égosiller de tout son organe pour couvrir le cœur de Serpentard et les intempéries :

-Et c'est parti pour le premier match de la deuxième partie de saison ! Le temps n'est pas sans rappeler celui d'il y a deux ans et qui ... bon, ça s'était soldé par la victoire de Poufsouffle, mais les Gryffondors ont je suis sûr retenu la leçon ! Et comme cette fois, le Ministère a oublié de nos envoyer des Détraqueurs, je pense que nous pouvons commencer ce match en toute quiétude.

-Jordan !

-Mais quel clown, marmonna Angelina avant de se tourner vers moi. Bien, Victoria ... Que la meilleure gagne.

Avec un sourire, je serrais la main tendue d'Angelina avec une poigne qui parut satisfaire Madame Bibine et revins vers mes joueurs. Les poursuiveurs étaient resserrés les uns sur les autres et je haussai les sourcils face au sourire conspirateur de Smith.

-Weasley n'a pas l'air dans une grande forme, explicita-t-il en désignant Ron du menton. Si on le bombarde dès les premières minutes, il risque de perdre ses moyens.

Malgré ma désapprobation, je finis par hocher la tête à contrecœur. Evidemment qu'à l'heure actuelle, Ron était sans doute l'un des plus gros points faibles de Gryffondor. Manque de chance pour eux, l'attaque était l'un de nos points forts et je vis au sourire déterminé de Smith lorsque Bibine libéra le souafle que le pauvre Ron allait encore passer un match difficile.

-Et c'est parti ! s'écria Lee Jordan depuis les tribunes. Et c'est Smith qui s'empare immédiatement du souafle, Bell s'interpose – vas-y, Katie, mets-lui le doigts dans l'œil ! Non, professeur ce n'est pas ce que je voulais dire et ... Ah. Bah 10-0 pour Poufsouffle.

Je brandis discrètement le poing alors que Ron se redressait sur son balai, le visage aussi rouge que la balle qui était passée dans son anneau latéral. Il n'avait même pas essayé d'attaquer le souafle lorsque Smith l'avait lancé, comme paralysé sur son balai. Désolée, Ron. Promis après ce match je t'aide, mais là Poufsouffle a besoin de point. J'avais été inquiète : ma préparation avait été minée par mes problèmes et Gryffondor avait une excellente attaque. Mais j'avais largement surestimé la dangerosité de l'équipe adverse – et sous-estimé l'amour que j'éprouvais pour ce sport. La première fois qu'Angelina se présenta devant moi, j'avais tant la rage de vaincre que le coup de poing que je donnais dans le souafle l'envoya dans les tribunes. A la cinquième minute du match, j'entendis un bruit strident émanant de l'autre bout du terrain et que je ne parvenais pas à apercevoir. Ce fut Kenneth qui me raconta, plié en deux sur son balai, qu'un des batteurs de Gryffondor avait pris peur en voyant Smith fondre sur lui et qu'il était tombé de son balai. Au bout de dix minutes, je n'avais encaissé qu'un but pour deux arrêts et le reste du temps, comme prévu, mon équipe monopolisait le ballon pour tirer sur un Ron de plus en plus désorienté. En dix minutes, le score était déjà porté à 100 à 10. Ce fut le moment où Poufsouffle semblait s'envoler que, portée par leur réussite, mes poursuiveurs se déconcentrent et je fus forcée d'à moitié me jeter de mon balai pour botter du pied le souafle qu'Owen avait perdu après une passe ratée pour Evelyn. Sauf que mon balai était rendu humide et glissant par la pluie et si Alicia ne m'avait pas aidé à me remettre dessus, je serais sans doute restée pendue à mon manche le reste du match.

-Et c'est encore une Bennett des grands matchs qui est sur le terrain, constata Jordan d'un ton assez ennuyé. C'est drôle quand c'est face à Serdaigle, mais nous tu nous aimes bien, tu pourrais être gentille quand même ...

-Qu'est-ce qu'il raconte, je suis l'incarnation de la gentillesse, maugréai-je en lançant le souafle à Smith. Ne vous déconcentrez pas ! On a le match en main, ce serait idiot de le perdre à cause de vos conneries !

Smith acquiesça d'un hochement sec, et je fus ravie de le voir apostropher vertement Owen. Les poursuiveuses de Gryffondor avait profité de mon abandon pour me mettre un but chacune, mais elle ne paraissait pas se réjouir. Angelina n'avait même pas fêté son but, même pas fanfaronné : elle semblait trop accablée par la prestation de son équipe pour insuffler le moindre vent de révolte. Et la purge se poursuivit lorsque, quelques minutes plus tard, en voulant essayer d'empêcher Evelyn de marquer, un autre batteur manqua le cognard et envoya sa batte dans la bouche d'Angelina. Sonnée, je vis avec effroi mon amie glisser de son balai : fort heureusement, Alicia et Kenneth arrivèrent à temps pour attraper chacun bras et maintenir la Capitaine au visage ensanglantée sur son balai. Je captai le regard de Madame Bibine et demandai un temps mort puisqu'Angelina ne pouvait pas le faire elle-même. Mon amie se fit soigner au bord du terrain pendant qu'Alicia ensevelissait les batteurs sous des tonnes d'injures et je me tournais vers mon équipe.

-Ce n'est pas un match, ça, c'est une purge !

-Je ne prends même pas de plaisir à jouer, confirma Judy avec dépit. Aucune adversité ... Je suis presque persuadée qu'à cinq contre sept vous gagneriez.

Aaron éternua bruyamment, mais à présent peu m'importait que son rhume l'empêche d'attraper le Vif d'Or. Nous menions de cent points, et si le match se poursuivait sur sa lancée, nous n'aurions bientôt plus besoin de la petite balle d'or et d'argent pour gagner. J'attendais toute l'année le match contre Gryffondor, contre mes amies que je pourrais charrier à chaque face-à-face, contre l'une des meilleures équipes où je devrais me sublimer, mais même cela m'était enlevé. Pendant que Pomfresh achevait de soigner Angelina, je laissai mon regard s'aventurer sur les gradins et vers la responsable de cet insipide spectacle : Ombrage se tenait un peu à l'écart des autres professeurs, mais ça ne l'empêchait pas d'avoir le torse bombé par la fierté. Je compris un instant plus tard quand elle leva les yeux et adressa un sourire aux dents pointus à Harry Potter quelques rangs plus haut, qui semblait ronger son frein et compter les minutes jusqu'à ce que ça se finisse.

-Quelle plaie.

Je me tournais avec surprise vers Madame Bibine, qui fusillait elle aussi Ombrage du regard.

-Si ce match est abominable, elle est la grande coupable, décréta-t-elle en agitant son balai, comme si elle rêvait de l'écraser sur sa tête. Ce n'est pas ça, le sport ...

-C'est à en extraire toute sa magie au Quidditch, confirmai-je tristement. Bon, finissons-en ...

Bibine darda sur moi son regard jaune si particulier, aussi perçant que celui d'un faucon et me gratifia d'un sourire crispé avant de me tapoter l'épaule.

-Je vous aime bien, Bennett. Vous êtes droite, juste et surtout, vous êtes douée. Ça fait des années que je n'ai pas vu une gardienne comme vous. Dans des matchs comme celui-ci où toute la magie du sport semble s'envoler, soyez égoïste et pensez à votre performance. Egayez-nous un peu ce match.

