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I - Chapitre 26 : Ombres et poussières


Yo ! 

Merci beaucoup pour toutes vos réactions sur le dernier chapitre ! J'espère que celui ci vous plaira également ahah ! 

Il s'agit de l'avant-dernier chapitre de la première partie, enjoy ! 

***

C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.

- Genèse, livre 3, verset 19

***

Chapitre 26 : Ombres et poussières.

La suite se déroula comme en brouillard. Les événements me revenaient par flash. J'étais trop épuisée moralement pour avoir la moindre pensée nette, alors je faisais ce que j'étais capable de faire sans craquer : prendre soin des autres. J'obligeais Simon à venir dormir avec Emily et moi, ne pas rester seul dans cette chambre où Cédric était si présent. Susan ramena son matelas dans notre chambre et ce fut dans ses bras que Simon s'endormi. En face ce notre lit, les jumelles s'étaient également endormies l'une contre l'autre, et j'étais restée dans lit d'Emily jusqu'à qu'elle ferme les yeux. Ce fut cette disposition qui prima jusque la fin des cours. Le dortoir des garçons fut presque déserté, puisque Erwin et Charles, les deux autres garçons du dortoir, dormaient plus volontiers dans le canapé.

Je me souvins avoir croisé les Diggory, le lendemain. Ils étaient venus emballer les affaires de Cédric. Sans en avoir la moindre envie, je leur avais proposé de les aider, mais Flavia avait refusé d'un geste. Ses larmes s'étaient taries, contrairement à celles d'Amos, dont les sanglots nous parvenaient par intermittence, en provoquant d'autre chez mes camarades. Elle était venue me chercher dans la Salle Commune, tenant à la main le Nimbus 2001 de Cédric qui m'avait tant battu aux courses.

-Une excellente gardienne comme toi a besoin d'un excellent balai, m'avait-t-elle dit, les yeux brillants. Plus personne ne pourra monter celui-là, désormais, alors ...

-Non, avais-je immédiatement refusé alors qu'elle me tendait le magnifique objet. Non, c'est le balai de Cédric ... je ne pourrais pas ...

J'avais eu peur que mon refus ne vexe Flavia, mais elle s'était contentée de sourire, puis de m'embrasser sur le front.

-Si tu changes d'avis, le balai t'attendra. (Elle avait serrée ma main avec un doux sourire). Il est mort en gagnant le Tournoi, Victoria. Il est mort heureux. Penses-y.

Peut-être. Mais il était surtout mort trop jeune ...Elles nous avait ensuite indiqué que l'enterrement avait lieu en fin de semaine, avant la fin officielle des cours, et que si l'un de nous avait un jour, pour une raison ou une autre, besoin d'elle et d'Amos, ils seraient là pour ceux qui avaient aimé leur fils. La bénédiction avait arraché un sanglot à Emily qui s'était précipitée vers la salle de bain pour les masquer.

L'autre chose dont je me souvenais précisément, c'était une rencontre fortuite avec Cho, dans les toilettes des filles du rez-de-chaussée. Elle sortait d'une cabine, les yeux et le nez rougis par les pleurs, pendant que je me lavais les mains. Nos yeux s'étaient croisés dans le miroir, avant qu'elle ne s'enfuie, la main plaquée sur la bouche pour retenir ses plaintes. Sa place fut prise par Hermione Granger, qui se figea littéralement en me voyant dans la pièce. Elle se dandina, mal à l'aise, et se dirigea silencieusement vers les cabines. Mais c'était trop pour moi. La douleur était devenu un battement sourd et lancinant qui consumait ma poitrine, et à présent que les larmes s'étaient taries je commençais à avoir soif de réponse.

-Hermione ?

La jeune fille s'immobilisa telle une statue de sel face à la cabine. Mes doigts se crispèrent contre l'émaille du lavabo.

-Est-ce ... est-ce que Harry t'a dit ce qu'il s'était passé ?

Car c'était l'unique chose que je savais. C'était Harry Potter qui était sorti du labyrinthe, tenant dans une main le trophée des Trois Sorcier, et dans l'autre le bras inerte de Cédric. D'après Simon, qui avait été l'un des premiers à les atteindre après les juges et les professeurs, il avait simplement murmuré : « il est revenu ».

Il est revenu, Severus ! cria la voix de Karkaroff comme un écho.

Ce qui m'avait amené à la conclusion suivante. Quoiqu'il se soit passé dans ce labyrinthe, peu importe ce qui avait coûté la vie à Cédric, cela avait un rapport avec le retour de Lord Voldemort.

Hermione se retourna lentement sur moi, un éclat torturé dans ses prunelles.

-Je ne pense pas que ce soit à moi de te parler de ça ... Je ... Harry ... Dumbledore ...

-Hermione, je t'en prie ... J'ai besoin de comprendre, s'il te plait ...

Mais Hermione secoua obstinément la tête.

-Désolée ..., murmura-t-elle, sincère, avant de sortir des toilettes sans même être passée dans une cabine.

L'entretien me laissa pantoise et tremblantes face aux miroirs des toilettes. La glace me renvoyait mon reflet blafard et mes yeux hantés. Je n'essayais même plus de donner une quelconque tenue à mes cheveux, qui coulaient en boucles désordonnées sur mes épaules. Je me passai de l'eau sur le visage avant de sortir en lâchant un grand soupir. Adossé sur le mur d'en face, Simon m'attendait, les bras croisés et le regard perdu au loin.

-J'ai croisé Cho, m'apprit-t-il en me tendant le sac que je lui avais confié. Tu crois qu'on devrait lui parler ?

-Je ne suis pas sûre que ce soit de nous qu'elle ait besoin, songeai-je en pensant à la façon dont elle s'était méfiée de moi. Peut-être que si un jour elle veut nous parler ... Elle saura nous retrouver.

Simon hocha laconiquement la tête. Nous venions de finir de manger, et Emily avait sauté le repas. Elle avait été incapable de se lever ce matin, et Mathilda nous avait promis de prendre soin d'elle. Normalement, nous aurions dû avoir cours, mais Flitwick nous avait exempté pour la mâtinée, et les cours de Défense contre les Forces du mal avaient tous étés annulé pour une raison restée assez obscure. On murmurait dans Poudlard que le professeur qui nous avait fait cours durant toute l'année n'était pas le véritable Alastor Maugrey, mais un imposteur qui avait pris sa place, un véritable fou qui en avait profité pour nous torturer physiquement et psychologiquement. J'ignorais à quel point cette rumeur était véridique ... Mais elle expliquerait énormément de choses.

