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II - Chapitre 19 : Les larmes de Saint-Valentin


BONJOUR A TOUS ! 

Allez, plus qu'un mois et on est tranquille, courage à tous ! Et promis je continuerais de poster ! J'espère que malgré tout tout va bien chez vous et chez vos proches ! 

Avant le chapitre ! Cette MERVEILLEUSE Annabethfan a fait des couvertures pour les parties 1 et 2 :D Encore une fois MERCI ANNA (Pour les rares qui ne m'ont pas encore écouté, il faut aller lire Au temps des Maraudeurs, et aussi Lily et James de Cazolie qui d'ailleurs a écrit un OS TROP CHOU qu'il faut que vous vous empressiez d'aller lire et enfin La fanfiction Percy Jackson de PtitCitrouille !) 




Alors? 

Maintenant CHAPITRE ! Bon c'est plutôt un gros chapitre mais moins gros que celui qui arrive (pas en terme de volume, mais ils sont denses quoi). J'espère que ça vous plaira, bonne lecture ! 

Chapitre 19 : Les larmes de Saint-Valentin.

Les deux semaines qui précédèrent la sortie du quatorze février à Pré-au-Lard furent particulièrement angoissantes. Simon s'était de nouveau renfermé comme une huitre : à présent, seule Susan, et occasionnellement moi, pouvions l'approcher sans récolter un regard noir, mais dès qu'elle ou moi nous mettions à parler avec trop d'insistance de Jugson, il fermait son livre et fuyait. Et plus il fuyait, plus je m'accrochais à lui et à ce qu'il cachait. Susan avait raison : quoique c'était, ça le rongeait et il fallait que ça sorte. Et s'il fallait que je lui fasse tout le mal du monde pour que ça arrive, qu'il en soit ainsi.

J'appréhendais réellement la rencontre avec Melania et même si Selwyn s'était remis à m'ignorer royalement, chaque œil posé sur lui était un piquant rappel de tout ce que ma famille risquait à cause de la sienne. Miles s'excusait presque quotidiennement de ne pas pouvoir m'accompagner – mais je soupçonnais qu'il s'excusais également pour moitié de ne pas pouvoir passer notre première Saint-Valentin avec moi. Et chaque fois que je répondais en bégayant que ce n'était rien, je découvrais qu'en réalité je n'étais pas une fille romantique. Ça ne me disait rien d'imiter les centaines de couple qui se baladait main dans la main dans les rues de Pré-au-Lard en s'embrassant sous les angelots et qui s'offraient des boites de chocolat en forme de cœur.

Bon, d'accord. Il se pourrait que je cède au chocolat.

Mais Miles paraissait enthousiaste à l'idée de la fête et je m'étais mise à craindre ce qu'il pouvait bien préparer pour le matin du quatorze février. Alors quand ce matin-là au petit-déjeuner, je croisais les jumeaux Weasley, Angelina et Alicia qui me proposèrent d'aller boire le thé chez Hagrid avant la sortie, j'avais accepté avec empressement. Le garde-chasse avait été ravi de nous voir devant sa porte, mais nous avions tous été horrifié des blessures et contusions de plus en plus violacés qui apparaissaient sur son visage.

-Quelles que soient ces bestioles, Hagrid, il faut que vous arrêtiez de vous en occuper, plaida Angelina en enroulant ses doigts autour de sa tasse de thé bouillante. Si Ombrage vous voit avec des créatures illégales ...

-Mais non, enfin, la coupa Hagrid d'un ton bourru. Je vous dis que la situation est bien en main. Parlez-moi de vous, plutôt. Qu'est-ce que vous avez prévu, aujourd'hui ?

Mes entrailles se contractèrent et je reposai la tasse que je venais de porter à mes lèvres, brusquement incapable d'accepter la moindre goutte de thé. Mais fort heureusement, les réponses fusèrent assez vite pour que personne ne remarque mon geste :

-On a un entrainement de prévu une partie de la journée, répondit sombrement Angelina. Franchement, même si on prenait les créneaux de tout le monde, on n'arriverait pas à être au point pour le prochain match ...

-Ne nous dis pas ça, Angelina, fit George, horrifié. Nous faire miroiter qu'on va perdre contre Smith ...

-Pourtant, c'est ce qui va se passer, confirma sombrement Alicia. On va se faire manger par les blaireaux. (Elle me donna un coup de coude avec le fantôme d'un sourire sur les lèvres). Savoure-bien.

Je lui rendis son semblant de sourire, mais j'étais moi-même loin d'être sereine pour le match de Quidditch. J'étais si noyée sous mes ennuis que je négligeai les séances d'entrainement : lors de la dernière, je m'étais pris tant de but de la part de Smith qu'il avait fini par lui-même mettre fin à la séance en décrétant qu'il avait assez marqué et était reparti en maugréant. Même Judy et Kenneth me jetaient des regards inquiets qui étaient significatifs : si mes meilleurs soutiens se défiaient de moi, je perdais mon équipe. Dépitée, je pris une lampée de thé qui me brûla la langue. Fred dressa un sourcil.

-Même pas un commentaire pour nous enfoncer encore plus. Franchement, Bennett, ça t'arrive d'être méchante ?

-Mais non, Victoria, c'est une Sainte, plaisanta Angelina en ébouriffant mes cheveux.

-Sauf quand elle tient une poêle entre ses mains ou qu'elle crie contre Bones, renchérit George avant que son sourire ne se fane sur ses lèvres. D'ailleurs, ça va lui ? Il ne vient plus en cours de Défense contre les Forces du Mal et les rares fois que je croise, il ne fait que bosser pourtant il a l'air ...

-... Malade, acheva Alicia en hochant la tête. Je l'ai croisé à la bibliothèque hier, je n'ai jamais vu quelqu'un d'aussi blanc.

Je fis tourner laconiquement mon thé dans sa tasse alors que tous les regards, y compris celui de Hagrid, se posaient sur moi. Ils n'étaient pas les premiers à m'interroger sur le comportement de Simon : même Emily était venue me voir la semaine dernière, inquiète malgré les tensions. Et plus le temps avançait, plus je regrettais que le tapis de neige ait fondu, car cela méritait bien que j'enfonce le visage de Simon dedans.

-L'évasion de Jugson lui a mis un coup, avouai-je machinalement, puisque c'était ce que je répétais à tout le monde. Il a quand même assassiné son oncle et ses cousins ...

-Edgar, oui, se souvint Hagrid, l'air mélancolique. Un garçon charmant, il venait souvent boire le thé, ici. Et le petit, Matthew ... (Il secoua sa tête hirsute et rajouta du cognac dans son thé d'un geste rageur). Un bon gamin. Une tragédie ...

Un silence gêné s'installa autour de la table. Je n'avais pas réalisé qu'Hagrid ait pu connaître à la fois Edgar, mais également son fils Matthew qui avait eu le temps de finir sa scolarité à Poudlard avant de mourir. Il avait connu tant d'élève depuis qu'il était en poste à Poudlard ... pour lui, l'évasion des Mangemorts et le nom des victimes devait signifier bien plus que pour nous.

-Dolohov a tué nos oncles, m'apprit George avec un calme olympien. Pourtant on ne sèche pas les cours d'Ombrage et on ne fait pas le concours de la maigreur avec Fred.

-Même si très honnêtement, je suis sur le point de l'imiter pour les cours, poursuivit celui-ci avec un soupir. Il a raison, quelle perte absolue de temps.

Je leur jetai un regard embarrassé devant les mines inhabituellement sérieuses des jumeaux. Même Alicia et Angelina les contemplaient l'air effaré.

-Je ne savais pas, murmura-t-elle en posant une main sur le bras de George.

Mais il se dégagea promptement et adressa un sourire désabusé à Angelina.

-Enfin, qu'est-ce qui te prend, Johnson, tu crois qu'on est en sucre ? Ça va, on est les a à peine connus, on avait trois ans quand ils sont morts.

-C'est surtout pour notre mère qu'on s'inquiète, en fait. C'était ses frères, elle les aimait beaucoup – jusqu'à nous donner les mêmes initiales, F et G. A elle aussi ça a dû lui donner un coup sur la tête quand elle s'est rendue compte que Dolohov s'était échappé.

-Pauvre Molly, laissa échapper Hagrid après avoir pu une gorgée de son cognac au thé. C'est une brave femme, votre mère, les garçons, sachez-le. Profitez-en, chérissez-la. Les liens du sang, c'est important.

Fred et George échangèrent un regard et je vis une once de culpabilité se peindre sur leur visage. Sans doute avaient-ils dû être de vraies terreurs pour leur mère. Le garde-chasse nous gratifia alors d'un étrange discourt sur l'importance de la famille qui ne fit que me tendre d'avantage le ventre et nous finîmes par prendre congé sans avoir fini notre tasse de thé. De toute manière, tous les élèves affluaient vers la grille du château pour se rendre à Pré-au-Lard. Angelina et Alicia nous quittèrent pour se diriger vers le terrain de Quidditch où elles avaient un entrainement qui durerait une partie de la journée.

