I - Chapitre 9 : premières amours
Bonjour à tous !
Nouveau chapitre d'O&P un peu "charnière" avant ... le bal ! (bon avouez, qui n'a jamais fantasmé sur l'épisode du bal?). Au delà de ça je trouve que c'est un moment sympa où quand on l'exploite on pouvait faire plein de truc un peu drôle, mais si j'avais fait tout ce que j'avais en tête ça aurait été une overdose pour vous. En tout cas préparez-vous j'ai presque trois chapitres sur la question de mémoire.
Bon mais déjà celui-ci. Bonne lecture n'hésitez à me dire ce que vous en penser !
Je ne sais pas ce qui s'est passé avec ce chapitre mais la correction ne s'est pas enregistrée donc il se peut qu'il y ait des fautes.
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Jeunesse. Cette merveilleuse époque de l'éveil du cœur, époque décisive où, sous toutes ses formes, l'amour prend le sens même de la vie.
- Reine Malouin
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Chapitre 9 : premières amours.
J'avais fini par chanter des chansons moldues sur la table.
Maudit Simon Bones. Et maudite guitare. Par Merlin, qu'est-ce qui avait pris à mon père de la lui offrir ?
Après la première épreuve, l'euphorie s'était abattue sur Poudlard. Il s'était fait difficile de suivre convenablement les cours, et le professeur McGonagall m'avait même réprimandé pour la baisse de mes notes, et malgré mon envie de me relâcher, j'avais dû passer mon dimanche après-midi avec Emily à revoir la métamorphose et même Simon s'était abaissé à m'aider en Sortilège. Je maîtrisais à présent l'Aguamenti et Flitwick en avait été enchanté.
-Merci, dis-je à Simon en sortant de classe. Si je n'y parvenais pas aujourd'hui, il allait me renvoyer de son cours ...
-On parle de Flitwick, il n'aurait pas fait un truc pareil. Rogue aurait pu faire quelque chose de ce genre, mais tu ne fais plus Potion ... Oh, attends. Tu viens de me remercier ?
Je le gratifiai d'une frappe sèche sur le torse, mais néanmoins un sourire fleurit sur mes lèvres. De fait, j'étais vraiment soulagée d'avoir au moins réussi ce sort. Maintenant restait à arranger les choses en Métamorphose. Et en Défense contre les Forces du mal.
-Bon où est passé Cédric ? m'enquis-je en me retournant dans le couloir.
Emily parlait avec Mathilda juste derrière nous et je fis en sorte de me faire toute petite – je voulais dire, plus que je ne l'étais déjà. Et Cédric ... Cédric s'était avancé dans la cour et était en grande conversation avec une belle jeune fille aux longs cheveux noirs. J'attrapai le bras de Simon, qui se retourna avec un cri de surprise.
-Quoi ? (Je désignai du menton Cédric et la fille). Oh. Ah.
-Donc qu'est-ce qu'il se passe entre Cho et Cédric ? Et je ne me dis pas rien ! Cédric ne parle pas aux filles, pas sans rougir et bégayer !
-J'ai toujours su que tu n'étais pas une fille, dans ce cas.
Je lui plantai mon coude dans les côtes et observai Cho et Cédric. Ils s'éloignaient en direction de la bibliothèque, et je voyais dans la retenue du sourire de mon ami qu'il n'était pas parfaitement à l'aise. Il était timide et pourtant il prenait la peine de parler à Cho. Il se forçait.
-Il est amoureux ?
-Hey ! Si tu veux des infos, tu n'as qu'à lui demander ! protesta Simon en faisait volte face. Allez, viens, arrête de les regarder, tu deviens gênante.
Effectivement, Cho venait de poser les yeux sur moi, et je me dépêchai de suivre Simon dans le couloir. Il leva les yeux au ciel.
-Pourquoi tu me colles comme ça ? Après cette histoire de la nuit de Guy Fawkes tu es retombée en première année ?
-Très drôle, Bones, grimaçai-je en perdant mon sourire. Et je reste avec toi parce que Emily me harcèle depuis qu'elle a trouvé l'écharpe de Miles dans mes affaires, j'ai pas envie d'avoir des comptes à lui rendre ...
-Miles ? Bletchley ?
Je jetai un regard d'avertissement à Simon. Il leva les mains en signe de paix, mais je vis une ombre passé sur son visage.
-Du calme, la lionne, tu fais ce que tu veux de ta vie, je m'en fiche. Simplement ça me surprend que tu te balades avec l'écharpe d'un gars qui est le nouveau meilleur ami d'Ulysse Selwyn ... A savoir que le gars qui t'a probablement envoyé le message. Tu n'as rien reçu d'autre, d'ailleurs ?
-Il n'est pas ami avec Selwyn, protestai-je en évitant la marche piégeuse. Et non, je n'ai rien reçu depuis la dernière fois. C'était peut-être une intimidation, une vengeance pour les avoir envoyé en colle. Mais Miles n'a rien à voir avec ...
-Je m'en fiche, Vicky. Je te l'ai dit, tu fais ce que tu veux. Moi ma seule mission, c'est de tout rapporter avec précision à Alexandre.
Mon regard noir le fit éclater de rire. Je savais que Simon était l'espion d'Alexandre à Poudlard et que c'était l'unique raison pour laquelle il s'intéressait quelque peu à ma vie. Nous venions de déboucher dans le Hall. La grande porte était ouverte, laissant entrer les vents glaciaux de décembre. Je resserrai ma cape autour de moi avec un frisson et m'apprêtai à rentrer dans la Grande Salle quand Simon m'attrapa le bras.
-Attends, me dit-il en ralentissant le pas. Regarde-moi ça ..
