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II - Chapitre 15 : Comme des enfants

LADIES (et gentlemen s'il y en a) 

DANS MON IMMENSE BONTE (et parce qu'on va tous s'ennuyer pendant ce confinement et que mon concours est reporté) J'AI DECIDE que je posterais toutes les semaines pendant le confinement ! Ne suis-je pas d'une grande clémence? 

Par ailleurs j'espère que tout va bien chez vous, que vous RESTEZ BIEN CHEZ VOUS, que vous vous lavez les mains et tout ça ! Ne lâchez pas les études pour ceux qui sont dans le secondaire, si vous avez des questions sur les programmes d'Histoire, future prof Perri peut vous répondre en MP (et dans d'autres matière je suis polyvalente). Bon courage à tous ! 

AH ET AUSSI vous avez de la chance, je ne vous fait pas de chronique sport ici (vous voulez que je les fasse quand la planète sport aura repris?) MAIS BREF je suis obligée de rendre hommage à l'une de mes idoles qui a pris sa retraite la semaine dernière, Martin Fourcade (biathlon, champion Olympique 5 fois, 7 "gros globes", un montre, une légende, je l'aime, c'est lui qui m'a fait regardé ce sport et maintenant je ne conçois pas mes hivers sans regarder le biathlon !). Bref, Martin était un grand et il va énormément me manquer l'année prochaine. 

MAINTENANT CHAPITRE. BONNE LECTURE ! 

ET RESTEZ CHEZ VOUS, VOUS SAUVEREZ DES VIES <3 

Chapitre 15 : Comme des enfants.

-Ça s'est bien passé ton noël du coup ?

Je me raidis à la question de mon amie d'enfance, Chloé, et inconsciemment, j'effleurai ma poitrine sur laquelle pendait à présent la médaille de baptême à laquelle j'avais jointe l'étoile de David offerte par ma grand-mère. La nuit était tombée sur Terre-en-Landes en ce réveillon du jour de l'an et la lune était cachée par un épais tapis de nuage, si bien que nous n'étions éclairées que par la lumière froide des réverbères. Nos pas crissaient sur la minuscule couche de neige qui était tombée dans l'après-midi. Elle enchantait tous les enfants du village, mais je n'avais pu m'empêcher d'échanger un regard sceptique avec Susan en songeant à l'épais tapis qui nous attendrait à notre retour à Poudlard. Chloé s'immobilisa près d'un arrêt de bus pour lire la pub qui recouvrait les heures de passages. Elle était sans doute ma meilleure amie à Terre-en-Landes : nous partagions l'amour du sport et de notre village et nos liens auraient pu être encore plus étroits si le destin ne m'avait pas envoyé à Poudlard. Malheureusement j'étais une sorcière et elle une footballeuse acharnée dont le don n'avait aucun rapport avec la magie. Elle repoussa ses cheveux bruns sur son épaule et me jeta un regard interloqué, attendant ma réponse.

-Sans plus, finis-je par admettre en haussant les épaules. Des problèmes familiaux qui sont venus parasiter les fêtes ...

-Oh, ne m'en parle pas, marmonna-t-elle en fronçant son nez. Mes parents se sont battus la moitié des vacances pour s'organiser pour les gardes ... J'ai crus que Kate, Eliott et moi on irait passer noël chez ma grand-mère.

Je pinçai les lèvres en me souvenant que les parents de Chloé étaient séparés, et que c'était pour cette raison qu'elle avait tant insisté pour quitter la région proche pour Bristol à son entrée à l'université : pour s'extraire du climat malsain du divorce de ses parents. Sa grande sœur avait fait le même choix, mais je savais que Chloé culpabilisait d'avoir laissé son petit frère Eliott, un garçon de l'âge de Susan, seul et démuni face à la situation. Pour autant, le jeune homme avait l'air d'aller bien lorsque je l'avais croisé avec Jason Blake près de l'épicerie des Fisher et qu'ils m'avaient bombardé de boules de neiges mêlées de bout et de cailloux qui m'avaient laissés une trace sur la joue.

-Ah la famille, soupira-t-elle avec défaitisme. Heureusement qu'il y a les amis pour rattraper. Simon a réussi à te faire cracher qui tu avais, toi aussi ?

-Non, mais il a deviné parce qu'il avait tous les autres, maugréai-je avec mauvaise humeur. Bon sang comment vous êtes faibles !

-Hey ! Toi tu as des années et des années d'expérience dans la lutte contre le Simon Bones sauvage, avec nous il est sympa d'habitude !

Je levai les yeux au ciel et serrai contre moi le paquet que je destinai à Tracy pour le Père Noël secret. Celui de Chloé était plus volumineux et elle l'avait mis dans un grand sac en plastique qu'elle avait calé sur son épaule. Elle réajusta sa casquette d'hiver sur son front.

-J'espère que Simon n'a pas oublié sa guitare. C'est la première soirée qu'on passe ensemble depuis des lustres, alors une fois les petits rentrés, j'ai bien l'intention d'en profiter ...

-Qu'est-ce que tu appelles « les petits » ?

-Tous ceux qui ne sont pas assez grand pour boire de l'alcool. Et comme Simon ne la laissera jamais faire, je suis navrée mais ça comprend Susan.

J'éclatai de rire dans la nuit, vite suivie par Chloé. Nous nous attirâmes les regards irrités de quelques passants auxquels mon amie répondit par un signe de main et un claironnant « Joyeux réveillon et à l'année prochaine ! ». L'Ancien, qu'une infirmière tirait à l'intérieur de la maison de retraite pour qu'il ne soit pas seul pour le Nouvel An, nous fusilla d'un regard qui disait clairement « pas de bêtises mesdemoiselles ! ».

-Au fait, tu es toujours avec ton copain ? m'interrogea Chloé une fois éloignées des fâcheux. Comment il s'appelle déjà, Milo ?

-Miles, rectifiai-je avec un léger sourire. Et oui on est toujours ensemble. Et encore merci de m'avoir servi d'alibi l'été dernier ...

-Mais de rien, c'est normal. J'espère au moins que c'était plaisant ...