-On devrait aller les soutenir, proposa sinistrement George. Je veux dire, Angelina va finir par se jeter de son balai ...

-C'est si catastrophique que ça ?

Ils haussèrent les épaules en concert avant que Fred ne m'ébouriffe les cheveux avec un sourire goguenard.

-Hep Hep hep, Bennett, tu crois vraiment qu'on va te donner plus d'information que tu n'en possèdes déjà ? D'ailleurs, tu n'as pas un rendez-vous avec ton amoureux ?

-Il a entrainement juste après Angelina et Montague tient à leur faire une séance tactique avant, répondis-je en remettant de l'ordre dans mes cheveux. Quoique je me demande à quoi peut ressembler une séance tactique avec Montague ...

-Ça doit se résumer à des grognements de babouin, confirma George l'air docte. Et ce que ces imbéciles traduisent, c'est « taillez l'adversaire ». Bon sang, le Quidditch, c'était à peu près tout ce qui restait de bien dans cette école ...

Son regard se perdit sur le terrain avec une certaine mélancolie. Je comprenais leur frustration de rester clouer au sol, alors j'embrayais sur un terrain moins épineux :

-Il vous reste votre boutique, non ? Ça avance vos boites à flemmes ?

-Elles sont presque au point, on a juste un problème avec les furoncles, on doit en parler avec Lee cet après-midi.

-Il va mieux ?

Lee était revenu de sa retenue avec Ombrage avec une main ensanglantée, m'avait raconté Angelina en Etude des Runes, à la fois furieuse et horrifiée. Cette affreuse bonne femme qui avait copié des lignes qui se gravaient sur sa beau – avec son propre sang ... L'idée m'avait donné la nausée. D'après Angelina, la retenue avait passablement refroidi Lee de contester de nouveau ouvertement l'autorité d'Ombrage. Une grimace furtive déforma les lèvres de George.

-Boh. On va dire que pour l'instant, ça l'a rendu plus prudent, il essaie de faire profile-bas. Mais il continue de se concentrer sur les boites à flemmes, c'est déjà ça. Mais c'est pareil, Bennett : elles sont sur le point d'être prête et elles sont le clou de notre boutique, notre ultime défi avant de nous lancer. Qu'est-ce qu'on fera quand on les aura fini ?

-Vous les testerez sur Ombrage ?

Je m'attendais à voir les jumeaux éclater de rire ou me lorgner avec condescendance, mais leur regard fut aimanté l'un par l'autre et un lent sourire entendu s'étira identiquement sur leurs lèvres. Je les fixai avec horreur lorsque je remarquais que brillait dans leurs prunelles l'étincelle caractéristique des mauvais coups.

-Elle n'a pas tort, entonna George avec un certain délice. Ce n'est pas comme si on en avait quelque chose à faire d'être renvoyé ...

-... Alors autant faire le plus de dégât possible dans notre chute, acheva son jumeau, extatique. C'est du génie !

-Oh mon dieu vous êtes sérieux, constatai-je, horrifiée. Mais je plaisantais !

-Et cette plaisanterie a été la meilleure idée qui n'a jamais franchi tes lèvres, Bennett, s'amusa George en passant un bras derrière mes épaules. J'imagine ça d'ici : Ombrage qui vomit ses trippes en plein cours ...

- ... Et là on craque un feu d'artifice, disons, le dragon ...

-... Non le dragon serait trop tôt, il faut que ça finisse en apothéose ... Mais je pense aux marécages, tu ne penserais pas ... ?

-Non, non, stop ! m'écriai-je en me détachant de George, qui battit stupidement des bras pour se rééquilibrer. Vous êtes des gosses ! Et qu'est-ce qui se passera, après ? Vous retournerez chez votre mère ? Elle sera ravie de vous voir arriver avant la fin de l'année scolaire sans aucun ASPICs en poche ?

De nouveau, ils échangèrent un regard et je fus soulagée de voir que celui-ci était songeur. L'étincelle avait été étouffée par la réflexion.

-Un point pour elle, il vaudrait mieux qu'on assure nos arrières, fit valoir Fred avant de désigner le terrain : que dis-tout de discuter de cela devant une bonne purge de Quidditch ?

-Je dis qu'il n'y a pas meilleure moyen de passer son temps, Fred. Bennett, encore merci pour l'idée !

Ils m'adressèrent un signe de main et avancèrent vers le terrain, penchés l'un vers l'autre l'air conspirateur. Je les contemplai quelques secondes, hésitant entre me maudire de leur avoir donné cette stupide idée et la hâte de voir Ombrage victime de toute la capacité de nuisance des jumeaux Weasley. Finalement, cette dernière finit par gagner car un immense sourire naquit sur mes lèvres.

Seigneur, elle n'était pas prête de voir ce qui allait lui tomber sur le coin du nez.

Je souriais toujours largement quand j'arrivais au portail, mon autorisation en main. Comme convenu, Simon m'y attendait, à l'écart de la queue qui se formait devant Rusard. Et le bonnet orange qu'il avait enfoncé sur ses oreilles finit par vaincre mon sourire.

-Je ne t'offrirais plus jamais de cadeaux, Bones, râlai-je en m'insérant dans la file d'élève. Mais regarde-moi ça, ça bouloche.

Je levai une main pour frotter le tissu abîmé du bonnet mais Simon s'écarta souplement et l'enfonça un peu plus sur sa tête, un léger sourire aux lèvres. Je plissai les yeux en un regard inquisiteur.

-Je vais finir par croire que c'est que pour me contrarier ...

-Ouais, et ça marche du feu de Dieu, plaisanta-t-il en rajustant le bonnet sur son front. Comme « Vicky », mais ce n'est même plus drôle, tu as arrêté de te plaindre au bout de trois ans.

Je lui jetai un regard oblique. Ce n'était pas un hasard s'il était le seul à m'affubler de ce surnom : je l'avais toujours détesté, étant petite. Et c'était précisément ce pourquoi il l'avait choisi. J'observai le léger sourire qui flottait sur ses lèvres alors qu'il présentait son autorisation à Rusard. Il avait toujours les traits tirés et des cernes violettes assombrissaient son regard, mais il avait l'air de meilleure humeur que les jours précédents alors je décidai de laisser couler. Inutile de le braquer avant que Melania n'arrive, j'aurais besoin d'un Simon ayant toutes ses capacités – verbales comme magiques.

Nous avions du temps avant le rendez-vous avec Selwyn et Melania durant lequel je fis le plein de fourniture et je trainais Simon chez Madame Gaichiffon dans l'espoir de trouver un cadeau d'anniversaire pour Miles. Il fut d'une absolue inutilité et ne me désigna que les choses les plus affreuses du magasin. Je finis par lui faire enfiler une paire de cache-oreille rose bonbon avec des cœurs cousues dessus mais avant que je ne puisse extorquer un appareil photo à la vendeuse, elle aussi hilare, Simon l'avait retiré et m'avait attrapée par le coude pour me faire sortir de la boutique.

-Parfois, je me demande comment je fais pour encore te supporter avec tout ce que tu me fais subir à longueur d'année depuis dix-sept ans, maugréa-t-il en réajustant son bonnet.

-Mais je trouve qu'il t'allait vraiment bien ce cache-oreille, je pense que je vais te l'acheter pour ton anniversaire. Oh je sais ! (je lui attrapai vivement le bras avec un sourire extatique). Maintenant pour nos anniversaires et noël, on va s'acheter les cadeaux les plus moches qui soient ! Au moins ça mettra un peu de piquant dans la recherche !

La proposition arracha un impensable éclat de rire à Simon. Pendant un instant, les traits de son visage s'adoucirent et s'illuminèrent pour effacer les cernes qui marquaient sa peau, et je retrouvais le garçon capable de me défier à une bataille de boule de neige ou à la course à vélo dans Terre-en-Landes. Mon cœur fit un bond dans ma poitrine. C'était de lui que j'avais besoin aujourd'hui, pas du sorcier amer qui s'enfermait dans un mutisme que je ne connaissais pas.

-Je suis tenté, parce que ça pourrait être vraiment drôle, et j'ai déjà quelques idées qui me viennent pour ton anniversaire, admit Simon, toujours souriant. Mais j'ai bien aimé recevoir Hamlet pour noël, en même temps ...

-Un cadeau affreux et une pièce de théâtre, je suis capable de trouver ça tous les ans, ça marche ! Au fait, tu as fini par trouver mes vers préférés ?

Simon passa une main sur sa nuque, ce qui repoussa mécaniquement son bonnet sur son front. Le léger sourire qui flottait sur ses lèvres avait fini par se faner et le garçon amer se fondait à présent dans celui de mon enfance sans que je ne puisse rien y faire.