Je rivai mon regard en la direction que m'indiquait Simon et vit entrer une femme vêtue d'une cape rose foncé au col en fourrure violette. Si la tenue était criarde, la femme l'était encore plus avec ses anglaises parfaitement formées, et des lunettes qui brillaient à chacun de ses mouvements, la lumière se reflétant dans les pierres qui l'ornaient. Un petit homme la suivait, tenait son sac crocodile :
-Vous avez eu ce que vous voulez ?
-Oh, on s'en contentera, répondit la femme d'un ton ravi, caressant la plume à papote d'un vert criard. Un regard nouveau et inédit sur Potter ne nous fera pas de mal, mais je ne peux m'empêcher de trouver ce balourd intrigant ... Par les chaussettes de Merlin, tu as vu sa taille ? Et les créatures dont il s'occupe ... Oui, ça mérite enquête, contacte pour moi le service de régulation des créatures magiques.
-Bien sûr, Rita ... Rita ...
Le petit homme venait de poser les yeux derrière nous. Simon et moi nous retournâmes vivement pour voir le directeur de Durmstrang, Karkaroff surgir de la pièce, son bouc impeccablement bouclé, et toujours cette lueur glacée dans le regard. Je réprimai le frisson qui me parcourait en apercevant la baguette qui sortait de sa poche. D'après Miles, cet homme avait été Mangemort. Combien de gens comme moi cette baguette avait-elle torturé ?
-Allez viens, lançai-je à Simon pour dissiper mon malaise. On va manger
Mais Simon ne bougea pas. Il toisa Karkaroff avec une sorte de réserve et de répulsion. Rita Skeeter – c'était du moins ce que je pensais – l'avait remarqué et se précipitait maintenant vers lui, ses talons claquants sur les dalles avec enthousiasme.
-Monsieur le directeur ! Comment allez-vous ? Alors, qu'avez-vous pensé de la première tâche ? Etes-vous fier de votre champion ? Ou frustré que celui de Poudlard, Harry Potter, ait obtenu la même note que lui alors qu'il n'aurait pas dû concourir ?
-Je ne répondrais pas à vos questions, n'essayez pas de me tirer les vers du nez, répliqua sèchement Karkaroff avec son accent de l'est.
-La présence de l'Auror qui vous a arrêté vous bouleverse-t-elle ? poursuivit-t-elle néanmoins, les yeux étincelants. Ainsi que celle des enfants de la femme qui vous a envoyé à Azkaban ?
-Tu as raison, me souffla Simon en me prenant vivement le bras. On s'en va.
Je me laissai faire, car je n'avais pas la moindre intention de rester une seconde de plus dans la même pièce que cette horrible femme, mais j'étais perplexe. Par ce qu'elle avait dit, et par l'attitude de Simon. Je lui jetai un regard à la dérobée. Son visage avait pâli d'une teinte, comme le soir où les délégations étaient arrivées. Alors, ça me frappa et je fis le lien avec ce que Rita venait de dire. Mon sang se figea dans mes veines.
-Par Merlin ... C'est ta mère qui a envoyé Karkaroff derrière les barreaux ?
-Tais-toi !
Ses doigts se crispèrent sur mon bras, me coupant presque la circulation. Nous nous installâmes l'une en face de l'autre sur la table des Poufsouffle, mais même une fois qu'il eût avalé la moitié de son assiette, la couleur n'avait toujours pas afflué au visage de Simon. Je fronçai les sourcils et jetai un regard à Susan qui déjeunait avec ses amis. Elle riait à une blague de Sullivan Fawley, le petit frère d'Emily de cinquième année.
-Simon ... C'est ta mère qui a fait enfermé Karkaroff ?
Il me jeta un regard qui signifiait qu'il n'avait absolument pas envie de parler de ça, mais personnellement j'avais envie d'insister. Il finit par céder avec un soupir :
-Ouais. Enfin, c'était son patron qui dirigeait le procès ... Tu vois qui c'est, Croupton, le directeur de la Coopération Magique internationale ?
-Le juge du Tournoi ? Oui, je vois ...
-Il était directeur de la Justice Magique, à l'époque où ... tu sais, à l'époque où Tu-Sais-Qui était au sommet de sa puissance. Ma mère est une grande sorcière, elle a été préfète-en-cheffe, meilleure de sa promotion à la sortie de l'école ... Quand Caroline est née, elle était spécialiste du droit Sorcier, notamment dans les grands affaires criminelles. Croupton la consultait régulièrement pour mener les procès et ça s'est accéléré à la chute de Tu-Sais-Qui. On a commencé à attraper tout les Mangemorts et les procès se sont multipliés ... Là, son importance a augmenté. Elle était une sorte de ... Ah comment on appelle ça chez toi ?
-Une juge ? proposai-je.
-Non non, le juge c'était plus Croupton dans les procès. Non, la personne qui représente la police ...
-Le procureur.
-Ah voilà ! Bah dans les grands procès de Mangemort, c'était elle la procureure. C'est elle qui montait le dossier à charge, elle qui proposait les peines et qui accusait, avec les preuves, qui plaidait ... Et notamment au procès de Karkaroff – mais il y en a eu d'autre. Elle a envoyé pas mal de Mangemort derrière les barreaux.
Je le fixai, abasourdie. Je tentai d'imaginer Rose Bones devant les jurys, toisant les Mangemorts les plus dangereux, plaidant pour leur enfermement ... C'était difficilement imaginable. Pour moi elle restait la femme qui m'avait fait découvrir les sucreries sorcières et qui avait toujours pris ma défense contre Simon. Je savais que la famille Bones était une famille reconnue dans la communauté sorcière – produisant notamment des hommes de lois. Mais je n'avais pas songé à l'application réelle de ce fait.
-J'ai toujours pensé que c'était ton père, le cador de la famille, songeai-je à voix haute. Je veux dire tout le monde parle de ta famille, de ton père, des Bones ...
