II - Chapitre 18 : Faire quelque chose
BONJOUR A TOUS !
J'espère que vous allez tous bien en cette quatrième semaine de confinement ! Force et honneur à tous !
Allez chapitre, j'espère que vous allez l'apprécier !
PS : Au fait pour m'amuser j'ai imaginé les baguettes de mes personnages (bois, coeur), ça vous intéresse de les avoir?
Bonne lecture !
Chapitre 18 : Faire quelque chose.
PAR ORDRE DE LA GRANDE INQUISITRICE DE POUDLARD
Il est désormais interdit aux professeurs de communiquer aux élèves toute information qui ne serait pas en rapport direct avec la matière qu'ils sont payés pour enseigner. Conformément au décret d'éducation numéro vingt-six.
Signé : Dolores Jane Ombrage, Grande Inquisitrice
Je fixai le panneau de bois fixé sur le mur du Hall, avec l'autre décret concernant les groupes, toujours avec la même hargne que lorsque je l'avais découvert placardée quelques jours plus tôt dans notre Salle Commune. Avec une certaine amertume, je me fis la réflexion que ce nouveau décret devait avoir un rapport avec la conversation que nous avions eue avec McGonagall concernant Voldemort et la volonté d'agir de Simon. Le crapaud qui nous servait de Grande Inquisitrice devait en avoir entendu une partie et veillait à présent que les professeurs n'attisent pas la rébellion dans l'esprit de leurs étudiants.
C'était de la dictature. Il n'y avait pas d'autres mots. De la dictature.
-Je crois que je ne vais pas supporter de voir son visage en cours, lançai-je à Renata, qui observait elle aussi le décret l'air sombre.
-Je n'ai pas attendu qu'elle sorte ce décret pour ne pas supporter son visage, répliqua-t-elle d'un ton sec. Je vais aller déjeuner, rien que de voir son nom me donne la nausée.
Sur ce, elle s'engouffra dans la Grande Salle sans demander son reste, ses pas claquant furieusement contre les dalles. De mon côté, je venais de sortir de table et je n'arrivais pas à arracher mon regard aux quatre panneaux de bois – celui sur la création du poste, contre les groupes, et concernant les punitions – qui accompagnait le nouveau. Chaque jour, vivre à Poudlard devenait moins agréable. J'avais l'habitude de discuter avec Chourave en fin de cours, de choses scolaires comme personnelles. Que deviendraient ces discussions qui me permettait de ne pas totalement angoisser et de ne pas régler mes problèmes par moi-même, comme j'avais tenté de faire l'an dernier ?
La mort de l'âme, je finis par me détourner des cinq panneaux de bois et m'éloignai en direction de la bibliothèque. J'avais trop de chose qui me préoccupaient pour me soucier de la dictature d'Ombrage. Simon était totalement contre l'idée de parler de Mel à Selwyn, mais pour une raison que j'ignorais, je savais que c'était la meilleure solution. Selwyn l'avait répété à Octavia : il ferait tout pour protéger l'intégrité de sa famille. Et de ce que je savais de celle-ci, il valait mieux que Melania Selwyn épouse un moldu – ce qui accréditerait le dogme de la famille digne sous tout rapport – plutôt que Nestor Selwyn ne rejoigne les forces de Voldemort. Et si je ne savais pas comment contacter la jeune femme. Pourtant, il fallait bien qu'elle ait conscience à quel point mon lien avec son frère mettait le mien en danger. Miles avait raison sur ce point : pour cela, il fallait que je parle à Melania. Et la sortie à Pré-au-Lard du 14 février me donnait l'ouverture idéale.
Mais pour cela, il fallait que je joue carte sur table avec Ulysse Selwyn. Et Seigneur, que c'était contre-intuitif. Cependant, j'avais beau retourné le problème dans tous les sens, je ne voyais pas d'autres issues.
-Salut Susie, soupirai-je en posant mon sac sur la table de la jeune fille. Comment tu vas ?
Visiblement, ça n'allait pas. Des cernes mangeaient les joues de mon amie et ses cheveux, qu'elle n'avait pas pris le temps d'attacher, pendaient tristement autour de son visage. Elle me jeta un regard où pointait l'épuisement et bailla à s'en décrocher la mâchoire.
-Je suis fatiguée. J'ai parlé une bonne partie de la nuit avec Simon, il est encore énervé après le décret d'éducation 26 ... Tu comprends, ça lui a fait du bien de parler avec McGonagall, et il a l'impression qu'on nous isole encore plus de la réalité en empêchant les professeurs de nous parler ... ah, et il s'est encore disputé avec Emily, aussi. Il est à deux doigts de rendre son insigne de préfet-en-chef juste pour ne pas avoir à lui parler.
-Tu l'en as empêché, j'espère ?
Susan m'adressa un sourire las.
-Pourquoi crois-tu que ça ait pris une partie de la nuit ? Ça a été long mais ... J'ai gagné.
-Tu es une championne, plaisantai-je en ébouriffant ses cheveux.
Elle rougit devant mon compliment, mais n'eut pas la force de répondre et se replongea dans ce qui semblait être une traduction de rune. Inquiétée par son teint pâle et ses cernes, je l'aidai sur la recherche de vocabulaire et la grammaire, lui épargnant une quantité phénoménale de travail. Susan ne songea même pas à protester, trahissant son épuisement. Depuis l'évasion des Mangemorts, elle semblait manquer de sommeil : elle avait passé un temps considérable à calmer Simon, devait gérer son propre stresse devant l'évasion de Jugson et les BUSEs qui approchaient, et aidait Hannah dans son rôle d'intermédiaire entre Simon et Emily. En plus de ça, elle disparaissait toujours quelques heures par semaine et pourtant, chaque fois que je la voyais, elle travaillait d'arrache-pied. Si la thèse du garçon s'était depuis longtemps envolé, je me demandais bien ce que pouvais faire Susan de ce temps, et j'avais fini par me dire qu'avec son frère qui se reposait énormément sur elle, elle devait avoir besoin de temps seule, loin de tout où elle pouvait s'occuper d'elle.
-Tu as quoi, là ? demandai-je alors qu'elle remballait ses affaires.
-Histoire de la Magie.
-Bon. Tu as mes notes, et Binns ne remarquera pas si tu n'écoutes pas alors ... Essaie de dormir un peu, d'accord ? Je sais que c'est contre la religion des Poufsouffle de dormir en cours, mais tu en as besoin, Susie. Tu as une tête à faire peur.
Un pauvre sourire s'étendit sur les lèvres de Susan et m'adressa un faible signe de la main avant que nous chemins se séparent au deuxième étage. Je me rendis au cours d'Ombrage avec l'impression d'avoir des semelles de plombs et poussai un immense soupir de dépit en constatant que la chaise de Simon était vide. Ce n'était pas une surprise : il séchait ouvertement les cours d'Ombrage. Il avait décidé d'appliquer à sa façon le conseil de McGonagall : il continuait de se former, mais il préférait lui faire lui-même plutôt que de se confronter au visage d'Ombrage et à son simulacre de cours. Comme avec Emily, il éprouvait des difficultés à rester durablement dans la même pièce qu'elle depuis l'évasion des Mangemorts. Il fallait dire que depuis, un rien pouvait l'enflammer, et notamment la vision de l'incarnation du Ministère dans cette école. Même si je comprenais sa volonté de se retirer pour éviter de craquer et ne pas perdre de temps, ça me révulsait de voir la joie malsaine d'Ombrage de constater chaque jour que la chaise de Simon était vide. Je m'assis donc seule à ma table avec un gros soupir, le maudissant de me laisser seule. Face à la monotonie du cours, nous nous occupions de notre mieux – soit en travaillant d'autres matières, soit en se notant des injures sur nos parchemins respectifs. A présent, j'étais seule face à ce maudit livre et je devais bien admettre que la présence de Simon manquait. Alors que je me demandais à quoi j'allais m'occuper toute en faisait semblant de lire le chapitre, un sac s'écrasa à côté de moi, et je levai des yeux surpris sur le visage de Roger Davies.
-Bones n'est pas là, je prends la place, annonça-il en s'asseyant, sans même me demander la permission. Comment tu vas, Bennett ?
-Tu abandonnes Emily ? m'étonnai-je.
Roger avait malgré tout décidé d'adopter la même stratégie que moi en début d'année : ne pas parler du retour de Voldemort pour ne froisser personne. Bien que tendue, sa relation avec Emily n'avait en rien changé de dynamique, si bien que Simon et moi avions fini par compter les jours avant qu'ils ne se mettent ensemble. Roger m'adressa son plus beau « sourire charmeur » et balança son pouce du côté de la jeune fille.
