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I - Chapitre 18 : Cartes sur table


Bonjour ! 

Chapitre 18 d'O&P ! Il est long - plus dans les standards de Lucy, pour ceux qui ont lu, sur Booknode j'ai dû le séparer en deux parties. J'espère qu'il vous plaira, j'attends vos réactions ! Bonne lecture ! 

*** 

Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce?

Un serment fait d'un peu plus près, une promesse

Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,

Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer. 

- Cyrano de Bergerac, Edmond Rostrand 

***

Chapitre 18 : Cartes sur table.

Simon s'était insurgé – une nouvelle fois – de me voir me défiler vis-à-vis de Miles. Il avait menacé d'aller voir soit les professeurs soit Selwyn en personne si je ne lui parlais pas des messages que je recevais, mais sa colère passa à l'amusement complet quand il comprit ce qui m'effrayait. Il avait alors passé la fin d'après-midi à se moquer de moi et de mes joues qui s'obstinaient à rougir. Il n'avait rien lâché de toute la semaine, bien que je n'avais reçu aucun message ni menaces depuis février. Et le sérieux avec lequel il m'exhortait à trouver une solution me troublait assez pour que je l'envisage. Quelque chose préoccupait Simon – assez pour qu'il s'inquiète sincèrement pour moi.

Cela dit, si j'en considérais par la semaine écoulée, celle qui devrait s'inquiéter n'était pas moi mais Hermione Granger. Depuis la parution de l'article la concernant dans Sorcière Hebdo, elle était régulièrement harcelée par les fans de Viktor Krum – et ceux de Harry qui avaient fini par se développer. Chaque matin une nuée de hiboux convergeait vers elle mais elle les ignorait avec une dignité que j'admirais. J'avais entendu Gillian Fawley parler des soi-disant manigances de la « tortueuse miss Granger » telle qu'elle était décrite dans l'article, mais un sortilège cuisant que je lui lançais depuis la cabine des toilettes avait transformé ses ragots en un cri d'épouvante et c'était avec satisfaction que je l'avais entendu courir jusque l'infirmerie.

Cela avait été les seuls incidents de la semaine, car les autres événements qui l'avaient marqué avait été une grande conversation entre Cédric et Emily qui avait mis un terme à des semaines de froids, et Cho qui avait décidé que je devais pas être un danger pour elle car elle était à présent plus courtoise avec moi – et je soupçonnais Simon de ne pas y être pour rien dans ce revirement. J'ignorais ce qu'ils s'étaient dit dans leur tête à tête jusque Poudlard.

-Juste des banalités, me répondit Simon quand je lui posais la question.

C'était en Défense Contre les Forces du Mal la semaine suivante, et nous observions un duel serré entre Alicia Spidnett et Sisko, la froide élève de Durmstrang. Aucune des deux ne voulaient lâcher le morceau, et les étincelles jaillissaient de partout, si bien que les personnes du premier rang avaient fini par reculer. Exceptionnellement, puisque Maugrey avait décidé de nous faire travailler la magie martiale à outrance, certains élèves de Durmstrang avaient été invité à notre cours, et force était d'admettre que leur adresse en terme de duel était de loin supérieure à la notre. La confrontation de présentation entre Kamila et l'un de ses camarades – un certain Hans – nous avaient tous laissé pantois sur nos chaises, à nous observer en chien de faïence. Ils maîtrisaient des sorts qui nous étaient inconnus, sans jamais ouvrir la bouche pour les prononcer, des éclairs aux couleurs dures et violentes jaillissant de leur baguette. Quand Kamila avait fini par stupéfixier Hans après un combat si haletant que des mèches s'étaient échappé de sa queue-de-cheval, elle n'avait ni exulté comme j'avais pu le faire en désarmant Simon, ni exprimer la moindre joie. Elle était restée impassible et s'était contentée de pester contre elle-même : d'après elle, elle avait nombre d'erreur qui avait rendu le duel frustrant et imparfait. Maugrey l'avait observé retourner s'asseoir avec un regard presque paternel qui en disait long sur son admiration des capacités de la jeune fille.

-Aïe, commenta Simon alors que Sisko se fendait pour atteindre Alicia d'un sortilège en pleine poitrine. Bon sang ils n'y vont pas de main morte ...

-Tu crois que c'est vrai ? Qu'ils apprennent la magie noire ?

-On demandera à Kamila en sortant.

Je pinçai des lèvres et observai discrètement la polonaise, assise contre le mur avec ses autres camarades de Durmstrang. Elle avait refait sa queue-de-cheval et considérait le nouveau duel constitué de Roger Davies et d'Hans, le garçon qu'elle avait vaincu, les sourcils froncés. Nous ne nous étions plus reparlé depuis mon interrogatoire sur Grindelwald et la Pologne, et pourtant elle m'avait adressé un grand sourire quand elle était entrée dans notre classe.

-Bien Davies, grogna Maugrey une fois que Roger eût désarmé rapidement Hans. Propre et efficace. Bones, à votre tour, au tableau contre Tokarsky.

Le nez pointu de Simon se fronça alors qu'un sourire tentait de passer mes lèvres. Kamila s'était déjà dressée d'un bond sur l'estrade, le visage toujours impassible. L'idée que Simon puisse prendre une raclée à la pointe de sa baguette était absolument réjouissante, et Maugrey parut le percevoir car il planta son œil magique sur moi.

-Ne vous réjouissez pas trop vite, Bennett. Effacez-moi ce sourire, ou je vous jure que vous êtes la prochaine – et je suis persuadé que vous ne vous en sortirez moins bien que Bones.

Je tordis mes lèvres pour faire disparaître le sourire alors que Simon me jetait un regard torve.

-Cette confiance, marmonna-t-il en se levant. Je te retiens Vicky.

-N'oublie pas de ne pas prononcer tes formules, me moquai-je en m'efforçant de rester impassible pour tromper Maugrey.

C'était grâce à la prononciation de l'une de ces formules que j'avais pu le désarmer la dernière fois, et si j'en jugeais par l'œillade maussade qu'il me jeta, il s'en souvenait parfaitement. Il s'installa face à Kamila, qui le considérait de ses yeux inquisiteurs, avant que Maugrey ne leur ordonne de commencer. A mon plus grand étonnement, Simon ne s'en sortit pas mal face à la grande duelliste en devenir que semblait être Kamila : il attaqua en premier, para avec justesse, et plusieurs de ses sorts faillirent atteindre la jeune fille si la dextérité de celle-ci n'avait pas été aussi physique que magique. Son corps se mouvait avec la même grâce que sa baguette, virevoltant, parant, fendant et évitant sans que ces gestes de soient superflus. Plusieurs fois elle esquiva ainsi les sorts de Simon et ce fut ce manque d'adresse dans le déplacement qui finit par avoir raison de celui-ci : Kamila plaça une attaque vicieuse que Simon ne put parer. Il tenta de se baisser pour l'éviter mais il n'avait jamais été à l'aise avec son corps, et manquait de coordination, et le sortilège atteint sa main droite. Sa baguette s'échappa de ses doigts pour atterrir dans ceux de Kamila. La jeune fille se fendit d'un sourire.

-Ah Bones, marmonnai-je dans ma barbe. Comme si on n'avait pas fait assez de balle aux prisonniers quand on était petit ...

Il avait toujours été très mauvais dans l'exercice : il était toujours parmi les premiers touchés parce qu'il n'avait jamais su esquiver la balle – exactement comme il n'avait pas su esquiver le sortilège de la guerrière de Durmstrang.

-C'est dommage, magiquement tu te débrouillais bien, commenta Kamila avant que Maugrey n'ait pu ouvrir la bouche. Tu feras un super duelliste si tu développes ta gestuelle : il faut être plus souple, plus dynamique et tu es raide comme un piquet, malheureusement.

La remarque m'arracha un ricanement car rien n'était plus vrai. Malheureusement, Maugrey le perçut et posa immédiatement sur moi ses deux yeux asymétriques. Un sourire lugubre se dessina sur ses lèvres.

-Bennett vous étiez prévenue ! Au tableau ! (La cloche retentit dans la salle et il poussa un grognement). Bon, ce sera pour la prochaine fois ... Mais ne pensez pas que je vous aurais oublié. Préparez-vous bien, je vous attends ...

-Bien professeur, répondis-je, déglutissant pour faire passer la boule qui s'était formée dans ma gorge.

L'éclat dans les yeux de Maugrey étincelait et m'intimidait, aussi détournai-je le regard pour ranger mes affaires. Simon revint et se fendit d'une petite claque à l'arrière de ma tête.

-Aïe ! protestai-je en me redressant, frottant l'endroit qu'il venait de heurter.

-Tu t'es moquée.