-Oui, c'est assez paradoxal, chez moi, expliqua Simon avec un sourire tordu. Ce sont les hommes qui transmettent le nom et donc la renommée ... mais j'ai tendance à penser que chez nous, ce sont les femmes qui sont exceptionnelles. Ma tante Amélia est une sorcière incroyable et ça fait des années qu'elle est à la tête de la Justice Magique. Ma mère est sa directrice-adjointe. Quand tu regardes mon arbre généalogique, tu ne reconnais que les noms des femmes car ce sont elles qui ont marqué l'Histoire. Pas les hommes – sauf ... sauf peut-être mon oncle Edgar. Mais bon. Ce sont les hommes qui transmettent le nom que les femmes ont rendu célèbre.
Je contemplai toujours Simon, sans voix. Cela jetait un éclairage nouveau sur la famille que je côtoyais depuis l'enfance. Un sourire s'étira sur mes lèvres.
-Donc Susan et Caroline seront meilleures sorcières que toi, c'est ça que tu veux m'expliquer ?
Cela semblait étrange, dit comme cela. Simon était l'un des meilleurs élèves de l'école, surtout baguette à la main. Caroline avait été une travailleuse acharnée, ambitieuse et intelligente, mais elle n'avait pas le niveau de Simon. Tout comme Susan. De mon avis si Rose Bones était la grande sorcière du couple, c'était à son fils qu'elle avait transmis ses capacités. Simon eut un vague sourire gêné.
-Pas Caroline, toujours. Elle n'a pas les épaules ni le talent. Mais Susie ... Susie a des valeurs. Et Susie est une lionne, comme maman. Ce sera elle la grande sorcière.
-Ou la fille que tu épouseras. Oh Seigneur, n'épouse pas Octavia, ça amoindrirait la lignée.
Je pensais que Simon me fusillerait du regard, ou esquisserait un sourire. Mais il se contenta de contempler son assiette en se frottant la tête. Maintenant que je le voyais si penaud, je ne me souvenais pas de l'avoir vu avec Octavia dernièrement. Leur dispute à Pré-au-lard me revint à l'esprit. Je me fis alors l'impression d'être une cruche.
-Oh ... Tu n'es plus avec ?
-On peut parler d'autre chose ?
-Simon ... Je suis désolée.
J'étais sincère. Je ne détestais pas Simon au point de me réjouir de son malheur. Il releva la tête pour me sourire, à la fois confus et moqueur.
-Des remercîments et des excuses dans la même journée ? Qu'est-ce qu'il t'arrive ?
-Je ne suis pas sans cœur, Simon. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Il haussa les épaules et porta son regard derrière moi. Je me retournai. Deux tables plus loin, chez les Serdaigles, Octavia déjeunait avec Gillian, un sourire digne aux lèvres. Elle n'avait pas la mine satisfaite qu'elle abordait d'habitude.
-C'est moi qui l'ai quittée, explicita alors Simon, confirmant mon intuition. Après la première tâche. Ça faisait quelques jours que j'avais du mal avec elle ... J'avais l'impression de n'être ... qu'un nom, tu sais ? Qu'une chose de plus qu'elle avait.
-Oh, tu l'as quittée ? me réjouis-je avec un grand sourire. Parfait, ça dégonflera un peu sa tête ! Tu l'as dit à Emily ? Elle a dit quoi ?
-Oh, elle a réagi à peu près comme toi ... Comme une peste.
J'eus un sourire coupable qui fit soupirer Simon. Emily passa la porte de la Grande Salle quelques minutes plus tard avec Mathilda et un garçon qui, si j'en jugeais par son uniforme de soie bleue, était à Beauxbâtons. Il salua les filles d'un charmant sourire et s'éloigna en direction de la table des Serdaigles alors qu'elles venaient s'installer à côté de nous. Emily avait les joues d'une vive couleur rose et Mathilda exultait :
-Emily a un tiqué avec un gars de Beauxbâtons !
-Mat', arrête, gémit Emily, gênée.
Elle se laissa tomber à côté de Simon et ramena ses cheveux sur son visage pour cacher sa rougeur. Son voisin éclata de rire :
-Et tu penses t'en sortir comme ça ? Il s'est passé quoi ?
-Il est venu nous parler après le cours de sortilège, expliqua calmement Mathilda alors qu'Emily soupirait. Il a entendu Emily râler sur Fleur Delacour ... Apparemment, lui non plus ne l'aime pas beaucoup.
-On se demande pourquoi, grogna Emily en tournant sa fourchette dans son assiette.
-Il s'appelle Esteban, il est espagnol ... C'est la première fois je parle si longtemps à un étranger, c'est hyper intéressant ! Vous avez déjà parlé à des gens, vous ? Je veux dire, Cédric, à part les autres champions ...
Je haussai les épaules. Je n'avais que peu parlé de ma conversation avec Sisko, pour ne pas alarmer mes amis, et mes discussions avec la polonaise Kamila Tokarsky s'étaient faites moins nombreuses.
-Vaguement à une fille de Durmstrang, répondis-je donc en restant vague. Mais une espagnol, c'est ... exotique.
Et ce n'était pas français, ce qui était une excellente nouvelle. Je ne pouvais pas laisser une cuisse de grenouille poser son regard de crapaud sur ma meilleure amie. Les yeux de Mathilda étincelèrent.
-Tellement ! Et il n'arrêtait pas de couvrir Emily des yeux ...
Emily grogna une nouvelle fois. Je me retournai pour découvrir ledit Esteban. Il avait bien des traits méditerranéens, avec des cheveux et des yeux bruns et le teint halé. Et il était effectivement assis à l'opposé de la championne de Beauxbâtons.
-Mignon, commentai-je vaguement en retournant à mon assiette.
Je regrettais mon commentaire au moment où il s'échappa de ma bouche. Je levai lentement les yeux sur ma meilleure amie, qui avait abandonné son air gêné pour me sourire d'un air coquin.
-Arrête, la prévins-je immédiatement en pointant sur elle une pomme-de-terre menaçante. Je lis tes intentions sur son visage, arrête tout de suite !