Son regard entendu et la malice dans ses yeux fit monter le rouge sur mes joues, d'autant plus qu'elle insista :

-Si jamais tu as besoin de conseil ... Je veux dire, je suis plus âgée, et j'ai eu une ou deux aventures alors ...

-Seigneur, Chloé ..., maugréai-je en détournant les yeux. Je suis à mille lieux de ça ...

-Ah bon ? s'étonna-t-elle. Pourtant ça fait quoi ... six mois que vous êtes ensembles ? Et tu n'as pas envie d'aller plus loin ?

Je fus heureuse qu'une fine brise d'air glacial souffle pour asphyxier le feu de mes joues et je coulai sur Chloé un regard torve. Mais l'éclat mutin dans ses prunelles et son sourire espiègle m'indiqua qu'elle ne me lâcherait pas le moins du monde, alors je consentis à admettre :

-Parfois, quand on est à deux, c'est vrai que ça s'accélère. Mais c'est difficile d'avoir de l'intimité en internat, et concilier ça avec confort c'est ... impossible.

-Je vois. Et que tu ailles chez lui, c'est impossible aussi ?

Je haussai les épaules, ne voulant pas me perdre dans des détails qui occasionneraient certains mensonges pour dissimuler la magie de mes propos.

-Un peu pour l'instant. Bref, ce n'est pas franchement pratique alors ... on se contente de ce qu'on a et on fait avec.

-Hum, laissa échapper Chloé, les sourcils froncés. Bon, bah quand ça s'accélèrera pour de bon, surtout n'oublie pas le préservatif, d'accord ma grande ?

La flambée s'étendit à mes oreilles, et cette fois, même la brise hivernale fut inefficace. Non seulement nous étions loin du stade où le préservatif serait nécessaire, mais en plus j'ignorais totalement comme m'en procurer dans le monde des sorciers. Par ailleurs, la contraception était-t-elle la même que la nôtre ? Je passai une main sur mon visage, agacée par ses pensées parasites. Je me poserais ces questions en temps voulu : pour le moment, j'avais des problèmes autrement plus importants à gérer.

Nos pas nous amenèrent vers le Ellen's Café, le seul restaurant acceptable de la petite ville – il y avait bien la pizzeria du centre-ville, mais nous l'évitions depuis qu'Ethan avait retrouvé des cheveux dans sa mozzarella. C'était une sorte de pub devenu lieu de rassemblement de nombreux groupes du village – dont nous, puisqu'en cette veille de Nouvel An aucun de nos parents refusaient de nous prêter une maison. Sous le porche lumineux qui éclairait la route de ses éclats colorés, Ethan fumait sa cigarette, tapant nonchalamment du pied à terre.

-Toujours en retard, cingla-t-il d'entrée en écrasant son mégot sous son talon. Ton frère est arrivé il y a une demi-heure, Chlo. Quelle est ton excuse ?

-On avait dit dix-huit heures, protesta Chloé avant de consulter sa montre. Et il est dix-huit heures dix !

-C'est bien ce que je dis. Vous avez un demi-Chloé de retard.

Pour toute réponse, Chloé leva les yeux au ciel en un geste somptueusement dédaigneux et ouvrit la porte qui teinta sur son passage. Ethan m'adressa un clin d'œil et je le gratifiai d'un sourire désabusé en suivant mon amie à l'intérieur. Presque tous les membres du groupe étaient arrivés : Tracy et ses cheveux rouges derrière le bar soupirait devant Jason et Ryan Blake qui la fixait en bavant, Mary Fisher, une fille de treize ans, sirotait son milk-shake seule sur une table, pressant ses mains contre son cadeau avec un regard mauvais pour Simon, qui s'était isolé avec la petite sorcière Isabel MacDougal. Susan discutait avec Eliott, le jeune frère de Chloé et son visage se fendit d'un sourire lorsqu'elle m'aperçut.

-Bones ! s'écria Chloé, faisant sursauter une partie de la salle. Où est la guitare ?

-Chez moi, répondit simplement Simon en dressant un sourcil. Pourquoi ?

Chloé signala son mécontentement d'un grognement sonore et Ethan s'empressa de la prendre par les épaules avant qu'elle n'éclate :

-Hey ! C'est Noël, je ne veux que de la bonne humeur ! Du reste la mère de Tracy refuse de nous laisser le bar pour la nuit, ce qui fait qu'on doit décamper à dix-neuf trente ...

-Pourtant je vous jure que j'ai tout fait, soupira Tracy, la joue appuyée contre sa paume. J'ai même ranger ma chambre de fond en comble, plus celle de mon frère, plus le salon ... Mais il va falloir qu'on trouve un endroit pour décaler.

-Pour aller où ? s'enquit Mary d'un air intéressé.

-Et pourquoi on ne peut pas venir ? bougonna Ryan.

Tracy jeta un regard torve sur le garçon et ses douze ans qui lui valait l'acné et l'appareil dentaire des collégiens, avant de vriller des yeux entendus sur Chloé et moi. Je soupirai et croisai les bras sur ma poitrine en toisant les plus jeunes.

-Vous êtes trop jeunes et vos parents nous ont demandé de vous ramener à dix-neuf heures. Si vous n'êtes pas d'accord, voyez avec eux.

-Déjà essayé, marmonna sombrement Isabel. Mais ils persistent à vouloir m'emmener chez ma tante Pandora ...

-C'est un drôle de nom, commenta innocemment Mary.

Mais cela suffit à faire piquer un fard à Isabel, qui darda sur Simon un regard paniqué devant lequel il secoua discrètement la tête. La jeune fille n'était pas habituée à évoluer parmi les moldus, elle avait passé son enfance dans sa maison à l'écart de la ville à ignorer ses autres enfants qui avaient des jeux différents des siens. Je ne savais pas ce qu'il l'avait poussé à changer d'avis, mais j'étais à la fois heureuse de son ouverture et inquiète de son inexpérience. Ce fut pour cela que je décidai de frapper énergiquement des mains et de clamer de ma plus belle voix de Capitaine :

-Bien, alors on s'y met ! Paquet au pied du sapin, on regroupe les tables et quelqu'un aide Tracy pour la bouffe ! Non, pas toi Ethan ! ajoutai-je alors que mon ami se précipitait vers la belle Tracy – et l'apéro qu'elle sortait.

