I - Chapitre 7 : Le dragon
A la fin de l'envoi, je touche ... Pardon.
Bonjour à tous ! Chapitre 7 d'O&P, avec quelques explications ! J'espère qu'il vous plaira et bonne lecture !
EDIT : j'ai oublié de préciser qu'à compter de ce jour, je posterais toutes les deux semaines. Je suis navrée, mais je commence à poster plus vite que je n'écris ... Et si je crame toute mon avance ... Pour vous donner une idée quand je postais Lucy sur Booknode, je postais environ une fois par moi ahah (les chapitres étaient long et j'avais souvent des pannes d'inspiration) donc bon évitons d'en arriver là. Voilà Voilà et à samedi pour Lucy !
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Vous gagnez en force, courage et confiance à chaque fois que vous prenez le temps de regarder la peur dans les yeux. Faites ce que vous pensez ne pas pouvoir faire.
- Eleanor Roosvelt
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Chapitre 7 : le dragon.
-Tu penses que le sortilège de têtenbulle pourrait être utile ?
-Quoi, tu crois qu'ils vont te demander de plonger dans le Lac Noir ?
-Sortilège d'apparition, tu maîtrises, ça va ?
J'observai Cédric, Emily et Simon, consternée. Ils étaient penchés les uns sur les autres à la table du petit-déjeuner, et même certains de nos camarades de sixième et septième année y allaient de leur commentaire.
-Tu devrais revoir les sortilèges de bases, ça peut toujours être utile, conseilla Mathilda, qui consultait même un grimoire un toast à la main.
-Tu as ton patronus, ou toujours pas ? s'enquit Erwin. Imagine ils font revenir les Détraqueurs ...
Erwin s'investissait beaucoup dans les recherches de Cédric. Ne pas avoir pu se présenter l'avait réellement frustré et le fait de s'être fait envoyé sur les roses par la championne de Beauxbâtons avait renforcé son ardeur. Alors il compensait en aidant le champion désigné et était l'un de ceux qui abordait le badge « Vive Cédric Diggory » avec le plus de fierté. Je l'avais même vu citer l'un des passages de l'article de Rita Skeeter d'une voix haut et claire quand Harry Potter était dans les parages – une chose qu'Emily faisait également assez facilement, à mon grand désarroi. Harry se contentait de les ignorer dignement, mais chaque fois j'observais tout de même sa mâchoire se contracter pour contenir sa rage. Le visage de Cédric se crispa.
-Non, je n'ai pas mon patronus ... C'est toujours une vague fumée.
-Tu ne choisis pas un souvenir assez fort, expliqua Susan Bones l'air docte. Si tu veux que ton patronus devienne corporel, il faut un souvenir puissant. Enfin, c'est ce que dit tante Amelia, ajouta-t-elle quand elle croisa le regard de son frère.
-Vue l'amour que Dumbledore a pour les Détraqueurs, je ne suis pas sûr qu'il les utilisera pour le Tournoi, déclama posément Simon. Mais merci Susie.
-Un plaisir, frangin. Victoria, tu peux me passer le lait, s'il te plait ?
Je relevai les yeux de mon devoir de Sortilège pour les poser sur Susan, presque surprise que l'on m'adresse la parole. Je retirai mon livre de la carafe et la tendit à la quatrième année avec un sourire.
-Tu travailles encore au petit-déjeuner ? s'amusa-t-elle en se penchant sur mes devoirs.
-J'ai eu du mal à le boucler, expliquai-je avant de mordre la pointe de ma plume.
-Et tu n'as pas peur que Simon ne renverse une nouvelle fois ton chocolat dessus ?
-Pour ça, faudrait qu'elle me parle, mais ça fait quelques jours que toute communication est impossible, maugréa celui-ci.
Je lui jetai un regard foudroyant qu'il me renvoya volontiers. J'avais toujours en travers de la gorge ce rappel cruel de ce qui s'était passé en première année – remember, remember – et cela était envenimé par l'entêtement de Simon à ne rien comprendre. Susan passa outre l'ambiance électrique pour sourire avec malice.
-Ah ! On dirait presque qu'elle te manque ... Je savais que tu allais finir par l'apprécier.
-Alors là tu rêves Susie, rétorqua Simon en se servant une tasse de café. Simplement je déteste être puni pour rien.
-Pour rien ?
Je m'apprêtais à m'étrangler d'indignation et à envelopper Simon sous une tonne d'injure mais Cédric, ce pacificateur si efficace, leva une main autoritaire pour m'en empêcher.
-On se calme ! Je ne veux pas que ça finisse en un nouveau drame ! Et Victoria, dépêche-toi de finir ton devoir, on a Sortilège dans un quart d'heure.
Le désespoir me submergea et je me pris le visage entre mes mains. Il me manquait encore dix bons centimètres de parchemin et je ne voyais pas comment je pouvais les fournir dans le quart d'heure qui suivait. Emily me jeta un regard compatissant et prit derechef mon livre pour m'aider à terminer ce devoir.
-La tâche est demain, poursuivit Erwin. Ça va Cédric ? Pas trop stressé ?
-Non, ça va.
C'était faux, et cela se voyait. Il tournait laconiquement son café, son regard gris perdu au loin l'air sérieux et préoccupé. Plus on avançait vers la première tâche, plus Cédric se tendait, perdait sa patience légendaire et se renfermait. La pression commençait à montrer, lentement, inexorablement. Le fait de ne pas savoir en quoi consister la première tâche ajoutait à son angoisse : il se perdait dans des révisions dont il ne pouvait pas définir de ligne directrice.
-Tu seras très bien, le rassura Mathilda, qui semblait avoir remarqué son trouble. Tu es un grand sorcier, Cédric.
-Contrairement à Potter, ricana Erwin en lorgnant Harry à la table des Gryffondor. Il va se faire manger tout cru ... « Oui parfois il m'arrive de pleurer la nuit en pensant à mes parents » ...
Je le fis taire d'un regard glacial qui lui fit baisser ses yeux sur son assiette. L'article était trop calamiteux pour qu'on en rappelle le moindre mot.