-Tu parles de la personne qui refuse de m'adresser la parole depuis deux jours ? Et comment. Toi au moins, tu souris plus.
-Merci, répondis-je sans réfléchir, un peu étonnée à la fois du compliment et de l'information. Bon sang, Davies, qu'est-ce que tu lui as encore fait ?
-Quoi ? Pourquoi ce serait moi ?
-Tu lui as parlé d'une de tes ex ? Ou pire, tu as une copine ? Vous vous êtes embrassés et tu l'as repoussé ?
Les yeux de Roger s'écarquillèrent de stupéfaction face à l'accumulation de proposition et finit par agiter les bras pour mettre fin à mon babillage.
-Mais non, mais enfin qu'est-ce que tu vas t'imaginer, Victoria, il n'a rien entre Emily et moi ...
-Alors c'est la copine. Bon sang, Davies, je vais t'étriper.
J'avais beau ne plus parler à Emily depuis l'évasion des Mangemorts, je ne supportais pas de voir le sosie de Lokhart jouer avec son cœur. Elle avait beau être aveugle, elle ne méritait pas ça pour autant. Cette situation absurde durait depuis bien trop longtemps. D'habitude, je restais en retrait de ce genre de chose – je ne pensais avoir parlé autre chose que Quidditch avec Roger. Mais là, c'était trop : Emily était déjà d'humeur massacrante depuis des semaines, il était hors de question qu'il en rajoute. Roger me renvoya un regard abasourdi avant de se tordre les lèvres, l'air gêné.
-Pas la copine. J'ai juste ... proposer à Cho de venir avec moi, à Pré-au-Lard. Tu sais, pour lui changer les idées, qu'elle ne soit pas seule ...
Je me pris la tête entre les mains, dépitée. Emily était peut-être aveugle avec Voldemort, mais bon sang, comment lui faisait-t-il pour être à ce point aveugle avec Emily ? Comment pouvait-on être aussi intelligent et aussi maladroit ?
-Hey, je te rappelle que c'était ton idée, se défendit-t-il face à mon désespoir. Tu m'as dit de faire attention à Cho pour l'aider ... D'ailleurs, ça marche, elle vole mieux depuis quelques temps, elle sourit plus ...
C'était vrai, admis-je à part moi. Cho paraissait plus épanouie depuis qu'elle était revenue de vacance. Mais selon moi, ça avait plus à voir avec sa relation avec Harry qu'avec les attentions de Roger. Je les avais vu échanger quelques mots au détour d'un couloir, un sourire gêné mais dont la niaiserie trahissait les sentiments aux lèvres.
-Je ne t'ai pas dit ça pour que tu l'invites à sortir non plus, rétorquai-je vertement. En plus, ce n'est pas le jour de la Saint-Valentin, la sortie à Pré-au-Lard ?
-C'est le jour de la Saint-Valentin ? répéta-t-il avec horreur. Mais ... je n'avais pas capté !
-Et bien si ! Tu lui as littéralement proposé un rancard et après tu es allé le dire à Emily ? Bon sang, comment le Choixpeau a pu t'envoyer à Serdaigle ?
Je fus ravie de le voir piquer un fard. Il jeta un regard furtif par-dessus mon épaule – vers Emily – et passa une main dans ses cheveux en un geste qui fit soupirer Gillian Fawley derrière nous. Un sourire gêné, qui fut plus adorable qu'autre chose, s'étira sur ses lèvres.
-Oui, je ne l'avais pas vu comme ça. Je veux dire, quand j'ai invité Cho, je te jure qu'il n'y avait pas d'intention romantique, mais ...
-Alors parfait. Invite Emily.
Son sourire se fana et je vis la panique fendre ses prunelles. C'était assez amusant de voir le si sûr de lui Roger Davies perdre pied face à l'éventualité d'inviter une fille alors j'eus un sourire carnassier.
-Réfléchis, Davies. Je ne sais pas exactement ce qu'il se passe entre Emily et toi. Mais ce que je sais, c'est que vous n'êtes pas des amis, et qu'il n'y a pas rien entre vous. Alors soit vous restez dans cet entre-deux désagréable qui met Emily en rogne et te fait marcher sur des œufs, soit tu prends sur toi pour éclaircir la situation. Elle ne le fera pas, tu lui as fait subir trop de désillusion et elle est trop fière. Alors c'est à toi de prendre tes responsabilités.
Roger ouvrit la bouche sans qu'aucun son n'en sorte, l'air d'avoir perdu sa belle répartie. Avant qu'il ne puisse songe à me répondre, des talons claquèrent allégrement contre les dalles, annonçant l'arrivée d'Ombrage. Elle passa la porte une seconde plus tard, et un sourire découvrit ses dents pointues lorsque qu'elle balaya la pièce du regard.
-Bien, je vois que monsieur Bones a encore décidé de ne pas se joindre à nous, constata-t-elle avec une satisfaction à peine dissimulée. Miss Fawley, veuillez le prévenir que ces absences répétées risquent de se retrouver dans son dossier et qu'elles pourraient être grandement préjudiciable à son avenir ...
Emily ne prit pas la peine d'acquiescer, se contentant de considérer la Grande Inquisitrice d'un regard assez neutre derrière ses lunettes. Toute énervée qu'elle était contre Simon, elle ne l'était pas assez pour se réjouir des menaces d'Ombrage. Celle-ci se dressa sur l'estrade pour tous nous toiser, et ânonner son habituel discours :
-Veuillez ranger vos baguettes et commencer la lecture du chapitre 24. Et bien sûr, il est inutile de bavarder.
Roger et moi échangeâmes un regard désabusé et il ouvrit laconiquement son livre pour feuilleter les pages une à une jusqu'au chapitre d'étude. Je coinçai dans le mien mon texte de rune à traduire et fis mine de prendre des notes tout en commençant la translation. Un lourd silence s'installa dans la salle de classe, comme à chaque fois. Très peu étaient ceux qui s'intéressaient réellement au livre. Comme moi, beaucoup profitaient des heures de cours d'Ombrage pour avancer sur d'autres matières. Warrington et Montague lançaient des boulettes sur Gillian et Octavia, laquelle se retournait fréquemment pour leur adresser un regard féroce qui lui valait chaque fois un « hum hum » de la part d'Ombrage. Mathilda fixait son livre d'un œil vide qui ne semblait rien assimiler, et Lee Jordan s'était fait plusieurs fois réprimander s'être endormi, la bouche ouverte et un filet de bave coulant sur son bouquin. Simon avait raison : cette matière était une véritable perte de temps. Mais nous ne pouvions pas tous nous permettre d'avoir des blâmes dans nos dossiers. Je m'occupai tant de ma traduction et de ne pas être vue par Ombrage que le temps passa assez vite, si bien que je fis un véritable bond sur ma chaise quand un « BOOM » retentit derrière nous. Mon sursaut arracha un éclat de rire à Roger, mais celui-ci fut noyée dans la masse de rire et d'autres explosions qui se firent entendre, et par la voix criarde d'Ombrage, qui s'était dressée de son bureau :
-Weasley ! Je peux savoir d'où bien ce boucan ?
Je pivotai vers les jumeaux, qui s'étaient écroulés l'un contre l'autre, hilares. Je remarquai alors que de la fumée s'échappait de parchemins à moitiés calcinés qui dissimulaient des cartes. Je compris ce qu'il s'était passé une seconde avant que l'un d'entre eux n'entonne d'un ton goguenard :
-Voyez professeur, George a mis la même carte que moi, ce qui fait que nos cartes ont explosées ... Vous n'avez jamais joué à la Bataille Explosive ?
Alicia plaqua sa main contre sa bouche pour contenir son rire, mais le regard glacial d'Ombrage l'empêcha de le laisser s'échapper. Elle n'était pas la seule à réprimer son hilarité : Lee Jordan avait enfoui sa tête dans ses bras, mais on voyait distinctement ses épaules tremblaient qui trahissait son rire.
-Je savais qu'ils étaient fous, mais là ça dépasse l'entendement, me chuchota Roger, qui lui continuait d'observer Ombrage. Elle va en faire de la charpie.
-Elle leur a déjà pris le Quidditch, qu'est-ce qu'elle peut le faire d'autre ? répliquai-je en haussant les épaules.