-On veut pouvoir goûter le saucisson que Mary a ramené, se moqua Jason, tapant par là-même dans la main d'Eliott avec un sourire goguenard.

Je les toisai d'un air torve qui finit par faire taire leur ricanement et ils s'activèrent plutôt à rapprocher les tables de bois ancien dont le vernis était usé et l'éclat terni par les ans pendant que Ryan et Susan aidaient Tracy à acheminer tous les chips et boissons que nous avions pu ramener. Je vis Simon grimacer alors que les garçons rapprochaient les tables à la force de leurs bras, et je me rapprochai de lui avec un sourire malicieux.

-Ça te musclerait peut-être un peu si tu les aidais.

Le regard oblique que me jeta Simon agrandit mon sourire. C'était toujours drôle de voir la frustration dans son regard quand nous évoluions parmi les moldus et qu'il était impossible pour lui de faire ce pourquoi il était le plus doué : la magie.

-Tu aurais dû ramener la guitare. Là au moins tu aurais servi à quelque chose.

-Ferme-la, et va les aider, minus.

Je lui adressai un sourire entendu et rejoignis Tracy d'un pas bondissant. Quelques minutes plus tard, nous étions tous attablés, nous gavant de chips à rire devant les anecdotes de Chloé et de son entrée à l'université de Bristol, ou devant les habituels échanges de piques entre Simon et moi. Nous avions échangé nos cadeaux et j'avais reçu du jeune Ryan un nouveau ballon de foot que je me promis d'emmener à Poudlard et Tracy m'embrassa sur la joue quand elle ouvrit une série de CD d'Oasis et de Genesis. Simon gâchait chaque fois la surprise en annonçant à qui le cadeau était destiné et j'avais fini par le bâillonner de force, provoquant l'éclat de rire de nos camarades. Nous finîmes par devoir quitter la place et je fus choisie pour ramener Isabel McDougal chez elle.

-Rendez-vous au cimetière ! me lança Chloé en repartant avec Mary. Ce n'est pas ouf mais ce sera toujours mieux que rien. Et toi ! (elle donna un coup de coude insistant à Simon). Va chercher ta guitare !

-Sinon Victoria ne pourra pas chanter le roi lion, chantonna doucement Susan avec malice.

-C'est l'Histoire de la vie ! m'écriai-je en levant les bras, tel Rafiki présentant Simba à la Terre des Lions. Le cycle éternel d'un enfant béni ... en immortel !

-Oui bon, réserve ça pour tout à l'heure ! rit Ethan en ébouriffant mes boucles. A plus ma grande.

Je fis un salut militaire et rejoignis Isabel qui m'attendait à l'écart, enveloppée dans sa cape de sorcière qui avait fait rire Eliott et Jason et fait soupirer Simon de dépit. Je tirais un peu son col avec un léger sourire.

-Il faut aller t'acheter un manteau moldu, ma grande. Les capes, c'est totalement désuet pour eux.

Isabel m'adressa un léger sourire en signe d'assentiment et m'emboita le pas alors que je m'engageai dans la rue principale, les mains dans les poches et un sourire aux lèvres. La perspective de passer la soirée avec mes amis me plaisait. Ce serait une fête simple, sans sujets brûlants à éviter, sans faire semblant de quoique ce soit. L'idée de devoir cacher ma condition de sorcière aurait pu m'être désagréable, mais la vérité était qu'il était aisé de la dissimuler lorsqu'on se glissait dans une autre peau. Et j'étais heureuse de redevenir la simple gamine de Terre-en-Landes qui parcourait la campagne à vélo et hantait les cimetières.

-Cora m'a envoyé une lettre, lança soudainement Isabel. Elle râle parce que son frère ne t'a pas invité chez lui pendant les vacances ...

-Hum ... Une autre fois, sans doute. Il paraît que c'est compliqué.

Isabel me jeta un drôle de regard à travers sa frange de cheveux noirs qui lui tombait devant les yeux. La jeune fille était grande pour ses onze ans et toisait la plupart de ses camarades de classe – et à ma plus grande horreur, elle n'était pas loin de me dépasser.

-Je trouve ça bizarre, commenta-t-elle en haussant les épaules. Je veux dire, je suis allée chez Cora au début des vacances, et son père était très gentil. Mais je n'ai pas vu Miles. Lui, il est resté enfermé dans sa chambre.

Je tordis mes lèvres, assez embarrassée de la façon dont Isabel décrivait les choses et qui reflétaient assez mes suspicions. Le père de Miles, pour les rares fois où je l'avais croisé, avait l'air de quelqu'un d'absolument adorable, alors j'avais fini par me forger la conviction que c'était réellement Miles qui avait un problème avec ses parents. Lequel, j'avais encore du mal à mettre le doigt dessus. Estimait-il qu'ils n'avaient pas assez réussi, qu'ils étaient un frein à la carrière à laquelle il se préparait ? Ou y-avait-il quelque chose de plus grave, de plus profond dont Miles refusait de me parler ? Je finis par interroger Isabel sur son début d'année, pour éloigner le sujet de mon petit-ami et elle fut soudainement plus bavarde : elle était excellente en métamorphose et avait rapporté pas moins de cinquante-cinq points à Serdaigle depuis le début d'année. Qu'elle compte les points qu'elle rapportait à sa Maison me sidéra et je trébuchai, prise de court, quand elle me demanda combien de point Poufsouffle avait eu grâce à moi. Fort heureusement, nous étions arrivés chez elle au moment où elle posa la question et elle embraya bien vite avec un soupir à fendre l'âme.

-J'aurais voulu venir avec vous. Ça doit être tellement plus drôle qu'aller chez ma tante ...

-On refera des sorties, lui promis-je avec douceur. Et puis cet été ...

-Simon et toi vous serez plus là cet été. Vous devrez chercher du travail.