-On devrait peut-être demander à Chourave pour Maugrey, proposai-je alors que nous passions dans le Hall. Peut-être qu'elle saurait nous dire ...

-L'idéal ça aurait été d'envoyer Emily ... après tout c'est elle, la préfète ...

Mais Emily était incapable de tenir son rang. De nous trois, c'était elle qui paraissait physiquement la plus touchée par la disparition de Cédric. Si Simon avait fini par sécher ses larmes et à se relever le matin, Emily se maintenait dans un état de léthargie duquel il était difficile de la faire sortir, si bien que c'était à présent à Simon et moi que Chourave s'adressait pour faire passer les messages de l'administration. Une boule amère s'était formée dans ma gorge lorsque je m'étais rendue compte que nous tenions la place de Cédric. Mon regard se perdit dans le Hall, où chacun vaquait à diverses occupations. Fleur Delacour m'adressa un timide signe de main, et les jumeaux Weasley m'adressèrent un bref signe de main avant de s'engouffrer par les doubles portes pour aller manger. Puis un regard brun capta le mien, et je détournais rapidement les yeux, le cœur battant à tout rompre.

-Viens, maronnai-je en tirant sur le bras de Simon. On va dehors ...

-Vicky ..., soupira Simon, qui avait bien identifié ce que je fuyais.

-Viens, je te dis !

Avec une docilité contrainte, Simon me suivit dans le parc. Le soleil d'été brillait sur le parc, et une légère brise soufflait pour apporter une certaine fraicheur bienvenue. Je plissai les yeux face à l'agression de la luminosité. Un temps si magnifique pour de circonstances si fragiles, c'était presque cruel. Nos pas nous menèrent jusqu'aux abords du lac, d'une remarquable tranquillité. Le vaisseau de Durmstrang tanguait doucement sur les flots, ses voiles agitées par la douce brise. Un groupe d'élève en robe pourpre discutaient à voix basse devant.

-Je me demande comment ils vont faire pour repartir, se demanda Simon en fronçant les sourcils. Si Karkaroff est parti ...

-Ils sont tous majeurs, des sorciers accomplis. Ils sauront se débrouiller.

Simon entendit la pointe d'amertume qui transperça ma voix, car il leva un sourcil intrigué. Il s'était assis sur un banc. Avec le deuil pénible qui s'amorçait, rendu difficile par les circonstances floues de l'accident et le manque d'information, je n'avais pas encore pris la peine de raconter à Simon les péripéties qui avaient précédés le drame. Mais lorsque je voyais son regard s'attarder sur moi, de façon grave et insistance, je pris conscience qu'il était tant que le silence prenne fin. Je me laissai tomber sur le banc, faisant choir le sac prêté d'Emily à mes pieds.

-Tu sais ... ce n'est pas important ...

-Ça te ronge presque autant que Cédric, rétorqua Simon, son inflexion baissant en prononçant le nom de notre ami. Ça t'a rongé toute l'année. C'est important, Vicky.

-Oui, admis-je d'une petite voix. Oui, c'est important.

Je n'avais jamais raconté l'histoire dans son entièreté – englobant par là-même l'hallucinante histoire de Kamila concernant mon grand-père. Alors quand les mots s'envolèrent de ma bouche, ce fut une pression qui disparut en moi. Simon m'écouta sans rien dire, comme toujours. Il n'eut aucune réaction lorsque j'embrayais sur la fuite de Karkaroff et la révélation du retour de Tu-Sais-Qui. Mais ce fut sur ce dernier point qu'il revint en premier, la voix éraillée :

-Bien. Au moins on est sûr d'une chose ... Si Cédric est mort, ça a un rapport de près, ou de loin avec son retour. Son retour, putain ...

Il se prit la tête entre les mains, déconcerté. Je pinçai des lèvres. Je ne savais pas non-plus quoi songer de cette nouvelle, surtout qu'elle semblait être officieuse. Après quelques jours de latence, j'avais fini par lire les Gazettesque recevait Simon, nulle n'était mention nul part d'un possible retour du Mage Noir qui avait fait vacillé le monde magique anglais il y avait quatorze ans. Le journal parlait à peine du Tournoi des Trois Sorciers et de la tragédie qui frappait Poudlard. Cédric. Une boule d'émotion noua ma gorge et je déglutis pour la voir passer.

-La Gazetten'en parle même pas. Pourtant ça a dû se voir, non ? Le plus grand Mage Noir qu'ait connu la Grande-Bretagne ne peut pas réapparaitre sans faire de bruit ?

-Sans faire de bruit, non. Tu l'as entendu, Vicky. Il a rappelé ses Mangemorts, tu as vu Rogue et Karkaroff sentir l'appel. Karakaroff s'est enfui parce qu'il a peur des représailles, c'est parfaitement logique compte tenu du nombre de Mangemort qu'il a envoyé à Azkaban à sa place ... Et Cédric ... Il a dû se passer quelque chose dans ce labyrinthe, Vicky. Quelque chose qu'Harry a vu, et qui a coûté la vie à ... (sa voix s'étrangla, et il toussa pour se redonner contenance). Tu l'as vu comme moi. Il n'avait pas de blessure, il était juste ... figé.

-Avada Kedavra.

Le mot m'écorchait les lèvres. Simon avait raison. Ce n'était pas un accident. C'était un meurtre. Un meurtre derrière lequel se cachait la silhouette à peine discernable du Seigneur des Ténèbres. Les poings de Simon se serrèrent.

-Si seulement on pouvait interroger Harry ...

-Dumbledore nous a dit de le laisser tranquille, rappelai-je doucement. Si ça c'est vraiment passé comme on le pense ... Seigneur, il a dû en baver ...

-Et dire que la seule chose que les autres pensent à propos de lui c'est qu'il est fou, fit remarquer Simon, dépité. Il faudra que je pense à féliciter Skeeter. Son article a eu l'effet escompté.

-Avec un magnifique sortilège de Chauve-Furie ?

Un léger sourire retroussa les lèvres de Simon. Ça devait être la première fois depuis des jours que je le voyais sourire. Ce simple petit miracle fit relever la commissure de mes lèvres.

-D'après Gillian Fawley, tu ne serais pas mauvaise dans l'exercice.

-Hmm. Elle l'avait bien cherché, cette année honnêtement.

-La fois où elle a demandé à Cédric de signer son sac avec son rouge à lèvre ...

Le petit rire qui nous secoua se mua bien vite en gémissement étranglé. Je repliai un genou contre ma poitrine, la douleur bourdonnant à mes oreilles. Elle ne disparaitrait pas tout de suite, je le savais. Le corps de Cédric venait à peine d'être mis en terre. Poudlard ne lui avait pas encore fait son dernier adieu.