-Fleur Delacour a l'air fragile et insupportable, mais je me demande ce qu'elle donne en sorcière, songea Emily avec un œil pour la table des Serdaigles. En tout cas, avoir naturellement des pouvoirs Vélanes ...
-De toute manière si la Coupe les a choisi, c'est qu'ils sont les plus aptes, trancha Simon en finissant son café. On devrait y aller, ça va bientôt sonner ...
-Vic', qu'est-ce que ça donne ton devoir ? me demanda Mathilda en se penchant sur moi.
Je levai des yeux accablés sur ma camarade de dortoir.
-Ce n'est pas si mauvais, évalua Emily, qui avait relu l'intégralité de mon devoir. Tu as oublié quelques aspects mais ... Ça ira.
-Ça ira, répétai-je sombrement. Ouais, je suppose que ça ira.
-Tu t'y prendras plus tôt la prochaine fois, laissa échapper Cédric avec un sourire qui se voulait rassurant. Et cette fois, ça ira.
La cloche sonna brusquement au dessus de nous. Lorsque l'on se mit en route, j'avais réussi à ajouter cinq centimètres de parchemin, et Flitwick devrait s'en contenter. « ça irait ». L'année avait commencé de façon violente pour moi : j'avais l'impression d'être en retard par tout, et j'avais beau fournir tout les efforts du monde, je n'arrivais pas à le combler. Si encore Emily et Cédric avaient encore été là pour m'aider ... Mais Cédric avait ses propres problèmes et je lui laissais l'aide de ma meilleure amie. Il était temps que j'apprenne à boucler mes devoirs seule et pour l'instant je devais admettre que c'était un exercice difficile. Je laissais tellement d'énergie dans les matières dans lesquelles j'étais en difficulté que j'en avais à peine pour assurer mes points forts. Je me dirigeai donc la mort dans l'âme vers mon cours de Sortilège, imaginant déjà ma note et les commentaires sur mon parchemin. Je fus sortis de mes sombres pensées par un son fracassant et le juron de Cédric. Je me retournai pour voir tous ses livres et parchemins qui jonchaient le sol, et le sac déchiré de Cédric pendant misérablement sur son épaule. Les bouteilles d'encre s'étaient même brisées en tombant, ruinant toutes ses affaires.
-Olala, soufflai-je en me penchant pour l'aider, vite suivie d'Emily et Erwin. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Cédric ne répondit pas, se contentant de plonger ramasser ses affaires. Je m'étais emparée d'un parchemin taché d'encre, mais il me le prit des mains. Il avait l'air singulièrement exaspéré.
-Laissez, je m'en occupe. Dites à Flitwick que j'arrive, allez-y ...
Je m'apprêtai à protester, mais Erwin me prit par le bras et me força à poursuivre ma route.
-Non seulement on est déjà en retard, mais en plus tu vas rendre un mauvais devoir ... Alors n'en ajoute pas, d'accord ?
-Tu as un véritable don pour remonter le moral des gens, marmonnai-je en passant la porte de la salle de Flitwick.
Je m'installais avec Emily sur notre table, et Mathilda prévint le professeur du retard de Cédric. Le minuscule Flitwick passa ensuite entre les tables pour ramasser les devoirs et je laissai le parchemin filer entre mes doigts avec regret. Cédric arriva quelques minutes plus tard, ses affaires souillées plein les bras, le visage fermé. Je le dévisageai, s'asseyant aux côtés de Simon, et ne pus m'empêcher de lui trouver l'air particulièrement pâle. Simon se penchait déjà chez lui, la mine soucieuse, mais Cédric parut écourter la conversation.
-Il va craquer, laissai-je échapper à Emily. Plus la première tâche approche, moins il va bien ...
Je crus qu'Emily allait le défendre, mais elle hocha la tête en lorgnant sombrement notre ami. Elle entortilla une mèche de cheveux entre ses doigts, ce qui était un signe de nervosité chez elle.
-Hier soir il s'est énervé contre moi parce que j'étais encore en train de me moquer de MacMillan.
-Parce que c'est vrai que tu es un exemple de gentillesse ...
Emily me jeta un regard torve. Sa baguette tapotait laconiquement la table, et des étincelles s'échappaient de sa pointe.
-D'accord, j'ai peut-être abusé, admit-t-elle en un grognement. Mais d'habitude, il ne réagit pas aussi vivement. C'était à prévoir, après ... On ne peut pas d'engager dans un truc pareil sans avoir la pression. Il faut qu'il se détende, comment ...
Ses yeux étincelèrent, et elle se tourna vivement vers moi pour me prendre le bras. J'eus un mouvement de recule.
-Quoi ?
-Le Quidditch ! Tu pourrais aller faire une balade en balai avec lui sur le terrain ! C'est sûr que ça le détendrait, ça !
-Ce n'est pas une mauvaise idée, agréai-je en prenant la bassine que distribuait Gloria Flint.
Elle me servit un sourire carnassier et je décidai de vérifier la bassine sous toutes ses coutures. Nous devions nous entrainer sur le sortilège « Aguamenti » et les bassines nous servaient de récipient. Emily me regarda faire mon examen, les sourcils froncés.
-Alors ? Elle a fait quelque chose ?
-Non, répondis-je avec prudence. Rien depuis qu'elle m'a jeté de l'encre à la figure ...
-Mais quelle peste ...
Elle la lorgnait hostilement alors qu'elle retournait au premier rang avec Warrington. Puis elle me prit à nouveau le bras de façon brusque, me faisant grimacer.
-Aïe !
-Vic' ... Miles est à côté de Selwyn.
Elle pointa les premiers rangs et je remarquai effectivement mon ami aux côtés de cet abominable Ulysse Selwyn. Il lui souriait franchement alors que mon persécuteur s'essayer au sort. Mon cœur dévala ma poitrine. A la fois cela ne me surprenait pas, je savais que Miles appréciait les capacités intellectuelles de Selwyn, sans pour autant partager ses idées. Mais ça ne m'empêchait pas de désapprouver. Et d'être déçue. Emily le fixait, les yeux plissés par la répréhension.