Le ton était légèrement amer et teinté de panique, et je devinais qu'elle ignorait comme se fondre chez les moldus sans Simon et moi pour lui tenir la main. Je reçus la remarque comme une pique acérée dans le cœur. Elle venait d'énoncer une réalité que je tentais de fuir depuis des mois : j'étais une adulte en devenir et à la fin de l'année, je quittai les bancs de l'école pour m'émanciper et trouver un travail. C'était bien trop tôt, et je ne me sentais absolument pas prête à voler de mes propres ailes : je me sentais encore tel un petit oisillon nourri par sa mère et incapable de se débrouiller seule. Il n'y avait aucun doute, je préférais me blottir dans la chaleur du nid.

-On verra, il y a encore le temps. Peut-être qu'on travaillera mais qu'on restera à Terre-en-Landes ... Et puis, de toute manière c'est pour ça qu'on vous forme. Pour être sûrs d'avoir une relève et que les vieux du village continuent de trembler lorsqu'ils verront une bande d'enfant à vélo.

Un léger sourire amusé retroussa les lèvres d'Isabel et un éclair d'espièglerie traversa ses prunelles.

-Compte sur nous. A plus tard, amusez-vous bien !

Je la regardai courir jusque sa noble maison aux allures victoriennes devant laquelle l'attendait sa jeune sœur. Mes lèvres s'ourlèrent d'un sourire attendri quand la petite se jeta sur Isabelle, la bombardant de question comme j'avais pu le faire avec Alexandre dans mes jeunes années. Je me détournai de la scène, mon ballon de foot sous le bras et le nez baissé sur mes pieds qui écrasaient chaque pas les maigres flocons qui recouvraient le sol. Je me dirigeai mécaniquement vers le cimetière, vaguement mélancolique en songeant que c'était sans doute nos derniers moments ensemble, en tant que terrible groupe de Terre-en-Landes – en temps qu'enfants. Cholé m'attendait devant les grilles rouillées du cimetière et je mis le ballon à terre pour le lui passer. Elle l'arrêta du talon, avant de le faire virevolter pour jongler avec, avec précision et technique. Puis elle shoota dedans et je m'élevai dans les airs pour le capter, un grand sourire aux lèvres.

-Les filles ! s'exclama Ethan qui surgit du cimetière. Vous n'allez pas jouer avec dedans quand même ?

-On va bien boire, manger et jouer de la musique, fit remarquer Simon, sa guitare passée dans son dos. Les morts sont déjà bien assez déshonorés ...

-Mais il fait super froid, râla Eliott en resserrant son écharpe. On ne pourrait pas aller chez quelqu'un ?

C'était malheureusement impossible : depuis les seize ans d'Ethan où nous avions mis la maison sans dessus-dessous, aucuns parents ne nous faisaient confiance. Les seuls qui auraient pu accepter étaient les Bones, mais ce n'était pas une bonne idée de faire entrer des moldus dans une maison de sorcier. Tracy toisa les deux garçons qui semblaient trembler de froid et leva les yeux au ciel en un geste dédaigneux.

-Espèce de faibles ... Bon, on y va ? J'ai ramassé du bois pour faire un feu à l'écart des tombes, il ne faudrait pas qu'on fasse cramer les fleurs.

-Ou renverser les plaques commémoratives, enchéris-je en faisant une passe à Chloé.

Mon amie prit le ballon et se mit à courir, balle au pied et à dribbler les pierres tombales tout en faisant des commentaires de sa propre course :

-Williams avance vers les buts – quelle dextérité, on dirait un oiseau ! Olalala le petit-pont sur la tombe de Catherine Forster, mais quel génie !

Nous la suivîmes dans l'obscurité, éclairés par la lampe torche d'Ethan et accompagné par les premières notes que Simon arrachait à sa guitare et les éclats de rires d'Eliott, Jason et Susan. Je me mis à lui contester le ballon, et réussis à le lui piquer pour marquer entre deux pierres tombales. Tout le monde s'esclaffa et nos éclats de rires s'estompèrent dans la nuit, s'envolant comme les enfants qui mourraient en nous.

***

J'ignorais comment j'avais fait pour me mettre si tard à mes devoirs, mais je me retrouvais le dernier jour de vacances à mon bureau, éclairée par ma lampe de chevet, des parchemins étalés partout – y compris sur mon lit – et le nez presque collé à mon livre de sortilège pour achever mon devoir sur le charme de Fidelas. Je n'étais pas sortie de ma chambre depuis deux jours et ce fut sans doute pour cette raison que ma mère passa la tête dans l'entrebâillement de la porte, intriguée.

-Chérie ? Tout va bien ?

-Les vacances de Noël c'est le pire moment pour donner des devoirs, maugréai-je en prenant soin de cacher ma plume sous une feuille de parchemin.

Mais rien que les feuilles de parchemin parurent froisser ma mère, dont les lèvres se tordirent. Mon cœur tomba sur ma poitrine, mais je ne pouvais pas dissimuler tout cela sans user de la baguette – ce qui serait cent fois pire. Ce fut pour cela que je me forçai à la chasser de ma chambre avec un cordial :

-J'ai une tonne de devoir à finir alors ... est-ce que tu peux ... ?

-C'est pour t'aider que Simon est censé venir à la maison alors que nous recevons Mel ? répliqua ma mère d'un ton qui se voulait neutre, mais dont je sentais la défiance.

J'eus l'impression qu'un poing invisible me heurtait le ventre, de façon sourde mais douloureuse. Inconsciemment, je tripotai ma plume dissimulée, les lèvres tordues par l'incertitude. Des mots se bousculaient dans ma bouche mais je n'étais pas certaine de ceux qui pourraient franchir mes lèvres.

-On travaillera en haut, promis-je sobrement. Et Simon n'a pas particulièrement l'air différent donc tu n'as pas à t'inquiéter pour Mel ...

-Mais si vous travaillez, vous allez ...

Le reste sembla bloquer dans sa gorge et elle fit de vagues gestes quelques peu grossiers de la main avant de s'immobiliser, se rendant sans doute compte qu'il était plus ridicule de s'agiter ainsi que de prononcer les mots maudits. Je dressai un sourcil et réprimai le sourire amusé qui me venait aux lèvres et qui aurait plus agacé ma mère qu'autre chose.