Sans me laisser le temps de répondre, elle porta le sifflet à ses lèvres et tous les joueurs enfourchèrent de nouveau leur balai. Y compris Angelina, qui, malgré le sang qui coulait toujours d'une plaie à la joue, semblait trembler à l'idée de laisser son équipe sans elle. Faute de trouver un réel plaisir dans ce match, je fis ce que m'avait conseillé Bibine et je me concentrais sur chaque arrêt que je faisais, comme si c'était un entrainement. L'effet fut que peu de souafle passèrent dans mes anneaux durant les dix dernières minutes du match que Jordan ne prenait même plus la peine de commenter. Angelina semblait encore sonnée, ses frappes étaient molles et ses passes imprécises, et de l'autre côté du terrain, mes poursuiveurs faisaient vivre un calvaire à Ron Weasley qui encaissa maladroitement un vingt-quatrième but, nous laissant cent soixante points devant. Alors je ne fus même déçue lorsque, profitant d'un éternuement sonore d'Aaron, Ginny Weasley attrapa le Vif d'Or. Mais même Angelina eut du mal à se réjouir : Gryffondor ne perdait peut-être que dix points, mais ça ne reflétait pas la catastrophe qu'avait été ce match. Sans même fêter ma victoire, j'inclinai mon balai vers le sol et Angelina qui venait d'atterrir à l'écart de son groupe et tâtait ton pensement. Elle cracha sur le sol un mélange de salive et de sang.

-Alors, ça va ? m'inquiétai-je en atterrissant à ses côtés.

-Pas vraiment, je pense que je vais repasser à l'infirmerie. (Elle se frotta la mâchoire où un bleu commençait à sortir). Quel enfer, ce match ...

Comme moi quelques instants plus tôt, elle leva un regard furieux sur Ombrage, qui venait de se lever, les yeux si noirs qu'ils paraissaient en aspirer la lumière.

-Et tout ça, c'est de sa faute ... Je t'assure, s'il n'y avait pas le Quidditch ...

Elle caressa son balai d'une main distraite et je compris qu'il n'y avait que la perspective de perdre son équipe qui l'empêchait de l'asséner avec virulence sur le crâne d'Ombrage. Elle finit par arracher son regard de la Grande Inquisitrice et m'adressa un sourire qui tenait plus du rictus.

-Mais bravo, tu as été brillante, comme toujours.

-Angie ...

Mais Angelina leva une main pour m'inciter au silence, sourit avec difficulté et s'éloigna en direction de l'infirmière. Miles, Roger et Emily se précipitèrent à ma rencontre et le Capitaine de Serdaigle m'enveloppa dans une étreinte d'ours.

-C'était un match affreux où tu étais la seule lumière, résuma-t-il en me relâchant. Mais quelle lumière, ton premier arrêt était magnifique !

-Un contraste criant avec l'autre bout du terrain, enchérit Miles avec un regard pour Ron qui quittait le terrain d'un grand pas furieux, avant de m'attirer à lui pour plaquer un baiser dans mes cheveux. Mais tu étais parfaite, Davies a raison.

-Et Poufsouffle prend la tête, se réjouit Emily en sautillant sur place. On est la seule équipe à deux victoires, on a une chance pour le titre !

Cette dernière constatation m'arracha un sourire, mais aussi un grognement à Miles et Roger. Emily avait raison : d'un point de vue comptable, Poufsouffle faisait une saison parfaite. J'avouai même commencer à rêver de coupe à la fin de la saison et mon cœur s'emballa devant la possibilité. Je levai un regard charmeur sur Miles.

-Tu ne veux pas me laisser gagner, en juin ?

-Pas question, répondit-t-il avec un éclat de rire. Ce n'est parce qu'on a perdu le premier match qu'on n'a pas une chance ! D'ailleurs, on est même plutôt favori ...

-Mais écoutez-le, s'amusa Roger en tapotant sa joue. Il s'y croit le petit, il oublie que le grand Davies va lui mettre une tonne de but la semaine prochaine ...

-Bennett ! Bennett, venez !

Je fis volte-face pour voir Chourave me faire de grands signes avec McGonagall et Bibine. Entre elles se tenait une grande femme à la peau mate et à l'opulente chevelure brune dont je ne parvenais pas à voir le visage puisqu'elle y avait rabattu sa capuche. J'échangeai un regard déboussolé avec Miles mais rejoignis ma directrice de Maison, laquelle m'attrapa d'une forte poigne dès que je fus à sa portée pour me pousser devant la femme.

-Là voilà, Victoria Bennett, gardienne et capitaine de Poufsouffle, me présenta-t-elle avec une pointe d'orgueil qui me fit rougir.

-Je la pensais plus grande, vu des tribunes, s'étonna la femme d'une voix suave.

Elle repoussa un peu son capuchon et je pus voir ses traits marqués les ans malgré une chevelure toujours très brune et son nez brusqué qui semblait avoir été cassé plusieurs fois. Son regard me détailla assez longuement que pour que j'interroge Chourave du regard, embarrassé, jusqu'à ce qu'à ce qu'un sourire ne s'étire sur ses lèvres.

-Mais la taille ne fait visiblement pas l'importance, la performance était remarquable, comme la dernière fois, trancha-t-elle en me tendant une main calleuse. Gwladys Sayer, recruteuse des Tornades de Tutshill.

Je serrai sa main avec automatisme et échangeai de nouveaux regards avec mes professeurs. Toutes trois hochèrent la tête avec enthousiasme, même McGonagall qui devait pourtant m'en vouloir d'avoir battu ses protégés.

-En ... enchantée, bredouillai-je, abasourdie.

Mais Gwladys me gratifia d'un sourire indulgent, tout en continuant de me détailler de ses yeux perçants.

-Alors, Victoria, qu'avez-vous pensé du match ?

Derrière elle, McGonagall me fit de gros yeux qui dilatèrent ses narines, comme si elle craignait que je n'aie pas vu le piège dans la question de la recruteuse. Je retins un regard agacé pour répondre, le cœur battant :

-Je vous avoue que c'était difficile, l'adversaire n'était pas à la hauteur et ça a permis à mon équipe de retomber dans ses travers. Mes poursuiveurs poussent trop vers l'attaque et si dans ce genre de match déséquilibré ce n'est pas un problème, c'est un défaut qu'il faut que je corrige pour les adversaires suivant, Serpentard sera certainement plus coriace.

-Victoria est quelqu'un de très lucide et de très analytique, enchérit Chourave avec empressement.

-C'est également l'une des joueuses les plus fair-play de l'école, ajouta Bibine en souriant largement. Une grande droiture et un amour du sport évident. Et ses qualités de jeu ne sont plus à vanter.

J'avais rarement reçu autant de compliment en si peu de mot, ce qui expliqua que je sente mon visage s'échauffer. Déboussolée, j'interrogeai la recruteuse du regard, serrant mon balai entre mes doigts crispés. Elle eut un sourire amusé face à mes professeurs et daigna répondre à ma question silencieuse.

-Je vous avais repéré il y a deux ans, déjà dans un match contre Gryffondor qui ne s'était pas très bien terminé, je le crains, mais j'avoue que votre jeu m'a intéressé. Je n'avais pas bien pu voir ce jour-là, quel temps épouvantable ...

-Un temps pour le Quidditch.

Le sourire de Gwladys se fit plus franc et McGonagall eut un hochement de tête approbateur.

-Exactement. Et j'admets volontiers avoir été intriguée par une rumeur dans les tribunes, aujourd'hui. Viktor Krum vous aurait proposé un poste en Bulgarie ?

-Il a dit que je pourrais venir faire des essais chez les Vautours, si je voulais me lancer dans le Quidditch plus tard, rectifiai-je, le cœur battant à tout rompre.

-Et c'est ce que vous voulez ?

Je gardai le silence quelques secondes. Comme lorsque Viktor Krum avait publiquement vanté mon talent pour le Quidditch un an plus tôt, je me retrouvais spectatrice de ma propre vie. Ce n'était pas à la petite Victoria Bennett qu'une recruteuse d'une grande équipe de Quidditch britannique venait parler, c'était à une autre, une personne plus talentueuse ... Pourtant, lorsque je baissai les mains sur mes mains, c'était bien les gants offerts par Simon à son dernier anniversaire qui les couvrait. Mon cœur s'arrêta un instant de battre. Malgré l'échéance qui devenait urgente, je n'avais pas pris le temps de réfléchir à mon avenir cette année, alors je décidai d'être sincère en répondant à Gwladys :

-Je ne sais pas encore. Je pense que je dois réfléchir encore un peu, c'est une décision importante ...