-Ne me dis pas qu'il passe du mauvais côté de la barrière ? Parce que si c'est le cas, qu'on soit clair, je change d'avis à votre sujet : ne sors surtout pas avec.
-Non, Em', il ne devient pas comme Selwyn, lui assurai-je avec une pointe au cœur. Il a juste une façon différente de penser. C'est gênant, je ne dis pas le contraire mais ... C'est Miles.
-« C'est Miles » ne justifie pas qu'on traine avec un gars aussi mauvais qu'Ulysse Selwyn, répliqua Emily avec dureté. Si Selwyn devient son meilleur ami ... Par Merlin, Victoria. Ne reste pas amie avec lui dans ces cas là, ça pourrait t'attirer des problèmes.
Je m'apprêtais à rétorquer que j'aviserais d'un ton énervé, que Miles était quelqu'un de gentil dans le fond ... Mais Flitwick nous apostropha à ce moment précis de sa voix fluette :
-Miss Falwey et miss Bennett ! Il serait peut-être temps de vous mettre à vous entrainer. Surtout vous, miss Bennett ... Vos notes ont baissé, depuis un certain temps ... Il faut vous ressaisir.
-Oui monsieur, répondis-je dans un filet de voix.
C'était vrai, mes notes avaient baissé. Je m'inquiétais trop pour Cédric, et cette histoire de parchemin glissé dans mon sac par Simon m'avait secouée. Et mon travail en pâtissait. Et je voulais bien admettre que cela m'angoissait. Il fallait réellement que je m'y remette.
-Aguamenti, lançai-je en pointant la baguette sur ma bassine.
Mais seul un filet de vapeur sortit de la pointe. Emily me servit un sourire penaud alors que je passais une main agacée dans mes boucles. Bien. J'avais encore du chemin ...
***
L'humeur de Cédric ne s'améliora pas dans la journée : il commençait même à s'isoler, communiquait le stricte minimum et avait passé ses rares heures de libre à la bibliothèque, la tête entre les mains, les lèvres murmurant frénétiquement les formules qu'il lisait pour mieux les retenir.
-Il est resté éveillé la moitié de la nuit dernière, nous rapporta Simon au déjeuner. J'ai essayé de lui demander ce qu'il cherchait, mais rien à faire ...
-Et il est où là ? s'enquit Emily en remplissant nos verres de jus de citrouille.
-Déjà parti à la bibliothèque ...
Emily pinça des lèvres et je fronçai les sourcils d'un air soucieux. Ça ne ressemblait pas à Cédric ne rater un repas ...
-Bien, lâcha Emily en posant son toast. Vic', il va falloir l'emmener faire une course de balai ... Ce soir, ce serait bien.
-Même ça, ça risque d'être compliqué, rétorqua Simon en secouant la tête. J'ai essayé de faire une partie d'échec avec lui – d'habitude, il ne dit jamais non, il adore jouer aux échecs, ça lui vide la tête ...
-Mais peut-être que là, il a besoin de mettre son cerveau sur « pause », d'arrêter de réfléchir, songea Emily. Et peut-être que pour ça, le Quidditch c'est plus efficace.
-Hey ! protestai-je en sortant de ma tasse de chocolat. Il faut réfléchir pour jouer au Quidditch !
-Jouer, peut-être mais faire de longues courses toutes droites il n'y a pas besoin de beaucoup de réflexion, dit Simon, un sourire torve relevant la commissure de ses lèvres.
Je le pensais sur le point d'ajouter quelque chose – de sans doute cinglant – mais il se tut, et se resservit un verre de jus de citrouille.
-Bref, bonne idée le Quidditch, finit-t-il après une gorgé. Il faudra insister pour qu'il accepte mais ... Bonne idée.
-Merci Simon. Bon, les gars je vous laisse ...
-Mais attends-moi ! m'exclamai-je en reposant ma tasse.
Je n'avais pas fini mon déjeuner et je refusai de rester seule avec Simon. C'était bien assez pénible de devoir le supporter en Défense contre les Forces du mal sans pouvoir lui arracher la tête ... Mais Emily parut hésiter, et ses yeux se portèrent sur la porte. Je suivis son regard et vis alors Roger Davies sortir de la Grande Salle. Je lorgnai ma meilleur amie, dépitée. Mais sinon il n'y avait rien ...
-C'est bon, vas-y ...
Emily me gratifia d'un sourire confus, mais reconnaissant.
-Rejoins-moi dès que tu as fini, je serais à la bibliothèque. A toute !
Et elle remonta l'allée entre les tables de Gryffondor et de Poufsouffle, ses longs cheveux blonds volant derrière elle.
-Je ne sais pas ce qu'elle fabrique, fit remarquer Simon d'un ton songeur. Je l'ai vue parler avec un élève de Beauxbâtons la semaine dernière, et pourtant dès que Roger est dans les barrages, elle change de comportement ... Oh, Vicky je t'en prie, arrête de me regarder comme ça !
Je le lorgnai toujours d'un air mauvais, sans décrocher le moindre mot. Les lèvres pincées de Simon trahissaient son agacement, mais avant qu'il ne puisse me faire la moindre remarque, le son furieux des bruissements d'aile vint emplir l'espace. Des centaines de chouettes et de hiboux s'engouffrèrent dans la Grande Salle, et le hibou grand-duc de Simon, Ogma, se posa devant nous, une piles de lettres bien ficelées accrochée à sa patte. Il les détacha avec un profond soupir. Il prit l'une des lettres et la fit léviter jusque sa sœur à l'autre côté de la table, qui lui adressa un signe en guise remercîment. Je me désintéressai du courrier, contemplant les volatiles qui repartaient avec une certaine déception. Le courrier n'était jamais un bon moment. C'était passablement déprimant quand on ne recevait jamais aucune lettre. Pourtant, une enveloppe parvint juste devant moi, détruisant ma pile de toast qui atterrit sur mes genoux. Je levai des yeux furieux sur Simon, qui passa une main gênée dans ses cheveux.
