I - Chapitre 16 : Se jeter à l'eau
Bonjour tout le monde ! Allez le chapitre 15 avec la deuxième tâche et un titre emprunté à Lucy Weasley ahah ! Bonne lecture à tous !
Chapitre 16 : Se jeter à l'eau.
-Je crois que tu n'as pas assez de destination.
Je jetai un regard torve à Miles, qui me considérait d'un air amusé. Autour de nous, la cacophonie que provoquait des dizaines d'élèves tentant vainement de transplaner était atténuée par la brise qui soufflait dans le parc. Un soleil froid, mais qui avait pour mérite de ne pas être caché, brillait sur l'Ecosse et nous permettait de faire la séance dehors. L'instructeur envoyé par le Ministère, un minuscule sorcier nommé Tycross à la moustache fournie, passait entre les rangs en nous scrutant d'un air critique.
-Hmm, marmonna-t-il en jugeant sévèrement Gillian Fawley, qui venait tomber après avoir tourner plusieurs fois sur elle-même. Il vous faut vous concentrer ! N'oubliez pas, la clef se trouve dans les trois D !
-Damné, Désillusion, Débilité, marmonnai-je en me replaçant devant mon cerceau.
Malgré tout, je me concentrais fermement sur le cercle de fer placé à un mètre cinquante devant moi. Je m'efforçai d'emplir mon esprit de ce cerceau couvrant l'herbe humide de neige fondue, et quand je considérais ne penser qu'à cela, je pris une impulsion pour tourner sur moi-même. Mais la seule chose que je réussis à faire fut de trébucher sur le sol inégal et Miles me rattrapa avec un éclat de rire.
-Ça va, ce n'est pas grave, me rassura-t-il alors que j'esquissai une moue boudeuse, les joues rouges de honte. Personne n'a encore réussi – et mieux vaut échouer que se désartibuler, non ?
-Peut-être, marmonna-je en coinçant une boucle qui s'était échappée de ma courte queue de cheval derrière mon oreille. Mais c'est agaçant d'échouer.
Je n'étais pas la seule à être contrariée : c'était notre seconde séance de cours de transplanage, mais rien ne semblait s'améliorer. La seule chose à laquelle nous avions peu assister d'extraordinaire avait été les premières désartibulations : celle de Roger Davies lors de la première séance, et celles d'Emily et Alicia en début de ce cours. Mon amie, à l'autre bout de l'espace dédié aux tentatives de transplanage, était restée très pâle après l'expérience, et le professeur Chourave, qui assistaient aux séances, l'avait autorisée à s'éloigner pour se remettre. Certains élèves jetaient entre deux essais un regard hostile au dos de Wilkie Tycross. Miles se positionna à son tour, et se concentra avant de pivoter sur lui-même. Mais il se retrouva un tour plus tard au même endroit et une grimace vint déformer ses lèvres.
-Ouais, un peu, lâcha-t-il en haussant les épaules. Mais c'est long, ma mère m'avait prévenue. Rogue nous a dit qu'il était question de proposer des séances supplémentaires à Pré-au-Lard pour ceux qui auront dix-sept ans avant le 21 avril, pour qu'ils puissent passer le permis à cette date.
-Je suis du 8 mai, alors ce ne sera pas pour moi.
La date, synonyme dans le monde moldu d'armistice qui signait la fin de la seconde guerre mondiale, résonna longuement en moi et mon esprit dévia vers mon devoir d'Histoire de la Magie. Cela devait se voir que je me déconcentrais car Miles claqua ses doigts sous mon nez.
-Focus, Vic' ! Rogue nous regarde, et je refuse d'avoir des ennuis avec mon directeur de Maison par ta faute !
Je sursautai, et croisai effectivement le regard sombre et froid du professeur Rogue. Un frisson me parcourut l'échine et je rivai mes yeux sur le cerceau de fer au sein duquel je devais transplaner. J'entendis à mes côtés le rire étouffé de Miles et le lorgnai obliquement.
-Quoi ? se défendit Miles, les yeux pétillants. J'étais juste en train de me demander qui t'effrayait le plus entre Rogue et Maugrey. Est-ce que ton épouvantard est un mixe des deux ? L'œil magique et la jambe de bois avec des cheveux gras et la cape de chauve-souris ?
Malgré moi, un fou rire me secoua et nous mîmes un long moment à nous calmer – ce qui finit par arriver quand McGonagall nous jeta un long regard avec la sévérité autoritaire dont elle avait le secret. Et mon hilarité fut définitivement coupée lorsque un hurlement déchira l'air : Mathilda venait de réapparaître, certes à l'intérieur de son cerceau, mais son bras gisant à quelques mètres d'elle. Des larmes s'étaient mises à ruisseler sur son visage, et Erwin Summers s'était précipité vers elle pour la calmer. Les directeurs de Maison avaient également convergés vers Mathilda : il eut un « BANG » et un épais nuage de fumé violet, et lorsqu'elle se dissipa, la jeune fille paraissait intacte, mais singulièrement secouée.
-D'accord, chuchotai-je à Miles alors que Mathilda se relevait avec l'aide d'Erwin. Je préfère échouer.
-C'est plus propre, et moins traumatisant, confirma Miles, qui scrutait quelque chose à gauche de mon visage. C'est nouveau, ça ?
Il effleura du bout de l'index les petites créoles d'or blanc qui pendaient à mes oreilles. J'attrapai l'un de mes lobes en un geste nerveux, mes joues rougissantes.
-Un cadeau de ma tante Beata, pour noël, expliquai-je succinctement.
-C'est joli – et ça te va bien.
Je lui adressai un sourire confus avant de me reconcentrer sur le cerceau de fer pour échapper à la gêne qui me labourait les entrailles. L'une de mes mains continuait de tripoter la créole. Je réagissais toujours comme une enfant face aux compliments – et c'était pire quand ils émanaient de Miles. Pour échapper à mon malaise, je tentai de me concentrer sur le cerceau, et je finis par pivoter. Mais je n'étais absolument pas concentrée et je ne fis qu'un tour sur moi-même sans bouger d'un pouce. Mais au moins, je n'avais pas perdu mon bras.
-Vous manquez de destination, très chère ! m'apostropha Tycross, qui avait observé ma tentative d'un œil critique. Il vous faut vous concentrer !