-Je n'ai pas eu trop le temps, ces derniers temps ...

Je plissai les yeux devant l'argument. Il était vrai qu'il ne se laissait que peu de temps de libre, mais c'était un choix de sa part – sans doute motivé par l'idée d'occuper son esprit pour ne pas le laisser vagabonder vers des chemins plus dangereux. Mais il y existait des manières plus saines que celles qu'il utilisait.

-T'es nul, Bones, je t'ai connu plus coriace que ça. En plus je trouve que ça détend toujours de voir des héros se démêler avec des problèmes qui sont pires que les nôtres, ça aide à relativiser – et à se moquer, on ne va pas se mentir. Je me suis pas mal moquée de Juliette ces derniers temps. De toute façon, cette pièce est nulle, s'il n'y avait pas Mercutio, j'aurais arrêté de la lire. Bref. Cyrano, pour ton anniversaire, ça te va ?

Il me lorgna l'air suspicieux, avant qu'un sourire s'effleure ses lèvres et il passe un doigt sur son nez.

-Tu veux me faire passer un message, Bennett ?

-Je peux te réciter la tirade, si tu veux. Je l'ai fait à Miles, une fois, mais je crois que je l'ai perdu : toi au moins tu as plus de référence. Oh non, c'est un peu court, jeune homme ! On pourrait dire, oh dieu, bien des choses en somme ... En variant le ton, par exemple, tenez ... Agressif : moi monsieur, si j'avais un tel nez, il faudrait sur le champ que je me l'amputasse !

-Putasse ? répéta Simon en dressant un sourcil.

J'eus un sourire malicieux, mais ne me laissai déconcentrer par l'air sceptique de Simon.

-Amical : mais il doit tremper dans votre tasse ! Pour boire, faites-vous construire un hanap. Descriptif : c'est un roc, c'est un pic, c'est un cap, mais que dis-je c'est un cap, c'est une péninsule ...

-Mais pourquoi je l'ai lancée ...

Son désespoir ne fit que me galvaniser et la tirade décrivant le nez de Cyrano nous accompagna sur notre chemin jusqu'aux Trois Balais. J'avouai la déclamer avec un entrain qui se mourrait moitié pour embêter Simon – qui semblait toutefois réprimer son sourire – moitié pour me rassurer à l'approche du rendez-vous avec Melania. Ma voix s'était réduite à un murmure quand nous passâmes la porte du pub. Madame Rosermeta nous adressa un signe de tête fatigué en slalomant entre les tables bondées. Mathilda et Erwin étaient assis sur une petite table près de la vitrine, main dans la main et les yeux dans les yeux, ignorant une table de Serpentard qui se moquait ouvertement de leurs mièvreries. Je reconnus Hermione et Harry avec deux filles qui me tournaient le dos : tous semblaient penchés autour de celle qui me paraissait la plus âgée, l'air affairé. Mon regard n'eus qu'à faire un bond pour repérer Ulysse Selwyn, assis seul à côté dans un espace à moitié masqué par des décorations de Saint-Valentin. Ce ne fut que l'habitude qui me poussa à achever dans un filet de voix :

-... car je me les sers moi-même, avec assez de verve, mais je ne permets pas qu'un autre ne me les serve.

-Amen ma sœur, soupira Simon avant de désigner la table de Selwyn du menton. Pour la peine, tu payes à boire.

Il tapota mon épaule d'un air condescendant, et entreprit de traverser la salle pour rejoindre Selwyn. Je fusillai sa nuque du regard avant de m'avancer vers le bar pour commander une chope de bièraubeurre et un chocolat chaud. Du coin de l'œil, je vis Simon s'assoir après avoir adressé un bref mot au Serpentard et celui-ci le lorgner du coin de l'œil, méfiant. L'ambiance était des plus glaciale quand je parvins à la table que même mon chocolat chaud ne parvint pas à réchauffer. Selwyn fit un mouvement sec de la tête à mon encontre.

-Bennett.

-Selwyn, répondis-je avec raideur en m'installant. Mel arrive bientôt ?

-Dans quelques minutes. Tu as réfléchi à ce que tu allais lui dire ?

J'échangeai un regard avec Simon. Durant l'un des rares moment où il ne travaillait pas et qu'il était d'humeur assez clémente pour discuter en toute quiétude, nous avions tenté de préparer la discussion. Chaque fois, cela s'était soldé par le même crève-cœur : j'étais compromise, quoiqu'il arrivait, mais on pouvait maintenir Alexandre en dehors de cela si sa relation avec Melania se terminait. L'autre solution, qui paraissait nettement moins réalisable, était que Nestor Selwyn ne retrouve miraculeusement la raison ou que Voldemort reste caché à jamais. J'allais répondre au Serpentard que je verrais comment la discussion évoluerait quand je le vis se raidir, les yeux rivés vers la porte d'entrée. Caché comme nous l'étions, je ne pouvais pas voir plus que la table de Harry et d'Hermione qui chuchotaient avec animation. Il me semblait que la préfète avait les larmes aux yeux, mais je n'eus pas le temps de m'appesantir car Selwyn se leva brusquement, un sourire figé aux lèvres.

-Ma chère sœur, tu es une montre.

-Que veux-tu, j'ai pris la rigueur de notre père, plaisanta une voix qui me glaçant tant elle était familière.

Melania Selwyn apparut donc dans mon champ de vision, vêtue de ses plus belles parures de sorcières : une cape d'émeraude dont l'attache d'or étincelait sur sa gorge et un chapeau pointu qui faisait à la fois toute son élégance et son identité. Pourtant sous les larges bords de velours du chapeau se trouvait bien les traits à la fois durs et charmants de la petite-amie de mon frère. Je sentis une main sur mon genou et mis une seconde à comprendre qu'il s'agit de celle de Simon et qu'elle était là pour me rassurer. Sans prendre en compte que je n'étais plus habituée à ces gestes de sympathie de sa part, je la couvris et m'y agrippai alors que Melania, sans nous remarquer, enlaçait son frère.

-Ça m'a fait plaisir que tu m'envoies cette lettre ! disait-elle en se détachant. Mais je me demande si ça ne cache pas quelque chose ... ça concerne Gloria, peut-être ? Ou la fille dont tu m'as parlé pendant les ... ?

Melania venait de pivoter vers nous, les doigts sur le col de sa cape pour la déboutonner et se figea – fort heureusement pour elle, car Selwyn semblait sur le point de se jeter sur elle pour étouffer la fin de sa phrase. Ses yeux se posèrent immédiatement sur moi et pendant plusieurs secondes qui parurent une éternité, elle et moi nous fixâmes du regard sans rien dire. Selwyn finit par toussoter, les joues teintées de roses :

-Huuum ... Melania, je pense que je ne te présente pas Victoria et Simon.

Dans un parfait ensemble, Simon et moi levèrent une main en guise de salut. La spontanéité du geste m'arracha un sourire, ainsi que l'air profondément choqué de Melania.

-Alexandre ne t'a sans doute pas dit mon nom de famille, et ça ne me surprendrait pas parce qu'il accorde peu d'importance à ce genre de détail, renchérit Simon d'un ton tranquille. Mais le mien est Bones.

-Et merde.

Le juron, typiquement moldu, agrandit mon sourire malgré toute la tension qui m'habitait. Selwyn jeta un regard contrarié à ma sœur tout en se rasseyant pour prendre une gorgée de ce qui semblait être du whisky Pur-Feu.

-Moi qui te pensais intelligente ... Ce n'est pas comme si tu ne l'avais pas vu à Poudlard et au Ministère ...

-Ce n'est pas pour ça que j'ai retenu tous les visages, rétorqua sèchement Melania, sans me lâcher du regard. Par Salazar ... Alors tu es ... ?

-Une sorcière, oui.

Comme si elle avait eu besoin de l'entendre pour réellement le croire, Melania se laissa tomber brusquement sur sa chaise, bouche bée et la main toujours sur son col. Elle chercha à tâtons le verre de son frère et sans même lui demander la permission, le vida d'un coup sec avant de le poser bruyamment sur la table.

-Mille gargouilles galopantes, si je m'attendais à ça ... Mais en même temps ... (Elle me jeta un long regard). Le pensionnat en Ecosse. Rien que ça, ça aurait dû me mettre la puce à l'oreille ... Moi qui pensais qu'ils voulaient juste t'éloigner de l'influence d'Alex ...

J'eus pour elle un sourire d'excuse en reconnaissant ce que ma famille disait pour masquer ma véritable école. Il était vrai que rien de la localisation de mon soi-disant pensionnant aurait dû attirer l'attention d'une sorcière, mais ma famille avait trop bien fait son travail de normalisation de mon état. Melania se passa une main sur le visage sans cesser de me contempler, l'air toujours sous le choc.

-Et ... Alexandre le sait ... ?