-Oups, lâcha-t-il avec un léger sourire. Euh. Tu as du courrier ?
Je le gratifiai d'un regard soupçonneux, puis débarrassai ma jupe de mes toasts avant de prendre la lettre. Mon cœur se mit à battre plus fort quand je me rendis compte que ce n'était pas le parchemin des sorciers, mais une enveloppe moldue, sur laquelle était inscrits en lettre peu soignées que je ne connaissais que trop bien : « Tory ».
-Alex, soufflai-je en ouvrant l'enveloppe derechef.
C'était la première lettre que je recevais de chez moi depuis la rentrée et ce fut pour ça que je la lus avec avidité, savourant les moindres mots de cette écriture si difficile à lire. Il allait bien, me racontait-il et avait pris les premières leçons pour avoir son code de la route. Il cherchait toujours une place dans un garage, mais en attendant il continuait de rendre des services payants à Terre-en-Landes. Il voyait peu maman, qui travaillait d'arrache-pied et passait de ce fait là beaucoup de temps avec papa. Je caressai la lettre du bout des doigts, rassurée d'avoir enfin des nouvelles de ma famille. Je la rangeai soigneusement dans mon sac, et achevai mon assiette avant de me lever sans demander mon reste. Je quittai la Grande Salle à grande enjambée, un léger sourire aux lèvres, avant qu'une main ne me prenne le bras.
-Hey ! protestai-je, déséquilibrée.
-On va par là, m'annonça Simon en m'entrainant dans les jardins. Et on va parler.
-Je n'ai aucune envie de te parler ! Lâche-moi Bones !
-Sinon quoi ? Tu me mords ?
-Bon sang, Simon, je n'ai plus sept ans !
-Non, mais tu es toujours aussi féroce. Maintenant tais-toi, sinon je tiens à te prévenir que j'utilise parfaitement bien les Sortilèges de mutisme, et que je rêve de l'user contre toi depuis que je le maîtrise.
Rêve partagé, songeai-je avec amertume en lui jetant le regard le plus furieux que je pouvais lui faire. Mais je savais pertinemment que Simon y arriverait mieux que moi et qu'il n'hésiterait pas à sortir sa baguette, alors je me tus et me laissai entrainer jusqu'à un banc sous un frêne. Simon s'y assit mais je restai debout, resserrant ma cape contre moi avec un frisson.
-Je n'ai aucune envie de te parler, répétai-je en enfonçant mes mains dans mes manches. Alors s'il te plait, fais vite.
Simon me contempla longuement depuis son banc, son visage picoré de quelques pâles tâches de rousseur sans la moindre expression. Puis il lâcha du bout des lèvres :
-Remember, remember, the fifth of november.
-Tais-toi.
C'était un souffle, à peine plus haut qu'il murmure qui allait se perdre dans le vent qui criait. J'étais incapable d'être plus hargneuse. La peur qui montait en moi chaque fois que ces mots étaient prononcés m'empêcher de l'être.
-C'était ignoble de me rappeler ça, poursuivis-je, toujours à voix basse. C'était ...
-Ce n'était pas moi, me coupa fermement Simon.
Il se leva pour s'ébrouer et enfonça ses mains dans les poches de sa cape. Son visage s'était crispé.
-J'ai deviné que ça avait un rapport avec ça – ce n'est pas difficile, il n'y a que ça qui puisse te faire réagir aussi vivement. Mais peu importe ce qui avait sur ce parchemin, Vicky, ce n'était pas moi.
Je le dévisageai, sourcils froncés, à la fois méfiante et tiraillée. Je le jaugeai un long moment, ses yeux verts et sérieux, son visage en même temps tendu et perplexe. Je savais quand Simon mentait – c'était si facile. Il acheva de me convaincre en déclarant :
-Je n'ai pas de tendresse particulière pour toi, mais je ne suis pas cruel au point de te rappeler un truc pareil. Tu me connais bon sang, Bennett, tu le sais non ?
C'était vrai, il n'était pas cruel. Il n'avait qu'à voir comment il prenait soin de Susan, ou de Cédric. Et oui, je le connaissais. Ce fut pour cela que je finis par hocher la tête, un simple hochement à peine perceptible, mais qui détendit Simon. Il se rassit sur le banc avec un soupir et se prit le visage entre les mains.
-Par Merlin, Vicky, tu n'es vraiment pas simple. Raconte, maintenant. C'était quoi alors, ce parchemin ?
-Juste ça, avouai-je alors, cédant devant le regard insistant de Simon. Les premiers vers du poème. Remember, remember, the fifth of November. Gunpowder, treason and plot. Il n'y avait que toi d'au courant, Simon ... Si c'est pas toi, alors ... c'est pire que ce je croyais.
L'angoisse se mit à monter en moi, de façon brusque et irrationnelle. Si ce n'était pas Simon qui m'avait envoyé ce parchemin, alors quelqu'un d'autre été au courant. Forcément. Quelqu'un savait que j'avais brûlé Nestor Selwyn. L'ombre du renvoi plana dans mon esprit. Simon me jeta un regard pénétrant.
-Et me concernant, je ne l'ai raconté à personne. Tu l'as encore, le parchemin ? Je peux le voir ?
Je hochai la tête et l'extrait de mon dictionnaire de rune, où je l'avais caché. Simon le déplia précautionneusement, et lut la phrase inscrite à l'encore noire. Soignée, sans bavure, ni autre. Simon laissa échapper un rire.
-Tu aurais dû voir que ce n'était pas mon écriture.
-Je me suis dis que tu avais peut-être jeté un sort à ta plume pour qu'elle l'écrive toute seule. Ou que tu aurais demandé à Octavia.
-Tu as vraiment une imagination sans limite, marmonna-t-il en secouant la tête. Pour la première hypothèse, quand bien même j'aurais jeté un sort, la plume aurait imité mon écriture. Pour la seconde ... Non, vraiment pas.