-Ne vous découragez pas, Bennett, me dit le professeur Chourave, qui passait entre les rangs à la suite de Tycross. Le transplanage, c'est un travail de longue haleine, on voit rarement quelqu'un réussir avant la quatrième séance ...
Elle me tapota l'épaule en un geste maternel et partit s'enquérir de l'état de Mathilda. Certains s'étaient même désintéressés de la séance et j'observais les jumeaux Weasley se livrer à une bataille de leurs baguettes farceuses dans les derniers rangs.
-Diggory sèche le cours ? remarqua Miles en jetant un regard alentour.
-Exempté pour qu'il se concentre sur l'épreuve, répondis-je en m'efforçant de maintenir l'angoisse à l'écart.
-C'est quand, déjà ?
-Vendredi.
Plus l'épreuve approchait, plus la peur refaisait surface. Pourtant, Cédric paraissait confiant depuis noël et lorsque nous avions été faire un tour en balai la semaine dernière, il m'avait assuré que tout était en ordre pour la tache et que je n'avais rien à craindre. Pour autant, l'indécision me tordait les entrailles. Miles parut le lire sur mon visage car l'éclat dans son regard s'adoucit.
-Il a l'air serein, c'est qu'il pense que ça va aller, me rassura-t-il en posant une main sur mon bras. Ça ne peut pas être pire qu'un dragon ...
-Mais ça ne sera pas moins pire non plus, les tâches sont d'égale difficulté.
-Mais pas d'égale dangerosité. L'épreuve avait commencé avec une énigme – peut-être qu'elle sera magique et intellectuelle. Extrêmement difficile, mais pas dangereuse.
Ma tête oscilla, indécise, mais je le gratifiai d'un sourire crispé. Il ouvrit la bouche pour ajouter quelque chose, mais un nouveau cri déchira le silence et je fis prestement volte face pour voir les jambes de Cassius Warrington gésir à quelques mètres de lui. Son visage reflétait une horreur si délectable que je dus détourner la tête pour que lui, Selwyn ou Rogue ne puisse voir le sourire qui naissait sur mon visage. J'échangeai un regard complice avec Miles.
-Une justice dans ce monde ! me réjouis-je alors que les professeurs se précipitaient vers Warrington.
-Arrête de sourire comme ça, tu pourrais être la prochaine ! m'admonesta Miles, sans pour autant se départir du sien.
-Aucun risque, je n'y arrive pas ...
-Comme tout le monde. Tu as entendu ce qu'a dit Chourave, personne n'y arrive avant la quatrième séance ...
C'était effectivement ce que ma directrice de Maison avait dit, mais quelqu'un vint la démentir quelques secondes plus tard. Un « clac » sonore se fit entendre dans le coin où étaient concentré mes camarades de Poufsouffle, et tous se retournèrent pour voir Simon Bones apparaître dans son cerceau. Il se palpa le corps et le visage, l'air de vérifier qu'il était entier – et pour ma plus grande frustration, c'était le cas. Le visage du professeur Chourave rayonnait.
-Vingt points pour Poufsouffle, Bones ! annonça-t-elle d'une voie ravie. Je n'ai jamais douté de vous !
Là dessus, elle eut une œillade supérieure envers ses collègues directeur de Maison. Rogue considéra Simon avec la plus grande froideur et McGonagall ne perdit pas un instant son air revêche. Même Flitwick eut de la difficulté à paraître réjouis.
-Oui, félicitation, Bones, dit néanmoins le professeur de Sortilège de sa voix fluette, avant de s'adresser à un groupe de ses élèves. Tachez d'en prendre de la graine !
-C'est prodigieux, si tôt ! s'exclama Tycross en se précipitant vers Simon. Monsieur Bones, si j'ai bien compris ? Ah ! Je me ferais un plaisir de rapporter vos prouesses à vos parents, je les croise régulièrement au Ministère ...
La satisfaction agaçante dans laquelle était baignée le visage de Simon se dissipa au moment où Tycross prononça le mot « parents », et il s'éloigna de l'instructeur pour se placer devant son cerceau. Emily vint le féliciter, mais les yeux de Simon fouillaient distraitement la foule et je fis volte-face. Miles considérait Simon avec sérieux.
-Bones, ce n'est qu'à moitié surprenant. Il est brillant en Sortilège – j'aurais parié sur lui, ou Gloria Flint, elle peut être imprévisible, ça ne m'aurait pas étonné. Diggory est très bon mais ... Attends, qu'est-ce qui se passe ?
Il me scruta, moi, mes bras croisés sur ma poitrine et mon regard rivé sur la pelouse humide. Un sourire amusé fleurit sur ses lèvres :
-Tu boudes ?
-Non. Je suis dans une rage infinie et je refuse que Bones ne le voie – sinon il serait capable d'inventer je-ne-sais-quelle vengeance idiote. Bon sang, de tout les élèves présents il a fallu que ce soit lui ! Il va se pavaner pendant des semaines – et ça serait insupportable !
-C'est si terrible ?
L'air moqueur de Miles s'accentua, si bien que je me sentis obligée de plisser les yeux l'air menaçant. Je plantai un index dans sa poitrine.
-Toi, tu ne vis pas avec lui depuis toute ta vie. Oui, c'est terrible.
-Si terrible qu'il était prêt à aller au bal avec toi.
Mes yeux roulèrent dans leurs orbites et je reculai d'un pas pour me concentrer à nouveau sur l'anneau de fer. Il était difficile pour quelqu'un d'extérieur d'appréhender ma relation avec Simon, équilibre précaire mais nécessaire. Je finis une nouvelle roulade, à la façon d'une ballerine. Cela devait être plus élégant que mes autres tentatives, mais ce n'était pas d'avantage efficace. Finalement, Tycross porta un sifflet à ses lèvres et son cri strident annonça la fin de la séance. Aussitôt, je vis Simon quitter son cerceau du coin de l'œil et je me tournai précipitamment vers Miles, l'air suppliant.
-Fais comme si on était plongé dans une grande conversation !
-Euh, d'accord, accepta-t-il, déboussolé. Euh. Je t'ai dis que tes boucles d'oreilles t'allaient bien ?
-Aussi bien que sa coiffure au bal de noël !