-Ah bah si tu veux qu'on parle d'Esteban, il va falloir parler un peu de Miles ...
-Oh par Merlin ..., fit Simon en nous jetant des regards consternés. Bon, ça va être le moment pour moi de m'éclipser ...
-Non ! refusa Emily en le retenant par la cravate. Tu restes là, on a besoin d'un avis masculin.
-Demandez à Cédric !
-Cédric est parti avec Cho Chang à la bibliothèque ! D'ailleurs, ça aussi il faut qu'on en reparle, balance tout, Simon !
Simon me jeta un regard désespéré, auquel je répondis par un sourire mutin. La déception que le lut dans ses yeux face à ce manque de défense me fit comprendre que la vengeance qu'il ourdissait depuis le début d'année serait d'autant plus terrible.
***
-Vous pensez que je devrais couver les œufs du dragon qu'il y avait à la première tâche ?
Emily s'esclaffa face à la proposition de Cédric. Nous revenions de la Botanique et Simon s'était échappé en courant dès que le nom « Esteban » avait été prononcé.
-Oh, tu ferais une mère-dragonne épouvantable, fis-je avec un sourire. Tu n'es même pas capable de tenir un poisson rouge en vie.
-Maintiens-toi en vie toi même, on verra après pour les bébés dragons, répliqua Emily avec un sourire. Mais sans rire, tu as une idée, pour ce truc ?
Elle pointa l'œuf que Cédric baladait carrément dans son sac. Je le soupçonnais même de dormir avec. Le champion secoua la tête. Le soir de la première tâche, nous nous étions isolés dans une salle pour ouvrir l'œuf et découvrir l'énigme. Le cri inhumain qui en avait émergé nous avait fait courbé, les mains sur les oreilles. Depuis, nous n'avancions pas d'un iota, sauf lorsque nous proposions des épreuves farfelues.
-De toute façon j'ai le temps, fit valoir Cédric avec un regard pour son œuf. Jusqu'au 24 février ...
-Oui, on a le temps ... Mais la première épreuve est arrivée si vite ... Comment tu t'es joué du dragon, olala, j'en tremble encore.
Emily fit exagérément tressauter sa main pour le prouver et Cédric lui ébouriffa affectueusement les cheveux.
-Oh, je suis sûr que ce sera moins spectaculaire. Vu la nature de l'énigme, ce sera une épreuve plus intellectuelle.
-Et magique, rappelai-je. Chaque tâche est une prouesse magique alors aiguise ta baguette. Bon, reparlons d'Esteban ...
-Exactement, reparlons d'Esteban, approuva Cédric avec un sourire pour Emily. Tu lui as reparlé depuis hier ?
Emily nous jeta un regard mauvais. Elle était le genre de fille qui préférait vivre des histoires d'amour par procuration plutôt qu'en réel. Chaque fois qu'un garçon s'intéressait à elle, ou qu'elle s'intéressait à un garçon, elle devenait distante et grognon – enfin, plus que d'habitude. Elle coinça une mèche derrière son oreille.
-Oui, on s'est parlé ce matin au petit-déjeuner. Il est gentil, son accent est trop mignon mais ... ça s'arrête là.
-Pour l'instant, glissa malicieusement Cédric.
-Toi, tais-toi ! Qu'est-ce qu'il se passe avec Cho Chang en ce moment ?
J'avais rarement vu Cédric rougir si fort. Pas même lors qu'il avait renversé sa purée sur lui en deuxième année, ou quand il avait trébuché sur le professeur McGonagall en quatrième année. La seule chose qui s'en rapprochait, c'était lorsqu'on l'avait l'an dernier forcé à avouer qu'il n'avait jamais embrassé de fille. Il passa une main troublée dans ses cheveux.
-Oh ... Pas grand-chose, on parle un peu. Elle a besoin d'aide en Sortilège.
-Elle est douée cette fille, ricana Emily. Le coup des cours particuliers ...
-Mais non, je suis sûr qu'il n'y a rien, insista Cédric, l'air atterré malgré lui. Chaque fois qu'elle vient me voir, elle me parle de Sortilège ...
-Donc elle te plait vraiment ?
Cédric fit la moue face à ma question et passa une nouvelle main dans ses cheveux. Il jeta un regard à la ronde, et quand il fut certain que personne ne pouvait l'entendre, il lâcha d'une voix à peine audible :
-Oui. Un peu.
Emily et moi échangeâmes un regard ravi. Mais le désarroi de Cédric était palpable et je passai un bras sous le sien.
-Alors parle lui Quidditch, proposai-je avec douceur, remarquant que la situation touchait vraiment Cédric. Ça devrait créer un lien plus personnel, non ? Vous êtes tout les deux attrapeurs, vous en avez des trucs à vous dire ...
-Déjà essayer ... Elle s'est contenté de me sourire, et de replonger dans son devoir.
-Elle est fan des Tornades de Tutshill, me souvins-je pour avoir vu l'un de leurs badges accroché sur sa cape.
Cédric grimaça. Il soutenait les Chauves-souris de Ballycastle. Il promit néanmoins de tenter l'approche et Emily lui servit un sourire fier, à la manière d'une mère poule qui voyait son enfant grandir. La mention de « mère » me fit sortir la lettre d'Alexandre qui était arrivée ce matin et mon sourire s'agrandit. Il avait trouvé un travail dans un garage dans une ville à côté et était en essaie. Ce n'était qu'un contrat à durée limitée, mais cela lui ferait une première expérience – et une ligne de plus sur son CV. Apparemment, cela avait achevé d'apaiser les tensions familiales, car maintenant Alexandre ne passait plus son temps avec ses amis à battre la campagne, mais à travailler et revenait trop épuisé pour se disputer avec mes parents. Oui, c'était bien ce que j'avais espéré. Définitivement, j'allais peut-être passé un noël tranquille – le premier depuis mon enfance. J'avais ralenti de quelques pas dans ma lecture, laissant filer Emily et Cédric. Ce fut une autre voix masculine qui me tira de ma rêverie :
-Alors Bennett, tu ne nous remercies pas pour la semaine dernière ?