Il effleura doucement le parchemin – les mots, les bords, le tapotant quelques fois – et sortit sa baguette. Il la fit parcourir le long des mots, ses lèvres articulant des formules sans qu'aucun son n'en sorte. A un moment, une lueur dorée parcourut le parchemin et Simon hocha doucement la tête.
-Bien. Rien de bien méchant, il n'y a pas de maléfices dessus. Je n'ai détecté qu'un sortilège de téléportation – quelqu'un l'a transporté dans ton sac donc au moins on en est sûr, c'était pour toi.
-Tu voulais que ce soit adressé à qui d'autre ? maugréai-je, le nez dans mon écharpe.
-J'en sais rien, ça aurait pu être un hasard – ça existe les hasards, même chez les sorciers. Mais là, on l'a transporté dans son sac donc c'était à dessein ... Maintenant ma prochaine question c'est pourquoi. Ce n'était pas un cinq novembre que tu as trouvé ça, non ?
-Non, me souvins-je en secouant la tête. Non, c'était après.
-Alors ce n'est pas un avertissement pour un truc qui va arriver, conclut Simon en repliant le parchemin. Sinon ils te l'aurait donné avant le cinq novembre, pour te faire comprendre que quelque chose arriverait à cette date ... Ce qui est déjà bien, ça m'aurait embêté de redevoir me mettre à te surveiller.
Je lui jetai un regard menaçant, auquel il répondit par un sourire narquois.
-Donc, c'est juste un rappel du passé, poursuivit-t-il, son sourire s'affaissant.
-Oui, je suppose que ce n'est pas un hasard, enchéris-je sombrement. Je veux dire, il y a peu de chance que quelqu'un me parle de la nuit de Guy Fawkes comme ça, juste parce que je suis une née-moldue ...
-Et puis même la façon d'en parler – anonyme, déjà – et les vers choisis ... « Remember, remember ». Quelqu'un veut que tu te rappelles de ce qui s'est passé le cinq novembre.
-Ce n'est pas tout, Simon. Je ... (je baissai la voix, prise de la peur irrationnelle que quelqu'un ne m'entendre). Simon, je peux me faire renvoyer si ça se sait, ce qui s'est passé ... Et si c'était effectivement un avertissement ... Si quelqu'un voulait me faire renvoyer ? Ou pire, me faire chanter ?
Simon se mordit la lèvre inférieure et scruta le parchemin. Il eut un vague mouvement d'épaule, comme s'il se retenait de faire un geste. Il faisait tourner nerveusement sa baguette entre ses doigts, de façon pensive.
-Je pense plutôt que quelqu'un cherche à te faire peur, déduit Simon sans me regarder. A te rappeler un évènement qui te terrifie pour que tu sois sur le qui-vive. Une autre façon de te persécuter. C'est même plus efficace que te jeter de l'encre, en soit.
-Mais qui ? insistai-je, le cœur serré. Simon, tu es le seul au courant et si tu n'as rien dit ...
-Il y avait deux élèves ce soir là, se rappela-t-il en fronçant les sourcils. Nestor Selwyn, je me souviens de lui ... Une grande gueule ... Beaucoup moins grande une fois revenue de Ste-Mangouste.
Simon s'interrompit quand il me vit blêmir. Il était revenu après les vacances, avec pour unique vestige de cette nuit la trace de brûlure sur une partie du cou et le bas de la joue gauche. Je déglutis, et décidai d'ignorer la culpabilité qui me rongeait les entrailles.
-L'autre c'était l'un de ces amis, poursuivis-je en fouillant ma mémoire. Il avait un prénom de fille, un peu ... Daphné ?
-Daphnis Harper, ouais. Ce n'est pas le même calibre des Selwyn ... Leur père est un grand financier, proche de Gringrott et du Ministre de la Magie. Harper père doit être l'un de ces secrétaires. Les fils ont reproduit le même schéma. Ulysse fait le même avec Warrington, du reste, et j'ai entendu dire que la petite sœur Enoboria commençait à constituer sa cour. Plus jeunes sont les Selwyn, pire ils sont. Il y a la grande sœur aussi, Melania je crois, la jumelle de Nestor. Mais elle était à Serpentard aussi, tout ce que je me souviens d'elle c'est qu'elle passait sa vie à la bibliothèque ...
-Tu penses que Nestor en aurait parlé à sa jumelle, Ulysse ou Enoboria ?
J'étais sceptique. Je me souvenais de Nestor Selwyn : il était l'arrogance personnifiée, poitrine gonflée et menton relevé, sans que rien dans son intelligence ou ses capacités magiques ne puisse justifier cette fierté. Alors cet orgueil lié à son sang, et statut d'héritier des Selwyn, c'était tout ce qu'il avait et il s'en drapait. Je ne le voyais pas fendiller cette belle image en racontant à son petit frère, plus fin et plus intelligent que lui, qu'il s'était fait battre par une première année.
-Nestor n'aurait rien dit, déclarai-je alors après réflexion. Pas à Ulysse du moins. Il n'aurait pas admis avoir été brûlé par une crevette comme moi.
Un sourire effleura les lèvres de Simon.
-Je suis d'accord. En plus de ça, je pense qu'il a peur de son frère – qu'il prenne sa place en tant qu'héritier. D'autant que – on ne va pas se mentir – Ulysse est quand même plus fin, plus intelligent. Mais Harper ... Il a un petit frère, en troisième année. Mais pareil, les garçons dans ce genre de famille, ça fonctionne énormément sur la rivalité, c'est la place d'héritier de la famille qui est en jeu. Ils sont capable de perdre ça très au sérieux – dans le passé, ça pouvait aller jusqu'au meurtre.
-Alors la jumelle ou la petite sœur Selwyn ?
Simon pinça les lèvres. Il avait appuyé ses coudes dans sur ses genoux et son menton sur ses doigts entrecroisés.