-Il y avait de quoi. Bon sang Bones, cet été on va faire une cure de balle aux prisonniers, ça va t'aider, et c'est un très bon remède pour ton humilité.

-Ce n'est pas idiot.

Je relevai la tête, surprise d'entendre la voix de Kamila si près. Elle s'était approchée de notre table discrètement, un fin sourire aux lèvres.

-La balle aux prisonniers, c'est le jeu qui consiste à éviter une balle ?

-En gros oui, acquiesçai-je en hochant la tête.

-Ça pourrait être un bon exercice pour toi, confirma-t-elle en s'adressant à Simon. C'est ce qui te manque : la gestuelle. La puissance magique, la connaissance et le mental, tu as l'air de l'avoir. Mais si tu ne sais pas éviter un sort autrement qu'avec ta baguette, tu es diminué.

-J'y penserais, promit Simon en haussant les épaules. Vicky voulait te demander si c'était vrai cette histoire de magie noire à Durmstrang.

J'écrasai vertement le pied de Simon et il fit un bond sur le côté pour m'échapper. Kamila me contempla un instant, l'air à la fois amusé et gêné.

-Non mais je comprends que vous posiez la question. Et ... en réalité, c'est une légende. On a cette réputation parce que le fondateur de notre école était proche de la magie noire et c'est quelque chose qui est restée par la suite. Mais dans les faits, c'est surtout qu'on met l'accent sur la magie martiale – les duels, les maléfices – et de façon bien plus poussée qu'ici, ou Beauxbâtons. Si poussée que ça entretient la légende qu'on étudie une magie différente, plus violente – de la magie noire ?

-Et le fait d'avoir un directeur ancien Mangemort ne doit rien arranger, grogna Maugrey depuis le bureau où il était adossé.

Simon et Kamila se figèrent totalement et je jetai un regard ennuyé au professeur. Simon secoua la tête, pâle, et sortit de la classe dans demander son reste. Un rictus déforma les lèvres de Maugrey.

-Un mauvais souvenir pour les Bones, Karkaroff. Je les comprends. Mais tel que je connais ce diable de Karkaroff, il doit se faire un plaisir d'enseigner quelques petites choses qu'il a apprit grâce au Seigneur des Ténèbres à ses élèves. Ils doivent être plus réceptifs que les élèves de Poudlard.

-Je ne vous permets pas, répliqua sèchement Kamila, le regard flamboyant. Je ne permettrais pas que ma baguette le moindre sort qui soit noir. Contrairement à ce que vous pensez, certains élèves ont été traumatisés par ce genre de magie.

-Calme-toi, gamine, rétorqua Maugrey sans se départir de son rictus vaguement amusé. Ce n'est pas une attaque envers ton école, ni la façon dont elle enseigne. Si ça n'en tenait qu'à moi, évidemment qu'il me semblerait évident que la magie noire doit être étudiée – pour la même raison que je vous ai montré les sortilèges impardonnables.

-Pour qu'on sache, répondis-je, sceptique.

-Exactement Bennett. Il fautque vous sachiez, parce qu'il y a encore des mages noirs qui parcourent le pays, des gens qui suivaient le Seigneur des Ténèbres il y a quelques années et qui n'ont jamais été pris. Vous ne serez jamais à l'abri de ce genre de personne là, Bennett.

Son regard asymétrique me transperça et j'eus du mal à retenir un frisson. La commissure de ses lèvres tressaillit.

-Vous savez ce qu'il s'est passé à la Coupe du Monde, Bennett ? Ils sont toujours là, dehors. Et il n'a rien que j'exècre plus qu'un Mangemort en liberté. Vous devezsavoir.

-Et je sais, soufflai-je en prenant mon sac. Merci.

J'échangeai un regard avec Kamila et elle comprit. Nous quittâmes la classe avec un dernier salut pour le professeur. Nous étions les dernières à franchir le seuil, tous étaient partis une fois la première sonnerie retentie, leurs estomacs les appelant à la Grande Salle. Les couloirs des cours étaient déserts et mes pas résonnaient sinistrement contre les murs, en écho avec mes pensées. Ce fut Kamila qui fendit le silence :

-C'est l'Auror qui a attrapé Karkaroff, c'est ça ?

-En personne.

-Whao.

Elle se retourna pour contempler le couloir qu'on venait de quitter, avant de me jeter un bref regard.

-Ne dis à personne de Durmstrang que j'ai dit ça, mais ... Bravo à lui.

Un sourire passa sur mes lèvres. Avec ce que je savais de Kamila – le passé douloureux de sa famille et sa haine de Grindelwald – je me doutais qu'elle ne devait pas particulièrement porter son directeur dans son cœur.

-Pourquoi ? ajouta-t-elle après quelques secondes, perplexe. Pourquoi il a pu sortir ?

-Apparemment, il a dénoncé pas mal de personnes à sa place. Un marché avec le Ministère.

-Mais quel lâche ... Et quel hypocrite.

Elle jeta un regard à la ronde, comme pour vérifier que personne n'avait entendu. Puis elle m'adressa un sourire.

-Alors ton devoir sur Grindelwald ? Il avance ?

-Euh ... Oui. Ça va.

Je me trémoussai, embarrassée. Je me souvenais du visage fermé de Kamila lors de notre entretien sur les crimes de Grindelwald en Pologne, et je doutai qu'évoquer à nouveau le sujet avec elle était une bonne idée. Pourtant un sourire tranquille effleura les lèvres de Kamila.

-Je ne vais pas te sauter à la gorge, s'amusa-t-elle. Je te dis c'est un très beau sujet, et je suis heureuse que quelqu'un veuille perpétuer la mémoire de ce qui s'est passé.

-Mais je sais que c'est douloureux pour toi, tu m'avais prévenue. Je n'aurais pas dû te poser toutes ses questions, comme une journaliste sans vergogne.

-Tu ne l'étais pas. Tu étais intéressée et intéressante dans tes analyses. Contrairement à ton prof ... Je veux bien croire que c'est un grand sorcier mais bon sang, ce qu'il a l'air ...

-Fou ?

La tête de Kamila oscilla, comme si elle cherchait un autre terme. Finalement elle finit par opiner du chef avec un soupir.

-Ouais, fou c'est ça.

***

-Comment elle s'appelle, celle-là ?

Le ton d'Emily était si dédaigneux que je consentis à lever mon nez du livre sur lequel je planchais. Roger Davies venait d'entrer dans la bibliothèque, tenant par la main une fille aux cheveux d'un châtain clair que j'identifiais comme une cinquième année de Serpentard. Elle attrapa Miles par la cravate, étranglant presque le garçon sur le coup.

-Elle est dans ta Maison, tu as des infos ?

-Non mais ça ne va pas ! protesta Miles en se dégageant vertement. Je suis venu pour aider Vic' en Sortilège, pas pour me faire torturer de la sorte.

-Torturer, c'est abusé, murmurai-je sans quitter mon livre des yeux.

-Je veux juste un nom, Bletchley.

Miles jeta un regard agacé à Emily. Si celle-ci appréciait globalement Miles, son humour, son charme et il fallait le dire son physique, ce n'était pas son cas. Il trouvait Emily superficielle et n'aurait pas accepté de la supporter si elle ne s'était pas incrusté pendant nos révisions de Sortilège sans réellement demander son avis.

-Camilla Farley, répondit-t-il, visiblement pour avoir la paix. Je ne sais pas si tu te souviens, mais sa sœur Gemma était préfète il y a quelques années. Une fille très gentille.

-Elle sort depuis quand avec Roger ?

-Je trouve que tu t'y intéresses beaucoup, à cette histoire, finis-je par lâcher en réprimant un sourire. Je veux dire pour une fille qui se fiche des conquêtes de Roger Davies.

Deux plaques écarlates s'étendirent sur les joues d'Emily, et elle détourna sèchement la tête du couple.

-Je ne m'intéresse pas à Roger en particulier, mais tu connais ma passion pour les ragots ...

-Passion embarrassantepour les ragots, maugréa Miles, si bas que je fus certaine qu'Emily n'avait rien entendu.

Mon sourire effleurait mes lèvres sans jamais y fleurir – je ne voulais pas prendre le risque d'alerter ma meilleure amie. Elle s'était replongée derechef dans son devoir de Potion, les joues très rouges, comme pour prouver qu'elle ne s'intéressait pas le moins du monde à la nouvelle relation de Roger – une de plus, si j'avais bien compté il s'agissait de sa quatrième partenaire depuis le début de l'année. Roger était visiblement un garçon qui avait du mal à se poser.

-Dommage pour Camilla, c'est vraiment une fille adorable, marmonna Miles en lorgnant le jeune couple, qui s'était installé près de la fenêtre. Davies ne la mérite pas.