Ça semblait bien être le dilemme d'Ombrage alors qu'elle fixait les jumeaux, qui la contemplait tout deux avec un sourire qui devait lui être insupportable. Ce n'était pas la première fois qu'ils se faisaient remarquer depuis la rentrée mais rien de totalement répréhensible. Là, ils semblaient avoir atteint une nouvelle limite de la Grande Inquisitrice, qui s'avança à pas lents vers eux.
-Rangez-moi ce jeu stupide, ordonna-t-elle en détachant chaque syllabe. Je vois que vous n'avez pas retenu la leçon ... Vos balais resteront sous bonne garde dans mon bureau.
-On ne doutait pas un seul instant de cela, professeur, répondit Fred d'un ton faussement poli que détrompait son sourire moqueur. Vous semblez coriace.
Tout sang déserta son visage et les élèves se mirent à chuchoter entre eux en fixant Ombrage, prédisant ce qu'elle allait faire pour punir les jumeaux de leur impudence.
-Je suis la Grande Inquisitrice de cette école, rappela-t-elle d'une voix qui me parut criarde. Mon devoir est d'élever son niveau, je n'ai pas à perdre de temps avec des cas désespérés comme les vôtres. (Elle prit une carte de la table des jumeaux entre ses doigts comme s'il s'agissait d'une substance dangereuse). Ce jeu est d'une absurdité folle, et il n'a rien à faire dans cette classe. J'enlève cinquante points à Gryffondor.
-Cinquante ? se récrièrent l'ensemble des Gryffondor.
-Et eux, ils ont quoi pour ça ? protesta Octavia en montrant une poigné de boulette que Montague et Warrington lui avait lancé. Ce n'est pas « dérangé la classe » ?
L'un des morceaux de papier s'était coincé dans ses cheveux et je remarquai avec amusement Selwyn se retourner sur ses anciens acolytes pour les fusiller du regard. Mais Ombrage se contenta de lorgner les boulettes d'un air assez indifférent.
-Je ne vous ai pas demandé votre avis, miss McLairds. Veuillez-vous concentrer sur l'étude de notre livre et ne plus m'interrompre. A moins, bien sûr, que vous ne vouliez que je parle de votre comportement à vos parents ...
Octavia ouvrit la bouche, outrée, avant de la refermer tout aussi sec et de se mordre la lèvre. Visiblement, la menace avait son poids. Satisfaite, Ombrage reporta de nouveau son attention sur les jumeaux et frappa les dalles d'un coup sec.
-Je réitère donc, cinquante points en moins pour Gryffondor pour l'utilisation de ce jeu stupide et ...
-Mais professeur, vous n'avez pas le droit ! la coupa Lee Jordan, qui avait visiblement perdu tout envie de rire.
-Ah oui ? rétorqua Ombrage d'un ton supérieur, avant de faire volte-face. Je suis la Grande Inquisitrice, pourtant, et votre professeur, j'ai parfaitement ...
-Alors vous avez mal lu le décret d'éducation numéro 26, professeur.
Ombrage se figea face à la remarque de Lee, et se retourna lentement vers lui, les yeux plissés par la suspicion. Je n'étais pas sûre d'apprécier la lueur d'amusement qui brillait dans les yeux du Gryffondor.
-Bien oui, explicita-t-il d'un ton espiègle. La Bataille explosive n'a rien à voir avec la défense contre les forces du Mal, professeur ! Ce n'est pas une information en rapport direct avec la matière que vous enseignez ! Par conséquent, vous ne pouvez pas réprimander Fred et George d'y avoir joué, et encore moins les punir ...
-Quel génie, laissai-je échapper avec un sourire.
Je couvris aussitôt ma bouche de ma main car je ne me sentais pas capable de le réprimer. Mais à la plus grande horreur d'Ombrage, la pique avait provoqué un éclat de rire général qui s'était étouffé lorsque nos yeux s'étaient posés sur le visage figé de la Grande Inquisitrice. Elle nous jeta à tous un regard furieux et ouvrit la bouche, mais aucun son n'en sortit. Pendant un glorieux instant, j'eus l'impression qu'on avait gagné, que Lee avait trouvé une faille qui aurait enfin rabattu le caquet d'Ombrage et qui maintenait l'espoir qu'elle n'était pas toute puissante dans cette école. Mais elle le brisa une seconde plus tard en susurrant d'une voix glaciale :
-Eh bien nous discuterons de cela en retenue, monsieur Jordan. Ce soir, dix-huit heures à mon bureau. Demandez à monsieur Potter : après cela, on a moins envie de faire le malin et de contourner mes règles. Et je répète : cinquante points de moins à Gryffondor pour avoir joué à ce stupide jeu pendant ma classe. (Elle toisa ensuite l'ensemble de la classe et chacun évita soigneusement son regard). Et s'il faut que je colle toute la classe pour que le message s'ancre, ce sera avec plaisir.
Là-dessus, elle tourna les talons et retourna à son estrade, le menton relevé par la satisfaction. Lee avait froncé les sourcils face à la menace avant d'interroger les jumeaux du regard, qui avaient écarté les bras en signe d'incompréhension. Toujours était-il que les élèves la considérèrent assez sérieuse pour effacer leurs sourires et river de nouveau leur regard sur le livre. Alors un instant plus tard, on entendit plus que le grattement des parchemins et le « hum » de triomphe d'Ombrage, et l'agitation passive de Lee et des jumeaux. J'échangeai un regard dépité avec Roger. Plus le temps avançait, plus Ombrage plantait ses griffes dans Poudlard. Elle ignorait même ses propres règles, tant que ça lui était favorable. Roger dardait sur elle un regard particulièrement féroce et griffonna à l'aveugle quelques mots sur un morceau de parchemin entre nous. Je penchai la tête pour les lire :
« C'est vraiment un tyran. Octavia a raison, il y a deux poids deux mesures ici. Au moins les jumeaux n'embêtaient personne ».
« Ça on l'avait bien vu avec ce qu'elle fait du Quidditch », lui répondis-je, lorgnant le bureau pour être sûre que la professeure ne me voit pas faire. « L'école bienveillante d'Albus Dumbledore est morte, vive la dictature ombragienne ».
Roger parcourut mes mots, eut un léger sourire, presque amer, et embrassa la salle du regard. Tout le monde, même Octavia sous la pluie de boulette, s'était remis à l'étude du bouquin soporifique. Il se munit à nouveau de sa plume et écrivit :
« Et nous on laisse faire, comme de bons petits soldats. Si on montre si peu de résistance face à Ombrage, imagine-nous face à des Mangemorts ... »
Je me figeai en lisant la ligne. Roger avait raison. Ombrage était peut-être ce qu'elle était, mais elle n'utilisait pas ses pleins pouvoirs sur nous et restait dans l'ordre de l'école. Alors que ferait cette masse d'élève passive face à une menace bien supérieure ? Roger hocha la tête d'un air défaitiste et brandit discrètement la baguette pour effacer ces mots qui risquaient de nous attirer les foudres de la dictature ombragienne.
***
-Et tu veux faire quoi ? Comme Bones et arrêter de venir en cours ?
Je soupirai face à la conclusion hâtive de Miles. Février s'avançait sur Poudlard et la neige ne désemplissait pas les sols, si bien que nous nous terrions dans la bibliothèque, à l'abri du froid glacial d'Ecosse et de ses vents qui vous traversaient comme mille lames. Rien que de le voir se fracasser et faire trembler les fenêtres, j'en frissonnais.
-Ce n'est pas ce que j'ai dit. Simplement, je trouve ça idiot qu'on ne fasse rien alors qu'elle est en train de détruire notre école. Si on laisse Ombrage gagner à Poudlard, imagine ce qui se passera dehors ? Alors quoi, on laisse gagner Voldemort ?
Miles, qui était en train de tremper sa plume dans l'encre, fit un faux-mouvement qui envoya valser l'encrier. Le liquide noir se déversa sur la table et je le nettoyais avant que Mrs. Pince ne puisse soupçonner qu'on salissait son matériel.
-Merci, marmonna Miles en sortant une nouvelle bouteille. Quoique, c'est un peu de ta faute. Bon sang, Victoria, tu ne peux pas au moins faire l'effort ... ?
-Non, Miles. Arrête d'avoir peur de son nom, qu'est-ce que ce sera quand il sera devant toi, sinon ?
-Tu m'excuseras, mais je compte bien ne jamais me retrouver devant lui. Bref. Donc, ce que tu me dis, c'est que tu voudrais organiser une sorte de résistance à Ombrage ?