-C'est parfaitement normal, mais réfléchissez bien et vite à ça, me conseilla-t-elle avec sérieux. Je suis peut-être que la seconde à vous contacter, mais la plupart des recruteurs viennent en juin et je sais qu'au moins deux équipes vous ont sur leurs tablettes. Eh oui, sourit-t-elle devant mon air ébahi. On vient tous les ans, certain ont forcément dû griffonner votre nom quelque part ... Alors dépêchez-vous de voir si vous voulez vous lancer dans une carrière, parce qu'après il va vite vous falloir choisir un club, et ça aussi c'est une décision difficile. En attendant ... (Elle sortit de sa poche une lettre portant le sceau des Tornades et me la remit). Un essai vous attend chez nous au mois de juin, après vos ASPICs. La décision vous appartient, Victoria. Bon courage pour la fin de votre année.

Elle se fendit d'un dernier hochement de tête, salua mes professeurs et prit congé en s'enveloppant dans sa cape. Je ramenai la lettre contre moi, observant le double « T » dont été frappé le papier, avec toujours cette désagréable impression que je contemplai la vie d'une autre. Chourave, extatique, vint m'entourer les épaules de ses bras, contemplant elle aussi la lettre avec une grande fierté.

-Alors, Bennett, qu'est-ce que vous dites de ça ?

-Félicitations, Victoria, dit Bibine avec un immense sourire. Vous entrez dans la cour des grands, maintenant.

Je contemplai toujours la lettre, hébétée, avant de lever les yeux sur mes professeurs qui me fixaient toutes trois avec une grande fierté. McGonagall me gratifiait même de l'un de ses rares sourires. Tout était beaucoup trop soudain et s'ajoutait à une pile déjà trop haute d'émotions contradictoires.

-Je ... Je ne sais pas même pas si je veux ... Si je peux ...

-Vous en êtes parfaitement capable, Bennett, m'encouragea McGonagall. Avec Potter, vous êtes peut-être la meilleure joueuse de cette école. Je vais vous donner le même conseil qu'à Bones : ne gâchez pas votre potentiel.

***

-Laisse-moi la relire !

-Tu l'as déjà lue cent fois !

-Mais Vic' !

Avec un grognement de frustration, je finis par tendre de nouveau la lettre à Miles. Elle était passée entre toutes les mains : Roger, qui s'était retrouvé vert de jalousie devant la proposition, Emily, qui répétait qu'elle avait été la première à dire que je pourrais percer dans le Quidditch, Cho, qui était fan des Tornades et avait lu la lettre avec une stupéfaction peu flatteuse, et même Susan revenue de l'infirmerie qui me l'avait presque arrachée des mains. Elle était même allée la montrer à Simon, qui n'était toujours pas descendu de sa chambre, mais visiblement, la nouvelle ne lui avait arraché que peu de réaction, et cela avait peut-être un peu ternie mon bonheur d'être considérée pour un talent qui m'étais propre. Je n'étais pas sûre de poursuivre dans le Quidditch, mais cela me faisait un bien fou d'être reconnue pour ça. Pour la première fois depuis des semaines, j'émergeai du brouillard et malgré l'enthousiasme insupportable de Miles, un sourire fendit mon visage.

-Arrête, je ne suis pas sûre d'accepter, rappelai-je en récupérant la lettre.

-Tu serais idiote de ne pas accepter ! Enfin, Vic', ils sont premiers du championnat, c'est l'une des meilleures équipes d'Europe ! Et ils te proposent des essais, bon sang, si tu savais comme je suis fier de toi !

Pour me le prouver, il prit mon visage en coupe et m'enivra d'un long baiser. Après avoir vérifié que le couloir était désert, je m'abandonnai à lui, reculant jusqu'à être coincée entre lui et le mur, savourant le goût de sa langue sur mes lèvres et de ses mains qui enserrait mes hanches. La lettre que je tenais toujours entre les mains avait ouvert un écrin de soleil dans ma vie dont je profitai pleinement avec Miles. Grisée, je lâchai ma lettre pour nouer les mains à l'arrière de sa nuque et approfondir le baiser. Lorsqu'il s'écarta enfin d'un souffle, nous avions le souffle court, les lèvres rougies par l'effort mais nous sourions avec cette niaiserie si particulière et qui, à la cachette d'un couloir désert, n'était pas si insupportable. Mes doigts descendirent sur sa gorge pour ensuite jouer avec sa cravate.

-Je dois aller retrouver Octavia, on doit avancer sur notre devoir mais ... Peut-être que demain, on pourrait se retrouver à deux ? J'ai un devoir à réviser.

Miles haussa un sourcil dubitatif.

-Un devoir à réviser ?

Je sentis mon visage s'empourprer devant l'intensité de son regard. Depuis quelques semaines, je sentais parfois les choses s'accélérer entre nous mais le manque d'intimité qu'imposait Poudlard ainsi que tous mes ennuis m'empêchaient de profiter pleinement de cette ivresse. En de rare moments, comme celui-ci, je me surprenais à rêver d'un moment de totale intimité dans la salle de bain des préfets à laquelle j'avais accès avec mon grade de Capitaine où les choses pourraient peut-être aller plus loin ... Mais avant que je ne puisse mettre mon plan à exécution, une réalité m'exploser à la figure et j'étais happée par des choses plus urgentes. Comme cette fois, où le regard de Miles se détacha de mes lèvres pour effleurer la fenêtre dernière nous, et il se redressa soudainement, perplexe.

-C'est Bones ?

L'ivresse me quitta aussi vite qu'elle m'avait envahi, et je me dressai sur la pointe des pieds pour apercevoir Simon par la fenêtre, traversant le parc les mains dans les poches. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. C'était la première fois que je le voyais depuis la sortie de Pré-au-Lard. Il était trop loin pour que je n'observe son visage, mais le fait qu'il quitte sa chambre était déjà une petite victoire.

-Le Bones sauvage est sorti de sa grotte, constata Miles en haussant les sourcils. Franchement il exagère ... Enfin, je suis désolé, Vic', mais moi je ne comprends pas comment on peut mettre tout le monde en émois comme ça, pour rien ... Désolé mais ...

-Non, ça va, répondis-je en un souffle sans le lâcher du regard. Moi non plus je ne comprends pas.

Ne parle pas de ce que tu ne sais pas. Au souvenir de la tasse de café qui explosait et du sang de Simon qui coulait sur la table, les larmes me montèrent mécaniquement aux yeux. Depuis qu'il était cloîtré dans sa chambre, j'avais essayé de me convaincre que pour la première fois de ma vie, je ne pouvais rien faire pour lui, qu'il était responsable de son état et que j'étais impuissante. Mais le voir pour la première fois depuis plusieurs jours firent remonter dans ma gorge toute la douleur que je pouvais ressentir face à une telle situation. A Pré-au-Lard, avant que tout n'éclate, alors qu'il serrait ma main comme s'il avait l'intention de ne jamais s'en détacher, j'avais eu l'impression de découvrir un nouveau pan de notre relation, celle où je me rendais compte que j'étais capable d'énormément de chose pour le protéger et que l'inverse était vrai. Je ne veux pas que tu meures, Vicky.

Alors pourquoi tu t'éloignes de moi ? Pourquoi tu m'abandonnes, Bones ?

Et malgré mon envie ardente de l'aider, celle de lui arracher les yeux se vivifiaient de jour en jour.

Conscient de mon trouble, Miles m'enlaça d'un bras et pressa ses lèvres contre ma tempe.

-Allez, viens, Vic'. Octavia va t'attendre.

-Ouais ... Ouais, j'arrive.