-On t'a quand même éviter de mourir écrasée et étouffée, tel le gnome que tu es, ça mérite récompense, non ?
-C'est vrai que c'est un gnome, on devrait songer à l'inviter aux prochaines fêtes de noël pour l'accrocher au sommet du sapin.
J'adressai un sourire désabusé aux jumeaux Weasley, qui remontaient vers le château comme moi, les cheveux ébouriffés d'avoir batailler avec une tarentula vénéneuse durant le cours. Lee Jordan les accompagnaient – comme toujours – et leur jeta un regard surpris.
-Considérez que c'est le paiement d'une partie de votre dette, lançai-je avec nonchalance. Pour vous avoir sauvé de Rusard.
-Une partie seulement ? s'insurgea l'un des deux.
Seigneur, ne pouvaient-ils pas se différencier, qu'on sache à qui s'adresser ?
-Vous ne m'auriez pas séquestré avant, elle aurait été payée, répliquai-je avec amusement. Et j'aimerais éviter de me retrouver en haut d'un sapin, merci.
-Vendu, Bennett, céda l'autre avec un éclat de rire. On trouvera un nouveau moyen. Allez viens, Fred, on a du courrier à poster.
-Ce n'est pas trop lourd d'être meilleur ami avec des jumeaux ? m'enquis-je à l'adresse de Lee, alors que Fred et George s'éloignaient. Ils sont si fusionnels, tu ne te sens pas ... exclu ?
Lee eut un sourire tranquille. C'était pour cela qu'il était quelqu'un d'appréciable : c'était un garçon toujours serein et drôle, une force tranquille – sauf quand il s'agissait Quidditch. Après le match entre Gryffondor et Poufsouffle l'an dernier, il n'avait pas adressé la parole à notre Maison durant un long moment.
-Il suffit juste de trouver le bon équilibre, tu sais. Et puis, une partie d'eux en a marre d'être toujours l'un avec l'autre, tu imagines d'avoir quelqu'un collé à tes basques depuis toute ta vie ? Je leur permets de casser ce côté. Tu les as vraiment sauvé de Rusard ?
J'eus un léger sourire que je m'efforçai de réprimer, mais Lee le remarqua et s'esclaffa.
-Whao, t'es une reine, Bennett. Profite bien de ton vœu ... Je te laisse, je dois les rattraper avant que l'un d'entre eux ne fasse une bêtise.
Il s'élança à la poursuite des jumeaux et sauta sur le dos de l'un d'entre eux, et les garçons roulèrent à terre sous le choc. Un sourire effleura mes lèvres et je laissai mon regard promener sur le parc. Je sentis le coin de mes lèvres s'affaisser quand je remarquai un groupe de Serpentard – Selwyn, Flint – et quand je reconnus Miles au milieu d'eux. Je restai un instant là, tripotant la lettre d'Alexandre, à regarder mon ami adresser un sourire à Gloria Flint. Cela me fit un drôle d'effet. De la jalousie ? Je ne croyais pas, je n'avais pas envie de gifler Flint plus que d'habitude. En revanche, j'avais envie de secouer Miles comme un prunier. Donc je pensais que cela tenait plus de la déception. Qu'on le voulait ou non, nos fréquentations détonnaient sur nous. Et si le pire de Selwyn et Flint atteignait Miles ? Celui-ci dut sentir mon regard sur lui, car il leva les yeux et croisa les miens. Nous nous fixâmes une seconde, avant que je ne décroche pour reprendre ma ronde.
Remember, remember.
C'était important de se souvenir. Cela devait être pour cela que j'aimais tant l'Histoire. J'aimais apprendre du passé. Des gens comme Selwyn ou Flint n'avaient apporté que désolation, Miles était donc incapable de le voir ?
-Victoria !
Ah. En revanche, il était capable de me voir moi, car quand je me retournai, il courrait vers moi, laissant les autres Serpentards pantois. J'aurais voulu être contente de le voir les quitter, mais j'avouai avoir de la peine à lui sourire quand il arriva à ma hauteur.
-Ça va ? me demanda-t-il alors que je reprenais silencieusement mon chemin. Tu fais une drôle de tête. Oh Victoria ! (Il me prit le bras pour me forcer à m'arrêter à le regarder en face). C'est parce que j'étais avec Selwyn, c'est ça ?
Je me trémoussai, mal à l'aise, mais hochai tout de même la tête. Je n'avais pas à lui dicter ses relations, mais celles-ci me gênaient particulièrement. Miles soupira profondément et m'incita à avancer en passant une main dans mon dos.
-On parlait juste de cours, Vic'. Je m'enfuis dès qu'ils commencent à parler de moldus ou quoi ...
-Au lieu de t'enfuir, tu ne pourrais pas protester ? répliquai-je vertement. Par Merlin, Miles, ne me dis pas que les laisse insulter les gens comme moi ?
-Non ! assura Miles, l'air réellement désemparé. Non, non ... Je les laisserais jamais t'insulter mais ... Vic', je n'aime pas les conflits.
-Moi non plus, mais quand l'un de mes amis est insulté, je le défends. Parfois, il faut savoir faire ce qui est juste. Bon sang, Miles, tu sais ce que Selwyn est capable de faire, ce qu'il m'a fait ...
Miles me considéra longuement, le regard songeur, la mine crispée. Puis il soupira profondément :
-D'accord. Je sais, je comprends ton point de vue. Mais s'il te plait, Vic', comprends le mien. Ça fait cinq ans que je suis seul dans ma chambre, que je m'échine à avoir un avenir, je travail dur pour ça, parce que je sais que ce n'est pas grâce à mes parents que je pourrais l'avoir ...