Je me trémoussai sur ma chaise, mal à l'aise face au regard inquisiteur de Miles, mais surtout devant les dizaines d'oreilles indiscrètes qui s'étaient elles aussi réfugiées dans la bibliothèque pour échapper au froid. Ombrage avait plusieurs fois ouvertement appelé les élèves à venir qui rapporter toute « irrégularité » et certain élèves, soucieux de bien se faire voir, ne s'en privaient pas. Trop agitée pour travailler, je dessinais un vague chat sur les brouillons de Miles.
-Pas exactement ... Mais ... Je ne sais pas. C'est trop facile pour elle, là.
-Elle a le Ministère entier derrière elle, l'approbation de la plupart des parents d'élève et tout le monde lui accorde tous les pouvoirs, Vic', me rappela sinistrement Miles. Même Dumbledore ne peut rien y faire. Alors toi, qu'est-ce que tu peux y faire ?
Je n'en sais rien. Quelque chose. Je me rendis compte qu'exactement les mêmes mots devaient tourner dans la tête de Simon, mais ils se rendaient déjà à l'échelle supérieure. Il avait décidé d'ignorer Ombrage pour déjà réfléchir à ce qu'il ferait dehors. Mon cœur de serra affreusement. J'ignorais totalement dans quoi Simon serait capable de se fourrer, une fois dehors. Je devais avoir blêmi, car lorsque Miles releva les yeux sur moi, son regard s'adoucit et il avança sa main pour prendre la mienne.
-Vic', on est en février. Dans quelques mois, Poudlard, c'est fini pour nous. Tu n'auras plus longtemps à supporter Ombrage.
J'aurais voulu rétorquer une multitude de chose : que ce n'était pas à moi que je pensais, mais à Susan, à la petite Isabel McDougal, à ses sœurs et que je ne voulais pas abandonner face à Ombrage, mais aussi et surtout que dans quelques mois, je serais dans une situation bien plus angoissante. Pourtant, je parvins à retenir mes mots pour ne lâcher qu'un soupir dépité. Miles venait à peine d'accepter que Voldemort soit de retour, et s'il avait parfaitement compris que c'était un fait qui me mettait en danger, je doutais qu'il ait réellement cerné tout ce que ça impliquait pour moi. J'avais su être patiente : il fallait que je continue de le laisser se rendre compte de l'ampleur de la tâche qui nous attendait. Et Seigneur, ce que c'était dur. Ma patiente légendaire était mise à dure épreuve. Par Simon, qui refusait d'entendre raison et se renfermait chaque jour d'avantage dans une bulle de travail et de colère, par Emily qui m'évitait par peur que je ne lui parle au mieux de Simon, au pire de Voldemort, par tous mes problèmes urgents qui demandaient mon attention malgré le climat malsain qui sous-tendait mon monde. Et sur lesquels Miles choisit de renchérir en consultant sa montre avant de me lancer un regard sans équivoque.
-Ça va être l'heure. Tu es prête ?
Je haussai les épaules avec une certaine passivité.
-Pas vraiment. Mais je n'ai pas le choix, c'est la seule solution que j'ai trouvée.
-Et ce n'est pas la pire, ça va bien se passer, me rassura Miles en passant son index sur le dos de ma main. Et si je vois que ça se passe mal, je serais ravi d'utiliser un sortilège d'oubli sur lui.
Un léger ricanement me secoua, même si je doutais intérieurement que Miles en soit capable. Après tout, nous n'allions pas parler à n'importe qui. Nous allions parler à quelqu'un, qui, malgré l'évidente arrogance et malséance, malgré moi, il persistait à admirer. Je rangeai rapidement mes affaires et prit la main que me tendait Miles en expirant tout l'air de mes poumons, espérant que mes doutes s'envolent avec eux.
Il était temps de jouer cartes sur table avec Ulysse Selwyn.
Ni Miles, ni moi, ne prononçâmes le moindre mot alors que nous sortions de la bibliothèque. Seul le hurlement du vent répondait au cliquetis des armures sur notre passage et j'avouai m'accrocher de toute mes forces à la main de Miles, comme si cela pouvait m'assurer que j'avais pris la bonne décision malgré l'aspect absolument contre-intuitif de la chose. Mais étrangement, à défaut de convaincre Octavia dans ce couloir, il m'avait convaincu moi. Pas qu'il était quelqu'un de bien. Mais que ses intérêts rejoignaient les miens. Miles pressa ma main et se pencha doucement vers moi :
-Je suis assez surpris que Bones ne veuille pas venir. Je veux dire, il est assez, euh ... « chien de garde », avec toi. En ça, il a un peu remplacé Diggory.
Malgré le pique et le sinistre rappel, j'eus un sourire en me rappelant la violente réaction de Cédric lorsqu'il avait su que je sortais avec Miles, dû à l'instinct de protection qu'il avait à mon égard. « Tu étais sa petite chose qu'il voulait protéger par-dessus tout », m'avait rappelé Cho avant les vacances. Puis mon sourire s'effaça lorsque je me rappelais la question de Miles et ce fut d'avantage le regard noir de Simon lorsque je lui avais annoncé ma décision définitive qui me revint en mémoire. « Si tu ne veux pas m'écouter, alors débrouille-toi », m'avait-il rudement lancé avant de se replonger dans l'étude d'un grimoire de sortilège complexes.
-Simon a assez de problème en ce moment pour que je ne l'embête avec les miens, éludai-je rapidement. Je le tiendrais au courant après.
-C'est l'évasion de l'assassin de son oncle, le problème ? J'ai entendu des gens en parler dans la Salle Commune. Assez glauque, comme histoire, pauvres gosses ...
Oui et le glauque avait l'air d'attirer les foules. Susan était revenue la veille, les larmes aux yeux, après que quelques élèves de son année l'eurent assailli pour avoir des détails sur ce qu'il s'était passé pour qu'un Mangemort ne décide de tuer deux enfants innocents. Bien sûr, cela avait de nouveau mis Simon hors de lui et provoquer une nouvelle dispute avec Emily. J'allais finir par changer de Maison.
-Je comprends que ça mette Bones en colère, poursuivit prudemment Miles. Je veux dire, il n'a pas fini de purger sa peine, il est de nouveau en liberté, après toutes les horreurs ...
-Il abuse quand même, lâchai-je, profitant d'être avec quelqu'un de neutre pour enfin me plaindre. Il n'est pas le seul. La grand-mère de Judy a été tuée par un des Mangemorts échappés, et puis c'était les cousins de Susan, aussi et elle ne réagit pas comme ça. Qu'il soit en colère, je comprends, c'est légitime. Mais là, il se renferme totalement, et tout le monde a tellement peur de lui parler qu'ils s'adressent soit à Susan, soit à moi, mais ... Même avec moi, en ce moment, c'est difficile.
Et c'était peut-être ce qui me frustrait le plus dans cette affaire. Simon avait le rôle ingrat dans ma vie : il était le seul avec lequel j'acceptais pleinement d'être égoïste. Et j'avais besoin de lui, en ce moment, pour une multitude de raison que je trouvais parfaitement valables. Et alors que j'étais dans une période où je me sentais perdre pied, il me déstabilisait encore plus. Non, Bones, ce n'est pas comme ça que ça marche. Je suis là pour toi si tu es là pour moi, et là tu disparais.
Je savais pertinemment que c'était parfaitement égoïste et peut-être même injuste de ma part de réagir comme ça, mais c'était plus fort que moi.
-Enfin bref, abrégeai-je, le cœur lourd. Où il t'a donné rendez-vous ?
-Au troisième étage. Va savoir pourquoi, je te le dis, Ulysse est très mystérieux depuis quelques temps ...
Mystères qui devaient sans doute impliquer Octavia McLairds, songeai-je distraitement en montant une volée de marche. Je n'avais pas pris la peine de conter cette découverte à Miles : j'avais déjà du mal à l'assimiler et j'étais déjà bien assez gênée d'être entrée dans leur intimité par la grande porte. Je n'étais pas le genre ce genre de colporteuse. Nous bifurquâmes à un énième couloir, puis grimpâmes encore un escalier dont l'un décida de changer de sens alors que nous étions dessus avant d'enfin apercevoir Ulysse Selwyn au détour d'un couloir désert, assis à terre avec un grimoire à la main. Il mit un moment à s'apercevoir qu'il n'était plus seul dans le corridor et son regard déjà froid se glaça quand il se posa sur moi. Mon cœur s'arrêta un instant de battre et je me serais sans doute immobilisée si Miles n'avait pas tenu ma main et entrainé dans son sillage.
-Salut Ulysse, déclara-t-il avec un sourire lorsqu'il arriva à sa hauteur. Drôle d'endroit pour travailler.