Et moi encore moins.

Je n'étais pas prête à lui dire adieu.

-Et puis toi, grommela Simon en levant les yeux au ciel. Après une année à flipper, tu trouves que c'est une bonne idée de t'éloigner avec la meilleure duelliste de Durmstrang ... Qu'est-ce qu'ils ont fait d'elle, d'ailleurs ?

-Elle a été renvoyée à Durmstrang par portoloin, répondis-je en haussant les épaules. C'est ce que Chourave m'a dit. Et pour ma défense, je n'aurais jamais imaginé qu'elle était derrière tout ça ... Par Merlin, Simon, comment j'aurais pu imaginer toute cette histoire ?

-Et qu'est-ce que tu penses ? De toute cette histoire ?

-Mais que c'est absurde !

Mon ton catégorique fit soupirer Simon. Et quand bien même je l'exprimais, cette conviction résonnait bien moins intensément en moi. Le soir, quand le sommeil venait me chercher, le visage de mon grand-père se superposait à celui de Cédric, et mon chagrin se muait en une angoisse qui n'en finissait plus de me tordre les entrailles.

-Qu'on se le dise, poursuivit Simon avec prudence. Je n'ai vu ton grand-père qu'une ou deux fois dans ma vie, et pour moi il m'avait l'air parfaitement moldu – si on excepte cette drôle de capacité à tout capter d'un regard dont tu as hérité.

-Je ne capte pas tout d'un regard.

-Oh, arrête Victoria. Tu as un quand même un sacré sixième sens. On est infiniment peu à avoir senti que quelque chose qui dépassait le Tournoi se tramait – et que ça avait possiblement un rapport avec Tu-Sais-Qui. Tu l'as senti avant même que je le devine. Ton grand-père me donne un peu la même impression. Qu'en un regard il sait te jauger, deviner toute tes pensées, qu'il te passe au rayon X. Peut-être que c'est un legilimens.

Je donnai un coup sec sur la poitrine de Simon, et il protesta d'un glapissement. Malgré tout, les contestations de Simon me troublaient bien plus qu'elles ne me rassuraient. Il avait raison sur ce point : Miro Liszka donnait toujours l'impression de vous déshabiller du regard, d'un coup d'œil deviner tes pensées. C'était quelque chose qui avait toujours été déstabilisant.

-Bon, au moins tu recommences à me frapper, observa Simon en se redressant. C'est une bonne nouvelle.

-Simon, peu importe qu'il vente, qu'il neige, que je suis sois triste ou heureuse, je ne cesserais jamais de te frapper. C'est l'une des joyeuses constantes de ma vie.

-Sauf si tu vas à Vrastra. Là, tu auras un problème de distance qui t'empêchera de mettre la main sur moi.

-Oh, je t'apporterais dans mes bagages. Petit comme tu es, tu devrais passer dans ma valise. Ou je trouverais un sort pour te miniaturiser et te mettre en porte-clefs. Comme ça je pourrais te frapper tout le temps.

-Quelle joyeuse vie en perspective.

Si joyeuse qu'elle lui avait arraché un nouveau sourire. Le soleil éclaircissait ses cheveux, si bien qu'il ne restait rien du châtain de l'hiver. Mais son regard, malgré ses cheveux rendus dorés par le soleil et le léger sourire qui éclairait son visage, restait sombre, hanté, happé par les profondeurs du lac.

-Au fait, Vicky ...

-Oui ?

Simon se dandina sur le banc. Il avait posé ses coudes contre ses genoux, et passé une main troublée dans ses cheveux.

-Ma mère m'a envoyé une lettre ce matin. Pour notre programme de cet été.

-Ah. Alors ?

-Ma tante Amelia la libère de ses fonctions pour trois semaines, peut-être un mois, pour qu'elle puisse s'occuper de nous. Mon père aussi a eu des congés et même Caroline a pris quelques jours. Alors ... il se peut qu'on aille dans notre maison dans le sud de la France.

-Oh.

J'avais l'impression que Simon venait de rouvrir la plaie, arrachant les sutures et découpant la cicatrice. Je portai discrètement ma main à ma poitrine où une douleur soudaine venait d'apparaître.

-Quand ça ?

-On partirait deux jours après la fin des cours, le temps que ma mère boucle tout les dossiers. Je suis désolé, Vicky. Mais mes parents préfèrent partir, nous arracher à tous ça ... Le temps qu'on se remette. On reviendrait sans doute début aout ...

Malgré moi, et la déception qui m'étreignait, un léger rire me secoua la poitrine. Je rejetai la tête en arrière, et mes boucles cascadèrent jusqu'à mes omoplates. Ciel, il fallait réellement que j'aille couper tout ça.

-Pour ton anniversaire, traduisis-je avec un sourire amer. Tu reviendras quand tu auras dix-sept ans et que tu seras majeur. Et en attendant, tu iras te planquer en France, loin de moi pour que je ne puisse pas profiter d'une supériorité que j'ai attendue depuis que j'ai posé un pied à Poudlard.

-Je me doutais que ça te déplairait.

En réalité, ce n'était pas la seule chose qui me déplaisait. Je n'avais aucune envie de passer les vacances seule. La perspective de rentrer à la maison était heureuse, mais l'absence d'Alexandre m'avait rendu plus craintive. Et avec le deuil, le retour et mon grand-père, jamais un retour au bercail ne m'avait autant appréhendé. Alors je m'étais rassurée en songeant qu'au moindre problème, j'aurais toujours les Bones sous la main – Simon, Susan, ou même Rose. Mais même eux m'abandonnaient. C'était cela. Je me sentais totalement abandonné par tous.

-Tu crains, Bones.

-Je sais.

Pour la plus grande surprise, je sentis ses doigts effleurer les miens et sa main couvrit la mienne. Etrangement, ce simple contact fit monter des larmes dans mes yeux et je levai le visage pour les refouler.

Non. Je ne voulais pas être seule pendant ces vacances. Pas seule avec ma douleur et mes doutes, sans personne pour comprendre.

-On mettra des sorts de protections autour de ta maison, proposa-t-il avec douceur. Juste au cas où. Et si tu veux je t'écrirais. La France, ce n'est pas le bout du monde ...

-C'est l'ennemi héréditaire de l'anglais. Espèce de traitre.

-Arrête de râler, Vicky. Si tu veux de la compagnie, il y a une solution très simple – et non, ce n'est pas Alexandre.