-Alors c'est ça le problème ? Selwyn a des entrées dans le monde professionnel et tu voudrais en profiter ?
-Oui, Vic', tout le monde n'a pas la chance d'avoir grandi avec les Bones.
Je le fixai, abasourdie. Miles avait enfoncé ses mains dans ses poches et lorgnait hostilement le sol.
-Ma mère est peut-être une sorcière de souche, mais elle n'a jamais su faire autre chose que de servir le café au Ministère, poursuivit-t-il avec amertume. Mon père est un sang-mêlé qui n'a jamais eu l'ambition d'aller plus loin que son poste de secrétaire ... Mais moi, je l'ai l'ambition. Je veux aller plus loin, plus haut, j'ai les capacités pour ...
-Alors si tu as les capacités pour, pourquoi tu aurais besoin de l'aide de Selwyn ? protestai-je avec douceur. Tu vas pouvoir t'élever seul, sans l'aide de personne ...
-J'ai besoin de quelqu'un pour me mettre le pied à l'étrier. Le nom de Bletchley n'est pas très bien vu au Ministère ... personne ne confirait le moindre dossier au fils du gars qui provoque catastrophe sur catastrophe.
Son ton débordait d'amertume et je réussis à percevoir alors les choses de son point de vue. Pas qu'elles me plaisaient ... mais c'était quelque chose que j'avais compris depuis longtemps : le monde dans lequel Miles vivait ne lui suffisait pas. Je savais qu'il avait un certain mépris pour ses parents, mais je n'avais pas songé qu'il puisse se servir de Selwyn pour se sortir de là.
-Je comprends ton point de vue, mais ... Je continue de penser que tu mériteras mieux en y réussissant seul. T'aider de la famille Selwyn ... Miles, ce n'est pas ça qui t'aidera, en fait. Cette famille est une plaie – surtout les enfants. Si tu deviens leur protégé, tu crois que ta réputation va s'améliorer ?
-Tu as peut-être raison, admit-t-il en haussant les épaules. Peut-être que je m'appuie sur le mauvais levier. En attendant, peu importe ce que tu dis, j'aurais besoin d'un levier.
Je lui jetai un regard dubitatif. Cette conversation me gênait par deux points : premièrement parce qu'elle concernait Selwyn, et ensuite parce qu'elle concernait l'avenir. J'étais une fille qui chérissait le passé, j'avais peur de me projeter vers l'avenir. Mon avenir était sombre, alors en parler, cela m'embarrassait.
-Allez, laisse-tomber, finis-je par grommeler en reprenant ma route. Je comptais aller à la bibliothèque finir le devoir de Métamorphose, tu veux m'aider ?
Un sourire soulagé fendit le visage de Miles et ses épaules semblèrent se détendre. Il passa une main derrière mon dos pour m'attirer à lui, si vite que je ne pus me dégager avant qu'il ne m'embrasse sur les lèvres. Mon cerveau se bloqua quelques secondes avant que je ne réalise, et quand je le fis, mon bras partit tout seul. Ma main claqua sa joue avec un bruit cinglant et il recula en éclatant de rire. Je le fixai, incapable de mettre des mots sur les émotions qui me traversaient, et ma main se porta naturellement à mes lèvres. Miles me renvoyait mon regard, un éclat d'amusement et de défi dans les yeux.
-Alors, Vic', c'était si terrible que ça ?
Oui. Non. Je n'en n'avais aucune idée. En revanche, ce que je savais, c'était que je détestai ne pas avoir de contrôle sur ce qui venait de se passer et ce fut cela qui prima car je finis par lâcher :
-Ne refais plus jamais ça. Jamais.
-Ah, fit Miles avec un sourire légèrement plus tordu. C'était terrible à ce point ?
-Ce qui était terrible, c'est que tu me l'imposes, répliquai-je, mon assurance revenant à mesure des mots. Un baiser ça doit se partager, pas s'imposer ...
Enfin, c'était ce que je croyais. La vérité c'était que c'était la première fois qu'un garçon m'embrassait. Je voulais dire pour de vrai, pas Grayson Cooper quand j'avais six ans. Mais j'aurais voulu décider de l'instant où j'embrasserais quelqu'un pour la première fois. Pas le subir. Pas ainsi. Je grognai sourdement, et détournai le visage.
-Je te l'ai dit, Miles. Je t'aime beaucoup mais pas comme ça ... pourquoi tu ne veux pas le comprendre ?
-Moi aussi je te l'ai dit, se défendit Miles, qui avait perdu son sourire. Je ne désespère pas que cela change.
-Mais tu fais comme si je n'avais pas le choix ! Bon sang, Miles, c'est comme si mon avis ne comptait pas ! Si tu tiens à moi autant que tu le dis, alors pourquoi tu ne fais comme si ce que je pensais ne comptait pas ?
Miles soutint un instant mon regard, avant de baisser les yeux. J'espérais que mes mots cheminaient dans son esprit, car pour moi, cela comptait. Enormément.
-Oui, je comprends ..., dit-il enfin au bout de quelques secondes, pour mon plus grand soulagement. Et bien sûr que tu as le choix, je ... simplement ... Bon sang, Vic', tu ne vas pas faire comme si tu n'avais rien ressenti ?
Il avait cloué son regard dans le mien et un instant, je me sentis vaciller. Me perdre dans ses yeux bruns, inhaler son odeur et franchir la distance qui me séparait de ses lèvres. Malgré ce que je voulais bien dire, ce que je pouvais admettre que le baiser n'avait pas été désagréable. Au point d'avoir réellement ressentiquelque chose ? J'avais un doute. Alors je me contentai de soupirer et de faire volte-face. Miles me suivit en silence et au bout de quelques mètres, me murmura un « désolé ». Et comme chaque fois, cela suffit. Nous allâmes donc finir notre devoir de métamorphose, jusqu'à la prochaine fois qu'il insisterait.