Un coude se posa sur mon épaule avec nonchalance et je fusillai Simon et son sourire insupportable du regard.
-Quoi ? tenta-t-il de se défendre sans se départir de son sourire. Tu as toi-même dit que c'était hideux, pour une fois qu'on est d'accord ... Comment ça s'est passé cette séance pour toi ?
-Dégage, assénai-je en le repoussant au visage. Va te pavaner devant Octavia, elle appréciera le spectacle plus que moi.
-Hey ! J'ai enfin réussi à transplaner, je veux partager ma joie avec la fille qui partage ma vie !
-Qui partage ma vie, ricana Emily, qui venait de nous rejoindre. Dont tu pourris la vie, oui.
-Merci ! soupirai-je.
J'exécutai une pirouette pour me départir du coude de Simon, ce qui eut pour conséquence de le déséquilibrer et il tituba sur l'herbe humide avant que Miles ne le rattrape d'un bras. Je retins le rire qui me montait dans la poitrine mais ne pus réprimer un sourire satisfait.
-Tout de suite tu tiens moins sur tes jambes, raillai-je méchamment. C'est plus dur sur la terre ferme que par magie.
-Toi tu n'as rien à dire, tu tiens mieux sur un balai que sur tes pieds ! répliqua Simon, avant de donner une tape dans le bras de Miles. Merci Bletchley.
-Un plaisir, répondit-t-il sobrement avant de se tourner vers moi avec un sourire d'excuse. Je dois aller aider ma sœur pour son devoir de Métamorphose ...
-Bonne initiative, Bletchley, intervint McGonagall avec brusquerie. Son dernier devoir était calamiteux ...
-Simple question, professeur McGonagall, s'enquit Emily avec un sourire tenu. Qu'est-ce que vous pariez pour que ce soit un élève de votre Maison qui transplane en premier ?
-Enfin, Fawley, la rabroua sèchement McGonagall. Appliquez-vous à transplaner correctement et à réussir votre métamorphose corporelle au lieu de poser des questions si idiotes.
Mais lorsqu'elle s'éloigna en direction du professeur Chourave, je vis distinctement une boite de sourie en sucre passer d'une main à l'autre. Emily pouffa alors que Miles s'éloignait en direction du château, avec un dernier signe de la main à mon adresse.
-De très jolies boucles d'oreilles, chantonna innocemment Emily.
-Oh tais-toi ! Viens, Cédric est peut-être à la bibliothèque ...
-Tu crois ça ? rit Simon en pointant un coin du parc.
Je plissai les yeux en suivant son doigt tendu. Sur un banc à l'ombre d'un frêne, Cédric et Cho étaient assis main dans la main. Puis Cédric se pencha vers elle avec douceur et effleura doucement ses lèvres des siennes. Emily renifla avec mépris :
-Très productif, l'exemption de cours de transplanage.
-Au moins il se détend, fis-je valoir en haussant les épaules. Il a l'air serein pour l'épreuve ... Oh Bones ! (Je le rattrapai par le col alors qu'il s'élançait vers Cédric, l'étranglant presque). Où tu vas comme ça ?
-Je viens de réussir à transplaner, j'ai tous les droits – y compris celui de l'embêter quand il batifole !
-Non, tu ne le feras pas ! Hey ! (Je le ceinturais à la taille en remarquant qu'il continuait d'avancer). Simon, fiche-lui la paix !
-Mais j'ai transplané !
-On s'en fiche, tu as encore des semaines pour t'en vanter ! Emily ! (Je fusillais ma meilleure amie du regard, occupée à réprimer son rire en nous observant). Ça te tuerait de m'aider ?
-D'accord, répondit-t-elle, avant de mettre ses mains en porte-voix. CEDRIC ! Simon a réussi à transplaner !
-Emily !
Simon éclata de rire et je finis par le libérer, excédée. J'avais vu d'ici Cédric sursauter sur son banc et lever les yeux sur nous. Emily et Simon se dépêchèrent de le rejoindre en courant, moi sur leurs talons, bougonnant, les bras croisés sur ma poitrine. Quand j'arrivai sous le frêne, Cédric souriait à un Simon Bones surexcité, alors qu'Emily et Cho se jetaient des regards à la dérobée en chien de faïence.
-... Et du coup j'ai fait gagner un pari à Chourave ! finissait de raconter Simon, goguenard. J'espère qu'elle s'en souviendra le jour où j'aurais besoin d'elle ...
-Et qu'est-ce que ça fait ? demanda Cho avec curiosité. De transplaner ?
Simon haussa les épaules.
-Je n'ai pas très bien analysé, j'avais trop peur d'avoir laisser mes doigts derrière moi ...
-Si seulement tu avais pu laisser ta langue ...
-Vic', me prévint Cédric avec un regard aigu. Au moins il a réussi, je pense qu'on devrait tous s'en réjouir.
-Poufsouffle est enfin sur le devant de la scène, confirma Emily avec un immense sourire. Entre Simon qui transplane précocement et Cédric champion de Poudlard, plus personne ne pourra nous dénigrer !
J'enfonçai mes mains dans mes poches en un geste rageur et esquissai une moue boudeuse. Il était évident que je ne pouvais rien dire contre la volonté de glorification de Poufsouffle – quand bien même elle impliquait Simon Bones. Cho m'adressa un faible sourire.
-Tu n'as pas réussi ? comprit-t-elle alors que je me rembrunissais d'avantage.
-C'est compliqué de réussir, marmonnai-je en haussant les épaules. M'enfin, je suppose que c'est toujours moins angoissant qu'une seconde tâche ...
Je lançai là-dessus un regard pénétrant, mais amusé, à Cédric, qui se trémoussa sur le banc. Il échangea un coup d'œil à la fois gêné et complice avec Cho, qui fut plus adorable qu'autre chose.
-Mais ça ira, pour l'épreuve, plaida-t-il d'un air piteux. Je vous dis, ça fait des semaines que j'ai la solution ...
-On sait, le rassurai-je en m'efforçant de sourire. Et tu as raison de te détendre, d'ailleurs je voulais t'éviter la présence de Simon.
Lequel me jeta un long regard, entre amusement et agacement. Cho enroula son bras autour de celui de Cédric, un éclat presque inquiet dans les yeux.