A contrecœur, je me détachai de la fenêtre et nouai mes doigts à ceux de Miles pour me rendre à la bibliothèque. Il me quitta après un dernier baiser qui n'avait rien de la passion du précédant, mais de nouveau, ma réalité venait d'exploser en moi en balayant tout sur son passage. Et le rayon de soleil se trouvait couper par d'autres nuages. Ce fut particulièrement morose que j'arrivais devant Octavia McLairds, déjà affairée dans un coin isolé de la bibliothèque. Elle me jeta un regard où pointait l'exaspération mais s'abstint de tout commentaire.

-Salut, dit-t-elle plus sobrement. On doit avancer sur notre deuxième partie, c'est la moins documentée. (Elle désigna la pile de livre devant elle). J'ai déjà sélectionné quelques sources.

-Merci.

Elle hochement sèchement la tête et se remit dans l'étude d'un épais grimoire sur l'ascension de Grindelwald que j'avais déjà feuilleté l'année passée. Je pris un livre sur la création du Code Magique International mais ne réussis pas à totalement me plonger dedans. J'avais encore en tête l'image de Simon traversant le parc, de son air de repli lorsque j'avais parlé de Jugson, de son cri lorsque j'avais insisté. Et malgré tout, la piste donnée par Rita Skeeter sonnait en moi comme l'espoir : ce n'était pas un secret. J'avais jusque-là refusé d'accorder foi à une femme que je n'estimais guère, qui avait écrit des articles plus mensongers les uns que les autres, et qui, de surcroit, semblait avoir abusé de la boisson, pourtant ces mots étaient toujours là en embuscade. Je me rendis à peine compte que je relisais deux fois la même page et lorsque je me surpris à fixer la marque des Ténèbres sur la couverture de l'un des livres, je repoussai le grimoire d'une main, agacée. Octavia sursauta et me jeta un regard désappointé. Je refermai celui que je lisais d'un geste brusque.

-Désolée, je suis incapable de me concentrer.

-Mille gorgones, Bennett, siffla-t-elle, consternée. On a un retard monstre sur notre devoir ! On devrait déjà avoir tout notre plan et notre introduction rédigée et on n'a rien !

-Je sais, je sais ... Désolée ...

-Désolée ?

Elle me considéra longuement, l'air d'hésiter entre m'enfoncer sa plume dans le nez ou de me lancer le grimoire au visage. Finalement, elle choisit une troisième option en fermant le livre qu'elle consultait et en croisant les bras sur sa poitrine pour me toiser, la mine condescendante.

-Bon, alors on va régler ce qui ne va pas, comme ça on va pouvoir avancer. Laisse-moi deviner. C'est Simon ?

-Bon sang, McLaids, jurai-je en l'observant. Tu penses vraiment que j'en envie d'en parler à toi ?

Les yeux d'Octavia se plissèrent et ses lèvres se réduisirent à une mince ligne plissée.

-Je suis sortie avec Simon, Victoria, et contrairement à ce que pense la moitié de Poudlard, ce n'est pas dû hasard. Je l'apprécie beaucoup, même encore maintenant et après qu'il m'ait quitté. Tu n'es pas la seule à t'inquiéter pour lui. Il a compté pour moi.

Avec un soupir, elle décroisa les bras et se frotta la tempe, les yeux clos. Je la dévisageai, assez honteuse de n'avoir vu que la camarade froide et distante et d'avoir oublié qu'Octavia McLairds avait un cœur, et qu'elle l'avait un jour donné à Simon. Peut-être était-elle, exceptée Susan, l'unique personne à pouvoir le comprendre, à pouvoir m'aider à éclairer son attitude des dernières semaines ... J'ignorais si ce fut cela, ou le regard insistant qu'elle darda sur moi pendant les instants qui suivirent, qui me convainquirent, mais les mots finirent par sortir sans que je ne l'aie réellement décidé, poussés les uns par les autres, ravis d'être enfin libérés. Octavia couvrit sa bouche de sa main lorsque je lui contais l'épisode des Trois Balais, puis elle fronça les sourcils lorsque j'évoquais la piste de Rita Skeeter.

-Mais elle avait pu une certaine dose de Whisky Pur-feu lorsqu'elle m'a dit ça, je ne sais pas si on peut s'y fier, achevai-je d'une voix morte. Et puis même, je ne suis pas là d'accorder ma confiance à Rita Skeeter ...

-Je ne sais pas, songea Octavia, comme pour elle-même. Souvent, ses informations sont fiables. Enfin, ses sources le sont, elle part toujours de quelque chose de vrai. Après ce qu'elle en fait, c'est un autre débat mais ... Si Rita Skeeter t'a donné une source, ça peut toujours valoir le coup d'essayer.

-Le problème, c'est qu'elle ne m'a donné aucune source. Elle m'a juste dit que l'information que je cherchais se trouvait dans « cette nuit-là ». (Je poussai un grognement sonore). Si je te jure, si elle sait quelque chose sur Simon que je ne sais pas ...

Un léger sourire retroussa les lèvres d'Octavia. Je n'étais qu'à moitié surprise de la voir réagir en grande professionnelle : son visage était calme, ses yeux songeurs et j'arrivais même presque à voir tourner les rouages de son cerveau. Après quelques minutes de réflexion, elle se leva lentement, marmonnant pour elle seule :

-« Cette nuit-là »... Le meurtre d'Edgar Bones ... On doit en avoir des aussi anciens, ici, quand était-ce déjà ? (elle posa son regard sur moi). Août 1981 ?

Sans attendre ma réponse, elle s'en fut à travers les rayonnages, me laissant pantoise devant nos travaux. Elle revint quelques minutes plus tard les bras chargés de deux cartons qui la dissimulaient totalement et je me dépêchai de débarrasser notre table, empilant les livres et les parchemins à même le sol pour qu'elle puisse se débarrasser. Je plongeai une main dans le carton pour en tirer un numéro jauni de La Gazette du Sorcier qui datait du 26 août 1981. Octavia releva son opulente chevelure en un chignon lâche et pointa le journal que je parcourais, perplexe.

-Prends ce carton, c'est la seconde partie d'août, je prends l'autre. La première qui a celui qui parle du meurtre des Bones a gagné. Pas besoin de tout lire, un tel acte, ça devrait être en Une ...

-Je ne savais pas qu'on avait des archives ici ...

Octavia m'adressa un sourire que je qualifierais presque de malicieux.

-Poudlard est un puit de savoir, quand on sait où chercher, Bennett. Maintenant au travail : on trouve ton information, et après on se remet à notre sujet.

Admettant que l'idée d'Octavia était bien meilleure que toutes celles que j'aurais pu avoir, je sortis vivement une pile de vieille Gazettes défraichies. L'espoir lancé par Rita Skeeter pulsait en moi et chassait le désespoir qui m'avait paralysé quelques minutes plus tôt. Pendant quelques instants, on n'entendit plus que le froissement des feuillets, les grognements d'Octavia chaque fois qu'elle était bredouille et nos hoquets d'horreur quand nous tombions sur une autre famille massacrée. Parfois, mon regard vagabondait sur les articles absolument déprimants de la fin d'août 1981. Le monde d'il y avait quinze ans semblait au bord de l'effondrement.

-Quand tu lis ça, tu as l'impression que la guerre était perdue ..., soupirai-je, soufflée. C'est à c'en demander ce qui se serait passé si Harry n'avait pas ... Oh ! (Je levai les yeux sur Octavia, qui dressa sourcil). J'ai une date ! « Le désespoir semble de toute manière avoir envahi le Ministère, surtout depuis la mort d'Edgar Bones dans la nuit du 13 août ... »

-La nuit du 13 août, répéta Octavia en lâchant la Gazette qu'elle lisait pour prendre son carton. Donc ça a dû paraître dans l'édition du 14 ...

Elle fouilla le carton jusqu'à en retirer le fameux journal. Sans attendre, je me penchai sur son épaule alors qu'elle dépliait la Une et la lissai sur la table. Pour mon plus grand soulagement, l'article titrait bien « Tragique instant pour le Ministère : Edgar Bones retrouvé mort chez lui avec sa femme et ses enfants ». Un cri s'échappa de mes lèvres lorsque je vis l'immense photo qui occupait une partie de la page. Octavia me jeta un regard circonspect.