-Que je suis une sorcière ? Oui, c'est même lui qui l'accepte le mieux dans ma famille.

Melania me fixa encore quelques secondes, incrédule. Puis de manière inexplicable, son visage s'illumina et elle plaqua une main contre sa bouche pour masquer le sourire qui s'étirait à présent sur ses lèvres.

-Il l'accepte, c'est vrai ?

-Par tous les sorciers puissants de ce monde, Melania, jura Selwyn en levant les yeux au ciel. Ce n'est pas une bonne nouvelle ! Bon sang, qu'est-ce qui te prend de fréquenter un moldu ?

-Attention Selwyn, le prévint Simon d'un ton grave.

Je vis sa main plonger dans sa poche et en ressortir sa baguette d'acacia qu'il utilisa simplement pour rallumer le chandelier à côté de nous. Selwyn parut percevoir le geste comme une menace muette car il se calla un peu plus contre le dossier de sa chaise, comme pour mettre un maximum de distance entre lui et la magie de Simon. Je réprimai un méchant sourire. C'était agréable de voir son arrogance fondre comme neige au soleil, pourtant je pressai sèchement la main de Simon en lui lançant un regard exaspéré.

-Range ça, on n'en aura pas besoin. De toute manière ... (Je me tournai vers le Serpentard avec un sourire entendu). Je sais parfaitement gérer le Selwyn. Car malgré tout, si on fait les comptes, on en est à Victoria : 2, famille Selwyn : 0.

-Deux ? répéta Selwyn dubitatif. Oh attends ... (Son regard s'assombrit et il attrapa son verre d'un geste agacé). Bon sang ... Je vais avoir besoin d'au moins ça pour te supporter. Tu veux quelque chose ?

-La même chose que toi, répondit Melania d'un ton absent.

Son frère hocha la tête et se dirigea vers le bar en toisant la salle du regard. Melania attendit visiblement qu'il soit à bonne distance pour se tourner vers moi, alarmée.

-Comment ça, deux-zéro pour toi ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ? (Elle balança son pouce par-dessus son épaule pour désigner Selwyn). Il ne t'a pas ... ?

Mais Simon et moi hochâmes la tête pour le lui confirmer. Elle se prit la tête entre les mains, désespérée et j'échangeai un regard gêné avec Simon. Je n'étais pas sûre de savoir comment commencer cette conversation mais avant qu'une idée précise ne se forme dans mon esprit, elle reprit d'une voix morte :

-Cette famille est sans espoir ... Pourtant, mon père est plutôt tolérant, dans son genre : il a compris qu'il devait composer avec les moldus s'il ne voulait pas que notre famille ne se coupe de la réalité du monde. Ça doit être de la faute de ma mère, elle n'a jamais renoncé à sa vieille idéologie Malefoy, c'est difficile de lui faire entendre raison ... Ils l'écoutent trop ...

-Je ne savais pas que vous étiez apparentés aux Malefoy, s'étonna Simon.

Melania ricana amèrement en émergeant de ses mains, un rictus aux lèvres qui accentua sa ressemblance avec son petit frère. Plus je la dévisageai, plus je voyais la Selwyn en elle, plus la charmante Mel que j'avais rencontré chez moi semblait s'effacer.

-Toutes les familles de Sang-Pur sont apparentées, tu dois savoir ça, non ? En l'occurrence, ma mère est la cousine de Lucius Malefoy. Pas l'homme le plus fréquentable qui soit, surtout en ces temps-ci ...

-Il a rejoint Tu-Sais-Qui, sans doute, approuva sombrement Simon. Pourtant il a été l'un des premiers à s'en détourner ...

-Mais que veux-tu, soupira-t-elle avec défaitisme. Une idéologie nauséabonde, une soif immense de pouvoir, et de la lâcheté. On ne change pas une telle engeance.

C'était faux, souffla une petite voix en moi. Miroslav Liszka avait grandi dans l'idée qu'il avait un pouvoir naturel sur les moldus, mais la guerre avait changé sa vision des choses – assez pour qu'il épouse une moldue. Machinalement, mes doigts se portèrent à ma chaine où pendait à la fois Saint-George et le David de ma grand-mère et je puisais la force en les deux breloques pour demander :

-Et Nestor ? On peut le changer ?

Melania se figea et ses doigts se crispèrent sur le bord de la table. Elle jeta un regard derrière son épaule pour constater que son frère commandait leurs boissons.

-C'est Ulysse qui vous a parlé de Nestor ? s'enquit-t-elle d'un ton prudent.

-Il n'en a pas eu besoin, il s'est présenté tout seul, railla Simon.

Une nouvelle fois, je lui pressai la main pour l'induire au silence, d'autant plus que Selwyn revenait vers nous avec deux verres emplis d'un liquide ambré qu'il posa bruyamment sur la table. Melania laissa échapper un gémissement qui devait se traduire par un « dans quelle famille j'ai vu le monde » et son frère lui adressa un regard surpris.

-Nestor n'est certainement pas le pire, personnellement je m'inquiète plus d'Enoboria parce qu'elle en plus, elle en a dans la tête, reprit Melania, dépitée.

-Un idiot bien guidé reste dangereux tout de même, protesta Selwyn en faisant tourner son whisky dans son verre. Et si Nestor apprend que tu fréquentes un moldu, tu risques de ruiner tous les efforts de père. Tu te rends compte des conséquences pour nous si Nestor assassine un moldu ?

-Ah oui parce que c'est pour vous que c'est le plus grave, ironisa Simon, les yeux étincelants. Pas pour le pauvre moldu qui risque de mourir ...

Melania blêmit à l'évocation de la possibilité que son frère tue son petit-ami et j'écrasai si fort les phalanges de Simon que je ne fus pas surprise de voir une grimace tordre ses lèvres.

-Il n'y a aucune raison qu'il l'apprenne, j'ai été prudente, bredouilla-t-elle, prise de court.

-Mille gorgones, Melania, persiffla Selwyn. Si c'est sérieux avec ce moldu ?

-Alexandre, rectifiai-je d'un ton glacial. Il s'appelle Alexandre. Répète encore une fois « ce moldu » et retour en première année, Selwyn.

Il se frappa le front du plat de la main avant de me jeter un regard agacé. Melania avait serré ses doigts sur son verre, mais la détermination brillait dans ses prunelles.

-Oui, c'est sérieux. Et tant pis si ...

-Tant pis si quoi ? Père ne l'accepte pas ? Tu te penses si indispensable qu'il préférera avoir un moldu – Alexandre, Bennett, d'accord – comme beau-fils plutôt qu'il perde sa fille, c'est ça que tu espères ?

Les yeux de Melania étincelèrent un éclat farouche.

-Non seulement c'est ce que j'espère, mais c'est aussi ce qui va se passer. Car non seulement il me perdra, mais en plus je me ferais une joie de dire à toute la presse que Julius Selwyn préfère renier sa fille que d'accepter son bonheur et ...

-Non mais je rêve, lâcha Selwyn, stupéfait. Tu serais prête à trainer la famille dans la boue ? Et tu crois que père et Nestor vont accepter ça ?

Melania se trémoussa sur sa chaise, embarrassée. Je bus une gorgée de mon chocolat pour meubler l'instant de silence qui s'installa mais sa chaleur s'était depuis longtemps envolée et il répandit un goût amer dans ma bouche.

-Crois-moi, ça ne me fait pas plaisir. J'aime notre famille, j'aime père, je t'aime toi. Mais j'aime aussi Alexandre. (Son regard coula sur moi avant de revenir sur son frère). Vraiment. C'est la première personne qui m'a prise pour ce que j'étais et pas pour mon nom de famille ou mon compte en banque, la seule avec laquelle je me sente parfaitement en sécurité ... Ulysse, essaie de comprendre, je ne retrouverais ça nulle part ailleurs alors quand tu l'as trouvé ... Non, tu ne dois pas le lâcher.

Pendant un instant, Selwyn parut vaciller, attendri par les arguments de sa sœur qui devaient faire écho à sa propre relation tumultueuse avec Octavia McLairds. Melania en profita pour avancer sa main et agripper le bras de son frère pour planter son regard dans le sien.

-Et en plus, ça peut bien se passer. J'y travaille depuis Noël, si je l'amène bien, peut-être que père acceptera. Ça pourrait faire une sorte de vitrine sur notre image et de toute manière, je ne suis pas la plus importante. Ce n'est pas moi qui transmettrai le nom de Selwyn, alors autant que ce soit moi qui finisse avec un moldu ...

-Ça pourra peut-être convaincre père, admit Selwyn, néanmoins l'air dubitatif. Mais Nestor ...

Le visage de Melania se crispa et elle lâcha le bras de son frère pour prendre une conséquente gorgée de sa boisson. Visiblement, son frère jumeau était la seule faille de son plan.