-Les filles ne sont pas considérées comme les garçons. Elles n'ont pas franchement le statut d'héritière – sauf quand vraiment, il n'y a pas d'autres solutions. Alors oui, peut-être ... Elles peuvent paraître plus inoffensive. Mais ma théorie, c'est plutôt qu'il ait occulté l'histoire. Je trouve que c'est le plus plausible. Je le vois bien raconter à son frère qu'il l'a vengé de la gamine qui l'a presque castré en la menaçant de la brûler sur un bûcher, comme les moldus le font avec la poupée de Guy Fawkes le cinq novembre ... Sans parler de comment ça s'est fini. Oui, je le vois bien faire le fanfaron – auprès de son frère ou de quelqu'un d'autre. Après il n'irait pas s'en vanter partout, quelqu'un aurait risqué de voir la faille.
-Ça pourrait être n'importe qui, donc.
-Je pense quand même en priorité à Ulysse Selwyn. Le règne de la terreur ... Oui, ce serait bien son genre.
Je hochai lentement la tête, rivant mon regard sur le terrain de Quidditch en contrebas. J'avais l'impression qu'une main invisible me remuait les entrailles alors que les mots me tournaient à nouveau en tête. Si l'idée avait été de me faire peur, alors Ulysse Selwyn avait bien réussi son coup. Cette histoire avait été atroce, par ce qu'ils m'avaient fait et surtout par ce que moi j'avais été capable de faire. Simon dut lire tout cela sur mon visage, car il finit par dire d'une voix étrangement douce :
-Encore maintenant, Vicky ?
Je ne répondis pas, et enfonçai un peu plus mon nez dans mon écharpe – à la fois pour me réchauffer et pour dissimuler mon visage.
-Vicky ... tu adorais la nuit de Guy Fawkes. Alex volait même des feux d'artifice pour toi, et il a failli mettre le feu à l'église en voulant enflammer la poupée.
-Ça c'était avant qu'on essaie de me brûler. Et que moi je ne brûle quelqu'un.
-Ils ne l'auraient pas fait. C'est beau de faire le caïd, de parler de tabasser des nés-moldus, de faire des persécutions en bande ... Mais quand il faut vraiment faire du mal à quelqu'un ... ça demande une autre force, une forme ... de courage, si on peut appeler ça comme ça, que ce genre de gars n'aura jamais.
-Oui, bah ce n'est pas évident quand tu as onze ans, qu'il fait nuit et que tu viens d'arriver dans le monde merveilleux de la magie.
Simon garda le silence, me concédant sans doute ce point. Puis il lâcha :
-Quant à ce que tu as fais ... Tu ne le contrôlais pas, Vicky. Tu l'as dit, tu étais effrayée, ils te faisaient du mal. Ta magie a voulu te protéger. Tu n'as pas à te sentir coupable. Pas encore maintenant ...
-Il a été brûlé sur près d'un quart du corps, et ils n'ont pas su parfaitement guérir toutes les brûlures, assénai-je d'un ton dur. Je lui ai fait plus de mal physiquement et moralement qu'il n'aura jamais pu m'en faire, Simon. Alors désolée, mais non, je n'arrêterais pas de culpabiliser. J'aurais dû être renvoyée, ce jour là.
-Mais tu ne l'as pas été. Et je ne suis pas persuadé que Dumbledore t'aurait renvoyé en sachant ce qui s'était passé. Bon sang, ce n'était pas ta faute ...
-Si tu le dis.
Je croisai mes bras sur mon ventre, et nous regardâmes les gens passer devant nous. Cho Chang traversait le parc avec une bande de fille qui gloussaient de rire, Erwin tentait d'attirer Mathilda et Renata vers le Lac Noir, et les jumeaux Weasley complotaient avec Lee Jordan à l'abri des arcades qui bordaient la cour. Enfin, je remarquai Gloria Flint, Cassius Warrington et Ulysse Selwyn qui remontaient depuis les serres de Botaniques. Le frère de Nestor abordait un sourire insupportable.
-Ne les laisse pas d'atteindre, Victoria.
Je tournai brusquement le visage vers Simon. Il fixait le groupe de Serpentard avec la plus grande répulsion, une moue déformant ses lèvres.
-Surtout pas ce genre de gars. Surtout pas parce que tu as du sang moldu dans les veines. Ne les laisse pas te gâcher la vie, tout ce qui te rends heureuse ... tes souvenirs d'enfance – par la barbe de Merlin ... La nuit de Guy Fawkes, tu attendais ça plus que noël ... Et maintenant ça te fait trembler de culpabilité ?
-Ça suffit Simon.
Je tremblais, certes, mais j'étais presque persuadée que c'était de froid. Presque. Simon laissa échapper un ricanement et se leva en s'étirant.
-Alors ils ont gagné. Bah, ne t'en fais pas, Bennett. Qui que ce soit, c'était juste l'intimidation. Ne te prends pas à leur jeu, c'est tout. Guy Fawkes, c'était ta fête.
Il me gratifia d'un sourire tordu et dévala la pente en direction du château, me laissant seule sur le banc. Apparemment, la menace n'était pas assez grande pour qu'il ne me surveille. Pourtant, j'avais toujours l'impression qu'un liquide froid s'insinuait dans mes veines et qu'un regard malveillant me brûlait la nuque.
La Marque des Ténèbres. Un Mangemort et un chasseur de mage noir à Poudlard. Un Tournoi des Trois Sorciers qui impliquait l'enfant qui avait vaincu Vous-Savez-Qui. Un message me rappelant ma propre persécution – et mes propres crimes.
Bon sang. J'étais la seule à trouver que ce début d'année commençait sinistrement mal ?
***
-Non.
Je poussai un profond soupir en échangeant un regard avec Erwin. Nous étions en fin d'après-midi, la veille de la première tâche. Cédric était pâle, les yeux cernés, mais s'efforçait de nous sourire derrière son manuel de métamorphose. J'avais sorti ma tenue de Quidditch aux joueurs jaunes et noires de Poufsouffle, et mon balai, et Erwin avait extirpé les affaires de Cédric pendant que celui-ci révisait. Nous nous efforcions de le convaincre qu'une course de balai lui ferait le plus grand bien ... sans succès pour l'instant.