-Quoi ?

-C'est la maison des Bones ...

-Evidemment, qu'est-ce que tu veux que ce soit ?

Mais elle ne comprenait pas, songeai-je en passant un doigt sur la marque des ténèbres qui coiffait la maison. C'était celle que George et Rose Bones habitait à la sortie de Terre-en-Landes. C'était celle que je visitais depuis mon plus jeune âge, sans savoir le drame qui s'y était déroulé, sans savoir qu'un jour, c'était l'homme que je n'avais vu qu'en photo qui l'avait habité ... et qu'il y avait été tué. Octavia n'attendit pas que je me remette de ma découverte pour entonner à voix haute la lecture de l'article :

Hier soir, vers 22H30, les autorités ont fait une macabre découverte dans le fief des Bones à Terre-en-Landes. C'est l'un des voisins sorciers qui a donné l'alerte en remarquant que la Marque des Ténèbres brillait dans le ciel ... Edgar et Cassiopée Bones, abattu par le sortilège de la mort au rez-de-chaussée ... Leur aîné retrouvé dans les escaliers ... le cadet a essayé de se cacher ... Deux suspects ont pris la fuite ... Parmi eux, un identifié comme appartenant à ceux qu'on nomme « Mangemort » ... La responsabilité de Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom ... Edgar pressenti pour remplacer Barthy Croupton, dont les méthodes sont jugées trop radicales par la Ministre, à la tête de la Justice Magique ... ». Bon, ça, j'avoue que je l'ignorais. Mais le reste ... Rien que du très ordinaire.

J'acquiesçai, moi aussi déçue par le contenu de l'article. Nous tentâmes de lire les pages intérieures pour glaner quelques informations, mais il était surtout question de la nomination prochaine d'Edgar à la Justice Magique, d'un tracé succinct de sa vie et de celle de femme, Cassiopée, une Auror douée qui travaillait énormément avec un certain Alastor Maugrey. Je me laissai retomber sur ma chaise, désappointée et laissai le soin à Octavia de ranger le journal. Elle me jeta un regard et je pus lire dans le sien qu'elle était également déçue et contrariée.

-Ça a été fait le lendemain, rappela-t-elle néanmoins. Il y a peut-être des choses qui leur ont échappé ... Je vais aller voir s'ils ont une édition du Sorcier du Soir, il doit y avoir des informations plus instantanées ... Des choses auxquelles La Gazette n'a pas eu accès ...

-Octavia ...

Mais elle s'était déjà faufilée dans les rayons. Pour ne pas me concentrer sur ma déception, je rangeai toutes les Gazettes dans les cartons avec des gestes laconiques. Ce mystère ne faisait pas que ronger Simon : il me rongeait également. Ça me tuait littéralement de savoir que quelque chose de lui m'échappait. Octavia finit par revenir, serrant contre elle un journal roulé et ceint d'un élastique qu'elle se dépêcha de le dérouler. La même photo couvrait une partie encore plus conséquence de la Une. Ça me faisait toujours un drôle d'effet de voir cette maison qui avait été l'horizon de mon enfance surmontée de cette marque. Avec un pincement au cœur, je me rendis compte que cette image pourrait parfaitement se reproduire.

-L'article commence de la même façon, maugréa Octavia en suivant les lignes du doigt. Le voisin qui prévient les autorités – ah, on a son nom, Jack McDougal – les Aurors qui arrivent sur les lieux ... Agresseur déjà partis ... Toute la famille retrouvée morte ... Oh.

Je venais de lire les mots qui venaient de figer Octavia. Je sentis un liquide s'insinuer dans mes veines et m'ankyloser les muscles. Inconsciemment, je ramenais mon poing contre ma gorge, saisie, lisant encore et encore cette phrase jusqu'à en comprendre toutes les implications. La voix d'Octavia était agitée d'un tremblement lorsqu'elle lâcha :

-Oh mon dieu ...

Elle plaqua ses mains contre sa bouche, horrifiée. Je sentis qu'elle cherchait mon regard, mais j'avais le mien rivé sur la photo d'Edgar et Cassiopée Bones, reléguée dans un coin de l'article. J'avais déjà vu Edgar, mais c'était en revanche la première fois que je posais les yeux sur sa femme. Un peu à l'image de Melania, ce n'était pas une beauté parfaite, mais ses traits dégageaient une force et une spontanéité qui lui donnait un certain charme et étaient empreint d'une sorte de noblesse. Ses longs cheveux clairs cascadaient dans son dos et elle esquissait un sourire malicieux de ses lèvres fines qui m'étaient affreusement familière. Je la détaillai jusqu'à m'en asséchai les yeux, son visage fin, les mèches qui bouclaient sur sa nuque, les pâles tâches de rousseurs qui picorait sa peau. Peu à peu, les visages de ses fils se superposèrent à elle : Spencer lui ressemblait beaucoup. Mais ce n'était pas le pire. Un sanglot resta coincé dans ma gorge et j'y portais la main pour qu'il y reste. Je sentis Octavia passer une main douce dans mon dos.

-Bon ... Je pense qu'on reprendra demain, alors ... Prends le journal, et frappe-le très fort avec.

Le sanglot éclata avec la moitié d'un rire. Oui, j'avais envie de le frapper. De lui faire subir les pires tortures que je lui avais toujours promises et d'enterrer son corps dans la forêt interdite. Lentement, je roulais le journal et le scellai avec l'élastique. Oui, Octavia avait raison. J'allais le frapper avec la vérité.

***

Ce ne fut pas simple de trouver Simon : j'étais si agitée, si fébrile, que chaque personne qui me croisait m'arrêter pour s'enquérir de mon état. Chaque fois, je prenais congé sans demander mon reste, si ce n'était pour savoir s'ils avaient vu Simon. Ce fut Anthony Goldstein, le préfet de Serdaigle, qui m'indiqua qu'il l'avait vu sur le pont qui enjambait un bras du Lac Noir. La pluie battait le parc de Poudlard, mais cela ne m'arrêta pas. Le cœur battant contre ma cage thoracique, je m'y rendis en courant, le journal protégé sous ma cape. J'avais l'impression que chaque foulée m'éloignait un peu plus du pont, pourtant je finis par poser ma main sur ses antiques pierres, hors d'haleine. J'arrachai ma capuche pour embrasser l'endroit du regard et finis par le trouver, accoudé à la barrière, le regard plongé sur le lac battu par la pluie. Celle-ci frappait si fort le toit du pont que je doutais qu'il ne m'entende arriver. Pendant quelques instants de latence, je contemplais son profil, le souffle court. Son grand nez pointu dont je moquais tant et ses incroyables yeux verts étaient indéniablement Bones, mais le reste de ses traits, ses lèvres fines, ses cheveux d'un blond que l'hiver obscurcissait, son visage et sa silhouette mince ...

J'aurais dû le voir. Simon n'avait rien de la grande stature de George. Et surtout, il n'avait absolument rien de la belle Rose Bones.

Au prix d'un incommensurable effort, je finis par avancer d'un pas, puis d'un autre. Je vis Simon se rapprocher jusqu'à ce que finalement ses yeux se tournent vers moi. Nous restâmes un long moment à se contempler, avec la pluie et ma respiration haletante comme seuls meubles du silence. Mes doigts se crispèrent sur le journal, et avant que je ne puisse formuler une pensée correcte, Simon se détourna en lâchant un immense soupir.

-Bon sang, je pense que je pourrais aller au bout du monde que je ne pourrais pas t'échapper ...