Mes joues s'empourprèrent quand je compris ce à quoi faisait allusion Simon. Je n'avais pas adressé la parole à Miles depuis le lendemain de la fin du Tournoi. Je l'avais croisé au détour d'un couloir en allant chercher de la nourriture pour tous mes camarades retranchés dans la salle commune. Je m'étais figée au bout du couloir, et nous nous étions contemplé longuement. Miles avait essayé de me parler, de me consoler, d'essayer de me comprendre ... Mais ça m'avait paru vain. Complétement faux. Alors c'était en pleurs que je l'avais supplié de me laisser tranquille ... Et il l'avait fait. Je resserrais mes bras autour du genou que j'avais plaqué sur ma poitrine, l'estomac tordu par l'appréhension et la honte.

-Tu devrais essayer d'aller lui reparler, Vicky, m'enjoignit Simon en pressant ma main. Tu auras besoin de lui pour surmonter ça.

-Il ne sait même pas ... Mon grand-père, Tu-Sais-Qui ... il ne m'a pas cru dans la forêt, il ne me croira pas pour ça non plus ...

-Tu n'es pas obligé de tout lui dire. Mais juste ... le laisser être là pour toi.

-Ce n'est pas ...

-Vicky, m'interrompit Simon d'un ton plus ferme. Ne pense pas que je ne vois pas ce qui se passe depuis une semaine. Tu nous portes tous à bout de bras, tu t'occupes de moi, de Susan, d'Emily. C'est à peine si je t'ai vu pleuré depuis ce soir là – et pourtant Dieu sait que tu as vécu bien plus d'épreuve que nous. Du coup ... Je ne sais pas. Je n'ai pas l'impression que tu aies réellement réalisé. Que tu t'occupes de plein de chose ... pour fuir la réalité.

C'était incroyable que je sois si transparente pour lui. Qu'il m'analyse mieux que je ne pourrais jamais le faire moi-même. Sa pression sur ma main se fit plus douloureuse.

-Un jour ça te tombera dessus, Victoria. La réalité va s'abattre de plein fouet sur toi, et tu ne sauras pas comment réagir face à elle. Alors ce jour là, il faudrait peut-être que Bletchley soit là pour te soutenir.

Et pour poursuivre dans l'incroyable, Simon prit ma tête d'une main et pressa ses lèvres contre ma tempe. Son souffle tremblant se perdit dans mes cheveux et il appuya son front contre ma tête. C'était trop, et une larme roula sur ma joue, seule et frissonnante.

-S'il te plait, me supplia Simon en un murmure rauque. Pour une fois dans ta vie, écoute-moi.

***

Et pour la première fois dans ma vie je l'écoutai. Je vis Miles le lendemain, la veille des vacances. Ce ne fut pas un entretien facile : je me retrouvais face à lui sans savoir comment agir. Finalement, il avait ouvert les bras, et j'avais compris que Simon avait raison : j'avais besoin de quelqu'un qui me soutiendrait. Alors je m'étais précipitée sur Miles, et il m'avait serré à m'en rompre les os. Il avait lâché un soupir soulagé dans mon cou.

-J'ai cru ... J'ai cru que c'était fini ...

-Non, répondis-je d'une voix étouffée. Non, il ... il me fallait juste du temps ... (Je m'écartais doucement, des larmes perlant à mes yeux). Et il m'en faudra encore. Miles, je ... tout ça, ça reste flou pour moi. Je ne peux ... je ne peux pas te promettre d'être la même dans les mois à venir, ni même que notre relation sera la même. Je suis désolée ...

Miles passa une main sur ma joue, balayant mes excuses avec tendresse.

-Je me fiche de ça. Tout ce qui m'importe c'est que tu ailles bien. Et ça aussi je sais que ça prendra du temps mais ... je serais là. (un sourire incertain retroussa ses lèvres). Je t'ai attendu pendant plus d'un an, Vic', alors je t'attendrais encore. Je suis patient. J'attendrais que tu ailles mieux, que tu te remettes, et en t'attendant je serais là. Je te le promets.

Sa sincérité m'arracha quelques autres larmes et je me replongeai dans son étreinte. Nous restâmes un long moment enlacés, savourant notre contact sans un mot – de toute manière, ils étaient inutiles dans cette situation. Lorsque je me dégageai enfin, mes larmes s'étaient taries et Miles avait essuyé les récalcitrantes de son pouce. Je fixai nos mains qui s'étaient entrelacées naturellement, puisant dans le contact de sa peau le courage de dire :

-Tu sais ... Mon frère n'est pas comme mes parents, il accepte la magie. Je suis presque persuadée qu'il va me séquestrer pour que je puisse ranger son appartement à sa place ... Alors ... Peut-être que si cet été tu veux venir me voir, tu pourras le rencontrer. Il habite à Bristol maintenant ...

Pendant un moment, Miles ne répondit rien, vraisemblablement pris de court. Mais un sourire finit par s'étirer sur ses lèvres.

-D'accord, je prends le rendez-vous. Je serais très content de rencontrer ton frère. Juste ... tu es sûre qu'il ne va pas me tailler en pièce ? J'ai parlé à Bones, et il m'a dit qu'il faisait une bonne tête de plus que moi.

-Pas tant que ça, et s'il te touche je ... Attends, tu as parlé à Simon ?

Miles se dandina d'un pied à l'autre avant de hausser les épaules.

-Je voulais savoir comment tu allais, et avec tout ce qui se passe il était le seul à accepter de me parler. Mais c'était juste que je m'inquiétais pour toi, Vic', je ...

-Ça va, soufflai-je, l'esprit ailleurs. Ce n'est rien.

Malgré mes larmes et mon incompréhension, cet entretien m'apaisa grandement si bien que lorsque Miles me laissa pour aller achever sa valise, je l'embrassais sans réfléchir, de façon instinctive. Une fois seule, je me mis à errer dans le parc, et sans que je ne m'en rende compte, mes pas me menèrent vers le terrain de Quidditch. Je n'y avais pas posé le moindre orteil depuis que Cédric était mort. Maintenant, les immenses haies du labyrinthe avaient disparu, laissant place à la belle pelouse aux lignes blanches qui m'était plus familière. Assise sur les gradins, admirant les éclats de soleil qui se brisaient sur le métal des anneaux des buts, je songeais que c'était une belle journée pour voler.

Mais qu'à présent, j'étais seule pour voler.

Les gémissements nocturnes d'Emily m'emplirent les oreilles.

Le sourire de Cédric flotta dans mon champ de vision.

Le furtif baiser de Simon me brûla la tempe.