-Cédric, ça ne sert à rien de t'échiner, insistai-je. Ça fait des semaines que tu travailles sans relâche, ça suffit maintenant, il faut que tu te vides la tête. L'épreuve est demain, par Merlin, je pense que tu en as fait assez !
Je tentai de lui attraper son grimoire, mais il esquiva souplement.
-Je vais bien, répéta-t-il pour la énième fois.
-Non, tu as l'air plus vampire qu'Erwin !
-Hey !
-Tu ne manges même plus au petit-déjeuner ! Plus d'œufs, plus de bacon ! Bon sang, Cédric, c'est comme si j'arrêtais le chocolat !
Cédric me considéra longuement, son grimoire légèrement abaissé. Mon regard dût lui faire comprendre que je ne céderais pas, car il finit par fermer sèchement son livre.
-Mouais. Je suppose que ... ce serait alarmant.
-Merci ! me réjouis-je en empoignant nos balais. C'est parti !
-Juste une heure ! me prévint-t-il toutefois en me retenant par un pan de ma robe. Et laisse-moi le temps de me changer !
Il prit sa robe des mains d'Erwin et son balai des miennes, avant de me frapper le crâne de son manche et de disparaître par le couloir qui menait à son dortoir. Simon et Emily arrivèrent à ce moment et ma meilleure amie battit des mains d'un air ravi.
-Vous avez réussi à le convaincre ?
-Difficilement, mais ouais.
-J'ai toujours trouvé que nos couleurs étaient hideuses, commenta Simon en fronçant son nez. Et sur toi c'est pire.
-Simon, j'ai un balai, et je n'hésiterais pas à m'en servir.
Emily nous jeta un regard agacé.
-Les gars, je préférais quand vous ne vous parliez pas.
Nous lui servîmes un identique sourire diabolique qui la fit à nouveau grogner. Fort heureusement, Cédric réapparut à ce moment là, dans sa robe qui, à lui, devait lui allait divinement bien. Je fis un signe au reste du groupe et nous nous élançâmes dans les corridors de Poudlard balai à la main. Il faisait un froid presque polaire dehors : l'hiver étendait ses premiers frissons sur l'Ecosse, mais un soleil froid brillait sur le terrain de Quidditch.
-Tu n'as pas oublié comment on faisait ? se moqua Cédric alors que nous arrivions sur le terrain. Je veux dire, tu n'as pas beaucoup l'occasion de voler chez toi l'été ?
-Ne t'en fais pas, Diggory, même rouillée je suis capable de te battre à la course, lui assurai-je en rassemblant mes cheveux en une courte queue-de-cheval. Tu es peut-être attrapeur, mais moi, je suis petite et j'offre moins de résistance au vent. Contrairement à toi, grand benêt.
-Je te l'accorde, je n'ai jamais vu une gardienne aussi rapide. Mais c'est ce qui fait ta force, tu surgis de nul part devant les Poursuiveur, et avant qu'ils ne puissent comprendre tu avais botté le souafle.
-Du génie, pas vrai ?
Cédric éclata de rire et je souris. Cela faisait du bien de voir Cédric se dérider et de revoir ces rides au coin de ces yeux.
-Arrête avec ta modestie, et enfourche ce balai. Laissons le terrain parler.
-Ça c'est mon capitaine !
Nous montâmes sur nos balais et je donnai un grand coup de pied dans le sol pour pouvoir décoller. Aussitôt, l'adrénaline emplit mes veines et l'excitation allégea mon cœur. Seigneur c'était si bon de sentir le vent me fouetter le visage, de voir les gradins s'éloigner et devenir petits, si petits ... De voir le Lac en contrebas et de se tenir au rang des tours et des montagnes. C'était ainsi que je concevais la liberté. Sur un balai en vol, au beau milieu de l'Ecosse. Par Merlin, oui, c'était cette image quand je voyais quand je lisais le mot « liberté ». Nous fîmes quelques tours de terrain tranquillement pour nous échauffer, jusqu'à que la course ne se mette naturellement en place, à coup d'accélération. Je zigzaguais entre les poteaux de buts et Cédric me dépassa en en faisant le tour. Il m'adressa un immense sourire quand il passa à ma hauteur.
-Frimeuse ! l'entendis-je crier malgré le vent qui hurlait dans mes oreilles.
Je souris et poussai un peu plus ma bonne vieille Comète 260 pour garder le contact. Ce n'était pas le meilleur balai du monde : les Brossdurs étaient plus résistants et les Nimbus plus rapide. Mais avec ma bourse de née-moldue et mes habitudes économes, j'avais considéré que pour le poste de gardien – soit, qu'on se le dise, celui qui nécessitait le moins de course – une Comète 260 était amplement suffisant. Et jusque là, mon bon vieux balai ne m'avait jamais trahis. Cédric montait en revanche depuis l'année dernière un Brossdur 7 bien plus rapide, certes, mais l'important n'était pas le balai, mais ce qu'on en faisait. Et contrairement à Cédric j'avais cette capacité à me faire oublier qui avait fait mon succès à mon poste. Je montai en altitude de quelques mètres et poussai à nouveau mon balai à sa puissance pour arriver à la hauteur de Cédric. Nous nous étions fixé cinq tours de terrain et le passage aux buts sud pour ligne d'arriver. Au troisième tour, j'étais toujours à la même hauteur que lui, et au quatrième, je le dépassai de quelques mètres. Mais Cédric me surprit dans le dernier tour en portant une belle accélération qui nous laissa sur place, moi et ma Comète. Il passa sur notre « ligne d'arrivée » avec un bon mètre d'avance et leva le poing en signe de triomphe.
-Bien essayé Vic' ! s'esclaffa-t-il alors que nous ralentissions. Mais je te connais, je sais te repérer ... N'essaie pas de te faire oublier avec moi.
-Revanche, exigeai-je en accélérant derechef.