La remarque m'arracha un rire tremblant. Malgré tout, Simon semblait mieux que la dernière fois que je l'avais vu : les cernes s'étaient atténués et il avait repris quelques couleurs. Visiblement, le repos forcé par Pomfresh avait porté ses fruits. Ce fut sans doute pour cela qu'il ne prit pas immédiatement la fuite quand je m'approchai pour m'accouder à côté de lui. Il pleuvait si fort que le lac n'était plus qu'un horizon de brume. Mais je n'eus le temps que d'ouvrir la bouche avant qu'il ne lâche :

-Non.

-Mais ...

-Si tu comptes reprendre la conversation de Pré-au-Lard, tu peux te taire tout de suite, Vicky. Ça nous fera gagner de l'énergie à tous les deux.

Une bourrasque de vent plaqua mes cheveux contre mon visage et fit claquer mes vêtements. Je resserrai ma cape sur moi, luttant contre la colère qui était restée en embuscade pendant que je faisais les recherches avec Octavia.

-Pourtant, il faut qu'on en parle, Simon. Ecoute, j'ai ... Oh, Bones ! (Il eut l'audace faire volte-face mais j'eus la vivacité d'esprit d'agripper vertement son écharpe avant qu'il ne puisse s'exécuter totalement). Où penses-tu aller comme ça ?

-Mais pourquoi tu ne me laisses pas tranquille, enfin ?!

Sans que je ne puisse m'empêcher, la colère monta brusquement en moi sous la forme de larme dans mes yeux et je brandis le journal pour l'asséner plusieurs fois sur son crâne tout en tirant sur écharpe pour le maintenir à ma hauteur.

-Parce-que-c-est-mon-rôle, martelai-je en ponctuant chaque mot d'un coup. Parce que je suis la seule personne dont tu acceptes le pire et que j'accepte le pire de toi, parce que j'étais là au début et que je le serais à la fin pour t'enterrer d'un « on se reverra en enfer, Minus ». Parce que chaque minute de chaque jour de ta vie, j'étais là pour te frapper, pour te soutenir, pour dégonfler ton égo et que sans moi pour t'apprendre l'humilité tu serais devenu un petit con arrogant. Parce que tu sais chaque petite parcelle, chaque petit secret de ma vie, même les pires, même les moins avouables, tu es l'unique personne qui sait tout et que ça me blesse profondément que l'inverse ne soit pas vrai ! Parce que je suis incapable d'aller bien tant que tu vas mal parce que tu fais parti de mon équilibre et que j'ai besoin de toi, Simon ! C'est pour ça que je te harcèle, c'est pour ça que jamais, Simon Bones, jamais je ne te laisserais tranquille. Où que tu iras, tu auras ma petite ombre qui te suivra pas à pas, je serais derrière toi pour te soutenir si tu tombes ou pour te retenir si tu t'envoles. Ça te suffit comme explication, où il faut que je te frappe encore plus pour que le message passe ?!

Je me rendis à peine compte que les larmes avaient dévalés mes joues, se mêlant à celles qu'avait déversé le ciel sur mon visage. Mes doigts étaient tellement serrés sur l'écharpe de Simon qu'ils semblaient s'y être soudés et ils furent incapable de s'en détacher quand il se redressa après avoir été certain que je n'allais pas me remettre à le battre.

-Victoria ...

C'était rare que Simon m'appelle par mon prénom, si bien que cela redoubla mes pleurs que je me trouvai incapable d'essuyer, une main ancrée sur son écharpe et l'autre serrée sur le journal. Alors ce fut lui qui s'en chargea en passant un pouce pour cueillir une larme sur ma joue en un geste dont je sentis tout le tremblement.

-Vicky, s'il te plait, arrête de pleurer ... Je suis désolé ... C'est juste que ... Si j'en parle, je vais exploser, je t'assure, je ... je ne peux tout simplement pas, c'est tellement compliqué ... je ne peux pas ...

Il pressa ses paupières, provoquant la chute d'une larme sur sa joue crayeuse. J'arrivai à dessouder ma main de son écharpe pour l'essuyer doucement du dos de mon index. Il tressaillit. Sa peau était glaciale contre la mienne. Machinalement, mes doigts remontèrent jusqu'à une mèche blonde qui n'avait rien du roux des Bones qui dépassait de son bonnet et barrait son front.

-Alors c'est moi qui vais le dire.

Simon ouvrit de grands yeux perdus sur moi. J'eus un sourire penaud, tout en continuant de caresser ces quelques mèches, comme si cela pouvait atténuer ce que j'allais dire.

-Tu ne m'as pas donné l'information et ça me rendait folle. Alors j'ai fouillé et ... (Timidement, je levai le journal que j'avais toujours dans la main). Je l'ai trouvée ...

Simon observa le journal, avant de reposer ses yeux sur moi, puis sur le journal. Son regard s'agrandit et se chargea d'effroi et il s'écarta brusquement pour se plaquer contre la rambarde, le visage décomposé.

-Je ... Tu ... Comment ... ?

-Assez étrangement, je te raconterais après. Cette histoire n'est somme toute qu'une somme d'aberration, mais on arrive quand même à la vérité ... (Je pris une profonde inspiration et rivai mes yeux sur ceux de Simon). Je sais que tes parents ne sont pas tes parents ...

-Arrête.

-... et que tes parents, ce sont Edgar et Cassiopée, poursuivis-je néanmoins. Et que Matthew et Spencer ne sont pas tes cousins, mais tes frères aînés ...

Simon se couvrit les oreilles de ses paumes en s'éloignant de moi, mais ma main s'agrippa de nouveau à son écharpe. Même maintenant que je le disais moi-même à voix-haute, j'avais peine à y croire, pourtant tout était là. Les mots lus dans l'article étaient limpides. Un enfant de trois ans avait survécu au massacre, avant d'être confié à sa famille. Les détails de sa découverte m'avaient faite frémir. Mais visiblement, Simon était encore moins prêt à l'entendre que moi. Et comme il n'y avait que de moi qu'il pouvait accepter le pire, j'assénai, les larmes aux yeux :

-Tu étais caché dans le placard de la chambre, cette nuit-là.

-Vicky, s'il te plait, tais-toi ...

J'aurais voulu me taire. J'aurais voulu effacer la terreur qui commençait à faire luire les yeux de Simon. Mais ce qu'elle me disait, c'était qu'il devait entendre ces mots. Même si ça lui faisait mal, même si c'était de la torture, il fallait qu'il les entende ... que la vérité le frappe :

-... et tu as tout vu. Tu as vu Jugson entrer, et le tirer de dessous son lit ... Tu l'as vu le tuer ... Tu as vu ta famille entière mourir ...

C'en était trop pour Simon : il s'écroula. Il tituba contre le mur de pierre et s'y laissa glisser pour se replier en position fœtale et éclata en sanglot incontrôlable. Sans réfléchir, je lâchai le journal pour me précipiter à terre et agripper ses mains, également en pleurs. Malgré tout, malgré la colère, la douleur, la trahison et l'amertume, je sentis que pour la première fois depuis janvier, les nuages s'écartaient entre nous, laissant le soulagement et l'espoir poindre à l'horizon. Ça avait failli nous détruire, mais à présent c'était sorti, même s'il fallait que Simon sanglote à s'en déchirer la gorge devant moi, la tête enfouie dans ses bras. Je caressai ses épis blonds – les cheveux qu'ils avaient hérités de Cassiopée Bones – avec des gestes fébriles. Même le martèlement de la pluie ne parvint pas à couvrir ses sanglots. Pendant un long moment, je crus que rien ne le calmerait, qu'il resterait à pleurer, les épaules secouées jusqu'à qu'il tombe d'épuisement, mais entre deux hoquets j'arrivais l'entendre articuler :

-Désolé ... Vicky, je suis désolé ...

-Chut, ça on en parlera plus tard ... Et ça se soldera peut-être par un arrachage d'yeux en bonne et due forme, mais ça attendra.

Un rire entrecoupa deux sanglots et il releva la tête de quelques centimètres pour me laisser apercevoir ses yeux verts veinés de rouges et brillants de larmes. Ces derniers temps, j'avais toujours trouvé son regard hanté, mais jamais je n'aurais pu deviner à quel point ses fantômes pouvait être réels. Mes mains se perdirent dans ses cheveux et j'en attrapai une mèche pour la tirer doucement, mais avec assez de fermeté pour attirer son attention.