-C'est pour ça qu'il faut qu'on continue de le convaincre que le camp de Tu-Sais-Qui n'est pas celui qui lui donnera le pouvoir, ni celui qui lui ramènera son visage, dit-t-elle comme pour elle-même, mais elle-même ne paraissait pas réellement y croire. Je sais qu'il est en colère depuis cet accident et qu'il écoute trop ce que lui dise ses amis et mère et ... (Elle se frotta la tempe en fermant les yeux). Par Merlin, évidemment qu'il serait assez stupide pour prendre sa baguette et aller donner une leçon à Alexandre, surtout que je suis sa sœur jumelle, mais ... si on désamorce suffisamment, si je mets père de mon côté ...

-Mel, ça ne suffira pas, soufflai-je en reposant ma tasse de chocolat froid. C'est moi qui aie brûlé le visage de Nestor.

Les mots m'écorchèrent les lèvres et je l'avais dit sur un ton si bas que je doutais qu'elle ait parfaitement entendu. Mais l'écarquillement de ses yeux m'indiqua que c'était le cas et pour la seconde fois, elle me contempla l'air profondément choqué. Malgré moi, je vis danser devant mes yeux ouverts les étincelles faites par Nestor Selwyn, si proches du bûcher sur lequel il m'avait attaché et mes doigts se portèrent machinalement aux cicatrices que les liens de Kamila m'avaient laissé sur les poignets.

-Tu as ..., bafouilla Melania, bouchée bée. Tu ... Mais ...

-C'était un accident, précisa Simon d'un ton qui n'admettait aucune réplique. La nuit de Guy Fawkes, tu connais ? (Melania répondit par l'affirmative, visiblement incapable de prononcer le moindre mot). Ton frère a voulu en faire une macabre imitation avec Victoria à la place de cette pauvre effigie de Guy Fawkes. Sa magie n'a fait que la défendre.

-Et Nestor n'a pas oublié ça, Melania, enchérit sombrement Selwyn. Au contraire, je suis persuadé qu'il attend tous les jours une occasion de pouvoir se venger de Victoria : il l'a prouvé en allant la voir sur le quai de la gare, l'été dernier. C'est à cause de ça qu'il risque de passer définitivement du côté du Seigneur des Ténèbres : parce qu'il lui donnera une couverture et une assurance que sa vengeance pourra se faire sans conséquence. C'est contre ça que père se bat pendant que Tu-Sais-Qui reste tapi. Mais s'il apprend que tu fréquentes son frère ... Nestor est un imbécile, mais il saura faire le rapprochement entre deux « Bennett ». Ça risque de mettre le feu aux poudres.

-C'est le cas de le dire ...

Simon fut le seul à comprendre le jeu de mot – le cinq novembre célébrait le dénouement de ce qu'on appelait « la conspiration des poudres » – et je vis un sourire qu'il se refusa à laisser fleurir frémir sur ses lèvres. Les Selwyn m'ignorèrent pour échanger un regard entre horreur et réflexion. Melania avait plaqué une main contre sa bouche, épouvantée, puis après quelques minutes de silence, son visage se durcit brusquement et elle frappa la table de son poing avec une violence qui la fit trembler et fit gicler quelques gouttes de son whisky pur-feu sur sa main.

-Cette famille est vraiment pourrie jusque la moelle !

-Une partie sans doute, confirma son frère en hochant la tête. Mais il faut faire avec, Melania. Tu aimes Alexandre ? Alors il va peut-être te falloir le quitter.

Melania ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Le regard de son frère était inflexible et son visage laissait supposer tout le sérieux de la suggestion, alors elle se tourna vers Simon et moi, l'air presque suppliante. Je détournai les yeux, déchirée d'exiger d'elle qu'elle rompe son bonheur et celui de mon frère. Mais je n'avais pas de meilleure solution à proposer – pas de parfaite, en tout cas.

-Mais ... Mais c'est absurde ... Enfin ... (Elle se prit la tête entre les mains avant de river de nouveau son regard sur son frère). Nestor est déjà naturellement attiré par l'idée de se faire Mangemort, mais si ce que me tu me dis est vrai, alors il y a de grand-chose qu'il en soit quand Tu-Sais-Qui reviendra vraiment ...

-S'il n'apprend pas pour ton petit-ami, on a encore une chance de le maintenir avec nous et de sauvegarder l'honneur de notre famille.

Les poings de Melania se serrèrent. Il me semblait que son beau masque de confiance venait se fendiller peu à peu ...

-Je ... Je ne sais pas. Tout ce que père met en place pour lui donner de l'importance ne fait que maintenir l'illusion qu'il est supérieur à tous et que cette supériorité lui vient de son sang. Et avec ce que vous venez de m'avouer ... J'avais espéré mais ... Non. Nestor est perdu, Ulysse, Alexandre ou non.

Cette fois ce fut Simon qui m'écrasa les doigts si fort que j'en réprimai un cri et couvris sa main de la mienne pour l'apaiser, mais je n'en menais pas plus large. Mes pires angoisses se cristallisaient et prenait consistance sous mes yeux sans que je ne puisse rien faire pour endiguer le processus.

-Alors il faut que tu maintiennes Alex en dehors de ça, plaidai-je, le cœur serré. S'il te plait, Mel ... Nestor deviendra peut-être un Mangemort, mais c'est moi qui l'intéresse, pas ma famille et il faut que ça reste comme ça, je t'en supplie ...

Je vis Simon porter une main à sa tempe, l'air troublé, mais Melania eut un sourire qui se voulait tranquillisant.

-Nestor est peut-être un idiot et une tête brûlée mais ... il est gérable. Ce n'est pas le plus grand sorcier de la terre, je suis sûre que tu pourrais aisément le vaincre et je me chargerais de protéger Alexandre.

-Tu ne seras pas toujours avec Alex, protesta Simon. Il y a bien des moments où il sera seul, et lui n'a pas de magie pour se défendre. Tu vas faire quoi, alors, l'enfermer dans une tour ? Je t'assure, ça va le rendre fou et il s'en échappera à la première occasion.

-Et quand bien même il est l'arrogance personnifiée, Nestor est un lâche, renchérit Selwyn. Si vraiment il doit assouvir sa vengeance, il n'ira pas seul. Et c'est là que se situe le danger.

Melania porta son regard déchiré sur chacun d'entre nous, entre espoirs et tiraillement. Je voyais distinctement dans ses yeux gris, plus clair que les miens, qu'elle cherchait désespérément une solution viable. Elle se tourna vers Simon, suppliante :

-Mais ta famille peut faire quelque chose pour les protéger ... Les Bones ...

-... auront sans doute leurs propres problèmes, la coupai-je avant que Simon ne puisse répondre. Désolée, je ne vais pas me cacher derrière eux chaque fois que je serais en danger.

-Louable, mais stupide, Bennett, répliqua Selwyn. Sans compter qu'il n'y aura pas que toi, ou ton frère : s'ils attaquent ta maison, que penses-tu qu'il adviendra de tes parents ?

Je me figeai telle une statue de sel, le cœur au bord des lèvres. L'idée m'avait peut-être effleuré un jour l'esprit, mais j'avais refusé d'ajouter plus d'horreur à ma vie en la refoulant de toutes mes forces. Melania avait de nouveau blêmi et jetait à son frère un regard horrifié.

-Mais ses parents ... ils n'ont rien fait, enfin, ils ne vont pas ...

-Tu crois que ça leur importe ? cingla Simon d'une voix qui me donna la chair de poule. Mes cousins aussi étaient innocents. Deux gosses ! On en a retrouvé un mort dans les escaliers et l'autre ...

Le souffle court, Simon s'interrompit et je caressai le dos de sa main de mon pouce dans une tentative dérisoire pour l'apaiser. Il ferma les yeux, une main sur la tempe pour reprendre la maîtrise de lui-même avec des respirations lourdes et hachées et finit par poursuivre :

-Ce que je veux dire, c'est que plus il y a de dégâts, plus ça les arrange. Evidemment que s'ils ont l'occasion de faire un carnage, ils le feront. La seule chose qu'on peut faire pour l'éviter c'est ... d'éviter d'étendre le conflit. Que Nestor s'intéresse à Vicky ... et uniquement à elle.

Je lui jetai un regard à la dérobée, surprise à la fois de sa maîtrise et de la mine vaincue de Simon. Nos mains se serraient tellement l'une à l'autres qu'elles paraissaient soudées, et je sentis dans la force de son geste à quel point il lui coûtait de prononcer ces quelques phrases, de me mettre en danger plus encore pour préserver ma famille. Je baissai les yeux sur nos mains, troublée, et entendit à peine Selwyn se moquer :

-Je pense que finalement, c'est toi qui vas finir dans une tour, Bennett.

-On ne t'a rien demandé, le rabroua sèchement Simon. Maintenant, Melania, c'est à toi de voir si tu veux risquer la vie de l'ensemble de la famille Bennett. Je ne dis pas que le fait d'arrêter de fréquenter Alex les sauvera. Je dis juste que ça baissera les chances que toute la famille soit impactée par le désir de vengeance de ton frère.