-C'est calme, rétorqua-t-il vertement avant de faire un vague mouvement de tête en ma direction. Tu ne m'avais pas dit que tu venais avec ta copine.
-Elle s'appelle Victoria, rappela tranquillement Miles avant que je ne songe à répondre. Ça, je pense que tu le sais.
Les yeux de Selwyn roulèrent dans ses orbites et il s'appuya contre le mur pour se redresser et nous toiser de toute sa hauteur. Il ne restait rien des marques qu'avaient laissés la dispute avec Octavia : il était redevenu devant nous le petit prince Sang-Pur arrogant que j'avais fui toute ma scolarité. Et Seigneur, je n'en revenais pas d'être forcée à venir le voir de mon plein gré.
-Tu voulais me parler, dit-il d'un ton froid. Et vu la présence de Victoria, je pense maintenant que ça concerne Nestor. (Il vrilla son regard gris, clair et perçant, semblable à celui de sa sœur, sur moi). C'est ça, Bennett, tu as encore peur que mon frère t'assassine dans ton sommeil ?
Je vis Miles ouvrir la bouche pour répondre, mais cette fois je pressai sa main pour l'inciter à se taire. C'était mon affaire et je comptais bien profiter de l'absence de Simon pour la régler seule, comme une grande fille. Je pris une grande inspiration pour réprimer toute la répulsion que pouvait m'inspirer le garçon devant moi et entonner d'une voix résolument neutre :
-Je ne vais pas mentir, oui, ça concerne Nestor. Mais pas pour les raisons que tu crois. Je sais qu'il n'ira pas se venger du cinq Novembre tant que Voldemort n'aura pas réapparu officiellement.
Selwyn laissa tomber son grimoire en entendant le nom de Mage Noir, et bien que l'effet espéré soit de le surprendre, je ne pus retenir un claquement de langue agacé. Il échangea un regard étonné avec Miles, qui hocha gravement la tête, avant de se baisser pour récupérer son grimoire. L'action n'avait pas permis de totalement effacer la stupéfaction de son visage lorsqu'il s'adressa de nouveau à moi :
-Tu n'as pas froid aux yeux, Bennett. Mais ça, je dois admettre que je le savais. (Un léger sourire qui m'arracha des frissons sur l'échine retroussa ses lèvres). Alors on se décide enfin à ne plus parler par énigme dans un coin de la bibliothèque ? Remember, remember ?
-The fith of November, récitai-je par automatisme, devant le regard stupéfait de Miles. Gunpowder, treason and plot. Oui, on va arrêter de tourner autour du pot. On sait tous les deux que j'ai brûlé le visage de ton frère ce jour-là. Si tu veux, après, je te raconterais toute l'histoire parce que je suis sûre que tu n'as eu que les fragments glorieux où ton frère m'attache sur le bûcher et m'effraie avec des étincelles. Mais on a plus urgent, je pense. Dis-moi, Selwyn, franchement, c'est quoi le plus important pour toi : la pureté du sang de la famille Selwyn, ou son intégrité ?
-Pardon ?
-Ulysse, réponds, soupira Miles, qui s'était adossé au mur d'en face. Tu comprendras après.
Selwyn contempla un long moment mon petit-ami l'air dubitatif, comme pour dire « tu es sérieux ? », et Miles hocha une fois de puis la tête. A à ma grande surprise, cela parut suffire au Serpentard pour qu'il se mette à songer réellement à la question.
-L'un ne va pas sans l'autre. Evidemment que notre famille est fière de son histoire et du sang qui coule dans ses veines. Mais elle est encore plus fière de l'influence qu'elle a dans la Communauté Magique et si sa pureté doit en pâtir pour que son influence grandisse ... Je pense qu'elle serait prête à l'accepter. (Il me jeta un regard moqueur). Enfin, si c'est le sens de ta question, Bennett.
-Vous êtes des vautours, lâchai-je, dégoûtée parce que cela sous-entendait – que tout était permis, du moment que la famille accroissait son pouvoir. Mais bon, je prends. Mon frère sort avec ta sœur.
Selwyn, qui ricanait encore de ma remarque, se figea en plein mouvement. Cela aurait pu donner un résultat assez risible, si je n'étais pas concentrée sur l'explosion de la bombe que je venais de lâcher. Je masquai mon appréhension de mon mieux, mais je me pus me retenir de mâchouiller nerveusement ma lèvre inférieure le temps que Selwyn prenne conscience de l'information. Il reprit contenance pour passer une main dans ses cheveux, me contemplant, puis interrogeant silencieusement Miles, puis fixant de nouveau son regard sur moi.
-Ton frère avec... Mais ... Je ne savais même pas que tu avais un frère ici ...
-C'est parce qu'il n'est pas ici, explicitai-je. Il est plus âgé que moi – et moldu.
Cette fois, le sang déserta totalement le visage de Selwyn. Je compris qu'il avait un instant cru qu'il s'agissait d'un frère plus jeune avec Enoboria, sa cadette. Mais je venais de déplacer le problème – et de le rendre plus complexe, si j'en jugeais par la crispation de ses traits.
-Mais c'est quoi cette histoire ...
J'échangeai un regard avec Miles, qui m'encouragea d'un nouveau hochement de tête. Alors je me mis à raconter tout ce que j'avais découvert avec Simon à la fin des vacances de noël. Très vite, Selwyn se mit à faire les cent pas en longeant le mur, une main plaquée sur le bas du visage, écoutant mon récit sans même daigner poser les yeux sur moi. Il échangeait régulièrement un regard avec Miles, avant de se remettre à tourner tel un lion en cage, et finit par lâcher du bout des lèvres :
-Et Bones est sûr d'avoir reconnu Melania ?
-Certain, il l'a croisé aux banquets du Ministère, il l'a reconnu tout de suite, répondis-je avec lassitude.
Cette fois, Selwyn posa un instant ses yeux sur moi. Un pli de contrariété était apparu entre ses sourcils et il se frottait la mâchoire l'air songeur. Je finis par être agacée par son mutisme et assénai :
-Ecoute, je ne viens pas te voir pour le plaisir, tu te doutes bien. Je viens te voir parce que j'ai peur des conséquences. Si Nestor vient à apprendre que sa jumelle sort avec le frère moldu de celle qui lui a brûlé le visage, je doute qu'il le prenne bien.
-C'est une évidence, souffla Selwyn passant une main sur le visage. Mille gargouille galopantes, Melania ...
-Elle ne sait pas, pas vrai ? Que c'est moi qui aie brûlé le visage de Nestor.
Selwyn s'immobilisa enfin et darda un regard furieux à travers la fenêtre. Dehors, le vent soufflait toujours à en faire trembler la vieille carcasse du château et je pus apercevoir en contre-bas l'équipe de Gryffondor qui s'entrainait en luttant contre les bourrasques.
-Non, finit par admettre Selwyn. A vrai dire, même moi officiellement je ne sais pas. Nestor était totalement saoul quand il m'a dit que je devrais le remercier, parce que grâce à lui ... (il me lorgna l'air mauvais et je sus qu'il avait en tête le souvenir honteux du moment où je lui avais collé le pied dans l'entrejambe). Bref, il ne doit plus se souvenir qu'il m'en a parlé et je me suis bien gardé de le lui rappeler. Et puis bien sûr, mon père a tenu à ce que cela reste secret. Il ne pouvait pas se permettre d'avoir un garçon viré de Poudlard pour avoir martyrisé une née-moldue ...
-Oh, vraiment ? grinçai-je en dressant un sourcil.
Un sinistre sourire s'étira sur les lèvres de Selwyn, le genre de sourire qui poussait mon instinct à me faire prendre mes jambes à mon cou, mais je réussis à rester immobile, les bras croisés.
-Je ne sais pas si tu as remarqué, Bennett, mais en réalité, je ne t'ai jamais rien fait. Je me contentais ... de superviser les opérations. Sauf cette malheureuse fois où ton nez s'est retrouvé cassé, on ne m'aurait jamais pris.
Il faut que je note cette phrase et que je la donne à Octavia, rageai-je alors que le sourire de Selwyn s'agrandissait. Je coulai un regard sur Miles, et une fois satisfaite de voir que sa mine était clairement réprobatrice, je pivotai de nouveau vers Selwyn, faisant de mon mieux pour refouler cette envie de réitérer mon geste de première année.
-On n'est pas là pour discuter de ça. J'ai raison d'avoir peur pour mon frère, oui ou non ?