Il fixait la jeune fille, qui avait sorti ses livres et parchemin et empêchait avec un sourire amusé Roger de picorer des baisers sur sa joue. Une main invisible me tordit les entrailles quand je vis son regard s'attarder, avant qu'il ne se repose sur moi. Un sourire retroussa la commissure de ses lèvres.

-Mais bon, c'est leurs affaires.

-Exactement. Je vais chercher le livre de Sortilège et Enchantement niveau 7, je crois qu'il y a une extension sur le sortilège d'incendie ...

Miles me sourit, et mes doigts se figèrent sur ma plume. C'était précisément le sort que j'avais jeté sans le vouloir à Nestor Selwyn, qui avait mis feu à son écharpe et ... qui risquait précisément de me faire perdre ce sourire. Une boule au creux du ventre, je me levai et me perdit au milieu des rayonnages. Mon malaise fut amplifié par la présence d'Ulysse Selwyn, assis à même le sol avec Gloria Flint dans le rayonnage des livres de Sortilèges. A ma plus grande surprise, la jeune fille avait la tête appuyée contre l'épaule de Selwyn, mais elle se redressa vite quand j'apparus dans l'allée. Un sourire froid s'étendit sur ses lèvres.

-Tu as un problème, Bennett ?

Selwyn releva les yeux du parchemin qu'il relisait, et darda ses yeux plissés par la suspicion sur moi. Il me semblait qu'on avait injecté du plomb dans mes entrailles.

-Je viens juste chercher un livre, répondis-je d'une voix résolument calme. Pas la peine de dégainer la baguette.

-On n'en avait pas l'intention, répliqua sèchement Selwyn avant que Gloria n'ait pu ouvrir la bouche. Tu ne vaux pas la peine qu'on prenne la peine de te jeter un sort, Bennett, alors prends ton livre et barre-toi.

Gloria coula un regard presque prudent sur Selwyn, le visage impassible, avant de me faire un signe agacé de la main de me dépêcher. Ce fut ce que je fis, cherchant frénétiquement le titre du grimoire dans les étagères. Je sentis derrière moi Gloria se pencher sur Selwyn et lui murmurer des mots à l'oreille. Un filet de sueur froide coula le long de ma nuque. Je finis par trouver mon livre dans l'une des étagères supérieures, et je me mis sur la pointe des pieds pour l'atteindre. Gloria Flint ricana dans mon dos.

-Faut manger de la soupe, Bennett.

-Ça c'est une légende, rétorquai-je tranquillement, atteignant enfin le grimoire qui glissa docilement vers moi. Mais je tâcherais de m'en souvenir.

Le mot « souvenir » résonna en moi plusieurs fois, et je glissai un regard discret sur Ulysse Selwyn. Il s'était replongé dans sa lecture, m'ignorant royalement, ses yeux bleus et glacés fixés sur le parchemin.

-Après tout, soufflai-je, mue d'une idée dont je ne savais où elle me mènerait. Remember, remember.

Gloria me gratifia d'un regard interloqué, mais c'était la réaction de Selwyn que je guettais, mon cœur battant contre ma cage thoracique. Il me sembla qu'il tiqua au moment où je prononçais ces mots, car ses doigts se figèrent sur le parchemin qu'il tenait. Puis lentement, un sourire se forma sur ses lèvres avant qu'il ne les torde pour le faire disparaître. Mon souffle se bloqua dans ma gorge. Je n'attendis pas pour tourner les talons et quitter le rayonnage, mon pouls battant à ma tempe si fort que j'y portais ma main, comme si ça pouvait le calmer.

C'était peu, mais ça suffisait à faire battre mon cœur à la chamade. Un simple sourire, mais il était là, ce sourire. Et Selwyn avait pris soin de le réprimer, comme s'il savait qu'il était significatif et qu'il n'avait pas à franchir ses lèvres. Quoi que signifie son sourire, pour moi c'était clair : les mots « remember, remember » évoquaient quelque chose à Ulysse Selwyn. Et cela glaçait mon sang d'effroi. Ce sourire pouvait parfaitement signifier qu'il était l'auteur des messages qui m'étaient envoyés depuis le début de l'année.

J'atteins en pilotage automatique le bout du rayonnage pour déboucher sur l'espace où étaient rassemblées la plupart des tables. Miles et Emily vaquaient à leurs différentes occupations, et je vis avec amusement ma meilleure amie tenter de lui arracher quelques morts – sans doute des informations sur Camilla Farley – mais chaque fois il lui répondait par monosyllabe. Son air agacé me fit sourire, attendrie. Puis mon regard glissa sur sa manche gauche – la manche qui s'était retrouvée tâchée de sang le soir du bal après une altercation avec ce même Selwyn. Le mensonge de Miles ce soir là avait été si évident ... Simon avait raison, il devait avoir des informations qu'il voulait me cacher. Pour se protéger de moi, ou me protéger d'eux, c'était une excellente question. Maintenant que j'avais la certitude qu'Ulysse Selwyn connaissait ces mots, je devais en avoir le cœur net. J'hésitais un long moment, m'appuyant contre l'étagère, le livre serré contre ma poitrine. Tous les scénarios se bousculaient dans ma tête alors que je repensais à mon dictionnaire de rune, caché dans mon sac, dissimulant les mots qui me tordaient le ventre depuis le début d'année.

J'en avais assez d'avoir le ventre tordu, les entrailles tellement nouées, tellement lourdes qu'elles semblaient remplies de plomb. Il fallait que je sache.

Je laissai aller ma tête contre l'étagère avec défaitisme. Réellement, il fallait que je sache. Tant pis si je devais renoncer à ce sourire.

***

-Je ne m'attendais pas à ça.

J'adressai un sourire crispé à Miles. Il contemplait la cuisine, les yeux écarquillés comme un enfant de cinq ans face au Père Noël. C'était la première fois qu'il y pénétrait, et il y était entré avec la même déférence que mon père chaque fois qu'il entrait dans une église. Je m'étais assise sur une table, l'observant examiner la cuisine avec minutie. Ses yeux bruns étincelaient. Les elfes étaient dans le fond de la cuisine – dans le côté plonge – et se dépêchaient de finir la vaisselle du dîner. Certains d'entre eux formaient des groupes pour se répartir dans les salles de classes et couloirs pour commencer à nettoyer le château de fond en comble – leur tâche nocturne. Leurs grands sourires et leur enthousiasme à l'idée de passer leur nuit éveillés à nous rendre la vie plus agréable me serra affreusement le cœur – plus encore si c'était possible. Je détachai mon regard des petits esclaves pour demander à Miles :

-Et tu trouves ça comment ?

-J'ai l'impression que je devrais pas être là, répondit-t-il en observant les arcades qui décoraient le plafond. Que c'est une pièce interdite, une sorte de mystère que je n'aurais pas dû découvrir ...

-Et ça te fait quoi de le découvrir ?

Un sourire se dessina sur les lèvres de Miles, et mon cœur connut une nouvelle embardée quand il posa des yeux pétillants sur moi. Il ouvrit les bras pour désigner la cuisine dans son ensemble.

-C'est magique. J'adore ce château.

-Moi aussi, murmurai-je en posant mon regard sur les antiques pierres.

Je serrais mes bras sur mon ventre, comme si cela pouvait dénouer mes entrailles. Je considérais un instant Miles avec nervosité, alors qu'il faisait le tour du propriétaire. J'avais réfléchi toute la fin de journée avant de me résoudre à ne pas attendre. Cela ne savait à rien d'attendre, ça me rendait encore plus nerveuse, plus à fleur de peau. Je préférais en avoir le cœur net le plus vite que possible, et c'était pour ça qu'après le dîner, j'avais entrainé Miles dans les cuisines, l'un des endroits les plus méconnus de Poudlard et qu'il rêvait de visiter. Un des endroits les plus tranquilles, également et de la tranquillité j'en avais besoin. Surtout pour ce que j'avais à dire.

Rester statique accroissait mon trouble, aussi me levai-je pour me diriger vers le fond de la cuisine. Me répugnant à déranger les pauvres elfes débordés de travail, je tentai de trouver les boissons dans leurs armoires. Mais dans l'immensité de la chose, je m'y perdais vite, si bien qu'une voix fluette vint vite m'interpeller :

-Miss ? Je peux vous aider ?

Je baissai les yeux sur l'elfe le plus excentrique je n'avais jamais vu. Il portait un pull beaucoup trop grand pour lui d'une vague couleur violette et orné d'un « R », et deux chaussettes de couleurs différentes. Je le reconnaissais : les autres elfes le maintenaient à l'écart, comme s'il était pourvoyeur d'une étrange maladie. Ses grands yeux globuleux me dévisageaient avec une insistance presque gênante.