-Pas beaucoup, assurai-je puisque j'avais déjà veillé à réviser ma pratique plutôt chez les Bones. Il doit juste m'aider pour un devoir de Sortilège. Du moment que Mel ne monte pas dans ma chambre, elle ne soupçonnera rien.

Une moue dubitative déforma les lèvres de ma mère mais elle finit par comprendre qu'elle ne pourrait pas obtenir plus de moi. Et sans doute avait-elle un minimum conscience que ma réussite en tant que sorcière comptait et qu'elle se faisait violence pour cela. Elle referma ma porte qui se verrouilla en un cliquetis et je laissai aller ma tête contre mon bureau avec un certain désespoir. Je n'étais là que depuis deux semaines, mais je commençais à être fatiguée de marcher sans cesse sur des œufs avec ma mère – lui dissimulant tant bien que mal ma condition de sorcière tout comme celle de son père. Le répit qu'elle m'avait donné cet été par égard pour ma perte semblait déjà bien loin.

Je n'avais avancé que de quelques centimètres de parchemin lorsqu'Alexandre entra triomphalement dans ma chambre sans s'annoncer, me faisant faire un véritablement bond sur ma chaise. Dans mon sursaut, je renversai une bouteille d'encre et je réussis à extirper mon devoir avant que le liquide dévastateur ne l'atteigne. Malheureusement, il coula de mon bureau jusque sur mes genoux et de grosses taches noircirent mon jean et mon parquet.

-Alex ! sifflai-je, exaspérée.

-Oups, lâcha-t-il en se penchant pour apercevoir l'encre qui s'infiltrait dans la rainure du parquet. Pas trop de dégât ?

-Le plus important est sauvé, soupirai-je en enroulant mon devoir de sortilège. Mais la prochaine fois, frappe, d'accord ?

Je réussis à trouver ma baguette parmi toutes les affaires qui jonchaient mon bureau et nettoyai silencieusement la tâche sur mon jean et sur le sol. Puis je la pointai sur mes livres et parchemins et je fus réellement satisfaite de voir tout mon bazar s'ordonner en pile bien propre et plus ou moins triées, éclaircissant mon champ de vision. La bouteille d'encre était en train de se refermer seule lorsque je m'aperçus qu'Alexandre observait l'opération les yeux écarquillés, une main devant la bouche – sans doute pour masquer sa stupeur.

-Bon sang, je crois que c'est la première fois que je te vois faire de la magie, réalisa-t-il d'une voix atone. Je veux dire, pour de vrai – avec ta baguette et tout. C'est ... troublant.

-Tu t'y habitueras vite et je te donne d'ici les vacances de Pâques avant de me demander de ranger ta chambre.

Un sourire fleurit sur les lèvres de mon frère et je fus rassurée de voir une lueur de convoitise et de malice éclairait son regard. J'avais un instant craint que me voir réellement faire de la magie réveillerait de vieilles peurs, mais ça ne paraissait pas être le cas. Mon frère était toujours celui qui me soutenait le plus et cela répandait une chaleur bienfaisante dans ma poitrine.

-Mel est là ? m'enquis-je d'un ton joyeux. Evite de lui faire visiter ma chambre, je n'ai pas fini mes devoirs et Simon doit m'aider.

-C'est la première chose que maman m'a dite, t'inquiète. Tu descends ?

Mel était effectivement là lorsque je descendis l'escalier, vêtue d'une robe qui, à mon humble avis, était largement passée de mode mais qui seyait assez à son maintien droit et altier. Ses cheveux cascadaient dans son dos et ce n'était qu'en constatant ce fait que je pris conscience de leur longueur : il lui arrivait à la taille. Je touchai mes propres boucles rafraichies au début des vacances et que je n'autorisai pas à dépasser mes épaules. Mel n'était peut-être pas un canon de beauté, mais elle avait quelque chose d'indéniablement attirant et féminin qui me faisait sentir telle une enfant gauche en comparaison. Elle m'adressa un charmant sourire quand elle m'aperçut.

-Victoria ! Ça va ? C'est normal que tu aies de l'encre sur la joue ?

-Oh, lâchai-je en portant vivement la main à ma pommette. Je travaille depuis ce matin ...

Si le visage de Mel se fendit d'un sourire confus, je sentis le regard brûlant de ma mère sur moi – mais cette fois, cela était dû à mon aspect négligé. Je la vis secouer la tête de dépit et elle désigna sèchement la cuisine du menton. Je me dépêchai d'aller nettoyer ma tâche devant le lavabo et ma mère referma la porte derrière moi.

-Tu aurais pu faire un effort ..., maugréa-t-elle en détaillant mon vieux jean et un sweat qui avait sans doute dû être un jour à Alexandre car il tombait sur mes cuisses. Tu savais que Mel venait ...

-Oui et je t'ai prévenu que je resterais en haut, rappelai-je avec lassitude.

Je m'attendais à voir ma mère revêtir son habituel masque réprobateur, pourtant cette fois-ci ses lèvres esquissaient une moue qui était plus déçue que critique.

-C'est dommage, c'est ton dernier jour ici...

Je lui jetai un regard de biais, entre suspicion et étonnement. Pendant les vacances, ma mère n'avait pas fait preuve d'un zèle excessif pour se rapprocher de moi, à la fois rassurée de constater que j'allais mieux psychologiquement et rebutée par la magie que j'exerçais de plus en plus librement. Pourtant elle paraissait réellement chagrinée lorsqu'elle vint s'appuyer contre le lavabo à côté de moi, les bras croisés sur sa maigre poitrine. En vieillissant, elle ressemblait tant à Jaga que c'en était troublant : elle gardait une chevelure fort brune et ses yeux sombres dont l'iris se confondait avec la pupille avait la profondeur d'un tunnel. Mon cœur se serra lorsque je la vis mâchouiller sa lèvre inférieure, un tic qui me prenait moi aussi quelques fois.

-Je reviendrais à Pâques, promis-je, touchée par l'émotion apparente de ma mère. Bon j'aurais encore énormément de travail mais sans les fêtes ce sera plus simple.

-Pâques est une fête, mon ange, me rappela-t-elle sévèrement avant de soupirer. Mais c'est vrai qu'à part te gaver de chocolat ...