-Sachant que si elle a peur pour son frère, tu devrais t'inquiéter pour ta famille, enchérit Miles alors que Selwyn se fendait d'un ricanement. Je doute que ton père apprécie que Nestor s'en prenne à un moldu, non ? Qu'est-ce qu'en dirait la presse ? Que les Selwyn sont du côté de Tu-Sais-Qui ?
Je fus ravie de voir les lèvres de Selwyn se tordre d'une grimace de dégoût. Ce que j'avais pu observer depuis l'année dernière où Maugrey nous avait montré les Sortilèges Impardonnables se vérifiait : tout aussi malveillant qu'il était, Ulysse Selwyn n'aimait pas la magie noire. Et ça aussi, c'était assez contre-intuitif. Il croisa ses bras sur son torse et nous contempla tour à tour, l'air de se demander ce qu'il pouvait partager avec nous ou non.
-On va dire que ... Tant que Vous-Savez-Qui ne pointe pas le bout de son nez, il n'y a rien à craindre. Nestor n'est pas un idiot, il ne prendra pas le risque d'aller à Azkaban.
-Donc il a l'intention de le suivre le jour où ce sera le cas ? compris-je avec horreur. De se faire Mangemort ?
Pour la première fois, Selwyn laissa paraitre les premiers signes d'embarras en se trémoussant d'un pied à l'autre.
-On essaie de l'en empêcher, avoua-t-il à mi-voix, comme s'il craignait que les murs aient des oreilles. Mon père et Melania, surtout : depuis cet été, ils font tout pour que Nestor ne cède pas aux sirènes du Seigneur des Ténèbres. Qu'on soit clair, Bennett : il est hors de question qu'un Selwyn ne perde son âme pour une idéologie vieille d'un autre temps. Le monde a changé, et on a clairement conscience que s'il ne se fait pas avec les familles issues de moldus, alors il s'écroulera. Mais Nestor a toujours été membre d'un groupe d'ami qui étaient plutôt de la frange extrême et c'est plus un mouton qu'un loup, il ne sait pas réfléchir par lui-même. Alors il s'est persuadé que parce qu'il s'appelait Selwyn et que son sang était pur, il avait des droits sur les autres – d'où ce qui s'est passé le cinq novembre. Et maintenant que Tu-Sais-Qui est revenu, il a l'impression qu'on lui donne raison et il a tenté de convaincre mon père de se joindre ouvertement à lui. C'est bien sûr hors de question. Je pensais qu'il écouterait Melania, mais elle était beaucoup absente cet été ... (Il poussa un grognement sonore). Et maintenant je comprends pourquoi ... Bon sang, quelle idiote ! Elle sait que Nestor est instable, et elle va sortir avec un moldu ... Mais ça ne m'étonne qu'à moitié, Melania a toujours été fascinée par les moldus et c'est parce qu'elle connait très bien leur monde qu'elle est si précieuse pour mon père ... mais de là à sortir avec ...
-Si tu sens que tu vas commencer à dire des choses racistes, arrête-toi, le coupa sèchement Miles. Donc on a des raisons de s'inquiéter pour Vic' et son frère ?
Selwyn lui jeta un regard ennuyé avant de sombrement hocher la tête. Mon cœur tomba dans ma poitrine. J'avais beau m'attendre à tout cela, ça n'avait été jusque là qu'une hypothèse invérifiable. Mais là, ça devenait réel.
Alexandre était en danger.
Je portai une main sur ma poitrine qui s'était mise à se soulever beaucoup trop fort du fait de mon souffle saccadé. Selwyn me contempla d'un air neutre, avant de poursuivre :
-Tu t'y attendais, Bennett. Tu lui as brûlé une partie du visage et l'incident lui a coûté sa place d'hériter : mon père n'allait pas mettre la fortune des Selwyn entre les mains d'un garçon qui persécutait une petite fille et qui plus est, se fait battre par elle. Deux blessures qui restent vivace chez Nestor et je suis sûr qu'au fond de lui, il a toujours voulu se venger. Tu-Sais-Qui lui en offrira l'occasion plus que nous, je le crains.
-Je ne voulais pas le brûler, murmurai-je sans savoir pourquoi. C'était ... c'était un accident ...
Mais Selwyn balaya mes mots d'un geste impatient de la main.
-Evidemment que tu ne voulais pas le brûler, Bennett. Nestor est le seul responsable de son état, mais je comprends qu'il soit rempli de haine. Mais maintenant qu'elle est là, il faudra que tu fasses avec. Quant à ton frère ... (il se frotta la tempe, l'air soucieux). Oui, ça complique les choses. Déjà à la base, il refusera catégoriquement que Melania ne souille notre sang avec un moldu – on ne va pas se mentir, je doute même que mon père accepte – mais là, ça empire les choses. C'est une affaire qui devient familiale.
-Mais vous n'allez pas laisser faire ça ? s'assura Miles en se rapprochant vivement. Ton père ne va pas laisser ton frère se laisser aller à une chose aussi primaire que la vengeance ?
Il passa un bras dans mon dos, mais je sentis la fébrilité dans son geste. Pour Miles également, la situation venait devenir réelle, palpable. Selwyn parut hésiter un instant avant de déclarer :
-Evidemment que mon père ne laissera pas Nestor trainer le nom des Selwyn dans la magie noire. Je vous le dis, on fait tout pour l'éviter. On lui donne plus de place dans les affaires familiale pour qu'il ait l'impression d'avoir de l'importance sans que ce ne soit dû à Vous-Savez-Qui, on essaie même de lui organiser un mariage avec une fille Rowle ... Est-ce que ça marche, je ne sais pas. Mais s'il apprend la relation entre Melania et ... euh ...
-Alexandre.
-Oui, voilà. Bref, ça risquerait de mettre le feu aux poudres, même sans qu'il sache qu'il est ton frère : le fait d'être moldu suffirait ... (Son visage s'assombrit). Bon sang, Melania sait ça ... Pourquoi elle prend ce risque ... ?
-Parce qu'elle l'aime, suggérai-je naïvement. Et que c'est sérieux. Alex ne nous l'aurait pas présenté si ce n'était pas le cas ...
Malgré la mièvrerie de ma réponse, Selwyn acquiesça en silence. Visiblement, il lui paraissait plausible que sa sœur prenne le risque de faire valser sa famille par amour. Mais moi, je ne peux pas prendre ce risque, réalisai-je avec effroi. Je ne peux pas risquer qu'elle implique Alex dans la guerre ... Il faut que Nestor continue de ne s'occuper que de moi.
-Il faut que je voie Mel, annonçai-je doucement. Il faut qu'on lui explique ... Elle ne peut pas ... je veux dire ... il faut ...
-La convaincre de se séparer de ton frère ? acheva Selwyn en hochant la tête. Pour moi, c'est la solution la plus sûre, oui.
J'eus l'impression qu'on injectait du plomb dans mes entrailles. C'était bien l'idée que j'avais en tête sans me l'avouer, mais ça me soulevait littéralement le cœur. Je n'avais jamais vu Alexandre aussi heureux et aussi épanoui, qui étais-je pour décider qu'il fallait mettre fin à cette idylle ? Mais je connaissais mon frère : quand bien même je lui expliquerais cent fois les dangers qu'il entourerait, il n'écouterait pas. C'était quelqu'un de passionné et d'impulsif – et j'étais persuadée que s'il avait été à Poudlard, le Choixpeau l'aurait envoyé sans hésiter à Gryffondor. Pas quelqu'un qui fuit devant le danger. Il était plutôt du genre se rire du danger.
Non. Mon meilleur moyen, c'était de convaincre Melania. Et ça me rendait pour la première fois de ma vie sur la même longueur d'onde avec Ulysse Selwyn.
-Tu penses que tu pourrais lui envoyer une lettre ? proposa Miles avec lenteur. Pour lui demander de venir à la sortie de Pré-au-Lard ?
-La sortie de Pré-au-Lard ? répéta Selwyn avec un certain amusement. Comment ça, vous ne voulez pas passer la Saint-Valentin chez Madame Pieddodu ?
Je me sentis m'empourprer violemment et fusillai l'arrogant Serpentard du regard. Heureusement, Miles réagit plus calmement en secouant la tête.
-Les matchs de Quidditch approche et Montague veut qu'on s'entraine une partie de l'après-midi, on a réussi à subtiliser une partie du créneau à Gryffondor. Et quand bien même ... (Il glissa sa main jusque la mienne pour la presser avec douceur). Je pense que c'est le plus important.