-Je cherche le chocolat et le café, avouai-je du bout des lèvres. Mais dites-moi simplement où c'est ! ajoutai-je précipitamment alors que l'elfe s'éloignait de ses petites jambes. Je me débrouillerais toute seule, je ne veux pas vous déranger !

-Nous déranger ?

L'elfe se retourna sur moi et je vis ses grands yeux devenir de plus en plus humide. Je me figeai, incapable de savoir comment réagir face à cet émoi soudain. Il se moucha bruyamment dans son pull violet.

-La Miss a tant de sollicitude ! Mais que la Miss se rassure, Dobby est payé pour servir la Miss, oui Miss, Dobby est payé ! Alors Dobby doit mériter son salaire, Miss ... Je vais vous faire votre chocolat et votre café !

-Payé ?

Mais avant qu'il ne puisse s'expliquer, il s'éloigna en claquant des doigts près d'une armoire. Aussitôt, le lait et la poudre de cacao en sortirent pour se mélanger dans une tasse. Je remarquais alors que nombre des elfes qui étaient assignés à la plonge jaugeaient Dobby d'un regard suspicieux, et murmuraient entre eux en le désignant.

Bien. Je venais de découvrir la maladie dont souffrait cet elfe, et elle m'arracha un sourire insensé. Le syndrome de la liberté. Je m'assis sur l'établi près duquel Dobby préparaient nos boissons.

-Vous êtes payés ? Comment ça se fait ?

-Le professeur Dumbledore est extrêmement généreux, Miss ... Miss ...

-Victoria Bennett. C'est Dumbledore qui vous a proposé de vous payer ?

-Non Miss ! C'est Dobby qui l'a demandé, car voyez-vous, quand Dobby a été libéré de sa famille par Monsieur Harry Potter ...

Je me figeai à ce nom, mais laissai l'elfe me raconter succinctement son histoire : comme Harry avait usé de ruse pour le libérer d'une famille de sorcier qui le maltraitait – et dont il avait visiblement du mal à parler sans se frapper la tête contre les placards – comment il s'était ainsi retrouvé en elfe libre et prit goût à cette liberté nouvelle. Toutes les familles de sorciers lui avaient claqué la porte au nez quand Dobby avait osé demander un salaire, jusqu'à qu'il ne tente de trouver une place à Poudlard où Dumbledore l'avait accueillit avec toute la bienveillance que j'imaginais. Bien que le lien entre Harry et lui reste obscur dans son récit, je ne pus m'empêcher de sourire d'un air approbateur, ravie de voir que, contre toute attente, certains elfes songeaient déjà qu'il y avait une vie au delà de leur esclavage. Pour l'instant, Dobby était le seul, certes, et tous les elfes semblaient l'écouter parler avec répugnance. Mais tout les précurseurs d'idées modernes avaient un jour été seuls : seul le temps et l'acceptation avait pu renflouer leur rang.

-... Et maintenant je travaille à Poudlard pour un Gallion par mois ! acheva joyeusement Dobby. Vos boissons, Miss Victoria Bennett !

Il me fit léviter deux mugs, chacune garnie d'une cuillère qui s'agitait seule dans le liquide que je réceptionnais prudemment avec un sourire.

-Merci beaucoup, Dobby. Oh attendez ...

Je posais les mugs pour fouiller la poche de ma cape. Mes doigts finirent par effleurer trois pauvres mornilles et une noise qui gisaient là depuis mon dernier voyage à Pré-au-Lard. Je les empochai pour les livrer à Dobby avec un sourire penaud.

-Désolée, c'est tout ce que j'ai. Chez moi, on appelle ça un « pourboire », c'est ce qu'on donne aux serveurs quand le service est de qualité.

De nouvelles larmes vinrent emplir les yeux de Dobby, qui contempla les pièces comme si elles étaient la plus belle chose au monde. Louant ma grande générosité dans un sanglot, il se précipita vers le fond de la cuisine – sans doute pour aller précieusement ranger les pièces – me laissant pantoise sur l'établi, sous le regard presque accusateur des autres elfes. Devant leurs expressions peu amène, je me dépêchai de prendre nos boissons pour rejoindre Miles près de la cheminé où une grande marmite étincelait de mille feux.

-Siffle ça vite, lui lançai-je en lui tendant son café. Je crois que j'ai énervé les elfes.

-Et qu'est-ce que tu as fait ?

-J'ai donné un pourboire à celui qui nous a servi.

Je crus qu'il allait m'houspiller d'avoir été si idiote – c'était sans doute ce qu'Emily aurait fait et Miles avait grandi au milieu des préjugés. Mais à mon grand soulagement, il éclata d'un rire qui résonna dans la pièce.

-Un pourboire à un elfe, s'esclaffa Miles, s'appuyant sur la grande table qui siégeait au centre. Bon sang, Vic', il n'y a que toi d'assez incroyable pour faire ça.

Mes joues rosirent devant le compliment, et je me défilai en buvant une gorgée de chocolat. Le liquide chaud fit passer la boule de nervosité qui s'était formée dans ma gorge et acheva d'apaiser un estomac déjà moins noué depuis la conversation que j'avais eue avec Dobby. Miles fit nonchalamment tourner sa cuillère dans son café, un petit sourire aux lèvres.

-Je pense te l'avoir déjà dis, mais je me répète : je t'admire vraiment d'être comme ça. Je veux dire, libre de tout préjugé. Du coup tu te sens le droit de faire des trucs qui à nous nous semble ... juste complétement dingue ! Un pourboire aux elfes ...

Un nouveau sourire crispa mes lèvres et mes doigts se figèrent sur la tasse. « Je t'admire ». Lentement, je posai mon mug sur ma table, exhalant un profond soupir pour extraire les derniers doutes, et insufflant pour me donner du courage.

-Miles ... Je ne sais pas si tu vas m'admirer longtemps.

Les sourcils de Miles se froncèrent au dessus du café qu'il était en train de boire, et il éloigna la tasse de ses lèvres pour me dévisager l'air perplexe.

-Pourquoi tu dis ça ?

Avec des gestes mesurés, je sortis mon dictionnaire de rune pour en extraire les trois lettres de menaces que je tendis d'une main peu assurée. Miles les attrapa par automatisme, me contemplant toujours dérouté, avant de poser les yeux dessus. Si le premier parchemin ne lui arracha pas le moindre frémissement, ses yeux s'écarquillèrent quand il passa à la seconde et sa bouche s'ouvrit mécaniquement quand il lut la dernière. Il posa sa tasse à côté de la mienne pour pouvoir plus librement relire les parchemins. Il se passa plusieurs fois la main sur le visage et dans les cheveux, déboussolé, avant de balbutier sans me regarder :

-Qui ... qui t'a envoyé ça ?

-Je crois que c'est Selwyn, répondis-je du bout des lèvres, tentant d'analyser les émotions qui semblaient parcourir ses traits. C'est pour ça que ...

-Selwyn ?

Le ton dubitatif de Miles me déplut fortement. Il s'était arrêté depuis plusieurs minutes sur le plus violent des dessins, le deuxième – celui sur lequel était esquissé ma crémation promise – et le considérait longuement, comme s'il ne pouvait pas en détacher ses yeux.

-Selwyn ne ferait pas ça, murmura Miles, si bas que je l'entendis à peine. Par Merlin, non ...

-Miles, je pensais qu'on en avait parlé, répliquai avec un certain agacement.

Si les difficultés commençaient dès à présent ... Je passai une main nerveuse dans mes cheveux et me forçai à poursuivre :

-Il a passé des années à me poursuivre, à me faire des coups bas avec Warrington et Flint, à me traiter de « Sang-de-Bourbe » ... C'est loin d'être un saint, Miles. C'est un pernicieux, un rusé, quelqu'un d'extrêmement vicieux à la limite de la cruauté. Il est bien capable de m'envoyer ce genre de genre de choses pour me faire peur.

-Oui mais ça ... C'est tellement ciblé c'est tellement ...

Miles semblait perdre ses moyens, le regard toujours rivés sur le dessins du bûcher. Je lus ses mots par dessus son épaule. « Remember, remember ... your turn to brurn ? ». Pourtant, il répéta :

-Ça ne peut pas être Selwyn.

-Mais bon sang Miles !

-Mais pourquoi tu penses que c'est lui ?!