Ce fut à cet instant que je me rendis compte du miracle qu'avait accompli Cédric, même depuis les cieux : me concilier avec Simon Bones. Alexandre, tant de professeurs, Rose et Caroline Bones, Emily avaient tenté de s'attaquer à cette montagne, mais c'était Cédric qui avait réussi. Le grand arbitre de nos disputes, celui qu'on avait désespéré tant de fois par nos joutes physiques et verbales ...

-Pourquoi il a fallu que tu meures pour que ça arrive, Cédric ? soufflai-je, la gorge compressée par un étau.

Des larmes roulèrent jusqu'au coin de ma bouche et répandirent un goût de sel et d'amertume sur ma langue. Je les essuyai du plat de la paume. Même lorsque je le disais à haute voix, je ne le pensais pas. Simon avait raison, je fuyais totalement la réalité. Au fond de moi, j'espérais être restée dans mon cauchemar, et que lorsque je me réveillerais, j'irais rejoindre Cédric à la table des Poufsouffle pour le voir engloutir son petit-déjeuner. C'était illusoire, mais je m'accrochais irrationnellement à cette pensée pour ne pas sombrer. Parce que c'était dans ma nature. Lorsque j'avais peur, je fuyais. Et Dieu savait à quel point j'étais effrayé face à tous ces événements.

-Je n'ai jamais été bon, en Quidditch.

Je sursautai violement, portant vivement ma main à ma joue pour essuyer mes larmes. Sur le même niveau que moi, avançant aussi silencieuse qu'une ombre à quelques mètre, Albus Dumbledore me souriait. Le soleil faisait scintiller ces cheveux et sa barbe blanche et ses rayons se fractionnaient en éclat sur le fer de ses lunettes demi-lune. Un petit rire lui secoua les épaules.

-Miss Victoria Bennett, il ne me semble pas que nous nous soyons réellement vus de visu. Si bien que j'aurais presque envie de me présenter ... Ce sont généralement les usages lorsque l'ont parle pour la première fois à une personne.

-C'est inutile, professeur, bredouillai-je, déboussolée.

-Je me doute bien. Puis-je ?

D'un gracieux mouvement de la main, il indiqua la place à côté de la mienne. Sans savoir que répondre, ni quoi penser de la présence de l'illustre directeur, je hochai la tête. Dumbledore franchit les derniers mètres qui nous séparaient pour s'asseoir à ma gauche. Derrière ses lunettes, ses yeux qui paraissaient sans cesse pétiller depuis la Grande Salle étaient graves et songeur malgré le léger sourire qui persistait sur ses lèvres.

-Comme je le disais, je n'ai jamais été bon en Quidditch. A vrai dire, je n'allais même jamais voir les matchs, étant jeune. Je considérais ça comme une perte de temps, quelque chose de futile et d'inutile. Comme quoi, même les plus grands esprits peuvent se tromper ... J'ai rarement vu quelque chose qui était aussi fédérateur que le sport.

-Ou qui cause autant de tension, songeai-je en me souvenant des disputes qu'on pouvait avoir à Terre-en-Landes au sujet du foot.

-Comme tous ce qui suscite les passions, il est révélateur du meilleur ... comme du pire.

J'observais le directeur du coin de l'œil. Si son sourire s'attardait sur ses lèvres, ses yeux gardaient l'éclat froid de l'homme usé, et qui malgré sa lassitude se devait de continuer de réfléchir. Mon cœur dévala ma poitrine.

-Mais je ne suis pas certaine que vous soyez ici pour parler Quidditch, professeur.

-Et pourquoi pas ? badina Dumbledore en désignant les gradins alentours. Nous sommes sur un terrain de Quidditch, et si j'en crois les louanges du professeur Chourave, vous êtes une excellente joueuse. Vous me pardonnerez sans doute, Victoria, mais mes connaissances en la matière sont assez limitées, et je ne puis juger réellement de vos performances sur le terrain.

-Peut-être parce que je trouve que dans la situation présente ça n'a pas vraiment de sens.

Mon premier réflexe fut de plaquer ma main sur ma bouche pour retenir mes mots, avant de me rendre compte qu'il était trop tard et qu'ils avaient déjà passé mes lèvres. Je n'en revenais pas de m'être adressé si sèchement à l'éminent directeur de Poudlard. L'inexplicable sourire de Dumbledore se fana enfin.

-Ah. Non, Victoria, je pense que vous vous trompez. C'est au contraire dans ces moments là que ça a le plus de sens. Il faut se raccrocher à ces petites choses qui font notre bonheur quotidien pour ce souvenir que même dans les instants où le chagrin et la douleur écrasent tout, la vie vaut toujours la peine d'être vécue. Que ces mauvais moments ne font que passer, et que le bonheur simple d'une partie de Quidditch sera toujours là pour vous accueillir le jour où cela arrivera.

Le directeur joignit ses deux mains et entrelaça ses doigts sur ses genoux. J'aurais voulu répondre quelque chose, mais ses mots m'avaient noués la gorge.

-Mais j'ai été maladroit, admit-t-il avec une certaine contrition. J'aurais dû commencer par vous adresser mes condoléances, Victoria. Le professeur Chourave m'a fait savoir que vous étiez une amie très proche de Cédric Diggory. Et je crois d'ailleurs me souvenir de votre hâte à aller vous enquérir de son état à la seconde tâche.

Incapable de répondre, toujours rendue muette par la boule d'émotion qui s'était formée dans ma gorge, je me contentais d'accepter ses condoléances d'un hochement de tête. Dumbledore me toisa par dessus ses lunettes demi-lune avec un regard qui me rappela celui de mon grand-père : celui qui donnait l'impression d'être passé au rayon-X. Cette fois, il n'y avait plus la moindre trace de sourire sur son visage.

-Je dois également m'excuser de venir vous voir si tard – et également de venir vous voir si tôt. Mais comme vous l'avez sans doute deviné, il y a des sujets que nous devons aborder vous et moi, et que nous aurions abordé bien plus tôt si je n'avais pas été occupé par le Tournoi – ou si vous ne vous étiez pas si défiée de mon jugement.

-Je suis vraiment désolée, professeur, m'excusai-je, telle une petite fille prise en faute.

Mais Dumbledore balaya les excuses d'un revers de main. Ses sourcils s'étaient froncés par dessus son nez aquilin.

-La peur est un moteur puissant, et je peux parfaitement comprendre que vous ayez pu être effrayée. Non Victoria, c'est à moi de m'excuser en un sens. Je n'ai pas suscité assez de confiance en vous pour que vous puissiez me voir dès la nuit de votre première année.