J'étais littéralement en train de suffoquer devant toutes ces hypothèses jetées en touffe. J'avais un an et demi auparavant était prise d'effroi devant le journal annonçant que des moldus avaient été agressés à la Coupe du Monde. Je m'étais alors enfouie dans les bras d'Alexandre, me jurant de les protéger si pareil danger s'abattait sur ma famille, mais à présent que je me trouvais devant l'éventualité, je me trouvai totalement paralysée.

Comment je faisais pour les protéger alors que j'étais moi-même destinée à devenir une cible ?

Melania semblait dans le même état que moi : elle était devenue si blafarde que sa peau semblait translucide et ses yeux s'étaient voilés d'un filme de larme. Lentement, elle paraissait prendre la mesure de l'ampleur de la situation et que celle-ci ne se règlera pas par des paroles raisonnées et un terrain bien préparé. La vengeance échappait à toute logique. Son visage se décomposa lentement et même son frère parut attendri par sa détresse car ce fut avec une douceur infinie qu'il chuchota :

-Tu n'es pas obligée de prendre la décision tout de suite, mais ... Il faudra que quelque chose soit fait. Si tu penses que père pourrait bien prendre la chose, parles-en avec lui. Tant que le Seigneur des Ténèbres reste caché, Nestor ne prendra aucun risque. Si tu es prudente, ton idylle peut continuer. C'est risqué, mais ça peut se faire. Mais tu ne vas pas pouvoir cacher ta relation toute ta vie, Melania. Un jour, quelqu'un soupçonnera quelque chose et ...

Selwyn laissa sa phrase en suspens et mon imagination remplit ces blancs avec les pires images qui pouvaient me venir en tête. Un lourd silence où flottaient toutes ces hypothèses s'installa sur la table durant lequel Melania parut particulièrement déchirée. Elle levait fréquemment un regard sur moi où pointait le désespoir et après quelques minutes, elle allongea le bras vers moi. Avec un temps de retard, je compris qu'elle voulait me prendre la main et je lui tendis celle que ne tenait pas Simon. Sa pression fut presque aussi forte que la sienne.

-J'aime Alex, souffla-t-elle. Je te jure que je l'aime de tout mon cœur alors ... je ferais ce qu'il faut pour le protéger. Simplement, laisse-moi le temps de ... de ...

Incapable d'articuler le moindre mot, je ne pus qu'acquiescer. La sincérité des sentiments de Melania me prenait à la gorge et la comprimait si fort que ma respiration se fit sifflante. Elle avait été prête à sacrifier sa famille pour vivre son histoire avec mon frère. Et pour son bien, c'était lui que je lui demandais de sacrifier. Pendant un affreux instant, je m'imaginais à sa place, forcée d'abandonner Miles pour le bien de celui-ci. Ce fut l'angoisse de trop et une larme dévala ma joue. Je lâchai la main de Melania pour l'écraser d'un revers de main et la jeune femme prit une inspiration tremblante pour refouler les siennes. Ses doigts agrippèrent fébrilement son chapeau.

-Je dois retourner au travail, j'ai encore quelques dossiers à faire avant de ... (sa voix se brisa) de retrouver ... Alex ... on devait dîner ce soir ensemble, c'est ... c'est la Saint-Valentin ...

Cette fois une larme s'échappa mais elle l'écrasa rapidement d'un revers demain et battit des cils pour chasser les autres.

-Mel, tu n'es pas obligé de mettre fin à tout ce soir, la rassura Selwyn en mettant une main sur son épaule. Profite, justement, mais ...

Melania couvrit la main de son frère de la sienne et lui jeta un long regard suppliant qui étouffa la fin de la phrase dans la gorge de Selwyn. D'une main qui manquait d'assurance, la jeune femme revêtit sa lourde cape d'émeraude et rajusta son chapeau sur ses impeccables cheveux châtains. Elle se tourna vers nous et nous gratifia d'un sourire qui manquait cruellement de conviction et qui était gâché par les larmes qui brillaient toujours dans ses yeux.

-Merci de m'avoir prévenue. Je ... J'étais à mille lieues d'imaginer tout cela ... Mais c'est mieux ... pour Alex.

-Désolée, m'excusai-je d'une voix étouffée.

Pour toute réponse, Melania me tendit la main et m'attira à elle. Forcée d'enfin lâcher celle de Simon, j'enlaçai la jeune femme qui était à la fois si près et si loin de devenir ma belle-sœur, le seul être au monde qui aimait mon frère peut-être plus que moi. Dans son étreinte, je sentais toute sa détresse et sa peur, mais je gageai qu'elle percevait toute la mienne également.

-Je ne sais pas si je serais assez forte, me souffla-t-elle à l'oreille. Mais je ferais ce qu'il faut ... Pour Alex, et aussi pour toi. Nestor ne te touchera pas si je peux l'en empêcher.

Une boule chauffée à blanc remonta dans ma gorge et m'empêcha de répondre. J'aurais voulu lui répondre que ce n'était pas nécessaire, que je devais me défendre seule et qu'elle n'avait pas à se mettre en danger pour moi, mais les mots me broyèrent la trachée et y restèrent enfoncer jusqu'à ce qu'elle me lâche avec un sourire mouillé de larme et ne s'éloigne, son frère sur ses talons. Selwyn nous adressa un dernier hochement de tête avant de refermer la porte sur eux. Exténuée, je me laissai retombée sur ma chaise en me rendant compte que j'étais à présent seul à ma table : Simon s'était levé et Hermione, qui s'était dressé en même temps que lui, l'avait attrapé par le bras, sans doute pour lui parler de quelque chose concernant les préfets. Je profitai de mon instant seule pour reprendre la maîtrise de moi, mais alors que je prenais quelques inspirations, quelques larmes s'échappèrent de mes yeux et s'écrasèrent sur la table. La culpabilité pulsait en moi au même rythme que mon angoisse : trop de fantôme s'étaient solidifiés pour que les ignorent. Je pris une serviette pour les essuyer et récitai des vers à voix basse pour calmer mon cœur qui battait à un rythme erratique. Quand Simon revint, quelques minutes plus tard, j'avais les yeux presque secs et respirai convenablement. Je réussis même à sourire lorsqu'il poussa une tasse de chocolat fumante devant moi.

-Allez Bennett, cul-sec, plaisanta-t-il en toquant son café contre ma tasse. Tu en as bien besoin.

-Je crois que j'ai besoin de poison, plutôt. Pour tuer Nestor avant qu'il ne me tue. Par tous les Saints, Simon, je plaisante ! ajoutai-je précipitamment alors qu'il paraissait songer sérieusement à la proposition.

Il me contempla un long moment, sirotant son café silencieusement. Le sourire s'était estompé sur ses lèvres pour ne laisser qu'un air grave et tiraillé. Je contemplai vaguement Hermione et Harry se rhabiller et quitter la femme d'âge plus mûr qui resta seule à écrire à sa table avant d'essuyer un rire tremblant.

-On ne pourrait pas demander à ta tante de l'enfermer à Azkaban ? Lui dire qu'on a des doutes sur ses allégeances et qu'il peut être un danger ?

-Non seulement ça ne pourrait se faire que si l'état d'urgence est décrété, mais en plus je ne suis pas sûr que ce soit souhaitable, répondit prudemment Simon. Imagine si on enfermait à Azkaban tout ceux sur qui on a des doutes ...

Je fronçai les sourcils, me souvenant que c'était précisément sur des doutes que Hagrid avait été envoyé en prison pendant l'affaire de la Chambre des Secrets, mais dans l'idée, Simon avait raison. Ce n'était pas non plus comme ça que je concevais la justice et l'état de droit. De frustration, je pris une gorgée de chocolat, si brusquement que j'en versais une partie sur ma manche. Je l'épongeai avec une serviette, sous le regard toujours déchiré de Simon. Je n'osais songer ce qu'il passait dans sa tête maintenant que mon assassinat prochain par Nestor Selwyn venait d'être mis en lumière. Ma poitrine se contracta et les larmes me montèrent mécaniquement aux yeux.

-Je ne serais pas assez forte, Simon ... Là, c'est de trop. Nestor, Kamila, Cédric, mon grand-père, de nouveau Nestor ... C'est trop.

La main de Simon tressaillit sur sa tasse, comme s'il avait voulu amorcer un geste mais que les doigts étaient restés soudés à la hanse. Comme s'il luttait avec lui-même, ce fut avec une lenteur infinie que sa main se détacha pour se poser sur la mienne et la serrer, de façon presque plus forte que lors de l'entretien. Son regard était rivé sur sa tasse, comme s'il ne pouvait se résoudre à me regarder – comme si me regarder, c'était me voir mourir. Et ce fut presque aussi douloureux qu'un poignard dans les entrailles.