J'inspirai profondément, pour faire passer le malaise et l'agacement. Je savais que cet entretien se passerait mal, mais je penserais qu'il se passerait mal parce que je lui révèlerais l'une de faces sombres, la chose la plus horrible que j'avais été capable de faire. Pas parce qu'il s'obstinait à défendre un affreux Sang-Pur dont on avait déjà statué du cas. Je me pris le visage entre les mains. La question de Miles impliquait que je lui parle de ce qui s'était passé ce fameux cinq novembre, et avec sa première réaction, je doutais à présent de ma décision de le lui révéler. Pourtant, il fallait que je le fasse : je sentis d'ici son regard perplexe brûler ma peau, attendant une réponse claire. J'avais enclenché la machine : à présent je n'avais pas le choix. Il fallait que je parle. Je soupirai profondément et écartai les mains de mon visage pour pouvoir m'asseoir sur la table, mes jambes balançant dans le vide. Etrangement ce simple fait, voir mes pieds oscillaient doucement sur moi en une position enfantine me rassura, et je trouvais le courage d'entonner :

-Miles ... Je veux bien t'expliquer pourquoi, mais il faudrait que tu me promettes de n'en parler à personne.

-Victoria ...

Il s'était mis à faire quelques pas en ma direction, se plantant devant moi pour me dévisager, l'air complétement dérouté. Je détournai le regard et assénai :

-A personne, Miles.

-A personnes, d'accord, accepta-t-il du bout des lèvres. C'est si ... ?

Pour toute réponse, je croisai les bras sur ma poitrine et inhalai un profond soupir. Les mots sortirent sans que je ne l'aie réellement décidé : je racontai comment, après avoir donné un coup de pied dans les bijoux de famille d'Ulysse Selwyn, son grand frère Nestor avait décidé de le venger en s'appuyant sur la nuit de Guy Fawkes. Ma voix trembla quand je narrais le moment où ma magie avait enflammé l'écharpe de Nestor et comment je m'étais lâchement enfuie après. Miles m'avait laissé parlé sans m'interrompre, mais son positionnement avait changé. Il s'était laissé aller contre le buffet face à moi, le regard perdu dans le vide, les yeux s'écarquillant à mesure que les mots s'alignaient. Il avait positionné sa main devant son visage, couvrant sa bouche, de sorte à ce que je n'arrivais pas à lire l'expression de ses traits. Mon récit fut entrecoupé de pause, que je faisais soit pour reprendre le contrôle des émotions qui menaçaient de me submerger, soit simplement pour sonder la réaction de Miles, espérant vainement qu'il y place une question, un commentaire, n'importe quoi ... Mais il demeurait obstinément coi, ajoutant à mon malaise. A la fin du récit, j'avais une boule chauffée à blanc dans la gorge qui m'empêchait presque de parler :

-J'avais des doutes sur la culpabilité de Selwyn, il ne se comportait pas comme quelqu'un qui me harcelait ... Mais quand je l'ai croisé dans la bibliothèque et j'ai juste lâché les premiers mots du poème ... Miles, il a souri, comme s'il les connaissait. Que ça évoquait quelque chose pour lui. Et j'ai beau cherché ... Je ne vois pas qui d'autre ça peut être. Je n'ai raconté à personne ce qui c'était passé – enfin à Simon mais ça ne compte ...

-Bones ?

La voix de Miles était étouffée par la main qui couvrait toujours sa bouche. Ce premier mot, je le ressentis comme un poignard glacé dans le ventre, tant il était détaché, dénué d'émotion. Je compris un instant plus tard quand ses yeux se posèrent enfin sur moi : froid, calculateurs. Miles tentait de rationaliser la situation.

-Oui, répondis-je dans un filet de voix. J'étais en première année, j'étais effrayée et ... j'avais besoin d'en parler à quelqu'un.

J'attendis que Miles renchérisse sur mes mots, qu'il embraye, me fasse part de son analyse, mais il replongea dans son mutisme et détourna le regard pour le river sur les elfes s'activant en plonge. La boule dans ma gorge me chauffait si fort qu'elle menaçait d'éclater si je prononcer encore un mot, pourtant je ne pus m'empêcher de lâcher :

-Tu vas te taire longtemps ?

Un léger ricanement secoua la poitrine de Miles, et il laissa enfin tomber sa main pour faire apparaître le sourire de dépit qui s'était dessiné sur ses lèvres.

-Le temps que je digère tout ça. Par Merlin, Vic' ...

Il passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant au passage. Même maintenant que sa main ne couvrait plus son visage, il m'était impossible de distinguer la moindre émotion dans ses traits. Il se détacha du buffet et fit quelques pas, les mains jointes devant son nez en signe de réflexion.

-Bien ..., finit-il par lâcher, sans cesser de faire les cents pas. Bien donc résumons ... Nestor Selwyn t'a mise sur un bûcher, mais c'est toi qui l'as brûlé, et maintenant quelqu'un menace de te brûler depuis le début de l'année, et tu penses que c'est Selwyn parce qu'il a souri aux début d'un poème évocateur ?

-En gros, oui.

Miles soupira profondément et s'adossa à nouveau au buffet, et me contempla longuement, impassible.

-Bon sang ... Je savais qu'il s'était passé quelque chose avec Nestor Selwyn, plus qu'un sort qui avait mal tourné qu'il nous vendait quand il est revenu de Ste-Mangouste ... Mais je n'aurais jamais parié que la responsable de ses brûlures c'était toi...

-Je ne l'ai pas fait exprès, plaidai-je, le ventre noué. Je ne l'ai même pas voulu, je ne comprends toujours pas ce qui s'est passé ce soir là ... Juste que j'avais peur et que ... ma magie s'est embrasée sans que je ne le veuille.

-Et c'est surprenant que Nestor ne t'ait jamais dénoncé ...

-Il aurait dû justifier comment je m'étais retrouvée sur ce bûcher, et avouer qu'il avait voulu me faire du mal – ou à défaut me faire peur. Il se serait fait renvoyer aussi.

Miles inclina la tête, me concédant silencieusement ce point. Il claqua nerveusement les parchemins qu'il tenait toujours en main contre sa cuisse.

-C'était un accident, Miles, soufflai-je, les entrailles rongée par la crainte et la culpabilité. Je ... je n'ai jamais voulu ... ça ...

Ma voix trembla un instant et les premières émotions parurent sur le visage de Miles. Il s'avança vers moi pour me prendre le bras avec une surprenante douceur, un éclat de compassion sur le visage.

-Je me doute bien enfin ... C'est ta magie, elle a voulu te protéger ...

Ces mots, ainsi que la sollicitude qui brillait enfin dans son regard, firent craquer un barrage en moi et le soulagement se répandit dans mes veines. Il se traduit physiquement par un regard éberlué sur Miles, suivit d'un idiot :

-Tu ... Tu ne m'en veux pas ?

-Mais pourquoi je t'en voudrais ? répondit Miles, l'air stupéfait. Enfin, Victoria ... C'est de sa faute à lui ... S'il ne voulait pas se trouver le visage brûlé il n'avait pas à ... Par Merlin, Vic', te mettre sur un bûcher, ça montre à quel point ce mec est tordu !

J'étais si soulagée de le voir exprimer ces mots que je ne pus rien faire d'autre que papillonner les yeux, et un sourire timide se dessina sur mes lèvres. Miles dressa un sourcil, intrigué.

-Attends ... Tu as vraiment cru que ... j'allais t'en vouloir ?

-Et me dénoncer, oui, admis-je en perdant mon sourire. Je ne savais à quoi m'attendre, et ce que j'ai fait ... Seigneur, parfois j'en ai fait encore des cauchemars ... J'aurais franchement compris que ... Tu m'en veuilles, en quelques sorte.

-Victoria ...

-Et comme tu ne parlais pas, ça ... ça n'arrangeait rien.

-Victoria.

Sa main attrapa la mienne, avec fermeté et douceur. Il s'était placé face à moi, son regard caressant mon visage avec une malice qui commençait à m'être familier.

-Je ne parlais parce que je réfléchissais à ça. (Il secoua les parchemins sur lesquels étaient inscrits les menaces). Ce qui s'est passé en première année ... Non, Vic'. L'unique responsable, c'est Nestor Selwyn et si à présent il doit vivre avec des cicatrices sur son visage, il ne doit s'en prendre qu'à lui-même.

Un lent sourire s'étira à nouveau sur mes lèvres, à la fois rassuré et empreint de gêne. Je passai une main embarrassée dans mes boucles.

-D'accord. Alors ... Merci.

-Merci ? répéta Miles, consterné. Sérieusement ?

-Oh ça va, Bletchley. Dis-moi plutôt ce qu'ont donné tes minutes de mutisme de réflexion ?

Le sourire qui avait ourlé la lèvre de Miles s'estompa quelque peu, et il lâcha la main pour relire les parchemins. Comme la fois précédente, il s'attarda sur le plus violent avant de lever les yeux sur moi. Son visage avait retrouvé sa froideur analytique.