***
-Mais Vic', tu ne peux pas rentrer chez toi !
-Em', pour la première fois de ma vie, Alexandre et mes parents sont en paix, pourquoi je n'en profiterais pas ?
Emily souffla bruyamment, faisait voler les mèches blondes qui tombaient sur son visage. Nous remontions le couloir en direction des cuisines : nous avions travaillé si fort sur le devoir de métamorphose que nous en avions loupé le dîner. Emily tentait de me convaincre de rester pour noël, mais je m'y refusais. Les vacances étaient les seuls moments où j'avais un contact avec mes parents et c'était pour ça qu'elles m'étaient précieuses. J'aimais ma famille et j'aimais la ville dans laquelle j'avais grandi. Alors Poudlard était extraordinaire et c'était une vraie chance de pouvoir faire ses études dans un endroit si grandiose ... Mais mon chez-moi me manquait. Peut-être que si j'avais des nouvelles de mes parents de temps à autres, le manque serait moins dur ... Mais en attendant, je préférais rentrer chez moi, et observer le coucher de soleil depuis les hauteurs du village.
-Je comprends que tu veuilles rentrer chez toi, mais il se passera plein de trucs pendant les vacances, ce serait dommage que tu ne restes pas, insista Emily. Ma grand-mère m'a raconté qu'avant il y avait un bal le soir de noël, pendant le Tournoi... Imagine qu'il le refasse !
-Merci, je cherchais une nouvelle raison de rentrer chez moi.
Emily me planta un coude dans les côtes, avec toutefois un sourire sur les lèvres. Un bal, il ne manquait plus que ça ... Et donner à Miles une chance de me faire sa dix-neuvième demande ? La sensation de ses lèvres contre les miennes m'effleura et je fermais les yeux pour la repousser. Mais fermer les yeux n'aida en rien alors je lançai à Emily :
-Mon frère a trouvé un travail, dans la grande ville d'à côté.
-C'est bien, se réjouit distraitement la préfète. Et euh ... c'est quoi une grande ville dans ton coin perdu ?
Ce fut à mon tour de lui jeter un regard acide. Emily avait grandi à Londres, et la seule fois qu'elle était venue chez Simon, elle ne s'était pas privée de critiquer Terre-en-Lande et ses deux milles habitants dont les seuls sorciers étaient moi et la famille Bones. Nous arrivâmes devant la cuisine et je constatai que la porte était déjà entrouverte.
-Je te préviens, si c'est Fred et George Weasley, on fait demi-tour, marmonna Emily en poussant le battant, provoquant l'indignation de la poire qui voulait être chatouillée.
-Oh ne t'en fais pas pour eux, je les ai dans la poche ... Aïe !
Une fille revenait de la pièce et venait de me percuter de plein fouet. Je me rattrapai à la porte, irritant une nouvelle fois la coupe de fruit peinte et la fille me retint par le bras.
-Je suis vraiment désolée ! s'excusa-t-elle immédiatement en m'aidant à me redresser.
C'était l'amie de Harry Potter, la fille aux cheveux frisés. Ses yeux bruns me dévisagèrent avec une inquiétude sincère, mais elle me semblait bien trop nerveuse : elle bondissait presque sur place, et son regard se portait partout sur la cuisine avec émerveillement.
-Rien de mal, la rassurai-je. ça va ...
-Tu aurais pu faire attention, qu'est-ce qui te prend de courir comme ça ? lui reprocha néanmoins Emily.
La Gryffondor se trémoussa d'un pied à l'autre, visiblement gênée. Avant qu'elle ne puisse répondre, une elfe vint jusque nous tout sourire, ses grandes oreilles balayant l'air sous l'effet de l'agitation. Elle portait l'uniforme mauve des elfes de maison de Poudlard et ses grands yeux étaient tant empli de servitude et de bonté que mon coeur se serra. Je ravalai les commentaires indigents qui me venaient à la bouche.
-Que pouvons nous faire pour les misses ? nous demanda-t-elle aimablement, ces grands yeux nous dévisageant à tour de ronde.
-Elles n'ont rien à te demander, répliqua alors sèchement la fille avant qu'on ne puisse ouvrir la bouche. Tu n'es pas leur esclave, tu n'as pas à ...
Son intervention me surprit agréablement, mais je croisai les bras pour observer la réaction d'Emily avec un léger sourire. Mon amie avait baigné dans les valeurs sorcières et surtout, son estomac grondait depuis une heure : la patience n'allait pas être de mise. Et effectivement, elle contempla la fille de haut en bas avec une incrédulité qui frisait le mépris.
-Pardon ? Mais bien sûr qu'on a quelque chose à demander ! J'ai une faim de loup, par Merlin, je ne suis pas venue ici pour rien !
Je me tournai vers la fille. Les yeux de la fille étincelèrent. Je connaissais cette étincelle dans son regard, celle que je croisais chaque fois que je regardais mon frère dans les yeux. Le feu de la révolte.
-Mais comment tu peux supporter ça ? Ils portent des vêtements sales, ils travaillent jours et nuit pour maintenir le château chaleureux ... tout ça pour notre bon plaisir, pour nous et sans compensations ! Je suis la seule dans cette école à trouver ça scandaleux ?
-Tu es née-moldue ? lui demandai-je alors.
Je savais qu'elle l'était : elle faisait partie des élèves qui avaient été victime de la Chambre des Secrets il y a deux ans. Elle me jeta un regard soupçonneux, avant de hocher la tête. Emily grogna.