-Arrête de dire ça, Vicky. Tu vas t'en sortir, justement parce que tu as vécu toutes ses choses et que tu as beaucoup appris. Et au-delà de ça, tu as des atouts. Tu es une occlumente – ça ne te semble peut-être rien, mais tu n'imagines pas à quel point ça peut être important dans ce qui nous attend. Tu n'es pas mauvaise en duel. Tu es même plutôt bonne. On s'entrainera et même sans ça je suis sûre que Mel a raison et que tu peux vaincre Nestor.

-Tu l'as dit toi-même, Nestor ne sera pas seul.

Simon arracha son regard de son café pour le planter dans le mien. J'ignorais si c'était la fatigue ou l'intensité qui faisait brillait ses prunelles et intensifiait toutes les émotions que véhiculait son regard, mais de nouveau ma trachée fut comprimée.

-Toi non plus, Vicky. Je sais que tu ne veux pas te cacher derrière nous, mais je pense que chaque membre de ma famille est prêt à se jeter devant toi plutôt que tu ne prennes un sortilège.

-Toi y compris ? doutai-je, un sourire désabusé aux lèvres.

Simon baissa promptement les yeux et lâcha ma main pour resouder les siennes à sa tasse de café. Je le considérai longuement, bouche-bée alors que ses doigts pianotaient nerveusement sur la porcelaine.

-Seigneur, tu en serais capable, réalisai-je, le souffle coupé. Simon ... tu es complétement inconscient ...

Il rejeta sa tête en arrière en exhalant un soupir exaspéré.

-Vicky ! Si tu n'es plus là, avec qui je vais pouvoir être exécrable ? Actuellement, il n'y a que toi qui sois capable de me supporter ! J'ai ...

Ses doigts pianotèrent à une telle vitesse et avec tant de dextérité que je me demandais s'ils ne jouaient pas inconsciemment un morceau pour apaiser son esprit – comme je pouvais le faire avec mes vers. Ses lèvres se pincèrent en une mince ligne et il finit par lâcher du bout d'une voix qui semblait venir d'outre-tombe :

-Je ne veux pas que tu meures, Vicky.

Il battit des cils, comme si la brillance que j'avais aperçu ne venait pas de la fatigue mais de larmes qui couvraient sa cornée. Je papillonnais stupidement des paupières, et je fus surprise lorsqu'à chaque nouveau battement, des larmes roulèrent sur mes joues. Au-delà de ma propre situation, je me rendus compte que cette simple faisaient échos à d'autres angoisses et mettait des mots sur une peur panique je ressentais depuis que les Mangemorts s'étaient échappés d'Azkaban.

-Moi non plus je ne veux pas que tu meures.

Un sanglot que je ne n'avais pas senti venir me déchira la gorge et j'y portai la main pour réprimer les autres. Simon leva son regard sur moi et écarquilla les yeux devant mes larmes qui arrosaient abondement mon visage et la table. Déboussolé, il ne songea même pas à me consoler, figé par l'incompréhension.

-Mais Vicky, enfin ... Je ne risque rien, moi, tout va bien ...

-Non, tout ne va pas bien, rétorquai-je en essuyant mes yeux de ma manche. Tant que tu es à Poudlard ça va, mais un jour tu seras en roue-libre dehors, et là tu pourras te mettre en danger autant que tu veux. Tu m'étonnes que le Choixpeau ait voulu t'envoyer à Gryffondor, tu es aussi stupide qu'eux ! Sauf que là ce n'est pas de la bravoure, c'est juste de la totale inconscience ...

-Vicky ...

-Arrête ! Je te connais : tu t'en ficheras totalement de ce que je dis, de ce que tes parents diront. Je le vois bien, déjà tu ne penses qu'à ça : le moment où tu pourras être dehors et te jeter dans la mêlé, sans penser à toutes les personnes qui comptent sur toi et qui ont besoin de toi en vie. Mais si seulement c'était pour la justice, pour un idéal, je pense que je serais capable de l'accepter, mais je sais très bien que ce n'est pas ça. Tu l'as admis toi-même Simon, je te connais mieux que personne !

A chaque fois, Simon s'était un peu plus tassé sur sa chaise, les yeux écarquillés. Ses doigts avaient cessé de s'agiter pour se crisper à la hanse si fort qu'elle en tremblait. Ma tirade eut un effet purgateur car les larmes se tarirent enfin et j'essuyais celles qui ruisselaient sur mes joues d'un revers de manche, le souffle court.

-Tout ça, c'est une croisade contre Jugson et Voldemort, conclus-je d'une voix qui tremblait. Et tu crieras dans l'ardeur qui t'emporte : Mort pour Cédric, Matthew et Spencer. C'est de la vengeance, Simon, et crois-moi si tu meurs pour ça, si tu oses m'abandonner juste pour te venger, je me ferais un plaisir d'aller cracher sur ta tombe.

Simon me contempla, pétrifié, les yeux écarquillés et ses tâches de rousseurs paraissant être des tâches de sang sur sa peau devenue blafarde. Mon éclat avait interloqué la femme sur la table à côté qui avait pivoté d'un quart de tour, mais je m'en moquais : j'avais les yeux rivés sur Simon avec l'espoir fou qu'il me démente, qu'il m'assure que j'ai tort et qu'il rit en disant que finalement, je ne le connaissais pas si bien que cela. Mais alors que le silence s'éternisait, il finit par secouer la tête avec lenteur, son regard vrillé sur le mien et mon cœur acheva de se morceler.

-Vicky ... Tu ne comprends pas ...

-Alors explique-moi ! exigeai-je en attrapant sa main. Vas-y, dis-moi ! Qu'est-ce que je ne sais pas et qui justifie que tu te veuilles la mort de cet homme ?

Mais Simon se déroba en retirant vivement sa main et ses yeux étincelèrent d'une lueur plus inquiétante, une lueur qui brillait continuellement dans son regard depuis des semaines.

-Il a tué des membres de ma famille ! Je pense que ça suffit amplement, non ?

-Non ! J'ai parlé aux jumeaux Weasley : leurs oncles aussi ont été tués par un Mangemort évadé et tu sais quoi ? Tu sais ce qu'ils font ? Ils s'inquiètent pour leur mère ! Et pourtant, eux aussi sont des têtes brûlées !

-Arrête !

C'était moitié un cri, moitié un gémissement, un son de pure détresse que venait de produire Simon et il me heurta en plein cœur. Il se recroquevilla sur sa chaise, comme un animal blessé, les mains sur les oreilles pour faire barrage des mots que je prononçais.

-Tais-toi, haleta-t-il, essoufflé. Ne ... Ne parle pas de ce que tu ne sais pas.

Il se dérobait, constatai-je en remarquant son geste de repli et la façon dont il évitait mon regard. Mais Simon devait bien voir appris une chose de moi en dix-sept ans de vie commune : j'étais tenace, et surtout quand ça le concernait.

-Donc il s'agit bien de quelque chose que je ne sais pas ...

-Vicky, tais-toi.

-... Et ça a un rapport avec Jugson ... avec ton oncle et tes cousins ...

-La ferme !

La tasse entre ses doigts explosa en mille éclats. Je vis un véritable bond qui m'amena à me replier sur ma chaise alors que Simon contemplait le liquide froid et noir qui se déversait sur les débris et se mêlait à une substance rouge, âpre, qui coulait de son poing fermé. Du sang. Je l'observai tomber goutte par goutte pour rougir les morceaux de porcelaine, horrifiée. Lentement, Simon déploya sa main pour faire apparaitre une plaie transpercée d'un éclat qui saignant abondement sur sa paume. Le peu de couleur qui restait déserta son visage et durant un horrible instant, je crus qu'il allait tourner de l'œil. Je voulus lui prendre la main pour lui retirer le débris de porcelaine mais il la ramena vivement contre lui et se dressa d'un bond. Il récupéra sa cape et son bonnet orange d'une main tremblotante tout en pressant sa main contre lui. Je parvins à attraper un pan de son pull avant qu'il ne fasse volte-face.

-Où tu comptes aller comme ça, Bones ?

-Par la barbe de Merlin, Bennett, fiche-moi la paix !