-Ecoute, je comprends pourquoi tu penses qu'il s'agit de Selwyn. Ça ressemblerait parfaitement à ce que je sais de Nestor de se vanter d'avoir vengé son frère pour paraître être le grand frère protecteur et avoir l'ascendant sur lui. Donc ce serait parfaitement logique qu'Ulysse soit au courant, et il est même très probable qu'il le soit, s'il a souri comme tu l'as dit à l'évocation du poème.

-Mais ? le coupai-je, sentant la contre-thèse venir.

Miles hésita un instant, sa tête oscillant doucement alors qu'il relisait les menaces.

-Mais ça ne veut pas dire que c'est lui qui t'envoie ces messages, et j'avouerais être surpris que ce soit lui.

-Par Merlin Miles Bletchley, grondai-je sourdement. Moi qui te pensais guéri de ton amour maladif pour Ulysse Selwyn ...

Miles abaissa les parchemins d'un geste sec pour me foudroyer du regard, les yeux plissés.

-Rien à voir, Vic'. Et si tu arrêtes de m'accuser à chaque prise de parole de favoriser ma soi-disant admiration pour Selwyn à ta sécurité, j'accepterais de t'expliquer calmement pourquoi je suis persuadé que ce n'est pas lui l'auteur de ces lettres.

Je croisai les bras sur ma poitrine, mes pieds se balançant dans le vide, une moue boudeuse aux lèvres. Le résultat ne devait pas être si pathétique car, malgré son agacement évident, Miles esquissa un sourire attendri.

-D'accord, cédai-je en un soupir. Je t'écoute. Pourquoi Ulysse Selwyn n'est pas l'auteur de ces menaces ?

-Parce que justement, tu as brûlé son frère il y a quelques années.

Mon air déboussolé accompagné du regard frénétique je jetais dans la cuisine arracha un petit rire à Miles.

-Ça ne t'a pas échappé, depuis la fin d'année dernière, je me suis rapproché d'Ulysse – je te l'ai expliqué, parce que j'ai toujours apprécié son intelligence, sa finesse d'esprit et que l'influence de sa famille peut être déterminent dans une entrée au ministère.

-Excuse-moi, il faut que j'aille demander une bassine à Dobby. J'éprouve une soudaine envie de vomir.

-Tu vas me laisser parler sans m'interrompre ?

Je levai les yeux au ciel avant de lui faire signe de poursuivre. Ce qu'il fit, non sans un regard acerbe à mon égard :

-Il n'empêche que pendant ces quelques mois avant de m'éloigner de lui (il me jeta un regard appuyé) j'ai pu apprendre quelques trucs sur le fonctionnement de la famille Selwyn. Et première chose que j'ai apprise : toute famille de Sang-Pur a son héritier, et concernant la famille Selwyn, la question est très serrée.

-Mais Nestor est l'aîné ... ?

-L'aîné, peut-être mais pas le plus apte à prendre la tête de la famille. Et le père Selwyn a toujours remis en question la capacité de Nestor à être le chef : c'est une grande-gueule sans talent magique et sans aucune finesse ... contrairement à Ulysse. Alors très tôt, on a une lutte qui s'est mise en place, surtout de la part de Nestor qui a conscience qu'Ulysse peut lui voler sa place. D'où certains coups d'éclat pour prendre l'ascendant sur lui, lui faire contracté une sorte de dette ...

-Comme ce qui s'est passé le cinq novembre.

Miles hocha la tête.

-Oui exactement. Sauf que ce qui s'est passé a été un véritable point d'arrêt aux ambitions de Nestor. De ce que j'ai compris, depuis qu'il est sorti de Ste-Mangouste, le père Selwyn a changé de comportement avec son aîné. Apparemment lentement, Ulysse a pris plus d'importance depuis, alors est-ce que le père était au courant des circonstances exactes de l'accident, ou est-ce qu'il a juste déduit des agissements de son fils qu'il n'était pas à la hauteur, je ne sais pas. Mais toujours est-il que depuis, celui qui a le plus ses grâces est Ulysse.

-D'accord, j'ai fait perdre à Nestor son statut d'héritier. Mais quel rapport avec les messages ?

-J'y viens, un peu de patience. Qu'est-ce que tu sais de la famille Selwyn ?

Je plissai des yeux et récitai que j'avais pu apprendre pendant mes années de scolarité – principalement par Simon Bones. Une grande famille, entre finance et Ministère, riche et relativement puissante. Miles hocha la tête, un léger sourire aux lèvres.

-Et tu as entendu parlé d'une quelconque relation avec Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononce-Le-Nom, ou avec les forces obscures en général ?

-Ulysse a passé sa scolarité à me traiter de « Sang-de-Bourbe », et son psychopathe de grand frère m'a montée sur un bûcher, rappelai-je acerbement. Non, franchement je ne vois pas quels liens ils peuvent avoir avec les forces obscures ...

-Hey bien, toi qui a horreur des amalgames ... Ma grande, apprends donc que le monde ne se divise pas entre les méchants suprématiste qui use de la magie noire et les gentils pro-nés-moldus qui se refusent à l'étudier. On peut être un sorcier suprématiste du sang, et se répugner à utiliser de la magie noire – et inversement, être un mage noir sans mépriser les moldus. Et globalement, je pense pouvoir dire que les Selwyn, bien que suprématistes ... n'ont pas de tendresses particulières pour la magie noire. Ce qui a fait que, malgré leur accord avec les idéaux portés par Tu-Sais-Qui, ils n'ont jamais fait parti de leur rangs.

-Aucun n'a été Mangemort ? m'étonnai-je, les coudes appuyés sur mes genoux. Ni même financer les Mangemorts ou fait quelques actions illicites ?

-Un cousin est devenu Mangemort, je crois, mais sa famille l'a renié. Et le financement c'est possible. Mais ils n'ont pas participé au règne de la terreur de Tu-Sais-Qui, et quand on a parlé de cette époque avec Ulysse ... Je ne sais pas, il faisait une sorte de grognement dédaigneux.

Je secouai la tête, consterné qu'un garçon qui m'avait persécuté depuis le début de ma scolarité puisse dédaigner Vous-Savez-Qui. Je tâtai mon nez qui s'était fracassé lors de notre dernier affrontement, et Miles sourit devant le geste.

-Oui, je comprends que ce ne soit pas évident comme ça, mais c'est la vérité. La doctrine de la famille Selwyn est justement de rester loin des activités illicites pour rester une famille qui mérite le respect de l'ensemble de la Communauté Magique, malgré sa tendance suprématiste. Ils sont dans une zone grise et le père tient à garder cette image de famille respectable qui est dans les clous de la loi. Et c'est fortement compromis quand ton fils aîné se targue d'avoir failli brûler une née-moldue et que ton cadet passe sa scolarité à poursuivre cette même née-moldue.

-Donc s'il veut être le véritable héritier de la famille Selwyn, compris-je, les pièces se mettant lentement en place dans mon esprit, Ulysse doit renoncer à ... me persécuter ?

Le sourire de Miles m'indiqua que j'avais parfaitement conclu son raisonnement.

-Tu te souviens du début d'année, quand lui, Warrington et Flint se sont pris un mois de colle pour t'avoir voler ta baguette et saucissonné dans un couloir ?

-Comment l'oublier ...

-Hey bien le père de Selwyn était furieux. Il a envoyé une Beuglante ce soir là, quand on était dans notre chambre : Ulysse a juste eu le temps d'insonoriser notre chambre avant qu'elle n'explose. Je te jure, même moi j'en ai tremblé. Il disait que ce qu'il avait fait c'était indigne d'un Selwyn, que c'était la dernière fois qu'il recevait une pareille lettre de Rogue, que si c'était le cas alors il songerait à en parler avec sa grande sœur – Melania, la jumelle de Nestor, l'unique personne fréquentable de la famille selon tes critères. Et que jusque là, cette dernière était l'unique enfant qui lui donnait une entière satisfaction, tu vois la menace sous-jacente ?

-Faire de Melania l'héritière. Selwyn n'a pas dû apprécier ...

-Evidemment que non. Il refuse de mettre son titre de potentiel héritier de la famille Selwyn, et certainement pas à cause de toi. L'enjeu est trop grand pour lui, et tu remarqueras que depuis ce mois de retenue, ta vie est d'une remarquable tranquillité.

Je ne pus m'incliner la tête pour concéder ce point à Miles. Il était vrai qu'en dehors des lettres de menace, c'était l'année la plus tranquille que je passais de ce point de vue là, mais ce rappel sordide du cinq novembre m'avait empêché de le constater. Maintenant que j'avais toutes ses informations internes à la famille Selwyn, il me semblait encore moins évident qu'il puisse être l'auteur des menaces.

-Pourtant elles sont là, fis-je remarquer en un souffle. Et Selwyn a vraiment réagi quand je lui ai cité le poème ...