-Ça ne changera pas du reste de l'année.

Ma mère s'esclaffa doucement à ma pique mais son sourire ne parvint pas à réchauffer son regard. Elle me contempla un moment et finit par lâcher du bout des lèvres :

-Je n'ai pas été une très bonne mère ces deux dernières semaines, pas vrai ?

Je fermai le robinet et secouai mes mains au-dessus de l'évier, prise de court par la soudaine affirmation de ma mère. Une nouvelle fois, les mots s'entassèrent dans ma bouche et je fis incapable de savoir lesquels faire franchir mes lèvres. Alors faute de quoi, je haussai les épaules et essuyai mes mains avec une serviette. Ma mère poussa un gros soupir :

-Oh Victoria ...

-Ça va, maman, la coupai-je en m'efforçant de sourire. Je sais que tu as du mal avec ma nature, et j'essaie de te préserver de ça, ce n'est pas une situation idéale c'est vrai, mais bon ...

-Pas une situation idéale, c'est un euphémisme, rétorqua-t-elle avec un certain dépit. Je suis me suis battue avec mon premier enfant toute ma vie et j'évite le deuxième ....

Ce qui était un bilan assez triste, je devais en convenir. Mon père avait réussi à maintenir une paix relative avec Alexandre et tentai d'appréhender mon monde pour resserrer nos liens. Mais ma mère avait été incapable de faire preuve d'une telle souplesse, que ce soit pour gérer mon frère ou accepter ce qu'elle ne connaissait pas. Elle mit une main sur mon bras et l'autre sur mon épaule, comme si elle voulait m'enlacer mais qu'elle ne l'osait pas.

-Chérie, je t'aime, m'assura-t-elle d'une voix douce. Je sais que ça ne se voit sans doute pas ces derniers temps ... Mais je te jure que ce n'est pas parce que tu es une sorcière que ça change, tu le sais ?

J'étais assez surprise qu'elle prononce le mot de « sorcière » à voix haute – elle ne le faisait que rarement. Je lui jetai un regard éberlué, et elle m'adressa un sourire penaud, teinté de chagrin.

-Tu vois, je peux réussir aussi. C'est juste ... C'est tellement difficile à appréhender, et je regrette de ne pas avoir l'ouverture d'esprit de ton père pour réussir à comprendre tout ce qui a trait à ça ... Mais je n'ai pas envie que ça dresse une barrière infranchissable entre nous, tu comprends ?

-Je n'en ai pas envie non plus. Mais ça peut être difficile si ... tu nies totalement la partie de moi qui est magique.

Les lèvres de ma mère se pincèrent, les faisant paraître presque aussi minces que celles de Jaga.

-Je ne la nie pas. Mais peut-être qu'un jour ... J'arriverais à l'accepter.

Elle m'embrassa sur la tempe et s'en fut sans plus de cérémonie, me laissant seule et déboussolée dans la cuisine. C'était la plus belle marque d'espoir dont je bénéficiais depuis que George et Rose Bones étaient venus m'avouer ma condition de sorcière, six ans auparavant. Et elle était si inattendue que je restai sans voix, les yeux fixés sur la fenêtre en face de moi qui donnait sur le jardin et mon père qui prenait le courrier à notre boite aux lettres. Il s'immobilisa pour saluer le gringalet qui remontait notre allée, trainant devant lui son vélo dont les mois d'inactivité avaient rouillé le guidon. Simon était arrivé.

***

-Tu étais censé m'aider, râlai-je en roulant mon parchemin. Pas lire sur mon lit.

-T'as fini ton devoir, non ? rétorqua Simon.

Il tourna nonchalamment une page, le menton niché dans sa paume et installé à plat ventre sur mon lit, son livre étalé devant lui. Ma mère avait eu l'air rassurée de le voir arrivé en jean et sweat, la baguette dissimulée et avec un bouquin moldu. Son premier réflexe avait été de chercher la petite-amie de mon frère du regard, mais il n'avait eu le temps que de l'apercevoir avant que je ne le force à aller en haut pour que je puisse en finir au plus vite avec ce devoir de Sortilège. La seule chose qu'il avait pu observer fut les motifs floraux de sa robe qu'il qualifia de « veillotte » avant de me suivre dans ma chambre. Là-dessus, il s'était effondré sur mon lit, plongé dans son bouquin et s'était contenté de marmonner des vagues réponses à mon égard sous forme de monosyllabe ou de hochement de tête évasif, sans jamais quitter les yeux sa page. Lorsque j'eus rangé mon devoir de Sortilège avec les nombreux autres effectués cet été, je me tournai vers Simon d'un air dépité. Il finit par sentir la brûlure de mon regard sur lui car il leva les yeux, un sourcil arqué en une question silencieuse.

-Quoi ? finit-t-il par lâcher devant mon mutisme. Tu me l'as offert à Noël, il faut bien que je le lise.

-On a sept heures de train demain, tu avais amplement le temps. Là j'avais besoin de toi pour les Sortilèges.

-Mais je t'ai aidé !

-Lorsque je t'ai demandé la formule pour le sortilège de Fidelas, tu as répondu « hum » ! C'est ta définition de « aider » ?

Simon me fixa d'un air vaguement ennuyé, mais presque immédiatement après ma remontrance, ses yeux glissèrent vers son livre et je ne pus retenir un soupir agacé.

-J'ignorais que tu serais si passionné par Hamlet, grondai-je sourdement en me levant. Et bouge de là, je dois faire ma valise.

-Tu ne l'as toujours pas commencée ? On part demain, Vicky.

-Et quand ? J'ai fait les devoirs de deux semaines en deux jours et j'ai pris un retard monstre dans mes révisions ... Au moins je sais ce que je ferais dans le train demain.

Simon ricana et se laissa lentement glisser au sol, le livre entre les mains, avant que je ne fasse léviter ma valise sur mon lit. Après avoir écouté discrètement dans le couloir, je sortis ma baguette et jetai le sort qui amoncela tous mes vêtements dans ma malle, puis mes grimoires et mes affaires de toilettes. Je rangeais manuellement mes parchemins pour ne pas les abimer lorsque Simon poussa un cri triomphal qui me fit sursauter. Il avait appuyé son index sur une phrase du texte et un immense sourire enfantin éclairait son visage.