-Je craignais d'être renvoyée et ... c'est toujours le cas, à dire vrai.

-Aah, laissa échapper Dumbledore. La voilà donc la crainte. Bien ... ce que je vous propose pour dénouer tout cela, c'est que vous me racontez tout depuis le début. J'ai eu les récits des professeurs Rogue et Chourave, maintenant j'aimerais l'entendre de votre bouche. Alors je vous en prie, je vous écoute. De ce qui s'est passé lors de votre première année avec monsieur Selwyn jusqu'à votre mésaventure face à miss Tokarsky il y a quelques jours. Je vous prierai surtout de ne rien omettre afin que l'on puisse prendre ensemble la décision qu'il convient.

Le regard profond et appuyé de Dumbledore me fit déglutir d'appréhension. Ses yeux bleus paraissaient fouiller les tréfonds de mon âme, et je sus que, quand bien même je le voudrais, je serais incapable de lui cacher les hypothèses de Kamila concernant mon grand-père. Alors ce fut la mort dans l'âme et avec l'impression de me mettre à nu que je racontais tout ce que j'avais caché depuis le 5 novembre 1989, jusqu'au moment où le chien errant de la forêt avait surgi pour me sauver de Kamila. Dumbledore me laissa parler avec bienveillance, fronçant parfois les sourcils et se fendant de « Ah ! » songeurs, avant de se plonger dans le mutisme une fois que mon récit fut achevé. Parler si longtemps m'avait asséché la gorge, et Dumbledore parut le comprendre, car sans un mot il sortit sa baguette de sa manche et fit apparaître deux gobelets de jus de citrouille frai entre nous. Je sirotais la boisson, attendant avec une certaine angoisse le verdict du directeur. Sur son visage, ses rides semblaient s'être figées et son expression ne laissait rien transparaitre.

-Bien, entonna-t-il au bout de quelques minutes de silence. Pardonnez-moi encore de vous avoir fait revivre tout cela, mais vous comprendrez que c'était nécessaire ... et ce fut également éclairant. Prenons les choses par ordre chronologique, voulez-vous ?

-A l'accident de Nestor Selwyn ...

-Vous avez utilisé le mot juste, Victoria. Accident. J'avoue que lorsque Nestor Selwyn est arrivé à l'infirmerie le visage à moitié calciné et que j'ai été le voir à Saint-Mangouste pour savoir ce qu'il lui été arrivé, je n'ai pas cru à la thèse du sortilège qui avait mal tourné. Son récit était brouillon, et plus il le racontait, moins il avait de sens. Et surtout j'avais entendu cette rumeur du côté de Serpentard, que ce soir là il avait l'intention de châtier une petite née-moldue. Ayant connaissance de cela, j'ai immédiatement songé que la petite née-moldue en question devrait avoir une idée de ce qu'il s'était passé pour Nestor Selwyn ... le problème voyez-vous, Victoria, c'était que je ne savais de quelle petite née-moldue il s'agissait. Et j'avoue ne pas avoir fait usage d'un zèle excessif pour la retrouver. Même le père de Nestor Selwyn me pressait d'étouffer l'affaire ... peu importe qui avait brûlé le visage de son fils. Comprenez-vous pourquoi, Victoria ?

Lorsque son regard tomba sur moi, il brillait de compassion et de sollicitude. J'y vis là l'infime espoir que je ne serais pas renvoyée, et ce fut étayé par la suite des paroles de Dumbledore :

-Parce que nous avions tout deux conclu que quoiqu'il fût arrivé ce soir du cinq novembre, Nestor Selwyn en était l'entier responsable. Il n'avait pas à vous attirer dans la forêt. Il n'avait pas à vous effrayer ainsi en profitant de sa position d'aînesse. Tout dans cet acte dénonce son comportement lâche et arrogant. Vous vous pensiez en danger, et vous veniez tout juste d'entrer dans notre monde, Victoria. Il est normal que votre magie, pas encore habituée à avoir votre baguette en catalyseur, se soit rebellée. Vous n'aviez aucun contrôle sur ce qu'il s'est passé, et je ne crois pas me tromper en disant qu'il n'y avait aucune malveillance dans votre acte ?

-Mais j'aurais pu aller chercher lorsque Nestor Selwyn s'est mis à brûler, murmurai-je, à peine rassurée malgré tout. J'aurais dû ... J'aurais dû aller voir quelqu'un ...

-Et je suis ravi que vous comprenez votre erreur, Victoria. Mais elle fut la seule, et elle n'est pas suffisante pour signifier un renvoi selon moi. Alors vous resterez à Poudlard.

J'exhalai un profond soupir en rejetant la tête en arrière, recevant les mots tels une bénédiction. Ce poids que je portais en moi depuis plus de cinq quand déploya ses ailes décharnées et s'envola enfin de ma poitrine, la quittant à jamais.

-Merci, professeur.

-Il n'y a pas de quoi, répondit humblement Dumbledore. Maintenant Victoria, je gage que vous aurez assez confiance en moi pour venir me voir si pareille situation se reproduisait.

-Je vous le promets.

Le directeur eu un hochement de tête satisfait, et prit le gobelet qu'il avait fait apparaître pour lui. Il sirota deux gorgées de jus de citrouille avant de poursuivre :

-Maintenant, il y a ce qu'il s'est passé avec Kamila Tokarsky cette année – et malgré les apparences, il semblerait que ce soit une affaire bien distincte. Et hautement plus improbable ...

-Absurde, même. Professeur, vous connaissez la famille Liszka ?

Les traits de Dumbledore se crispèrent légèrement, et la contrariété emplit ses prunelles.

-Oui, le nom m'a sauté aux oreilles lorsque vous l'avez prononcé. Une grande famille sorcière au sang plus pur que de l'eau de roche qui dirige la Pologne d'une main de fer depuis des générations. Cette famille n'a pas attendu Grindelwald pour s'élever aux plus hautes sphères du pouvoir de son pays, mais elle s'est servie de son influence pour ancrer bien profondément ses griffes dans le ministère polonais.

-Et ... vous en connaissez les membres ? Excusez-moi si je vous embête mais ...

-Il est tout à fait normal que vous cherchiez des réponses, Victoria, cessez de vous excuser. Je connais le patriarche, Marceij, et la fille aînée qui a repris les rênes de la Pologne lorsqu'il s'est fait trop vieux – Dominika ? Il me semble que c'est cela. Pour le reste de la fratrie, je suis forcée d'admettre mon ignorance ... Après la chute de Grindelwald je me suis désintéressé de cette partie du monde, je l'admets ...