-Je te dis, c'est une grande possibilité qu'il soit au courant, ce qui explique qu'il ait réagi. Mais c'est impensable qu'il soit celui qui t'envoie ça. Si son père l'apprend ...

-Ouais, je vois Melania Selwyn deviendra la fille la plus convoité de la Communauté Magique.

-Oh elle l'est déjà, ce qui d'autant plus rageant qu'elle refuse toutes les demandes en mariage depuis sa sortie de Poudlard. Mais bon, elle a les faveurs de son père alors ...

Décidemment, cette Melania devait réellement être la personne la plus fréquentable de cette famille, malgré son lien gémélique avec Nestor Selwyn. Je portai une main à ma tempe, songeuse. Le sourire énigmatique d'Ulysse dans la bibliothèque flotta un instant dans mon esprit, le marquant de manière désagréable. Si j'avais déjà eu des doutes sur sa culpabilité, les arguments de Miles le disculpaient entièrement. C'était le genre d'Ulysse Selwyn que de vouloir m'effrayer, mais je ne le voyais pas aller contre la volonté paternelle et mettre ainsi en péril une place d'héritier qui lui tendait les bras. Et cela apportait autant de réponse que de question et ce fut pour ça que je me pris la tête entre les mains en gémissant.

-Alors quelqu'un d'autre est au courant, et je ne vois pas qui ça peut être ...

-Ça pourrait être la petite sœur Selwyn, Enoboria. Elle a l'air sage sous ses airs mais c'est une vraie vicieuse d'après Ulysse ... Mais ça ... (il relut les messages les sourcils froncés). Ça, ce ne serait pas son genre. Trop premier degré.

-Trop premier degré, répétai-je d'un air faussement songeur. Oui, c'est une façon de voir les choses.

Je soupirai, et empoignai derechef la tasse de chocolat que j'avais délaissé avant de constater avec contrariété que la boisson était devenue froide le temps de notre conversation. Je la reposai avec un grognement.

-Bien. Je suppose que je n'ai plus qu'à faire ce que je fais depuis le début d'année : les ignorer. Après tout, j'ai beau les recevoir, je suis toujours vivante et rien ne m'est parvenu depuis la seconde tâche.

-Si tu en es persuadée ...

-Pas vraiment, avoua-je en haussant les épaules. Ça me fout la trouille que quelqu'un dans cette école ait le pouvoir de me faire renvoyer et s'amuse à m'envoyer ce genre de lettre mais puisqu'il ne m'est rien arrivé depuis ... Pas de raison de s'alarmer.

Je l'observai longuement, à la fois soulagée de le voir réagir si bien à la situation et tiraillée parce que je n'avais pas parfaitement fini avec mes interrogations. Il haussa les sourcils devant cet examen, la mine intriguée.

-Quoi ? Le nom du coupable est écrit sur mon front ?

-Non, répliquai-je avec un sourire amusé. Mais ... En fait je ne t'ai pas raconté ça ... comme ça, en réalité. J'espérais que ... tu m'éclaires sur pourquoi Selwyn t'en voulait le soir du bal de noël.

Les yeux de Miles s'écarquillèrent, et je fus presque certaine de voir une rougeur s'étendre sur ses joues. Il détourna le regard, l'air à la fois gêné et agacé.

-Je ne vois pas pourquoi on parle à nouveau de ça.

-Parce qu'un instant je me suis demandée s'il n'y avait un lien entre ça, et les lettres que je recevais.

-Il me semble qu'on vient d'établir que Selwyn n'a rien à voir avec ces lettres, donc ta question n'a aucun sens.

-C'est vrai, admis-je, vaincue. Mais j'aimerais que tu aies assez confiance pour me dire la vérité. Comme moi j'ai eu assez confiance en toi pour te raconter l'un des pires moments de ma vie – qui pouvait en plus impliquer mon possible renvoi.

-Ça va, marmonna Miles en baissant le nez.

Il passa une main dans ses cheveux, les ramenant vers l'arrière et dégageant son visage aux pommettes saillantes. Il s'éloigna encore un peu, assez pour heurter à nouveau le buffet et s'adosser contre lui, bras croisés contre sa poitrine. Il me jeta un petit coup d'œil, et constatant que je le toisai toujours, il entonna avec un soupir :

-Très bien. Je te dois bien ça. Mais je te préviens ... ça ne va pas te plaire.

Je dressai un sourcil perplexe, le cœur battant à tout rompre devant la mine gênée et les rougeurs apparaissantes sur le visage de Miles. Il porta la main à sa bouche, comme si ce geste pouvait retenir les mots qu'il prononçait.

-Il se pourrait que ... Selwyn n'ait pas forcément ... apprécié que j'aille au bal avec toi.

-Mais quelle surprise, lâchai-je avec un sourire désabusé. Non sérieusement, je n'avais pas deviné.

-Et il a essayé de me persuader de revenir sur ma décision de tourner le dos à la place au Ministère qu'il me promettait pour ... essayer d'être avec toi.

Je me sentis m'empourprer violemment, et détournai les yeux, une main posée sur ma poitrine. Le regard de Miles me brûla la peau, et je l'entendis faire un pas timide en avant.

-Je sais que ... que je t'avais promis de ne plus de courir après, ou quoi, et je suis sincère mais ... ça ne voulait pas dire que les sentiments disparaissent juste « comme ça ». Ça prend du temps et ... Même maintenant je ne suis pas vraiment sûr d'y être parvenu.

Je ne répondis rien, les yeux toujours perdus vers le fond de la cuisine où les elfes se faisaient de plus en plus épars. Dobby restait et prenait soin d'une elfe qui paraissait mal en point, et était visiblement prise d'un terrible hoquet. Mon cœur cognait fort contre la main que j'avais posée sur ma poitrine. « Je suis pas vraiment sûr d'y être parvenu ».

Seigneur Miles ... moi non plus.

-Selwyn n'était pas rassuré que je fasse volte-face, poursuivit-t-il en avançant d'un pas. En cinq ans de chambre commune, j'en ai appris sur lui, et il voulait ... être sûr que ce que je sais sur lui resta dans la chambre des sixièmes année de Serpentard. C'est ça le message qu'il a voulu me faire passer à Noël, mais je ne voulais pas t'inquiéter, et surtout pas en présence d'autres personnes comme Diggory – ou pire, Bones.

-Je vois.

-Vic' ... Je suis désolé.

Un léger ricanement me secoua la poitrine et je levais enfin les yeux sur Miles. Il s'était grandement rapproché, et se tenait devant moi, les mains dans les poches et la mine penaude. Il me fixait la tête légèrement inclinée, me toisant à travers ses cils d'une façon qui accéléra les battements de mon cœur. Sa posture contrite m'arracha un sourire. Je haussai les épaules.

-Ça va Miles, tu n'as pas à l'être.

-Si, je n'aurais pas dû te mentir au bal ... Mais tu venais juste de me donner une chance de te prouver que je pouvais être fiable, et je ne voulais pas gâcher ça ...

-C'est sûr qu'en me mentant, tu avais l'air fiable, plaisantai-je.

Un sourire contrit s'étala sur les lèvres de Miles, et remarquant que je ne paraissais pas courroucée outre mesure, il s'approcha d'encore un pas. Mes doigts se crispèrent sur le bord de la table.

-Tu es sûre que tu ne m'en veux pas ? s'assura-t-il en un souffle. D'admettre que ... je n'arrive pas à t'oublier ?

-Non. Ce serait hypocrite de ma part.

Les mots s'étaient échappé seuls de ma bouche et provoquèrent une flambée si intense sur mes joues que je craignis un instant qu'elles ne fondent. Miles me renvoya un regard surpris et un lent sourire fleurit sur ses lèvres. L'étincelle dans ses yeux bloqua mon souffle dans ma gorge.

-Hypocrite ? C'est-à-dire ?

Il avait fait un nouveau pas en avant. Il était proche de me toucher : mes genoux étaient à un cheveux de ses hanches, et lorsque je relevai la tête, je me rendis compte que son visage était proche, beaucoup trop proche. Si proche que je ne savais plus où poser les yeux. Je plantai mon regard dans le sien, à défaut de trouver un point d'ancrage, mais mon rythme cardiaque s'emballa d'avantage. Je me retrouvai incapable de formuler une réponse correcte alors je haussai les épaules. Miles s'esclaffa doucement devant ma gêne apparente et s'inclina encore un peu. Sa main effleura la mienne et son souffle me chatouilla la joue, m'arrachant un frisson :

-Sérieusement, Victoria ?

Son regard était planté dans le mien, et sa tête s'inclina, de sorte à ce que ces lèvres ne soient plus qu'à souffle des miennes. En début d'année, je l'aurais repoussé, souris, et courus à toute jambes vers la sorties. Mais là, je parvins à garder contenance, à soutenir son regard. Ce fut le cœur battant la chamade que je parvins à articuler :

-Et bien ... Il semblerait.