-Je l'ai ! « Être ou ne pas être, telle est la question » !

-Et c'est pour ça que tu lis Hamlet d'une traite ? me moquai-je en refermant ma valise.

J'en profitai pour m'allonger sur mon lit et m'avancer pour lire par-dessus l'épaule de Simon la célèbre tirade prononcée par le prince du Danemark. Les mots firent naitre un sourire sur mon visage, léger, comme l'évocation d'un vieux souvenir. Il n'y avait pas à dire, j'adorais véritablement le théâtre – et plus que tout, j'adorais Shakespeare.

-J'aime bien cette réplique. Mais ce n'est pas ma préférée.

-Laquelle c'est ?

Je jetai un coup d'œil amusé à Simon et je laissai allée ma joue contre ma couverture pour masquer la rougeur qui commençait à m'échauffer.

-A toi de trouver, si tu me connais si bien.

-Sérieusement ?

J'eus un sourire espiègle et entendu, et il soupira profondément en comprenant qu'il ne pourrait pas résister à ce défi. Cependant, il referma le livre sur son pouce pour en garder la page. Il rejeta sa tête en arrière, l'appuyant contre le bord de mon lit et coula un regard interrogatif sur moi.

-Je pensais que ton préféré c'était Songe d'une nuit d'été ? Alors pourquoi tu m'as offert Hamlet ? Je ne suis même pas sûre que tu l'aimes.

-Parce que quand j'ai regardé dans tes livres j'ai vu que tu avais déjà Songe d'une nuit d'été. Et certes, Hamlet m'agace dans la pièce, mais ... il y a un passage qui le rattrape, on va dire.

-Le passage que je dois trouver ?

J'acquiesçai en ébouriffant ses cheveux, et il fit un vague mouvement d'épaule, comme s'il chassait une mouche. J'achevai de finir ma valise en préparant mon sac de voyage et en faisant un brin de ménage dans ma chambre. Simon ne faisait pas le moindre geste pour m'aider, malgré mes nombreuses sollicitations sous forme de frappe à l'arrière de la tête et de coup de pieds dans le tibia. Il finit par refermer son livre et à me toiser l'air exaspéré.

-Je dois t'aider à faire ton devoir, à faire le ménage et puis quoi encore ?

-Refaire les sortilèges de protection autour de ma maison ?

-Déjà fait.

-Victoria ! Alex s'en va !

La voix étouffée de mon père nous parvint depuis la cage d'escalier et j'eus l'impression que mon cœur dévalait ma poitrine. Ça me frustrait de ne pas avoir pu passer mes derniers instants avec mon frère – une nouvelle fois, je n'avais pu qu'assez peu le voir. Simon se dressa sur ses pieds d'un bond et lança Hamlet sur mon lit en se précipitant vers la porte. Il l'ouvrit à la volée, mais remarquant que je ne le suivais pas, il fit volte-face et sa tête réapparut dans l'embrassure.

-Tu viens ? Je n'ai pas pu voir Mel de ta faute, il faut qu'on se dépêche !

Je dressai un sourcil surpris et lui emboitai le pas pour descendre. Alexandre avait déjà revêtu son manteau et mon père tendait le sien à Mel. Elle leva les yeux sur nous et Simon se figea devant moi de façon si brusque que je lui rentrais dedans. Mu par le choc, il dévala la dernière volée de marche de façon maladroite et dut se rattraper in extremis à Alexandre en posant les pieds sur le sol.

-Bennett !

-Ta faute ! protestai-je en pointant un index accusateur sur lui. Tu m'as déséquilibré !

-Je t'ai déséquilibré ?

-Les enfants, tenta d'apaiser Alexandre en passant un bras derrière les épaules de Simon. Pas maintenant alors que je vous vois plus avant des mois ... Par ailleurs elle a raison mon crapaud, c'est de ta faute.

Simon s'empourpra furieusement et me foudroya du regard, ce à quoi je répondis par une langue tirée. Mel nous observa un par un, les sourcils froncés mais la commissure des lèvres frémissante en les prémices d'un sourire.

-Je vois, souffla-t-elle à l'adresse d'Alexandre. D'ailleurs, enchantée, ajouta-t-elle à l'adresse de Simon que mon frère tenait toujours par les épaules. On m'a parlé de toi.

Simon s'extirpa difficilement de l'étreinte d'Alexandre pour faire face à la jeune femme. Un muscle tressauta sur sa joue, et pendant un instant il ne bougea pas, se contentant de dévisager Mel d'un regard inquisiteur qui devait être affreusement gênant à supporter. La jeune femme se mit d'ailleurs à trépigner, mais lorsqu'elle lui tendit la main, il la serra avec un sourire.

-Enchanté. Ah, bonjour révérend !

Mon père venait de réapparaitre avec le reste des affaires de Mel, ma mère sur ses talons. Elle se précipita sur Alexandre et tira sur son col pour le forcer à courber l'échine et planter un baiser sur sa joue.

-Je ne comprends toujours pas comment j'ai pu faire pour te faire si grand, s'ébahit-t-elle alors qu'Alexandre se redressait en se massant le cou.

-Rentrez bien, sourit mon père. On vous renverra bientôt j'espère ?

-On comptait revenir pour la fête des rois, le rassura Alexandre avant de m'emprisonner dans ses bras. Et toi ma grande, tu m'abandonnes jusque Pâques ? Tu n'as pas honte ?

-Rôh, c'est la dernière année !

-On doit y aller, le pressa Mel en achevant de nouer son écharpe d'un vert émeraude coupée d'argent. Il faut que je rentre à Londres dans la foulée ...

J'entendis un drôle de son provenant de la gorge de Simon, comme un glapissement qu'il avait étouffé en déglutissant. Je lui jetai un coup d'œil peu amène par-dessus mon épaule : après l'apparition de mes parents, il s'était retranché derrière moi et je le vis observer Mel à la dérobée.

-Arrête ça, c'est malaisant.