-Kamila disait que le cadet s'appelait Miroslav, l'éclairai-je alors, mes doigts agrippant nerveusement ma chaine. Miroslav Liszka, comme mon grand-père. Et ... que peu de temps après la guerre, il a quitté la Pologne. Et je sais que mes grands-parents sont arrivés en Angleterre lorsque ma grand-mère était enceinte de ma mère et de ma tante, en 1949. J'avoue que la coïncidence est tentante mais ... non, professeur, mon grand-père n'est pas un sorcier.

Dumbledore garda le silence, les yeux songeurs vagabondant sur le terrain de Quidditch. Ma chaine était tellement nouée entre mes doigts qu'elle me coupait la circulation.

-S'il était un sorcier, je ne serais pas la seule sorcière de ma famille, plaidai-je, puisque c'était le seul argument scientifique que j'avais à proposé. Ma mère et ma tante sont moldues – comme ma cousine, et mon frère. Je suis la seule à être née magique.

-Effectivement, c'est un point important. Je suis d'accord avec votre analyse, la coïncidence est troublante mais ajouté aux autres éléments, quelque chose cloche. Hmm ... Voilà un mystère de taille.

Mais un mystère dont je me serais bien passé, songeai-je sourdement, sans oser l'émettre tout haut. Cela dit, parler de cela avec un esprit vif et cartésien comme l'était Albus Dumbledore avait quelque chose d'apaisant. Le directeur finit par lever le regard sur moi.

-Victoria, la seule chose que j'aie à vous proposer pour ce dossier est d'en parler directement à votre grand-père. Bien sûr, je ferais quelques petites recherches pendant l'été, cette histoire a piqué ma curiosité ... Mais je suis persuadé que seul votre grand-père pourra vous éclairer.

-Mais il ne sait pas que je suis une sorcière !

-S'il est un sorcier, il le sait sans doute.

-Et s'il ne l'est pas ?

Le regard de Dumbledore se planta dans le mien avec gravité.

-Dans ce cas là, Victoria, la majorité vous a donné le droit d'utiliser votre baguette.

Je mis un moment à me rendre compte que Dumbledore me proposait purement et simplement d'oublietter mon grand-père en cas d'échec. L'idée me retourna le ventre – mais bien moins que la vision de Miro Lizska tuant une mère et estropiant sa petite fille. Je me murais dans un mutisme pour digérer cette idée, pendant que Dumbledore contemplait les oiseaux qui volaient par dessus le terrain de Quidditch. Malgré la discussion qui semblait close sur tous les points, il n'avait pas amorcé le moindre mouvement pour se lever, comme s'il s'attendait à ce que je reprenne la parole. Ce fut alors qu'une question me vint à l'esprit, une question évidente, mais qui me glaça l'esprit et la moelle. Je passai ma langue sur mes lèvres, indécise.

-Professeur, j'aurais une question ...

-Et je vous écoute.

-Est-ce que c'est Vous-Savez-Qui qui a tué Cédric ?

L'interrogation formulée à voix haute réveilla la douleur sourde qui ne quittait pas ma poitrine et qui n'attendait qu'un rappel pour se mettre à transpercer mon cœur de nouveau. Le visage de Dumbledore s'assombrit et soudainement je lui trouvais l'air d'un vieil homme, avec ses rides qui creusaient de profonds sillons sur son visage et la lassitude qui brillait dans son regard. Il eut l'air cependant assez surpris pour tourner brusquement les yeux vers moi.

-Je m'attendais à une question sur la mort de monsieur Diggory, admit Dumbledore, un sourcil dressé. Mais pas ... formulée ainsi. Qu'est-ce qui vous dit que Lord Voldemort est derrière la mort de Cédric ?

Le nom m'arracha un violent frisson qui me parcourut l'échine. J'y portais la main pour les apaiser, prise de court. J'avais pris l'habitude des sorciers de ne pas prononcer son nom, et l'entendre de la bouche de Dumbledore avec une telle indifférence avait quelque chose de glaçant. Un sourire à la fois doux et amer s'étendit sur les lèvres du directeur.

-Ce n'est qu'un nom, Victoria. Bien que je comprenne la peur qui y soit liée, je considère qu'il absurde d'avoir peur d'un nom. Ça ne fait qu'accentuer la peur de la chose en elle-même.

-Je sais que vous avez raison, admis-je dans un filet de voix. Mais ... c'est une question d'habitude.

-Oui, et certaines habitudes sont mauvaises. Mais je vous écoute : vous m'avez posé une question et avant d'y répondre j'aimerais avoir une réponse à la mienne.

Après une gorgée de jus de citrouille, je lui répétais toute l'analyse que j'avais pu faire avec Simon, y ajoutant – puis qu'il ne servait à rien de le nier – la scène que j'avais surpris entre Rogue et Karkaroff, et le murmure de Harry entendu par Simon.

« Il est revenu ».

Le regard de Dumbledore se darda sur moi, inquisiteur et intrigué.

-Je dois avouer être agréablement surpris, Victoria. Bien sûr, je n'en veux pas à Rose Bones de vous avoir prévenu de la disparition de monsieur Croupton – et je suis au regret de t'annoncer sa mort malheureuse. Il est normal qu'une mère veuille protéger ses enfants en les mettant en garde. Votre analyse était incroyablement juste. Pendant toute cette année, Lord Voldemort a repris des forces, infiltré Poudlard et semé la zizanie dans le Tournoi pour pouvoir isoler Harry lors de l'épreuve finale. Il était l'ingrédient qu'il lui manquait pour pouvoir retrouver son corps, et à présent c'est fait. Lord Voldemort est de retour.

La dernière phrase me donna la chaire de poule. Dans la bouche d'Albus Dumbledore, plus grand sorcier du vingtième siècle, cela faisait office d'officialisation, et rendait la chose bien plus réelle.

Simplement, j'avais encore du mal à évaluer les conséquences que cela aurait sur ma vie.

Je pris une profonde inspiration pour expirer toute la tension qui venait s'éprendre de moi.

-Alors ... le monde sorcier va replonger dans la guerre ? Comme ... comme il y a quatorze ans ?

-Pas dans l'immédiat, évalua Dumbledore avec un certain dépit. Car vous qui semblez remarquablement clairvoyante, vous avez dû remarquer que les médias taisent ce détail qui est pourtant d'une importance vitale pour tout sorcier de Grande-Bretagne ?

-Oui, répondis-je en rougissant sous le compliment. J'ai lu La Gazette, et ils ne parlent de rien ... Même pas de Cédric ...