-Tu es sûr de toi ? Victoria a peut-être raison, tu aurais dû réviser ...
-Je n'ai pas besoin de réviser, juste de me détendre, répliqua Cédric en caressant l'une de ses mèches de cheveux. J'ai toutes les cartes en main, je ne peux rien faire de plus. Le reste ça se réglera sous le Lac Noir.
Au moment même où les mots franchir ses lèvres, Cédric parut comprendre qu'il avait fait une erreur. Nous blêmîmes tous et le fixâmes, hébétés. Cho s'était même détachée de lui pour le considérer, un éclat proche de l'horreur dans le regard.
-Sous le Lac Noir ? répéta-t-elle d'une voix blanche. Avec le calamar géant et les strangulots ?
-Sans compter tout ce qu'on ne sait pas ? ajouta Emily, interdite.
-Combien de temps ? réussis-je à articuler.
Cédric nous regarda tous avec une sorte de colère qui paraissait dirigée contre lui-même. Lui aussi s'éloigna de Cho sur le banc et soupira :
-A priori, je devrais chercher quelque chose dans l'eau pendant une heure ...
-Une heure, répétai-je, abasourdie. Comment tu comptes retenir ta respiration pendant une heure ?
-Le sortilège de Têtenbulle.
La réponse émanait de Simon, qui fixait Cédric avec gravité. Son euphorie après son premier transplanage semblait s'être évaporée.
-C'est pour ça que tu m'as emprunté mon Sortilège et Enchantement niveau 7, poursuivit-t-il avec lenteur. C'est là-dedans qu'on trouve ce sortilège ...
-C'est ça, confirma Cédric. Il m'a fallu quelques jours, mais j'ai fini par le maîtriser.
-Respirer sous l'eau n'est pas le seul problème, rétorqua Cho alors que j'exhalais un soupir rassuré. Par Merlin, Cédric, tout ce qu'il pourrait avoir sous ce lac ... Comme l'a dit Emily, on en sait rien, en réalité. Il est tellement immense – et contrairement aux élèves de Durmstrang, je n'ai jamais éprouvé l'envie de m'y plonger. Qui sait quelles créatures il pourrait y avoir dessous ...
-J'ai fait mes recherches, répliqua Cédric, qui parut commencer à perdre patience. J'ai quelques idées sur les créatures que je pourrais rencontrer ...
-Et sur comment les vaincre ?
Cédric poussa un profond soupir, et désigna Cho d'un geste de la main en nous lançant un regard furibond.
-Vous voyez ? C'était précisément pour ça que je ne voulais pas vous parler de l'épreuve !
Ça ne semblait pas être la chose à dire, parce que les yeux de Cho se plissèrent et lancèrent des éclairs furieux.
-Pour ça ? persiffla-t-elle avec froideur. Est-ce que ... Je t'embêterais ?
-Quoi ? Non, mais du tout, je parlais pas de toi spécifiquement ...
-Oh, pardon je rectifie, noust'embêtons ...
Cédric la fixa, interdit, les joues rougissantes et l'air de ne pas savoir que dire. Il ouvrait et refermait la bouche sans qu'un seul mot n'en sorte. Cho releva le menton l'air digne, en un geste qui me plut assez.
-Excuse-moi, je ne pensais pas être une pression au point que tu aies peur de mes réactions. Maintenant, explique-toi avec tes amis – je vais réviser ma Métamorphose avec Marietta.
Là dessus, elle se leva fièrement, rejeta ses cheveux derrière son épaule et s'en fut d'un pas furieux sans un regard en arrière. Cédric n'avait même pas tenter de la retenir, trop ahuri pour amorcer le moindre mouvement. Emily poussa un gros soupir presque théâtral.
-Non, sérieusement, si elle n'avait pas entièrement raison, j'aurais pitié de toi.
-Em', sifflai-je en plantant mon coude dans ses côtes.
Elle me lança un regard agacé, avant de suivre les pas de Cho, sa queue de cheval fouettant nerveusement l'air. Visiblement, elle ne lui avait toujours pas pardonné sa pique au début de trimestre. Simon et moi nous retrouvâmes seuls devant Cédric, trépignant mal à l'aise.
-Je n'ai rien compris, laissa échapper Cédric.
-Tu as un peu manqué de tact, expliquai-je avec douceur. Avec Cho comme avec Emily.
-Oh, Victoria, ne viens pas me parler d'Emily maintenant.
Je gonflai mes joues pour retenir le soupir qui me montait aux lèvres. J'échangeai un regard avec Simon et nous repartîmes avec un Cédric de fort mauvaise humeur vers le château. Simon fixait la nuque de notre ami qui marchait devant nous, l'air songeur. Ses lèvres étaient pincées.
-A quoi tu penses ? chuchotai-je pour ne pas alerter Cédric.
-J'ai beau retourner ça dans tout les sens dans ma tête, je n'arrive pas à trouver comment un quatrième année peut avoir le moyen de respirer une heure sous l'eau, me répondit Simon, sourcils froncés. Potter est foutu.
***
J'ignorais si Potter était foutu, mais moi je commençais à l'être.
Simon écumait à mes côtés. Il fixait le parchemin que je tenais entre mes doigts tremblants au bord du Lac Noir. Des tribunes avaient été installées face à l'immense étendue d'eau pour la seconde tâche, mais Simon et moi n'y étions pas montés, observant l'épreuve depuis ses rives – bien que nous nous en étions désintéressés. La tâche était presque masquée par ce simple morceau de parchemin. Encore un qui me faisait frissonner.
Remember, remember – your turn to burn.
Juste ces mots. Mais ils sortaient par les yeux de Simon.
-Je vais voir soit les profs, soit Selwyn, me jeta-t-il nerveusement. Mais il faut faire quelque chose ...
-On est en février, et je n'ai toujours brûlé ...
-Ça te déstabilise, et c'est moralement et pénalement répréhensible, répliqua Simon. Ça s'appelle du harcèlement.
-C'est ce que tu fais depuis ta naissance.
-Bon sang Vicky, ne me compare pas à ça !