Il ne me répondit pas et ses yeux se posèrent une demi-seconde sur moi et je fus surprise de l'agitation que je percevais derrière ses iris. Mais avant que je ne puisse l'interroger d'avantage, il avait détourné le regard et commenta d'un ton neutre :

-Jolie écharpe, Mel.

-Merci, répondit-t-elle d'un ton prudent en portant la main sur le tissu. Je l'ai depuis des années, elle me vient de mon école.

Elle nous adressa un dernier sourire et Alexandre et ils partirent main dans la main, sous les regards attendris de mes parents qui leur firent signe jusqu'à ce que leur voiture disparaisse au détour d'un angle de rue. Mon père jeta un coup d'œil amusé à Simon.

-Alors Simon ? Elle ne te plait pas ?

Je levai les yeux sur lui, les bras croisés sur ma poitrine en attente d'une explication. J'étais assez contrariée de la façon dont il avait fixé Mel durant des minutes entières sans rien dire – contrariée et perplexe. Simon parut rentrer la tête dans ses épaules et répondit avec lenteur :

-Non, elle a l'air gentille. Enfin, un peu calme pour Alex ...

-C'est ce qui lui faut, assura ma mère avec un sourire. Ça va apaiser Alexandre, le faire rentrer dans le droit chemin ...

Je me tordis les lèvres pour ne pas laisser échapper qu'à mon humble avis, mon frère n'avait pas attendu sa chère Mel pour « rentrer dans le droit chemin ». Simplement, ma mère avait mis du temps à ouvrir les yeux sur l'évolution de son fils. Mes parents finirent par s'isoler dans la cuisine et je pivotai brusquement vers Simon, mains sur les hanches et regard impérieux levé sur lui.

-Bon qu'est-ce qu'il ne va pas avec elle ? Je sais qu'elle n'est pas hyper jolie, mais elle est vraiment gentille et ...

-Vicky, tu as regardé son écharpe ?

Je fronçai les sourcils, déboussolée par la gravité dans le regard de Simon. Il n'avait pas souri le moins du monde durant sa rencontre avec Mel, mais ce ne fut qu'à présent que je me rendis compte de la tension qui émanait de lui, entre ses épaules crispées et une main raide passée dans ses cheveux. Sans que je comprenne, une sorte d'affolement s'éprit de moi et je lâchai avec incertitude :

-Bah ... elle était verte mais ...

-Bon sang, Vicky ! s'agaça Simon en écartant les bras. Réfléchis bon sang, elle ne te dit rien cette fille ? Elle ne te dit rien cette écharpe verte qui lui vient de son école ?

Je me figeai, frappée d'horreur. Maintenant que Simon me l'assénait sur le crâne avec tant de véhémence, les liens se faisaient dans mon esprit. J'avais déjà vu cette écharpe, bien sûr, et je m'en voulus aussitôt d'avoir été si stupide. Je l'avais tirée de nombreuse fois pour forcer Miles à baisser la tête et poser les lèvres sur les miennes. Je la voyais nouée à chaque cou de ceux qui faisaient partis de la maison de Serpentard.

J'eus l'impression qu'on injectait un liquide froid dans mes veines et qu'il me glaçait peu à peu chacun de mes membres.

-Seigneur ... Ne me dis pas que c'est une sorcière ?

Ma voix avait des accents plaintifs qui me firent horreur, mais que je n'avais pu retenir. Je pensais avoir découvert le pire, mais le regard de Simon se fit encore plus incisif et je compris que je n'étais pas au bout de mes peines. Il se lassa tomber sur une des marches de l'escalier avec lassitude et enfouit son visage entre les mains.

-Mille gargouilles Vicky, comment tu te fais pour te mettre dans des situations pareilles ...

-Quelles situations ? Si c'est une sorcière, il suffira de lui parler, de ...

Mais son visage émergea de ses mains et il darda sur moi un regard si féroce que j'eus un mouvement de recul.

-Mais qu'est-ce qu'il y a d'autre ? glapis-je, agacée par le mutisme et l'énervement apparent de Simon. Je n'ai pas deviné visiblement alors dis-le moi ! Je la connais cette fille ?

Je fis un rapide calcul : si Mel était une sorcière, elle devait être en cinquième année lorsque j'étais entrée à Poudlard, et selon toute vraisemblance, à Serpentard. Je voulais bien admettre que j'avais dû la croiser dans les couloirs de l'école, mais il y avait de grande chance que son visage ne se soit jamais imprimé dans mon esprit. Simon me fixa un long moment, les mains nouées devant ses lèvres, une sorte de fureur et d'inquiétude folle qui brûlait au fond de ses prunelles.

-Elle non, finit-t-il par admettre du bout des lèvres. Mais tu as une petite histoire avec son frère jumeau.

-Son frère jum ...

Le reste de mes mots s'étouffèrent dans ma gorge et j'écrasai une main sur mes lèvres en un geste chargé d'épouvante, les yeux écarquillés. Les traits de Simon s'affaissèrent, passant de la colère à la profonde lassitude et il se retrancha de nouveau derrière ses mains, comme abattu. J'avais posé des difficultés et Simon m'avait tenu la main à chacune d'entre elle pour me les faires franchir, mais je venais vraisemblablement d'en dresser une qui semblait le mettre au désespoir. Je me laissai tomber sur la marche à ses côtés, et ma tête heurta le mur de façon douloureuse et qui emmêla plus encore mes idées. Nous restâmes postés sur l'escalier un long moment, muré dans un silence assourdissant et lourd de non-dits, flottant dans nos réflexions qui semblait bouillonner dans l'air.

Mel. Serpentard. Mel. Serpentard.

Mel Mel Mel Mel Mel.

Ce n'était pas un prénom, ça. C'était un diminutif. C'était évident, mais je n'avais jamais cherché à aller au-delà de l'évidence, à découvrir son nom entier et là par la suite sa réelle identité.

Par Merlin, Simon avait raison.

Mon frère sortait avec Melania Selwyn. La sœur jumelle de Nestor à qui j'avais brûlé le visage un soir de cinq novembre. 


AHAHAHAHAHAHAHA VOUS L'AVEZ PAS VU VENIR 

(Pardon je pète un câble. A la semaine prochaine !) 

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