-C'est que le Ministère ne veut pas que vous sachiez, expliqua Dumbledore d'un ton dur. Notre cher Ministre ne considère pas que la parole de Harry, qui a vu Voldemort revenir, soit valable.

-Maudite Rita Skeeter.

Une lueur appréciatrice d'amusement brilla dans les yeux de Dumbledore.

-Vous avez cerné le problème. Maintenant Fudge – et je le crains, une partie du grand public – pensent Harry fou, et je pense que le Ministère va pousser dans ce sens. Fudge ne veut pas voir son beau monde tomber en ruine par de telles allégations.

-Vous voulez dire que Fudge ne fera rien ? m'étonnai-je, estomaquée. Vous-Savez-Qui est revenu, il a tué Cédric et il ne fera rien ?

-Je suis soulagé de voir que vous êtes aussi indignée que je ne le suis, Victoria.

-Mais vous ne pouvez pas le laisser faire ça ! m'exclamai-je, l'emportement me poussant à oublier toute prudence. Il a tué Cédric, professeur, lui et ses Mangemorts ont tués des centaines de personnes il y a quinze ans – l'oncle de Simon, les parents de Harry ... Et les moldus ! Professeur, qu'est-ce qu'il se passera pour mes parents si le Ministère ne fait rien ? Et pour les gens comme moi ?

Des larmes de rage et d'impuissance m'étaient montées aux yeux et j'écrasai celle qui avait dévalé ma joue d'un revers de la main. Dumbledore me contemplait sans rien dire, l'air vaguement touché par ma détresse. Il me fit doucement le signe de me rassoir, et ce fut ce que je fis, fulminante. Puis à ma grande surprise, la main parcheminée de Dumbledore serra la mienne, et il ancra son regard magnétique dans le mien.

-Dans un premier temps, nous devrons compter uniquement sur nous-même. Je vous rassure, Voldemort ne tentera pas de coup d'éclat dans un premier temps : il profitera du répit que lui offre gracieusement le Ministère pour rassembler ses forces en silence. Vous pourrez sans doute passer un été paisible, mais il faudra que vous restiez sur vos gardes, vous m'entendez ? Vous avez raison. Les moldus et les nés-moldus seront bientôt parmi les cibles prioritaires des Mangemorts.

Je déglutis, le cœur battant à tout rompre dans ma poitrine. Mes mots, prononcé il y avait presque un an enfouis dans la poitrine d'Alexandre me revinrent à l'esprit. « Je vous protégerais. Je vous jure que je vous protégerais ».

Seigneur oui. Il m'avait déjà pris Cédric : il ne me prendrait pas plus. Pas si je pouvais l'en empêcher.

-Je lancerais des sortilèges de protections sur ma maison. Et même dans tout le quartier, s'il le faut. Même dans tout Terre-en-Landes.

Un tic nerveux tressauta sur la joue de Dumbledore, et il parut un instant troublé. Mais avant que je ne puisse m'en inquiéter, il m'adressa un sourire appréciateur.

-C'est une attitude qui me plait, Victoria. Et c'est exactement les réflexes que vous devez avoir. Je ne saurais que trop te conseiller de t'entrainer au sortilège du patronus : les Détraqueurs sont les alliés naturels de Voldemort, il le rejoindra dès qu'ils en auront la possibilité. Il faut que vous sachiez vous en défendre.

-Je ne suis pas la seule. Nous sommes des dizaines de nés-moldus à Poudlard, professeur, et je ne compte pas les enfants de familles qui sont dans le collimateur des Mangemorts ... Ces avertissements, c'est à l'école que vous devez les adresser.

Dumbledore écarta les bras, comme impuissant. Un profond dépit transparaissait dans ses prunelles.

-Je me retrouve coincé par les choix absurdes du Ministère.

-Sauf votre respect, monsieur, vous ne semblez pas être homme à suivre aveuglément les directives du Ministère.

Le directeur me contempla, l'air étonné par mon audace. Moi-même j'aurais pu être surprise, mais l'heure n'était plus à la prudence. Tu-Sais-Qui était de retour, et le danger planait au dessus de ma famille. Il fallait prendre des mesures, et vite.

-Je vais y réfléchir, promit Dumbledore, songeur.

-Ils doivent savoir, plaidai-je avec détermination. Si le Ministère compte leur mentir, alors la vérité doit venir de vous. S'il vous plait ... ils doivent comprendre pourquoi Cédric est mort ...

En dommage collatéral d'un plan pour rendre à Tu-Sais-Qui sa splendeur ... Je me rendis soudain compte avec un effroi glacé qu'il se pouvait que Cédric serait possiblement le premier d'une longue série. Et même qu'en réalité il n'était pas le premier. Barthy Croupton était mort – et probablement Bertha Jorkins, la femme qui avait disparu en Albanie. Le retour en grâce de Tu-Sais-Qui avait déjà fait trois victimes – et elles ne seraient pas les seules. L'idée me donnait la nausée. Si le Ministère n'agissait pas, il fallait que Dumbledore le fasse. Ce n'était pas les fonctionnaires que Tu-Sais-Qui craignait : c'était Albus Dumbledore.

Lequel me fixait avec un intérêt nouveau, l'œil brillant de détermination. Quoiqu'il en était côté Ministère, il était évident qu'il ne comptait pas se laisser faire. Mes yeux fixèrent le vide pendant un long moment, le visage de Cédric flottant dans mon esprit avec une nouvelle signification que la simple douleur. Il était l'étendard de ma rébellion.

-Mon père répète souvent pour nous dire qu'à l'échelle de Dieu nous ne sommes que peu de chose un verset de la bible – enfin, je ne sais pas si vous savez ce qu'est ...

-Je connais parfaitement le système de religion, Victoria. Continuez.

-Oui. Un verset : « tu es poussière, et tu retourneras à la poussière ». Genèse, livre 3 verset 19. Au fond, c'est tout ce qu'on est. La vie de Cédric a été enflammé, puis a vacillé comme la flamme d'une bougie, et maintenant il est retourné à la poussière, et son souvenir flottera sur nous tel une ombre. Une vie de rire, de sourire, à chercher un but, un sens pour mourir par erreur ... Et finir en ombres et poussières.

Ombres et poussières. Les mots résonnèrent en moi, perdant chaque fois un peu plus leur sens. C'était tout ce qu'on était. Ombres et poussières. Dumbledore se leva, et je suivis le mouvement. Il posa une main sur mon épaule, le regard planté dans le mien.

-Oui, Victoria, nous ne sommes qu'ombres et poussières. Mais avant de retourner à la poussière, nous nous battrons. 

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