-Alors tout s'explique, il n'y a que vous pour ne pas comprendre (elle me lorgna d'un air sous-entendu. Moi aussi j'avais été scandalisée le jour où j'avais appris cette forme d'esclavage). Bon, ma grande, écoute-moi bien. C'est dans la nature des elfes de servir, tu comprends ? Et honnêtement, ils ne demandent que ça ... Si encore c'était nous qui leur imposions ce mode de vie, mais même pas, c'est eux qui le veulent ! C'est leur vie ! Regarde, démonstration (elle se pencha vers l'elfe, qui nous regardait l'air perplexe). Est-ce que mon amie et moi pourrions avoir des sandwichs ? Nous n'avons rien mangé du soir ...
-S'il vous plait, rajoutai-je par souci d'y mettre les formes. Ce serait adorable.
-Toute suite, misses !
Et l'elfe repartit à une vitesse folle vers l'intérieur des cuisines, donnant des ordres autour d'elle. Emily désigna l'endroit où elle s'était engouffrée, les sourcils haussés.
-Voilà. Alors tu auras beau faire ce que tu veux, leur promettre des vêtements propres ou des compensations, ils les rejetteront. La plupart des elfes sont terrifiés à l'idée de recevoir un vêtement ...
-Ce n'est pas parce que c'est la norme et que tout le monde l'accepte que c'est justement quelque chose d'acceptable, répliqua âprement la fille.
Décidemment, elle me plaisait de plus en plus. J'eus un sourire approbateur. Emily le remarqua et soupira profondément :
-Vic', ne t'y mets pas.
-Je n'y comptais pas, la rassurai-je avant de me tourner vers la fille : comment tu t'appelles, déjà ?
-Hermione, répondit-t-elle en se redressant. Hermione Granger.
-Si j'ai un conseil à te donner, Hermione, c'est d'avoir de la patience. On ne détruit pas des siècles d'esclavagisme en un claquement de doigt : c'est long, et cela demande un changement radical de mentalité, de la part de ceux qui oppriment mais surtout des opprimés, qui sera long à mettre en place. Alors ... ne les braque pas, d'accord ?
-Si personne ne fait rien, rien ne changera, rétorqua-t-elle alors avec véhémence. Alors tant pis si ça doit heurter votre beau petit monde parfait et tant pis si les sorciers doivent apprendre à faire le ménage et à manger seul, mais moije compte faire quelque chose !
Elle nous jeta un dernier regard furieux, avant de s'engouffrer par la porte et de disparaître en courant dans le couloir. Emily et moi échangeâmes un regard. Mon amie était consternée.
-Elle va se casser les dents, commentai-je tristement. Les elfes n'aiment pas quand on parle de ... (je baissai la voix pour ne pas être entendue de ceux qui étaient à proximité) de liberté. Ils vont se braquer et elle n'obtiendra rien.
-Personne n'obtiendrait jamais rien, maugréa Emily. Les elfes aiment trop servir, il n'y a que comme ça qu'ils sont heureux ... franchement, je pense que si on se bat contre ça, il y aura plus d'effets néfastes que positifs, que ce soit pour eux ou pour nous.
Je ne répondis rien, me tordant la bouche pour retenir mes mots. Bien sûr, je n'étais pas d'accord, mais il était difficile de discuter de cela avec des sorciers de pure-souche qui avait vécu toute leur vie avec cette idée. Hermione et moi venions un monde où l'esclavage n'était réel que dans les livres d'Histoire, avec évidemment leur lot de commentaire négatif quant à cette pratique. L'elfe revint avec un plateau de sandwich et nous proposa même du thé glacé et des cookies pour le dessert, mais je déclinai avec un sourire, sous l'œil contrarié d'Emily. Je remerciai chaleureusement l'elfe et suivis mon amie à l'extérieur de la cuisine. Pour ma part, je pensais que c'était dans un premier temps en étant juste et humain avec les elfes que nous pourrions avancer, afin de leur faire prendre conscience de leur importance. C'était le premier dossier sur lequel il fallait plancher avant de s'attaquer directement à l'esclavage : les maltraitances. Je savais que ce n'était pas une réalité pour les elfes de Poudlard, mais Emily que nombre d'elfes d'anciennes familles de sorciers s'auto-punissaient après une bêtise – et c'était quelque chose qui la choquait. Il y avait là un filon à creuser.
-Complétement hystérique, cette fille, marmonna Emily en mordant derechef dans un sandwich. Heureusement que tu n'as pas continué ton combat avec autant de virulence, j'en aurais eu marre au bout d'un moment ...
-Hey ! Je lutte pacifiquement, contrai-je en haussant les épaules. Il faut être gentille avec les elfes.
-Je suis gentille avec les elfes !
-Alors le « merci » est resté bloqué dans ta gorge ?
Emily me jeta un regard contrarié, mais la façon dont elle haussa les épaules m'indiqua qu'elle me donnait raison sur ce point. Elle finit son sandwich avant de reprendre :
-Bon, arrêtons là avec les elfes et reparlons des vacances ...
-Emily ..., gémis-je en levant les yeux au ciel. Je t'ai déjà dit, je veux rentrer chez moi ...
-Mais s'il y a un bal, Vic' ! Bon sang, tu ne veux pas louper ça ? Cédric est un champion, il sera obligé de danser ! Avec une fille !
-Il pourrait aussi danser avec un garçon, songeai-je avec un sourire malicieux.
-Dans un cas comme dans l'autre, tu ne veux pas louper ça, répéta Emily, un éclat enthousiaste dans le regard.
Je secouai la tête en riant, et elle me prit vivement le bras.
-Faisons ça : s'il n'y a pas de bal, il n'y aura rien d'intéressant, et tu pourras rentrer chez toi. Mais si bal il y a, tu restes avec nous ! Qu'est-ce que tu en dis ?
Je balançais ma tête, hésitante. Je n'étais pas une très bonne danseuse et l'idée d'un bal m'était complétement ridicule. Et ma famille me manquait vraiment. Mais l'image d'un Cédric valsant les joues cramoisies avec une fille – ou un garçon, du reste – était terriblement alléchante.
-Je vais y réfléchir.
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