-Mais il faut quand même que ça sorte. Et je ne suis pas Susan, moi, je ne te ménage pas. Alors même si ça doit te faire pleurer jusqu'à l'épuisement, jusqu'à qu'il ne reste pas la moindre larme dans ton corps, tu vas me sortir ta véritable histoire, Simon Bones. Tu m'entends ?

Simon parut terrifié par la perspective. Il se colla à la pierre comme s'il avait espéré s'y fondre en secouant obstinément la tête.

-Non ... Non, je veux ... Je ne veux pas ...

Un sanglot entrecoupa son souffle et me déchira littéralement le cœur. Je ne pensais jamais l'avoir vu dans un tel état de vulnérabilité ... pas même quand nous nous étions retrouvés après la mort de Cédric. Je fus presque tentée de respecter sa volonté, d'arrêter la cette discussion et de le laisser sécher ses larmes ... Mais la phrase prononcée par Susan me revint en tête. « Je ne sais pas ce que tu as à l'intérieur de toi, mais ça te ronge ».

Elle avait raison. Ça le rongeait. Ça le détruisait. Et je préférais voir Simon pleurer que se détruire.

La gorge serrée, je pris son visage en coupe et d'un geste qui me parut brusque, je le forçai à le lever vers moi et à planter mon regard dans le sien.

-Non. On va en parler maintenant. On va en parler, et faire sortir tout ça parce que ça ne demande qu'à sortir. Si ça ne sort pas, ça va exploser en toi, tu vas ... (ma voix se brisa et les échos de notre dispute à Pré-au-Lard me hantèrent un instant). S'il te plait, j'ai besoin de l'entendre ... de toi ... et toi, tu as besoin de le dire. S'il te plait ...

Pendant plusieurs secondes, Simon se contenta de secouer la tête, mais de plus en plus faiblement à mesure que ma voix fléchissait, comme si ma vulnérabilité asséchait sa terreur. Ses mains se portèrent sur mes poignets et au moment où je crus qu'il allait se détacher de mon étreinte, il y referma ses doigts tremblants en tout en fermant les yeux, s'arrimant à moi pour ne pas dériver. Avec un geste qui me parut dicter par l'Imperium tant il était raide, Simon finit par lentement hocher la tête et j'exhalai un soupir de soulagement que je ne pus retenir. Je lui laissai le temps de reprendre ses esprits, de sécher ses larmes et de se redresser. Il avait de nouveau un teint diaphane qui faisait ressortir ces tâches de rousseurs. Sa main se perdit sur mon poignet avant de remonter jusque mes doigts et les serrer à l'en les briser.

-Il ... il n'y a une chose qu'il faut que tu comprennes avant tout ... (il ferma les yeux et ses paupières tressaillirent). C'est quelque chose que j'ai enfoui très, très profondément en moi, Vicky, vraiment profondément, jusqu'à ce que ... j'en oublie que c'est la vérité. C'est pour ça que tu n'as jamais rien su, c'est parce que ... (de nouvelles larmes coulèrent sur ses joues) j'ai préféré me persuader que j'étais le fils de George et Rose plutôt que d'accepter ce que j'avais vécu ... C'était ... Je ne sais pas, un mécanisme de défense que j'ai mis en place très tôt, dès que j'ai compris ...

Ses épaules se remirent à trembler au même rythme que sa voix et je la frictionnai pour les calmer. Malgré moi, j'étais suspendu à ses lèvres, à cette part de lui qu'il m'avait toujours refusé et qui se dévoilait enfin, à ce secret que je n'avais jamais soupçonné. Il poussa un profond soupir et pressa son index et son pouce sur ses paupières closes.

-Je ... je ne sais même pas par quoi commencer ...

-Par le début, proposai-je, provoquant le semblant d'un rire de sa part. Tu es bien né le 7 août 1978 ?

La date à laquelle avait été prise la photo de Matthew et Spencer posée sur la console des Bones ... Simon pianota ses doigts sur les miens et déplia ma main pour en observer la paume, comme s'il lisait mes lignes.

-Non, ça, ça ne change pas. Simplement ... Je ne suis pas né de ma mère, mais de Cassie. Et j'étais le benjamin d'une fratrie de trois garçons ... Je n'ai pas beaucoup de souvenirs, j'avais ... j'avais trois ans quand c'est arrivé. Ce que je sais, c'est le peu que j'ai autorisé à mes parents de me raconter. Que Matthew était une petite terreur qui faisait déjà sa loi dans Terre-en-Landes et qu'il a été réparti à Gryffondor quand il est entré à Poudlard, comme Cassie ... Spencer était plus réservé, c'était ... un garçon d'une timidité maladive, mais très à l'aise avec sa magie. Mon père m'a dit qu'à six ans, il était capable de la contrôler et de l'utiliser sciemment ...

Ses doigts suivirent une veine sur mon poignet puis une cicatrice pour ensuite passer sur le bracelet de petite perle que m'avait offert Cédric à mes dix-sept ans. Il effleura le petit soleil du bout de l'index et sa voix se brisa quand il poursuivit :

-C'est lui qui m'a sauvé. Spencer. On était tous les trois en haut avec Edgar quand les Mangemorts ont débarqués ... Je ... Je me souviens juste qu'il nous lisait une histoire, à Spencer et à moi ... jusqu'à que Cassie crie ...

Il ne l'acceptait pas, remarquai-je alors qu'il prenait une inspiration tremblante. Tout dans son langage l'indiquait : ils appelaient ses parents par leurs prénoms, comme si la scène qu'il racontait s'était déroulé dans la vie d'un autre, comme si elle ne lui appartenait pas. Un mécanisme de défense, il l'avait lui-même admis, pour oublier qu'il avait vécu un drame.

-Edgar nous a dit de rester, de ne pas bouger, mais Matthew voulait aller voir ... Je le revois descendre les escaliers, sa baguette à la main et je le revois ... l'éclair vert ... tomber ...

L'aîné a été retrouvé dans les escaliers. En sentant ses parents en danger, Matthew Bones avait cédé à l'âme du Gryffondor. Ça l'avait mené droit à la mort. La bouche de Simon se tordit et quelques larmes dévalèrent ses joues blafardes.

-Toutes les nuits, j'entends le cri de Cassie quand Matthew tombe. Toutes les nuits depuis la mort de Cédric, je revois Spencer me prendre la main et me mener dans ma chambre, et fermer le verrou. Je le vois m'enfermer dans le placard ... Mais je pleurais, j'étais agité et soudainement, je ne pouvais plus bouger ...

Sortilège du saucisson, compris-je pendant que Simon essuyait une larme qui avait roulé le long de son nez. Spencer avait eu peur que les pleurs de son jeune frère ne les trahissent, alors il l'avait immobilisé. La suite, je la devinais aisément et elle acheva de me briser le cœur :

-Le reste, tu l'as dit. J'ai vu Jugson rentrer dans la chambre. Spencer venait juste de se cacher sous le lit, il n'a eu qu'à tirer son pied avant de ... Je ne pouvais rien faire, même pas crier, même pas pleurer ... Je le revois ensuite aller vers la fenêtre ... Je pense que c'est pour faire apparaître la marque ... Et chaque nuit, c'est la même chose ...

-Oh, Simon ...

Mais ma plainte ne fit que provoquer de nouveaux sanglots et il se cacha le visage de sa main pour me les masquer. Ça expliquait le manque criant de sommeil de Simon ces derniers temps et également son agitation chaque fois que j'avais pu l'observer dormir. Comme il se refusait à admettre son histoire les yeux ouverts, les souvenirs profitaient de la vulnérabilité de l'esprit en sommeil pour la lui rappeler. Je lui laissai tout le temps de reprendre son souffle, d'aspirer l'air frai à grande bouffée pour reprendre contenance. Il semblait épuisé, au bord du vide et alors que j'envisageai d'enfin le laisser en paix, il lâcha du bout des lèvres :

-Si tu savais à quel point je ne voulais pas que tu le saches ... tu l'as dit, tu sais tout de moi alors si tu savais ça ... alors ...