Il leva le regard vers les tribunes un peu plus loin, puis le plongea vers les immensités obscure du Lac Noir. Cédric y avait plongé il y avait environ dix minutes pour tenter d'arracher aux eaux la chose qui lui avait été prise. De quoi s'agissait-il, nous n'en avions aucune idée. Les champions avaient attendu jusque la dernière seconde avant de plonger puisque un manquait à l'appel : Harry Potter était arrivé, piquant un véritable sprint haletant, au moment où Verpey allait donner l'ordre aux autres de s'élancer. Simon avait à peine fait la démonstration de sa surprise en le voyant fendre les eaux, tant il était préoccupé par le message que j'avais reçu le matin même.
-Tu l'as eu quand, déjà ? me demanda-t-il en me le prenant des mains.
-Juste avant l'épreuve. C'était dans la poche de ma cape.
Simon fronça les sourcils avant de sortir sa baguette et d'en faire tapoter la pointe sur le parchemin. Pendant qu'il faisait ses vérifications rituelles, je promenai mon regard sur le lac Noir et les tribunes : une autre, plus petite, avait été installé pour les juges près de l'endroit où les champions avaient plongé. J'avais tenté d'apercevoir Cho avant l'épreuve – elle s'était réconciliée avec Cédric cette semaine, mais je n'avais pas pu m'empêcher de remarquer qu'elle avait tout de même instaurer une certaine distance – mais la Serdaigle n'était en vue nul part.
-Rien, lâcha Simon en me rendant mon parchemin. Sauf le sortilège de téléportation ... Vicky ...
-J'ai réfléchi, Simon, le coupai-je avant qu'il ne me fasse la moindre proposition. Si j'en parle aux profs, qu'est-ce qu'il se passera ?
-Ils iront parler à Selwyn, je suppose, répondit Simon, déboussolé.
-Et après ? Si ce n'est pas Selwyn, ou qu'ils ne peuvent pas le prouver ?
Simon garda un moment le silence, l'air de réfléchir à la situation. Quand mes doigts avaient, alors que je m'avançais vers le Lac Noir, effleuré le parchemin dans ma poche, mon regard s'était immédiatement porté sur Ulysse Selwyn, qui riait avec Gloria Flint juste devant moi. Sur son visage, aucune trace de ruse, ni de cruauté, et pas l'ombre d'une baguette n'était visible dans sa main. Pourtant, j'étais sûre que ma poche était vide quelques minutes plus tôt. Soit Ulysse avait été particulièrement rapide, soit quelqu'un d'autre avait envoyé ce parchemin dans ma poche.
-Ils feront une enquête, plaida Simon d'une voix prudente. Dumbledore ...
-Aussi puissant que Dumbledore est, il ne donnera de sanction s'il n'a pas de preuve, répliquai-je posément. Quelles preuves on a ? Des morceaux de parchemin qui n'ont subi qu'un sort et le souvenir d'une de mes frasques ? Comment veux-tu que ça s'arrête ?
-Il n'y aura peut-être pas de sanction. Peut-être que si Selwyn sait que Dumbledore l'a à l'œil, il arrêtera de lui-même.
-Et si ce n'est pas Selwyn ?
Les sourcils de Simon se froncèrent un peu plus.
-Et qui d'autre ?
Elle était bien là la faille de mon raisonnement : je n'en avais strictement aucune idée. J'avais vaguement songé à la jeune sœur d'Ulysse et Nestor, Enoboria, mais une brève enquête m'avait permis de constater que pour l'instant, la cadette des Selwyn restait loin des ambitions de ses frères : elle se contentait de commenter les actualités de Sorcière-Hebdo avec sa cour. Il y avait bien le jeune frère Harper, mais là encore le comportement ne correspondait pas : ce garçon était un imbécile fini.
-Je ne sais pas, avouai-je alors pour ma plus grande frustration. Mais ce que je sais, en revanche, c'est que Selwyn ... je n'en sais rien. Il ne se comporte pas comme un coupable.
Je levai les yeux sur les tribunes. Selwyn était installé sur les premiers rangs, avec Gloria Flint à sa droite et Cassius Warrington à sa gauche. Il fixait l'eau avec un léger sourire, presque sadique qui faillit me faire raviser mon jugement.
-Je ne sais pas, dit Simon, qui observait lui aussi le trio de Serpentard. Selwyn est un vicieux, il peut très bien cacher ses véritables intentions ...
-Mais ?
Simon pinça des lèvres.
-Mais tu as raison. Je l'ai observé depuis le bal de noël, et il n'a pas un comportement hostile. Même envers Miles, il est plutôt indifférent ... Une attitude de Sang-Pur méprisant, mais très distant, comme s'il était au dessus de tout ça ... D'ailleurs, tu as décidé si tu allais parler de cette affaire à Bletchley ? Oh par Merlin, Vicky, soupira-t-il quand je secouais la tête. Tu ne me facilites pas la tâche.
-Désolée. J'attends ... j'attends d'être sûre.
Simon me jeta un regard oblique où brillait une lueur d'amusement qui me fit rougir.
-Bon sang, le jour où j'annoncerais au révérant Bennett que sa fille sort avec un sorcier ...
-Tu n'annonceras rien du tout, me rebiffai-je en lui donnant une tape sèche sur le bras.
-Oh, pardon, tu le feras toi-même ?
Je m'empourprai violemment et détourner le regard pour le river sur le Lac Noir. Rien dans son ondulation ne trahissait ce qui pouvait bien se passer en dessous – ce n'était guère surprenant, vu l'immensité et la profondeur.
-Toujours est-il qu'on est coincé, poursuivis-je pour éloigner le sujet de Miles. Si on en parle – prenant ainsi le risque que je me fasse renvoyer – ça peut n'aboutir à rien. Selwyn n'est peut-être pas l'auteur des messages, et même s'il l'était, s'il le nie et que le professeur Dumbledore n'a pas de preuve ...
-OK, d'accord. On te met en danger sans être certain d'avoir des résultats positifs. Je ne dirais rien aux profs, mais s'il te plaitest-ce que je peux aller dire deux mots à Selwyn ?
-Tu crois que ça servirait à quelque chose ? répliquai-je avec un regard entendu.
Simon écarta ses bras pour contempler sa silhouette qui flottait dans sa cape. Selwyn devait faire une tête de plus que lui – et imposait plus niveau carrure. Puis Simon sortit sa baguette et quelques étincelles jaillirent de sa pointe. Je me rembrunis.