Bien qu'appréciables, les mots de Miles étendirent la flambée à mes oreilles. Je n'étais pas friande de marques de tendresse en public, et cela m'embarrassait d'autant plus qu'un sourire cynique s'étirait sur les lèvres de Selwyn. Pourtant, son regard semblait s'être éteint en se posant sur nos doigts entrelacés, et un instant, je crus apercevoir sur son visage les mêmes stigmates que j'avais entrevu après sa dispute avec Octavia. Mais tout cela s'estompa aussitôt et il cingla :
-Fais attention, Bletchley, ton cœur s'amollit. Je n'ai jamais douté que tu sois la seule personne de valeur de notre dortoir, ne me donne pas tort, ça me fait horreur. Donc, Bennett : rendez-vous aux Trois Balais vers quatorze heures. Je préviendrais ma sœur et on essaiera de trouver une solution à cette improbable histoire qui sauvegardera ta famille et la mienne.
-Ne lui dis rien dans ta lettre, notre courrier est surveillé, le prévins-je précipitamment. Mais sinon ... ça me semble parfait.
Selwyn dressa un sourcil au moment où Miles baissa un regard choqué sur moi.
-Comment ça, notre courrier est surveillé ? répéta-t-il, incrédule.
-Les Bones t'informent bien, constata Selwyn. Et tu devrais cent fois les remercier, c'est aussi parce qu'il sait que tu es leur protégée que mon père ne veut pas que Nestor ait des ennuis avec toi. Les Bones ne sont pas n'importe qui, surtout Amelia. Mon père ne voudrait pas s'attirer ses foudres.
Il devait sans doute avoir du vrai dans les mots de Selwyn. Mais la protection des Bones ne suffirait pas lorsque Voldemort reviendrait. Bien au contraire : beaucoup se souviendraient qu'une partie de la famille avait été dans la résistance contre lui et elle se trouverait dans une situation aussi périlleuse que la mienne – si ce n'était plus. Mon cœur manqua un battement.
Seigneur, Simon, ne fais pas de bêtise ...
-Ils savent, eux ? s'enquit Selwyn. Ce qui s'est passé ?
-Simon sait depuis toujours, ses parents depuis cet été. Dumbledore et Chourave sont au courant aussi.
Les yeux de Selwyn s'écarquillèrent et il éclata de rire si brusquement que je fis un bond qui me projeta contre Miles.
-Quand je pense à tous les efforts que mon père a fait pour cacher la vérité à Dumbledore ! Le don astronomique qu'il a fait à l'école en espérant qu'il étoufferait l'affaire et n'irait pas chercher les causes de l'accident de Nestor ... Ah par Merlin ... parfois, la vie prend vraiment une tournure risible.
Ne m'en parle pas, songeai-je amèrement. Mais si pour ma part, le rire était plutôt jaune. Mon cœur battait encore la chamade devant la situation qui de fantôme prenait consistance devant moi. C'était une chose de l'envisager, c'en était une autre de se rendre compte que le pire était réalité. Et de trouver des solutions pour qu'il n'arrive pas. Maintenant que les prémisses étaient en place, j'avais hâte de mettre fin à cette conversation inconfortable et de rentrer dans ma douce Salle Commune pour me vider la tête.
-Bien, on se revoit à Pré-au-Lard, conclus-je en faisant un pas en arrière. Avec Melania.
-Je lui envoie une lettre ce soir, promit Selwyn avant d'adresser un hochement de tête à Miles. Bletchley, à ce soir.
Il ne prit pas le temps de me saluer et s'éloigna sans demander son reste, les mains crispés sur son grimoire. J'attendis qu'il tourne à un angle avant de m'autoriser pleinement à me détendre et laisser aller mon front contre l'épaule de Miles. Son bras enlaça ma taille pour me presser contre lui.
-Ça ne s'est pas trop mal passé ...
-Nestor Selwyn veut me tuer, et possiblement tuer un mon frère, rappelai-je en un gémissement.
Miles ne réagit pas immédiatement, mais finit par me prendre plus franchement dans ses bras et me caressa les cheveux avec des gestes lents avant d'appuyer sa joue contre mon crâne.
-Certes. Mais au moins, tu as quelqu'un de l'intérieur pour t'aider. Je te l'avais dit, pour le coup, tes intérêts et ceux d'Ulysse convergent donc cette conversation n'a pas été inutile. Et Vic', je sais que la menace de Nestor Selwyn te fait peur mais ... bon sang, ce n'est que Nestor Selwyn. Tu as réussi à le vaincre sans baguette, petite et effrayée.
Peut-être, admis-je à part moi. Pour l'instant, il n'était que Nestor Selwyn, et c'était bien pour cela qu'il restait dans l'ombre. Mais bientôt, il aurait des amis puissants qui le pousseront à toutes les hardiesses. Il serait protégé par un masque noir, du même genre que j'avais pu apercevoir sur les photos de La Gazette l'été dernier. Il s'imbriquerait dans une menace plus globale qui elle aussi prenait chaque jour plus de consistance. Et ça, je voulais bien admettre que cela faisait trembler tout mon être et agitait cette petite voix qui devenait elle aussi de plus en plus forte en moi.
Faire quelque chose.
***
Miles avait mis un certain temps à me calmer, avant que je ne reprenne le chemin de ma Salle Commune. Il était presque vingt heures, et il avait voulu me convaincre de prendre mon repas à la Grande Salle. Mais je n'avais pas besoin de l'agitation que causait cette foule, ni de croiser le regard fuyant d'Emily. J'avais besoin de calme et de me changer les idées. Aussi passai-je les tonneaux qui dissimulaient ma Salle Commune avec la volonté ferme de prendre la première pièce de théâtre qui me passerait sous la main et de la lire jusqu'à que les vers effacent mes problèmes. Mais je compris en passant la porte que le doux monde de la fiction me fuyait encore pour m'enfoncer dans la réalité :
-Tu n'as déjà pas mangé ce midi, il faut que tu descendes.
-Je dois finir ça. Mais j'irais peut-être prendre quelque chose dans les cuisines, ne t'inquiète pas.
-Je sais que tu ne le feras pas. Allez viens, ça ne te prendra qu'un quart d'heure, après tu pourras continuer ...
-Susie, arrête. Va manger, toi.
Je me figeai à l'entrée de la Salle Commune et effleurait du regard les deux seules personnes qui y demeurait en cette heure de repas. Simon était assis devant une table basse qui croulait sous les grimoires et les parchemins, et Susan s'était accroupie à ses côtés. La lueur des flammes de l'âtre jetait une lumière chaleureuse sur leurs traits tirés et la teinte orangée effaçait le violet de leurs cernes. La plume de Simon ne cessait de virevolter sur son parchemin pendant que Susan le contemplait, l'air épuisé. Elle planta ses dents dans sa lèvres inférieure, l'air indécise et finit par doucement entonner :
-Simon ... Si tu veux qu'on en parle ...
-Parler de quoi ? rétorqua-t-il sans cesser d'écrire.
Susan se fendit d'un immense soupir qui sonnait comme une défaite. Elle se redressa, observa l'âtre quelques secondes, les yeux dans le vide, avant de secouer la tête.
-Je ne sais pas ce que tu as à l'intérieur de toi, mais un jour il faudra que ça sorte, murmura-t-elle. Sinon, ça va continuer de te ronger ...
Cette fois, la plume de Simon se figea sur son parchemin et Susan le lorgna, sans doute dans l'espoir d'avoir une réaction. Je vis distinctement ses doigts se crisper sur la plume et ses jointures blanchir, et son regard se perdit dans les flammes. Au moment où j'espérais qu'il lâche enfin quelque chose à Susan, ses yeux se levèrent et m'effleurèrent. Son visage se ferma de nouveau, et il se remit à écrire frénétiquement sur son morceau de parchemin.
-Salut Vicky.
Susan me remarqua alors à son tour et passa une main sur sa tempe en comprenant que son instant d'intimité avec son frère était fini. Après lui avoir jeté un dernier regard dépité, elle se détourna de lui et s'éloigna, vaincue. Plus elle s'approchait de moi, plus je la trouvais au bord de l'épuisement. Mais je n'eus pas le temps de m'inquiéter qu'elle me prenait le bras pour me souffler :
-Va piller les cuisines et fais-lui manger quelque chose, s'il te plait. Là, c'est plus de la maigreur, je suis presque sûr qu'on voit ses côtes, maintenant.
-Désolée de nous avoir interrompu ...
Susan haussa les épaules.
-Ce n'est pas grave. De toute façon, je ne peux rien en tirer. Bon courage.