-Ça devenait réel, achevai-je en un souffle. J'ai compris, Simon, tu as refoulé les événements en toi, tu t'es persuadé qu'ils n'avaient pas existé mais ... Il y avait bien des gens qui savaient ...

-Peu. Ce n'est pas un secret, la preuve : tu as pu facilement trouver l'information. A l'état civil, je suis toujours le fils d'Edgar et Cassie. Les professeurs savent. Pomfresh m'a donné des somnifères cette semaine et Chourave m'a pris à part après l'évasion de Jugson mais ... Je n'ai pas été très aimable avec elle. Donc quelques personnes du Ministères et de la banque, de l'école et ma famille, évidemment. Mes parents ont très vite compris que ... ça me mettait dans un état instable de me parler d'Edgar et Cassie, alors ils sont vite rentrés dans mon jeu et m'ont laissé les appelé « papa » et « maman », comme le faisait Susan et Caroline. C'est peut-être avec elle que ça a été le plus difficile : elle se souvient parfaitement que je suis né son cousin, et pas son frère. Alors contrairement à Susan, je n'ai ... jamais pu vraiment tisser de vrais liens fraternels avec elle.

Décidemment, ça en expliquait, des choses : j'avais toujours trouvé que tous les Bones, Caroline et Simon étaient de loin les moins proches. Puis en un éclair, je me rendis compte que Susan, cette adorable enfant, savait pertinemment tout ça. Elle savait tout ce que son ... frère avait subi, elle avait conscience de tout ce qui passait dans sa tête depuis des semaines. Et même au bord de la rupture, Susan Bones avait supporté cela en silence, comme une Sainte. Non, décidemment, celui qui pourrait lui arracher un secret n'était pas né. De nouveau, l'envie de lui arracher les yeux pour avoir fait subir ça à un être aussi adorable que Susan me reprit, mais je la réprimai pour le torturer un peu plus :

-Ce n'est pas resté enfoui longtemps. Ça fait des semaines que ça sort, Simon. Chaque fois qu'on parle de Jugson – dont il est toujours hors de question que tu te lances à sa poursuite, mais on reparlera de ça plus tard – ça sort, par petite dose de colère inexplicable. Les autres ne comprennent pas, mais j'ai fini par voir qu'il y avait quelque chose là-dessous ...

-En fait, ça me travaille depuis la mort de Cédric, précisa Simon avec un vague haussement d'épaule. Et le retour de Tommy, ça va avec ... ça a tout refait remonter, assez brusquement. C'est à partir de là que j'ai recommencé à faire des cauchemars de plus en plus fréquents ... La dernière fois que ça m'était arrivé, eh bien ... Tu te souviens des Détraqueurs, Vicky ?

Avec horreur, je me souvenais de mon rire lorsqu'en cinquième année, à Pré-au-Lard, nous avions croisé des Détraqueurs à la recherche de Sirius Black et que Simon avait tourné de l'œil. Ce n'était que maintenant que je me rendais compte d'à quel point j'avais été cruelle. Simon eut un sourire penaud et je compris qu'il me pardonnait mon hilarité car la faute était aussi la sienne. Comment aurais-je pu deviner ?

-Mais évidemment, ça a explosé lorsque Jugson s'est évadé. Les cauchemars se sont accélérés, ils devenaient plus précis chaque nuit et ça s'ajoutait à tout ce que l'évasion des Mangemorts a provoqué : la rage, la colère, l'injuste. La volonté d'agir, de ne pas rester impuissant ... spectateur ...

Comme la nuit où sa famille avait été tuée, achevai-je à part moi. Simon se tenait la tête d'une main, comme si elle était trop lourde à porter, et jouait toujours avec mes doigts de l'autre. Régulièrement, il effleurait mes cicatrices et le petit soleil et je savais que c'était à Cédric qu'il pensait. Ses lèvres se pincèrent. Ses yeux, rendus sombres par les veines rouges et les larmes, se durcirent davantage.

-Ils sont morts parce qu'ils étaient opposés à Tommy. C'est pour ça qu'on les a tués. Comment tu te sentirais si toutes les nuits tu entendais le cri de ta mère et le grognement de satisfaction de Jugson alors qu'il vient de tuer ton grand frère ? Qu'est-ce que tu aurais envie de faire, Vicky ?

-Je voudrais sans doute le voir mort, admis-je en un souffle. Et peut-être que je ferais tout pour que ça arrive ... Mais je sais aussi que tu m'en empêcherais. Pour ceux qui restent. Et pour toi.

Simon ne répondit pas tout de suite, se contentant de caresser du bout du doigt le petit soleil qui jetait des reflets dorés sur ma peau. Avec une lenteur calculée, j'arrachai ma main à la sienne pour la porter sur mon col. Je retirais mon pendentif et le posai à plat dans la paume de Simon, barré de la cicatrice qu'avait laissée l'éclat de porcelaine : ma médaille de baptême et le David de Jaga. Ce fut sur lui que j'insistai en l'effleurant de mon index.

-Ma grand-mère a vu toute sa famille mourir aussi dans les camps. Elle a vu son amie se faire violer, sa mère mourir, tout en subissant ... Sans mon grand-père, elle aurait sans doute perdu son âme. Sans lui ... Elle serait ne serait sans doute devenue qu'ombres et poussières. Pourtant, elle est toujours là et elle n'a pas eu besoin de tuer quelqu'un pour se reconstruire. (Je refermai les doigts de Simon sur les breloques et plantai mon regard dans le sien). Tu vaux plus que de l'ombre et de la poussière, Simon Bones. Alors s'il te plait ... Ne perds pas ton âme pour ceux qui sont partis ... Quand la mort viendra nous chercher, quand on sera vieux, aussi agri que l'Ancien et les cheveux aussi blancs que ceux de Dumbledore, il sera temps d'y revenir à la poussière. Mais pas encore, Simon. Pas encore.

Les yeux de Simon se remplirent à nouveau de larme qui dévalèrent ses joues sans qu'ils ne cherchent à les en empêcher. Le cœur au bord des lèvres, je portai de nouveau la main à ses cheveux et se faisant, j'effleurai le bonnet orange qu'il portait toujours. De grosses coutures d'un orange plus clair indiquait un réel rafistolage et le pompon ne tenait plus que par un fil. Et alors que je me demandais pour la millième fois d'où venait l'attachement absurde de Simon à un bonnet en lambeau, ça me frappa de point fouet.

-Simon ... (Je le tirai de ses cheveux pour le lui montrer). A qui il était ?

Un sourire s'étira à travers ses larmes, fin et frémissant à peine sur ses lèvres.

-A Matthew.

Et les sanglots le reprirent de plus belle. Je me glissai à côté de lui et il se laissa aller contre moi, le front collé contre mon épaule alors que tout son être tremblait sous le feu de ce qui venait d'exploser en lui. Une vérité refoulée, un poids qui n'avait fait que grossir en lui durant des années, se nourrissant de chaque rappel, de chaque colère, de chaque éclat de douleur jusqu'à en devenir insupportable et impossible à porter. Je posai mon front contre les cheveux de Simon, pleurant également devant toute sa détresse et sa vulnérabilité, devant cette âme inconnue et déchirée qui s'était ouverte à moi. Lorsque c'était en moi que la vérité avait explosé, lorsque j'avais appris que mon grand-père était un sorcier et un assassin, que Nestor Selwyn voulait très probablement ma mort, lorsque Cédric était mort et Voldemort revenu, il avait été là, pilier indéfectible de ma vie. A présent, c'était mon tour d'être le sien. 

*se sert le pop-corn et attend les réactions* 

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