-Par Merlin, parfois j'oublie que tu es un sorcier, marmonnai-je en secouant la tête.
-Et sacrément doué, le sorcier, me rappela Simon avec un sourire tenu. J'admets que ma carrure n'effraie personne, mais un bon sortilège de Chauve-Furie ... ?
-Je n'aurais pas désapprouvé ... Si j'avais été sûre que c'était Selwyn. Là, on ne l'est pas, et si tu vas lui parler de façon hostile ... Il ne laissera pas passer, Simon. On va lancer l'engrenage.
Je fus soulagé de voir un air de compréhension illuminer les yeux de Simon. Il rangea sa baguette en un geste rageur.
-Donc on ne fait rien ?
-Trois messages, et je suis toujours intacte, remarquai-je en me palpant le bras. Peut-être que je devrais simplement cesser d'en avoir peur et les ignorer ?
-Tu y arriveras ?
Je n'en avais aucune idée. Les mots faisaient écho à de trop mauvais souvenirs pour qu'ils me laissent indifférentes. Mais si je voulais avoir la paix, il fallait bien que je me persuade que tout allait bien, alors je hochai la tête. Simon soupira :
-OK, on ne fait rien. Mais le jour où tu finiras brûler ... Ne viens pas pleurer sur moi, d'accord ?
-Pas du tout mon genre. On en est à combien de temps, là ?
-Vingt-cinq minutes, répondit Simon après consultation de sa montre. Une heure pour fouiller tout ça ... C'est maintenant que je me rends compte que ... C'est dérisoire.
J'opinai du chef en contemplant la surface du Lac, dont la fin allait se perdre et se cacher au détour d'un pied de montagne. Si vaste et si profond ... Cédric n'aurait pas assez d'une vie pour le fouiller dans son entièreté.
-Il y a quoi, là dessous ? Des stranglulots, le calamar géant ... ?
-Des Sirènes, peut-être.
Je faillis m'étrangler de rire. J'avais l'image d'Ariel dans La petite sirène, et imaginer ce personnage de dessin animé en obstacle de Harry était risible. Puis je me souvins également que dans les mythes antiques elles étaient des êtres assoiffés de sang qui se servait de leur charme pour attirer les marins sur les côtes, et mon rire mourut dans ma gorge pour se transformer en gémissement d'angoisse.
-Mais Cédric est capable, tentai-je de me convaincre. Il est bon en duel et Lupin nous a bien préparé à la lutte contre les créatures malfaisantes ...
-Et il était très bon à ça, confirma Simon, qui ne paraissait pas en mener large. Cédric a eu la note maximale aux examens de Lupin et aux BUSEs. Je pense que c'est pour ça qu'il était si confiant.
-Et Potter ?
Simon pinça les lèvres.
-Je ne sais pas. Les seuls moyens que je vois de respirer sous l'eau pendant une heure c'est le sortilège de Têtenbulle qu'on apprend normalement en septième année, et les métamorphoses humaines – on commence en sixième année mais au point de se transformer en animal aquatique il faut savoir pousser la chose. Bref, sauf si Potter est exceptionnellement précoce, ce n'est pas de son ressort.
-Mais il y a peut-être d'autres moyens qui ne sont pas des sortilèges ? Forcément, sinon il serait déjà remonté à la surface ...
-Ah oui, c'est certain qu'il l'ait trouvé. Mais qu'est-ce que c'est ... Une bonne question. Tu as raison, sans doute pas un sortilège. Une Potion peut-être ?
-Emily saurait peut-être.
Je levai à nouveau le regard sur les tribunes, à la recherche d'Hermione Granger, l'amie de Harry Potter qui devait être dans un état d'appréhension semblable au mien. Mais je ne la vis nul part – pas plus que cadet des Weasley. Lentement, une idée se forma dans mon esprit et je sentis ma poitrine se comprimer. Je tirais la manche de Simon.
-Quoi ?
-Cho n'est nul part.
-Elle est peut-être malade ...
-Comme le meilleur ami de Harry Potter et la cavalière de Viktor Krum, alors.
Cette fois, Simon releva la tête et riva son regard sur ses tribunes. Quand il eut constaté comme moi que ces trois élèves manquaient à l'appel, sa peau blêmit sous ses tâches de rousseurs.
-Par Merlin ..., souffla-t-il, ses yeux se coulant lentement vers la surface du Lac. Ils n'auraient pas fait ça ...
-Je n'en sais rien. Mais peut-être qu'enlever des personnes chères au champions, ça ajoute un stresse et une pression supplémentaire.
-Une pression, répéta Simon d'une voix blanche.
Il croisa les bras sur sa poitrine, l'air effaré. Je hochai sinistrement la tête. Ce Tournoi allait beaucoup trop loin. Mais au moins, contrairement à la première épreuve, la tâche ne devenait pas un spectacle : nous ne voyions rien de ce qui se passait en dessous du Lac et Verpey ne lançaient pas de commentaire indécents. J'avais moins l'impression de voir Cédric dans la peau d'un gladiateur et étrangement, ça me rassurait. Là, tout était silencieux au dessus de la surface du Lac, et le temps semblait être suspendu de chaque côté de la rive. Même les tribunes s'efforçaient de maintenir un volume sonore bas, chuchotant comme si l'écho de leur voix pouvait déranger les champions immergés. Simon et moi n'échangeâmes pas un mot dans la demi-heure qui suivit, nous contentant d'observer nerveusement les eaux et de marcher au bord de la rive, comme si l'agitation pouvait tromper notre angoisse. La seule chose qui fendit le silence fut l'annonce de Verpey que la championne de Beauxbâtons, Fleur Delacour, avait abandonné l'épreuve et quelques instant avant l'annonce, une tête de cheveux blonds avait crevé la surface. La belle championne semblait avoir perdu toute superbe : Madame Maxime l'avait aidée à remonter, mais elle semblait agitée et repoussait toute personne s'approchant d'elle. Son regard était happé par le Lac – vers la personne qui lui avait été arrachée, et qu'elle avait été incapable de sauver.
-Une heure, lâcha Simon après consultation de sa montre. Par Merlin, ils avaient une heure pour chercher, qu'est-ce qui va se passer maintenant ?
-Pour les champions ou pour les otages ?
-Oh Merlin, Vicky ...