Cédric s'étrangla d'indignation et se mit à me poursuivre sur toute la longueur du terrain. Encore une fois, il me dépassa dans la dernière ligne droite pour passer en tête devant les buts sud. Je le battis la course suivante et il déclara que c'en était assez, et atterrit sur les gradins. Je le suivis en éclatant de rire.
-Tu avais peur que j'égalise ? Ma vieille Comète est trop rapide pour toi ?
-A ton image : petite et fourbe.
Pour toute réponse, je lui donnai un coup de manche sur la tête et il essuya un petit rire. Nous nous assîmes sur les gradins et bûmes l'eau que nous avions ramenée. La course nous avait laissé haletants mais souriants. Les yeux de Cédric s'étaient éclaircis et cela n'avait rien à voir avec le soleil. Il semblait moins perturbé.
-Alors, une mauvaise idée ? le taquinai-je en lui passant une bouteille d'eau.
-Affreuse.
Mais un sourire démentait ce qu'il venait de dire. Nous restâmes à instant silencieux, à apprécier le soleil qui réchauffait notre visage et le vent qui secouait nos cheveux. Je coinçai une boucle derrière mon oreille et jouait avec mon médaillon de Saint-Georges qui pendait sur mon sternum. Pourtant, malgré son sourire, le regard de Cédric sembla s'assombrir quelque peu.
-Tu te souviens du match contre Gryffondor, l'an dernier ?
-Euh ... oui, répondis-je, assez surprise par la question soudaine. Un temps épouvantable, ça n'a pas été le match le plus plaisant de ma vie.
-Tu te souviens des Détraqueurs ?
Je hochai la tête, embarrassée. Nous étions censé le détendre, le moment me semblait mal choisi pour parler d'un souvenir aussi sinistre. Mais comment l'oublier ... J'étais déjà frigorifiée, mais les Détraqueurs avaient amené sur le stade une autre sorte de froideur, celle qui atteignait le cœur et nous privait de toute idée de bonheur. La bouche de Cédric se tordit.
-Je ne sais pas par quel miracle je suis resté sur mon balai, ce jour là. Je pense ... Je pense que j'étais bien trop pétrifié pour ne serait-ce que tomber de mon balai. Mes doigts étaient scotchés au manche, et ma main ouverte sur le vide. Je ne me souviens même plus avoir eu la présence d'esprit d'attraper le Vif d'Or ...
-Mais tu l'as fait, le rassurai-je en posant une main sur son épaule. Tu as été assez lucide pour l'attraper. Tu leur as résisté, Cédric.
Il garda le silence, et j'avais la terrible impression qu'aucun de mes mots ne l'atteignait. Il observait le terrain le visage crispé, comme s'il revoyait la scène qui s'était déroulée l'an dernier devant ses yeux.
-La première tâche, c'est d'affronter un dragon.
Je ne réagis pas sur l'instant. D'abord parce que j'étais certaine d'avoir mal entendu. Ensuite, parce qu'alors que les mots imprégnaient lentement mon esprit, ils me figèrent complétement. La seule chose que j'eus la force de sortir fut un minable :
-Quoi ?
-Un dragon. Un vrai dragon par Merlin ...
Il s'enfouit le visage entre les mains, les épaules complétement affaissées par l'abattement. Je me passai une main troublée dans mes cheveux, le cœur battant à tout rompre. J'avais en tête l'image d'un Cédric en armure de Saint George se battant contre le dragon des légendes, et plus l'image devenait nette dans mon esprit, plus elle me terrifiait. Je serrai mes mains entre elles pour empêcher mes doigts de trembler.
-J'étais pétrifié devant les Détraqueurs alors qu'ils ne s'attaquaient pas à moi, le fait que j'attrape le Vif d'Or a vraiment tenu de la chance et si les Détraqueurs s'étaient désintéressés de Harry ... Alors un face à face avec un dragon ... Bon sang, Vic', comment tu veux que je survive face à ça ?
Le désarroi que je sentais dans la voix de Cédric me brisa le cœur. Je l'avais toujours connu sûr de lui et maître de ses émotions, alors le voir ainsi désorienté et ... Oui, apeuré. C'était de la peur qui luisait dans ses yeux gris. Cédric était terrifié parce ce qu'il l'attendait. Réprimant ma propre anxiété, je serrais sa main dans la mienne. Il agrippa mes doigts comme si ça pouvait lui donner le courage de terrasser ce dragon. Ma main se perdit sur ma chaîne et rencontrait mon médaillon. Je posai un instant les yeux dessus pour voir Saint George, Saint Patron du Royaume d'Angleterre, à cheval et une lance brisée à la main, prêt à terrasser le dragon de la légende. Sa croix se détachait en fond. Au dos étaient inscrits mon nom et ma date de naissance. Il était plutôt coutume de mettre une Vierge sur la médaille de baptême d'un enfant, mais j'avais été un bébé fragile et mes parents avaient espéré que la force de Saint-Georges m'apporterait de la vigueur. Des vers me vinrent en tête, tournant dans mon esprit pour occulter l'image du dragon.
-« Suivez votre ardeur et dans l'élan criez – Dieu pour Henri, Angleterre et Saint Georges ! », soufflai-je.
-Pardon ?
-C'est Shakespeare. Henry V. Une vieille pièce de théâtre de chez moi ... Enfin peu importe. Je suis en train de la lire pour l'Etude des moldus. Et je ne sais pas ... Je m'imagine bien ces mots avec toi, t'élançant sur le dragon en armure.
-Tu veux dire avant qu'il ne me brûle ?
Le dépit et l'appréhension transpiraient dans la voix de Cédric et je me mordis la lèvre inférieure. Je fronçai les sourcils en y songeant et lentement, une idée se forma dans mon esprit. Une idée que Saint George aurait balayé car elle manquait de panache, mais après tout ce n'était pas de panache dont Cédric avait besoin. C'était de rester en vie.
-Une attaque frontale n'est peut-être pas la meilleure des solutions, admis-je doucement. En revanche, peut-être qu'il faudrait que tu ... te fasses oublier.
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