Avec un regard féroce qui me cloua sur place, il s'arracha à ma prise et slaloma entre les tables bondées pour atteindre la porte. J'entendis le choc lorsqu'elle se ferma et en sentis les vibrations comme si elle venait de se claquer sur moi. Je me pris la tête entre les mains, le regard rivé sur ma tasse dont le chocolat avant depuis longtemps refroidi, le cœur au bord des lèvres. Je me retrouvai seule à cette table, au milieu des débris, du sang et de mes ennuis qui semblaient m'étreindre pour me faire suffoquer. Plus le temps avançait, moins je voyais d'issue. Malgré une journée qui avait bien commencé, Simon s'enfonçait et j'assistai impuissante à sa lente chute. C'était à en supplier Dumbledore qu'il le garde enfermer à Poudlard ... Et au-delà de ça, des peurs que j'avais pour la vie et la santé de Simon une fois qu'il serait dehors, j'étais blessée. Simon n'ignorait rien de moi, rien de ma vie. Il était la seule personne à en connaître tous les pans : la terreur de Terre-en-Landes, la sorcière de Poudlard, la culpabilité du cinq Novembre, le manque de Perelko ... Alors cela me crevait littéralement le cœur de comprendre que cette relation que je pensais absolue était unilatérale. Il persistait à me cacher quelque chose et que c'était ce mystère qui pouvait le conduire vers les pires extrémités, un poids qui chaque jour l'entrainait un peu plus vers le fond.

Et je ne voyais pas comment le détacher. C'était difficile d'attraper un fantôme.

La surface de mon chocolat ondula de façon circulaire et je compris que j'avais laissé échapper une autre larme. D'un geste rageur, j'essuyais celle qui menaçait de s'échapper.

-Bon sang, Bones, tu es un crétin.

-Alors il tient de George.

La remarque fut accompagnée d'un rire fort déplaisant qui assécha mes yeux, et me força à les lever sur la table à côté de la mienne. La femme qui était restée après le départ de Harry et Hermione était à présent de moitié tournée vers moi, un whisky Pur-feu dans une main et une plume d'un vert criard qui m'était étrangement familière dans l'autre. Le sourire qui retroussait ses lèvres était à la fois triomphal et sarcastique.

-Le maillon faible de la famille, ce George Bones, poursuivit-t-elle en faisant tourner sa plume entre ses doigts. Pas mauvais sorcier, plutôt du plomb dans la tête, mais il faut être honnête : il ne serait jamais entré au Mangenmagot si jeune si son nom de famille n'avait pas été Bones. Mais je dois l'admettre : comment exister lorsqu'on est le benjamin d'une fratrie brillante ?

-Rita Skeeter, la reconnus-je alors avec un grand déplaisir.

La journaliste fit une sorte de moulinet de la main pour me saluer avec une sorte de condescendance. Elle avait changé, depuis la dernière fois que je l'avais vu dans le cadre du Tournoi des Trois Sorciers. Elle semblait moins apprêtée, plus négligée mais il brillait toujours dans son regard la même étincelle de curiosité malsaine qui me donnait envie de lui jeter mon chocolat froid à la figure. Seigneur, qu'est-ce que faisait à la table de Harry la femme responsable des rumeurs sur sa folie ?

-Moi-même en personne, confirma-t-elle avec un sourire éclatant. Nous nous connaissons, jeune demoiselle ?

-Grand dieu, non, marmonnai-je en sortant ma baguette pour nettoyer les dégâts de Simon.

-Huuum, laissa-t-elle échapper en me dévisageant. Non, ton visage ne me dit rien. En revanche, celui de ton ami ... Le cadet des Bones, c'est cela ?

Je dardai la journaliste d'un regard furibond qui devait singulièrement manquer de hargne. J'aurais voulu éviter une discussion avec elle et m'échapper, mais je ne me sentais pas de traverser toute la pièce, les yeux encore rougis et le souffle court. Skeeter nicha son menton sur sa main, l'air intrigué.

-J'ai cru entendre les échos d'une dispute. Alors, ma chérie, tu te sens trahie ? Abandonnée ? Le fils Bones marche-t-il sur les traces du grand Edgar ? Et cela t'effraie ?

-Vous n'avez pas un article affreux et rempli de mensonge sur Harry et Dumbledore à écrire ? cinglai-je en désignant les carnets et parchemins qui jonchaient la table.

Skeeter leur jeta un regard dédaigneux et ferma son carnet de note d'un coup sec avant de prendre une longue lampée de sa boisson.

-Si tu savais, petite. Même si, de ce que je pense avoir compris, ton problème est justement le manque d'information.

Sa mine malicieuse m'exaspéra au plus haut point et je levai les yeux au ciel. Cette conversation surréaliste avait au moins pour mérite de calmer mes nerfs et tranquilliser ma respiration. Sans quelques minutes, les stigmates de mes pleurs seraient assez atténués pour que je puisse sortir de ma cachette et aller jeter Simon dans le Lac Noir. Skeeter me fixait toujours de ses yeux étincelants et je finis par lâcher d'une voix agacée :

-Seigneur, votre êtes pire qu'un vautour. Retournez donc à votre article !

La journaliste se fendit d'un ricanement et à mon grand dam, elle pivota plus franchement vers moi, abandonnant plume et carnet pour pointer son verre de whisky en ma direction.

-Du caractère. Ça ne me surprend pas. Les Bones sont naturellement attirés vers les femmes de caractère. Leur mère en était une, Rose en est une ... Mais la palme revient sans doute à Cassiopée. Quelle femme !

C'était peut-être une illusion, mais il me semblait qu'il avait une certaine admiration dans le cri de Skeeter. Je dressai un sourcil, surprise, et elle m'adressa un sourire penaud avant de reprendre une gorgée de whisky. Je remarquai alors qu'elle n'en était pas à son premier : déjà trois verres s'alignaient devant ses travaux, en plus de ceux utilisés par Harry, Hermione et leur amie.

-Je te surprends, pas vrai ? Que veux-tu, j'ai un faible pour les femmes qui réussissent. Rose et moi aurions pu être très amies, si je n'avais pas sorti un article contre son mari.

-Vous êtes insupportable. Cette famille n'a pas déjà assez souffert, il faut que vous en rajoutiez avec vos articles nauséabonds ? Vous cherchez à en écrire un sur l'évasion de Jugson et rappeler ce qui s'est passé il y a quinze ans et faire une nouvelle fois souffrir toute cette famille ?

Le sourire de Skeeter se figea avant de lentement s'estomper. Je crus l'avoir froissé et qu'elle allait enfin retourner à ses parchemins, mais elle me surprit de nouveau en se levant et s'avancer vers moi d'une démarche chaloupée et peu certaine avant de d'écrouler sur la chaise de Melania. Elle pointa sur moi un index dont le vernis s'était depuis longtemps écaillé.

-Le petit Bones t'a prévenu, petite : ne parle pas de chose dont tu ne sais rien. Le meurtre de Cassiopée Bones et de ses enfants, ça a été mon premier terrain, chérie. J'ai été une des premières sur les lieux, une des premières à voir les cadavres. Mais j'avoue que je n'ai pas été plus loin que le rez-de-chaussée. (Elle but une longue, très longue, lampée de son whisky). J'ai rendu mes tripes dès que j'ai vu le corps du gosse dans les escaliers.

Un frisson parut la parcourir et elle vida son verre d'un trait avant de le poser bruyamment sur la table. Malgré les effets apparents de l'alcool et la sincérité que ça semblait déclencher chez elle, elle paraissait rester lucide, assez pour comprendre qu'elle venait d'avouer un événement embarrassant. Elle me jeta un regard contrarié.

-Mais bien sûr, cela reste entre nous.

-Si vous voulez, murmurai-je, assez déconcertée par l'aveu. Alors ... Vous avez vu ... ?

Skeeter me lorgna un moment avant qu'un sourire n'ourle ses lèvres.

-Tu serais une très mauvaise journaliste, petite. Il faut avoir plus de conviction, harceler ton sujet pour lui extorquer l'information. Parfois, dans la contrariété, il laisse échapper des indices qui te permettent de trouver l'information par toi-même si tu sais où fouiner.

-Je ne sais pas où fouiner.

La journaliste éclata d'un rire sonore qui tourna quelques têtes vers elle. Elle leva son verre à hauteur de ses yeux pour constater qu'il était vide et le reposa avec un grognement de dépit.

-Evidemment que tu ne sais pas. Mais ... il se trouve que je sais. Et comme tu me sembles une fille de caractère mais assez raisonnable, contrairement à miss parfaite, je vais te donner une piste : ce n'est pas un secret. Ton information, elle est d'une simplicité enfantine à trouver. Il suffit de chercher dans cette nuit-là. Mais je t'assure (Elle leva son verre vide, comme pour me porter un toast). Rien n'est caché.

-Comment le savez-vous ?

J'étais assez dubitative face à la conviction de la journaliste, qui lorgnait son verre comme si elle espérait qu'il allait se remplir sous ses yeux. Faute de quoi, elle finit par se lever et m'adressa un simulacre de clin d'œil.

-Je te l'ai dit, chérie : j'y étais. Maintenant je vais aller remplir mon verre et écrire ce maudit article avant de songer à des choses plus intéressantes. Bon courage !

De nouveau, elle leva son verre et s'en fut de sa démarche peu assurée avec un ultime éclat de rire, me laissant seule avec mon désarroi et la piste que l'alcool l'avait poussé à daigner me laisser. 

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