Son visage était si décomposé que je me sentis obligée d'enrouler mon bras autour du sien. Il ne se dégagea pas : sans doute avait-il besoin de sentir qu'il n'était pas seul dans son angoisse. Pourtant celle-ci touchait à sa fin : quelques minutes plus tard, deux têtes crevèrent la surface du Lac. Une exclamation descendit des tribunes, bien plus sonore et je plissai les yeux pour distinguer les traits de premiers arrivés. La voix de Verpey me le confirma un instant plus tard, roulant sur l'eau avec exaltation :
-Cédric Diggory est le premier champion à ramener sa prisonnière ! Un tonnerre d'applaudissement s'il vous plait !
-Oh Seigneur, exhalai-je en laissant aller mon front contre le bras de Simon.
-Comme tu dis. Viens !
Il s'élança vers la tribune des juges, sa main fermement agrippée à mon bras m'emmenant dans son sillage. Nous courûmes le long du Lac et arrivâmes haletant devant les gradins aménagés qu'atteignaient Cédric et Cho. Nous voulûmes grimper sur les planches de bois, mais McGonagall se dressa devant nous de toute sa hauteur.
-Vous ne pouvez pas y aller, nous annonça-t-elle avec fermeté.
-Mais professeur ! protestai-je, incapable de me contenir.
-C'est non, Bennett. Les champions doivent se remettre ...
-On n'est pas là pour l'acculer, on est là pour voir comment il va !
-S'il vous plait, professeur, plaida Simon avec plus de contrôle. On vous aidera s'il le faut, il faut qu'on fasse quelque chose, qu'on ramène des couvertures ?
La proposition de Simon était censée : j'étais déjà gelée alors que j'étais couverte de ma cape et de mon écharpe, alors Cédric, vêtu uniquement d'un short et d'un débardeur pour que les vêtements n'entravent pas ses mouvements, et Cho, trempée dans son uniforme ... Je voyais d'ici les lèvres de la jeune fille bleuir. McGonagall ouvrit la bouche, sans doute pour signifier un nouveau refus, mais elle fut interrompue par une voix dont la fermeté surpassait la sienne :
-Laissez-les, Minerva.
Je jetais un regard éperdu à Albus Dumbledore, qui s'était rapproché de sa directrice-adjointe sans que je ne le remarque. Ses yeux étaient graves derrière ses lunettes demi-lune, et il nous lança un long regard pénétrant.
-La loyauté envers l'amitié ne devrait jamais être réprimandée, ajouta-t-il d'un ton doux avant de s'écarter. Allez-y : vous assisterez madame Pomfresh pour prendre soin des champions et de leurs « prisonniers ». Elle se trouve dans le fond de l'estrade.
Nous ne dîmes rien pendant un instant, éberlués, avant que je ne me fende d'un « merci professeur », et que je n'attrape Simon pour m'engouffrer dans l'ouverture laissée par Dumbledore. Je me précipitai vers l'endroit indiqué par le directeur et me plantai devant l'infirmière agitée, qui venait à ma rencontre les mains pleines de serviettes et de couvertures. Sans s'étonner de ma présence, elle mit cette dernière dans mes bras et les serviettes dans ceux de Simon.
-Allez en recouvrir Diggory et Chang, ordonna-t-elle avant de retourner vers son semblant d'infirmerie en marmonnant rageusement : et dans le Lac, maintenant ! Je vais avoir huit malades cette semaine, il va falloir que je fasse un stock de pimentine ...
-Oh non, pas la pimentine, gémit Simon alors que nous nous précipitions vers Cédric et Cho.
C'était une potion de l'invention même de Pomfresh, très efficace contre le rhume et la crève, mais qui avait comme désagréable effet secondaire de faire siffler les oreilles tout en en faisant sortir une épaisse fumée blanche et rougissait considérablement le visage. Je m'étais fait un malin plaisir de me moquer Simon la semaine où il avait dû en prendre en deuxième année. Il fut le premier à atteindre Cédric et lui lança une serviette à la figure.
-Bienvenu sur la terre ferme, champion. Comment c'était là dessous ?
Mais un ton soulagé démentait ses mots ironiques, et Cédric le gratifia d'un sourire.
-Un peu humide. Et un peu obscure, aussi ...
Pendant que Simon s'occupait de Cédric, je m'approchai de Cho. Elle frissonnait dans son uniforme trempé d'eau, ses lèvres rendues bleue par le froid. Une fille pellicule de gèle blanchissait ses cheveux noirs de corbeau.
-Tiens, fis-je avec douceur en enroulant autour d'elle une serviette, puis une couverture. Tu vas bien ?
-Je crois, grelotta Cho, visiblement incapable de faire le moindre mouvement. Je me suis réveillée quand on a atteint la surface ... C'était ... déstabilisant.
Un nouveau frisson la parcourut et j'ajoutai une couverture sur ses épaules avant de frotter vigoureusement ses bras pour la réchauffer. Fleur Delacour arriva derrière nous, emmitouflée dans des couvertures qui, vu son état d'agitation, ressemblait presque à une camisole de force.
-Gabrielle, souffla-t-elle en agrippant le bras de Cédric. Ma petite sœur, Gabrielle, tu l'as vue ?
-Une petite blonde ? répondit Cédric avec une prudence mesurée. Oui, effectivement. Mais ne t'inquiète pas, Harry est resté avec les autres ...
-Il est resté ? s'étonna Simon en scrutant le Lac.
-Je pense, confirma Cédric avec lenteur, la voix rendue tremblante par le froid. Il était déjà arrivé où étaient tout les otages ... Je suis parti, je ne l'ai pas vu me suivre, alors ... je ne sais pas ...
J'échangeai un regard avec Cho, mais elle réagit à peine. La remontée semblait l'avoir secoué, et je fixai Cédric avec insistance. Il parut comprendre le message car il s'élança vers sa petite-amie aussi vite que lui permettait ses couvertures, et se départit de l'une d'entre elle pour la glisser sur les épaules de Cho.
-C'est fini, ne t'en fais pas, lui murmura-t-il avec douceur, avant de l'embrasser sur le bout du nez. Tout va bien ...
-C'est horrible de se réveiller ... et d'avoir l'impression de se noyer ...