Ça ne servait à rien de mentir. Miles avait pris une place dans ma vie que je ne l'avais pas crue capable de prendre, et il avait fallu qu'il s'éloigne pour que je m'en rende compte, et que je pense le perdre pour enfin rendre les armes.

Miles avait eu raison de ne pas désespérer. Il avait fini par me faire plier.

Et si j'en jugeais par le sourire insensé qui se formait sur ses lèvres, il l'avait parfaitement compris. Je détournai le regard, un rire étranglé secouant ma poitrine.

-Voilà voilà.

-Voilà, répéta Miles d'une voix rauque.

Ses mains s'étaient placées de part et d'autre de moi, m'entourant comme si elles comptaient m'enlacer. Son doigt effleura le mien et un frisson me parcourut de la tête au pied. Pourtant, il ne bougea pas d'un iota, restant à un insoutenable souffle de moi sans jamais le franchir. Mon pouls battait si fort à mes tempes qu'il effaça tout : les bruits de fonds de la cuisines, la respiration de Miles, les battements affolés de mon cœur. Je fermai les yeux, tentant de me concentrer sur ce battement régulier pour faire le vide dans ma tête. Mais il m'apparut que mon pouls ne pouvait pas tout effacer, et encore moins les sentiments qui naissaient en moi depuis quelques semaines. Ce fut eux que je finis par écouter en inclinant doucement la tête.

Mes lèvres frôlèrent celles de Miles avec douceur et timidité, comme une question, un aveu d'inexpérience. J'ignorais totalement quoi faire, et le naturel que j'espérais ne vint pas prendre le relai de mon audace : mes doigts restèrent crispés à ma table, et mes paupières hermétiquement clauses. Pendant cette affreuse seconde, j'eus l'impression de tout gâcher ... Puis quelqu'un vint le faire à ma place.

La porte de la cuisine s'ouvrit à la volée, et je sursautai en éloignant vivement mon visage du sien, d'autant plus que des voix venaient avec le grincement des gongs :

-... Mais on a mis toutes nos économies sur ce pari, Fred, on ne peut pas ... Verpey doit nous payer coûte que coûte, sinon on peut dire adieu à la boutique ... Et à toute la production ...

-Peut-être mais on ne va pas menacer un haut fonctionnaire du Ministère George ! Enfin, on connaît nos limites ...

Les jumeaux Weasley s'immobilisèrent sur le bas de la porte lors qu'ils se rendirent compte qu'ils n'étaient pas seuls dans la cuisine – exception faite des elfes de maison. Miles les contempla, stupéfait, avant de s'éloigner d'un bond, se retrouvant en une seconde collé au buffet en face de moi. Loin de moi. La chaleur autour et en moi se résorba lentement avec son départ pour ne laisser qu'une gêne glacée.

-Bennett, lâcha l'un d'entre eux en me dévisageant. Ta maman ne t'a pas appris à ne pas fouiller les cuisines ?

-Comme la tienne à ce que je vois, répliquai-je, ravie de constater que, contre toutes attentes, mon cerveau était en parfait état de marche.

-Et qu'est-ce qu'il fait là, lui ? lança l'autre en désignant Miles du menton.

Ses yeux s'étaient plissés quand il avait avisé la cravate vert et argent et l'écusson frappé du serpent de Serpentard. Puis son regard s'attarda sur son visage et ses traits se figèrent.

-Bletchley ...

-J'allais partir, affirma celui-ci avec aplomb.

Son visage était dénué de toute expression alors qu'il toisait les jumeaux. Il se contenta juste de me jeter un bref regard, bien trop bref pour que je puisse en lire l'expression, avant de sortir de la cuisine à grand pas. Mon cœur dévala ma poitrine et je portai instinctivement ma main à mes lèvres. Quand ils furent assurés que Miles avait passé la porte, les jumeaux Weasley posèrent les yeux sur moi, identiquement surpris et soucieux.

-Un problème Bennett ? Il t'a fait quelque chose ?

-On peut aller le rattraper si tu veux, après tout on te doit toujours ...

-Mais qu'est-ce que vous racontez ?

Je descendis de la table, secouant la tête avec obstination.

-Non les gars, vous vous trompez, il ne faisait rien de mal ...

C'est moi qui aie tout fait de travers, me dis-je amèrement, contemplant l'endroit où Miles s'était tenu un instant plus tôt, collé au buffet. Les jumeaux échangèrent un regard et quand ils le rivèrent à nouveau sur moi, un sourire tordu déformait leurs lèvres.

-Rien de mal donc Bennett ?

-Non s'il était si proche de toi, c'est plutôt ... ?

Pour toute réponse, je leur lançais un torchon perdu à la figure, provoquant leur éclat de rire et une nouvelle rougeur sur mes joues.

-Oh Bennett, s'esclaffa l'un d'entre eux en s'approchant. Allez, Bletchley n'est pas le pire d'entre eux – bien que ce soit un gardien vicieux et agaçant, j'ai toujours envie de lui lancer un cognard alors qu'il n'a rien fait ...

-Disons qu'on gardera le secret de ta nouvelle romance, dans ce cas ..., enchérit l'autre, son sourire s'élargissant à mesure des mots.

-En échange de la faveur qu'on te doit.

-Sérieusement ?

La frustration et la gêne d'avoir été ainsi découverte – par Miles, les jumeaux ... par moi-même – n'avait d'égale que ma colère d'avoir l'impression d'avoir gâché tout ce moment. Je croisai mes bras sur ma poitrine, comme pour retenir le reste de dignité qui me restait.

-Evidemment qu'on est sérieux Bennett, assura celui qui était près de moi. Bletchley n'est peut-être pas foncièrement mauvais, mais ça n'a pas l'air d'être un grand ami de Diggory ...

-Et imagine ce qui se passerait si Fawley le savait. Elle n'est pas du genre ... envahissante ?

-Et on ne parle pas de Bones. C'est pas avec lui que vous vous tapez dessus à longueur de journée ?

-Et vous, qu'est-ce qui arriverez si je parlais à votre grand frère qui travaille avec Barthy Croupton que vous avez des problèmes d'argent avec Verpey et que vous avez l'intention de vous menacer ? rétorquai-je d'un ton acide. Si Croupton est toujours malade d'ici la troisième tâche, il ne manquera de le représenter ...

J'étais aussi stupéfaite que ne l'étaient les jumeaux, qui ouvraient la bouche en signe d'ahurissement. Je ne savais pas où mon cerveau baignant dans la brume de l'embarras avait pu aller chercher cette pique, piquant aléatoirement dans ce que je savais de la famille Weasley et dans les quelques mots qu'ils avaient insouciants qu'ils avaient échangés en entrant dans la cuisine. Ils fermèrent et rouvrirent la bouche avant d'échanger un nouveau regard.

-D'accord Bennett, céda l'un d'entre eux, les yeux plissés. Tu es plus dure en affaire qu'on ne le pensait mais ... c'est d'accord.

-Notre secret contre le tien, et ta faveur reste intacte ... T'es vraiment bonne en affaire, Bennett. Tu veux une place dans notre boutique à notre sortie de Poudlard ?

Son sourire annonciateur d'embrouille, mais que j'avais appris à gérer, fit lentement fondre la boule d'embarras qui s'était crée dans mon ventre et je le lui rendis de manière crispé.

-Si je n'ai vraiment aucun plan, je penserais à vous. Qu'est-ce que c'est alors, cette histoire de pari ? Vous avez parié quelque chose avec Verpey et il ne vous a pas payé ?

-Quelque chose comme ça, et nous te dirons rien de plus.

-Pas sans Serment Inviolable. Ou Pacte de Sang, comme tu préfères.

-Ça va, répondis-je avec un sourire vaguement amusé. Je vous laisse vos secrets et je vais dormir. J'espère simplement que ça se règlera.

J'étais sincère sur ce point. L'ambition de Fred et George et ce qu'ils étaient capables de faire pour la réaliser m'impressionnait quelque peu, et j'avouai que je serais déçue si leur boutique n'ouvrait pas pour un problème de financement. Le jumeau qui était proche de moi s'inclina humblement.

-On te remercie pour tes encouragements, Bennett.

-Dors bien ! fis l'autre quand je passai devant lui.

-Rêve bien de Bletchley cette nuit !

Un sourire confus s'étala sur mes lèvres et je me retournai sur eux pour le jeter un regard désabusé. Ce faisant, mes yeux se posèrent sur les tasses que Miles et moi avions délaissées et s'étaient depuis longtemps refroidie, et je les abandonnai avec un pincement de cœur comme unique témoin de ce qui s'était passé. 

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