Elle partit alors manger sans rien ajouter avec des pas lourds qui trahissaient sa fatigue. Je dardai un regard agacé sur la personne qui lui pompait ainsi toute son énergie et qui se bornait à noircir son parchemin.
-Bones, il me semblait t'avoir prévenu en début d'année que si tu entrainais Susan dans ta chute, je t'en voudrais beaucoup.
Il eut la décence d'arrêter d'écrire et de me jeter un regard désolé. J'expirai bruyamment par mes narines tel un dragon et me résignai à prendre place dans le fauteuil en face de lui. Les mots de Susan me tournaient dans la tête. Quoiqu'il se passe en Simon, ça le rongeait et il fallait que ça sorte. Pour ma part, j'avais soigneusement évité de parler avec lui de sujet qui seraient susceptible de le faire exploser, mais peut-être étais-je dans le tort. Peut-être que Simon avait justement besoin d'exploser. Au moment où j'ouvrais la bouche pour amorcer l'éclatement, il me grilla la politesse en déclarant sans me regarder :
-Tu as vu Selwyn, alors ?
-Euh ..., lâchai-je, prise de court. Euh, oui.
Simon exhala un profond soupir et consentit enfin à lâcher sa plume pour se laisser aller contre le canapé derrière lui.
-Tu es vraiment une tête de mule, marmonna-t-il en vrillant sur moi un regard contrarié. J'espère que ça a été utile.
Durant ces quelques mois de paix relative, j'avais oublié à quel point j'étais capable de détester Simon Bones. Mais là, toute la haine remonta de façon brusque et inopinée et je me mordis la lèvre inférieure pour ne pas exploser. J'ignorais si c'était mon état de fébrilité, ta mine dubitative ou l'épuisement de Susan qui faisait surgir de nouveau ces sentiments, mais je me sentais prête à lui tirer les oreilles comme rarement depuis notre entrée à Poudlard. Pourtant, j'arrivais à contenir tous les mots que je rêvais de lui jeter à la figure pour dire d'une voix neutre :
-Melania sera à Pré-au-Lard à la prochaine sortie. Si ça t'intéresse de sauver la vie de mon frère, tu peux toujours venir, sinon je me débrouillerais toute seule.
Je m'arrachai au fauteuil avec l'intention d'aller dans ma chambre et d'aller me plonger dans une fiction pour observer un héros dramatique se dépêtrer avec des problèmes qui n'était pas les miens, mais la voix de Simon m'arrêta net dans mon geste.
-Arrête, Vicky ! Je suis désolé !
Je pivotai lentement pour lui faire face, les sourcils haussés par la surprise.
-Répète-moi ça ?
Simon se trémoussa sur le sol, agitant sa plume entre ses doigts comme s'il s'agissait d'une baguette et qu'elle pouvait m'effacer ma mémoire d'un sort. Il m'adressa un regard contrarié.
-Je suis désolé, répéta-t-il en détachant chaque syllabe. Aller voir Selwyn n'était sans doute pas la pire des solutions, surtout si ça nous permet de parler à Melania et de fixer les choses ... (Il passa une main embarrassée dans ses cheveux et détourna les yeux). Et j'imagine bien que je suis exécrable en ce moment. Enfin, plus que d'habitude.
Mes paupières furent plissées par la suspicion et quand je fus convaincue de la sincérité de ses mots, je me laissai retomber dans le canapé. Je ne pouvais que difficilement demander mieux que des excuses à Simon Bones.
-Bien, tu viens de faire baisser de moitié mon envie de te tirer les oreilles.
Cela eut pour mérite d'arracha un semblant de sourire à Simon. Etrangement rassurée de voir ce geste fendre son visage pour la première fois depuis quelques jours, j'appuyais mes coudes sur mes genoux pour me pencher vers lui.
-Simon, je comprends que tu sois énervé. Tout le monde comprend – même Emily. Simplement ... Je commence à croire que Susan a raison. Il ne faut pas que tu te renfermes, il faut que tu en parles.
-Je t'en ai parlé. Je t'ai dit que je me sentais coincé et impuissant ici.
-Certes, admis-je, assez mal à l'aise. Pourtant, tu te renfermes encore ...
Simon me contempla quelques secondes avant de baisser le nez et de faire tourner sa plume entre ses doigts en un geste qui trahissait une certaine nervosité. Je n'y avais jamais vraiment réfléchi jusque-là, mais l'attitude de repli et l'inquiétude croissante de Susan m'ouvrit les yeux en cet instant : il y avait autre chose. Autre chose que l'impuissance et la colère. Je me laissai glisser au sol pour être à la même hauteur que lui et m'accoudai à la table pour vriller mes yeux sur lui. C'était alors que je le scrutai avec de plus en plus d'instance que je me rendis compte qu'il fuyait clairement mon regard, qu'il avait pâli de quelques teintes et que sa respiration était laborieuse. Je pianotai la table vernie de mes doigts, indécise, avant de suggérer du bout des lèvres :
-Ça a un rapport avec Jugson ? Tu ... tu t'entraines pour te venger ?
Simon ne répondit pas immédiatement, mais je vis ses doigts se crisper un peu plus sur sa plume. Il me jeta un petit regard furtif avant de river de nouveau ses yeux dans l'âtre. Les flammes faisait jouer des lumières lugubres sur son visage et ombrageait son regard, achevant de le rendre presque inquiétant.
-Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Trop de choses se passent en ce moment et ... Jugson cristallise tout. L'attentisme du Ministère, ton oncle et tes cousins, et puis ... c'est une extension de Voldemort. Donc de Cédric.
Un frisson parcourut Simon, mais je ne sus ce qui l'avait provoqué entre l'accumulation et le nom du Mage Noir. Il abandonna sa plume pour ramener ses genoux contre lui en une attitude de repli enfantin, sans détacher son regard des flammes. De nouveau, l'orange des flammes rendait ses prunelles d'onyx, dure, froide et hantées et effaçait ses tâches de rousseurs comme l'enfant en lui. J'ignorais totalement si j'étais dans le vrai, mais si j'en jugeais par le mutisme obstiné de Simon, je ne devais pas en être très loin.
-Ecoute ... Je sais que c'est atroce ce qu'il a fait subir à ta famille, mais ... ce n'est pas à toi de régler ça.
-Qui réglera ça, Vicky ? répliqua roidement Simon. Le Ministère ?
-Ta tante fait parti du Ministère, rappelai-je tout aussi sèchement. Et je doute qu'elle laisse l'assassin de son frère en liberté. Son frère, Simon. Je sais que c'est difficile ...
Il détourna enfin le regard des flammes pour le river sur moi et les mots s'étouffèrent pêle-mêle dans ma gorge. Eloigné de la lueur orangée, ses iris avaient repris l'intensité de l'émeraude en gardant la dureté de l'onyx et un voile de larme amplifiait les émotions que véhiculaient son regard. C'était si intense que je ne savais rien démêler.
-Non. Non, Vicky, tu ne sais pas. Et ... (Il se prit longuement la tête entre les mains avant d'émerger de nouveau). En fait, je n'ai pas envie d'en parler. Je pense que je vais plutôt aller me coucher.
Il se leva et rassembla ses grimoires et parchemins, les mains tremblantes. Ça aurait pu être une petite victoire de l'entendre aller dormir si tôt, mais j'étais obnubilée par le tremblement qui agitait ses doigts sans qu'il ne parvienne à le contrôler. C'est beaucoup trop intense ... Un léger ricanement me secoua alors qu'une idée me venait à l'esprit et je me redressais à mon tour.
-Tu me copies, Bones, c'est ma technique.
-Quoi donc ? rétorqua-t-il en pressant ses affaires contre lui.
-Fuir quand tu as peur. Et vu comment tu fuis, tu dois être mort de trouille.
Cette fois, le visage de Simon s'empourpra violemment. Les mots avaient été choisi avec soin, et pour cause, il avait prononcé exactement les mêmes un an plus tôt me concernant. Nous nous défiâmes du regard quelques secondes, et ce fut Simon qui perdit en détournant les yeux avec un grognement rageur. Sans attendre son reste, il se dirigea vers son dortoir d'un pas raide et je dardai un regard inquisiteur sur sa nuque pendant qu'il prenait la fuite. Je venais d'apprendre une nouvelle chose aujourd'hui.
Simon Bones avait l'audace de me cacher quelque chose à moi, la fille qui partageait sa vie depuis dix-sept ans. Et Seigneur que c'était désagréable de sentir qu'une infime parcelle de lui m'échapper.
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