Cédric resserra sa prise sur Cho, et nous nous écartâmes pour leur laisser de l'intimité. Même Fleur, malgré son angoisse manifeste pour sa petite sœur, s'éloigna. Elle avait repoussé sa couverture ses épaules, ne gardant que sa serviette et une plaie ouverte laissait couler un filet de sang sur sa joue.
-Tu ferais bien d'aller voir l'infirmière, lui suggérai-je timidement.
-Pas tant que Gabrielle ne sera pas remontée, répliqua-t-elle d'une voix qui avait perdu toute arrogance. Ma pauvre chérie, elle doit être morte de peur là-dessous ...
-Cédric m'a dit que les otages avaient l'air endormi, la rassura Simon. Elle ne doit avoir sans doute conscience de rien.
Mais Fleur ne cessa pas de scruter le Lac, obstinément, ses dents plantées dans sa lèvre inférieure. Je me demandais si Emily la détesterait autant si elle la voyait en cet instant, aussi vulnérable, aussi tourmentée. Ses beaux cheveux blonds avaient perdu de leur lustre et ses traits parfaits étaient déformés par l'affolement.
-C'est de la faute des strangulots, ces maudites créatures, chuchota-t-elle, comme pour elle-même. Elles m'ont emportée, c'était insensé ...
-Leurs doigts ont une grande force, mais ils sont fragiles, expliquai-je, ne sachant si cela la rassurerait, ou pas. Il est facile de les briser.
Elle me jeta un regard où se mêlait fureur et abattement. Non, décidemment, il ne restait pas grand-chose de la fascinante petite-fille de Vélane. Elle qui m'avait tant intimidé me faisait à présent pitié. Avant que l'une de nous ne puisse ajouter quoique ce soit, de nouvelles têtes jaillirent des profondeurs. Un instant, je fus effrayée car il s'agissait d'une bête et d'une jeune fille, mais Simon s'exclama à mes côtés :
-Ils s'est métamorphosé en requin ?
Effectivement, c'était un squale qui s'avançait sur l'eau, tentant d'aider à ses côtés une Hermione Granger secouée, mais qui avait assez de lucidité et de force pour nager seule. Je me précipitai pour l'aider à remonter alors que Krum sautait souplement sur la plateforme – de telle sorte que je puisse me rendre compte qu'il ne s'était en réalité métamorphosé qu'à hauteur du buste, ce qui rendait le résultat presque risible. Cela parut beaucoup amusé Simon, car il s'empressa d'aller chercher couvertures et serviette pour masquer son hilarité alors que Karkaroff monopolisait son champion. Je parvins à hisser Hermione, qui me lança un regard déboussolé.
-Harry ? s'enquit-t-elle immédiatement. Est-ce qu'il est remonté ?
-Pas encore. Cédric a dit qu'il était resté en bas, avec les otages ...
-Rester en ... Oh mais quel idiot !
Elle gratifia là-dessus le lac d'un regard furieux, comme si elle pouvait réprimander Harry malgré les eaux.
-Idiot, je ne sais pas si on peut dire ça, marmonna Simon en lui tendant une serviette et une couverture. Par curiosité : comment il a fait ? Je veux dire, pour respirer sous l'eau plus d'une heure ?
-Aucune idée, admit-t-elle en resserrant les couches sur elle, les dents claquantes. Quand Maugrey est venu nous chercher hier ...
Elle n'ajouta rien, se contentant de scruter le lac, l'air à la fois songeur et troublé. Dès lors, comme Fleur Delacour, elle n'éloigna pas son regard des eaux – pas même quand Viktor Krum, après s'être débarrassé de sa tête de squale, l'éloigna pour entamer une discussion avec elle. Cédric restait avec une Cho qui semblait s'être apaisée, si bien que Simon et moi nous retrouvâmes au chômage technique. Dumbledore nous adressa un hochement de tête satisfait, et je m'en retournais chercher de nouvelles couvertures pour quand Harry arriverait avec son ami – et possiblement Gabrielle Delacour. Sur le chemin, je me heurtai à un jeune homme qui revenait en sens inverse et il perdit ses lunettes dans le choc.
-Oh, pardon, m'excusai-je en ramassant les lunettes d'écailles.
-Fais attention la prochaine fois, répliqua sèchement le garçon.
Il remit ses lunettes sur son nez, passa une main dans ses cheveux roux avant de lisser son impeccable robe de sorcier. Puis il me dépassa le nez relevé, se dépêchant vers le Lac. Je l'observai sombrement, et Simon me rejoignit, perplexe.
-Ce n'est pas le préfet-en-chef de l'an dernier ?
-Il a l'air d'être un sombre crétin, toujours, marmonnai-je en prenant plusieurs couvertures dans un coffre. Qu'est-ce qu'il fout ici ?
-J'ai l'impression ... J'ai l'impression qu'il remplace Croupton.
Je fronçai les sourcils, et me retournai vers les juges. Tous s'étaient précipité vers le bords de la plateforme car Harry Potter était enfin réapparu, et avec lui le cadet des Weasley que l'ancien préfet-en-chef paraissait couver et Gabrielle, un petit ange frigorifié aux cheveux blonds sur laquelle Fleur Delacour se jeta avec soulagement. Nous tendîmes les couvertures aux professeurs, et je remarquai qu'effectivement, le directeur de la Coopération Magique internationale était absent.
-J'ai lu dans La Gazettequ'il ne se rendait plus au bureau depuis noël, me souffla Simon, indécis. Il n'était même pas là au bal ...
-Ça avait l'air d'être un vieux monsieur, répondis-je en haussant les épaules malgré le nœud qui s'était formé dans mes entrailles. Et il avait l'air malade les premières fois où il est venu à Poudlard.
-Je ne sais pas. Mes parents m'ont dit que Croupton est un véritable bourreau du travail ... et il s'est échiné tout l'été à faire renaître le Tournoi ... Tout ses efforts pour ne même pas assister aux tâches, ça ne ressemble pas à ce que je sais de Croupton.
J'opinai du chef, acceptant humblement l'argument – Simon en savait plus que moi à ce sujet. Nous échangeâmes un regard, et je compris qu'on ajoutait tout deux la maladie subite de Barthy Croupton à la longue liste d'anomalie qui sévissait depuis cet été. Et la liste commençait à être longue.
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