I - Chapitre 12 : "Vigilance Constante"
Bonjour à tous !
Dernier chapitre avant le baaaaal ! Alors, de qui Victoria va-t-elle être accompagnée? Vous aurez des éléments de réponses dans ce chapitre !
Bonne lecture à tous ! (Et allez voir Dragon 3 <3)
PS : Les astérix seront suivies de l'explication en commentaire.
Chapitre 12 : Vigilance constante.
Je lui avais jeté le contenu de mon encrier au visage.
Je n'avais pas pu m'en empêcher.
De une, la proposition de Miles allait en totale contradiction avec ses résolutions. Et de deux, cela faisait monter le nombre de demande à trois, me rapprochant un peu plus de la vengeance de Simon Bones.
Flitwick avait entendu le cri de surprise de Miles, et malgré l'ambiance bourdonnante qui régnait dans sa classe, nous avait sommé de quitter le cours. Malgré mon air fulminant et la rage qui bouillonnait dans mes veines, Miles avait tenu à s'expliquer, tout en s'essuyant passivement le visage. Je l'avais écouté jusqu'au bout, les bras croisés sur ma maigre poitrine, le pied tapant les dalles avec impatience. Il avait alors plaidé que j'étais sans doute la fille avec laquelle il s'entendait le mieux à Poudlard, et qu'il ne souhaitait pas s'imposer la présence d'une cavalière qu'il ne supportait pas.
-Franchement, pas de quoi s'inquiéter, m'avait-t-il avec un sourire maculé d'encre. J'ai juste réfléchi et considéré que j'avais envie d'y aller avec toi. Parce que je ... t'aime bien. Voilà, c'est tout. Mais ça ne change rien à ce que je viens de te dire, Vic' : je ne compte pas tout gâcher. Je veux juste y aller avec une amie, et c'est aussi ce que tu veux non ?
Non. Oui. Je l'avais contemplé sans un mot, ne sachant quoi dire, ni répondre. Depuis l'annonce du bal, j'étais persuadée que j'y irais seule et c'était une solution qui m'allait parfaitement : pas de prise de tête ou d'obligation de danser. J'avais donc toujours pensé que le jour où Miles viendrait me demander de l'accompagner au bal, je refuserais net pour ne pas entretenir ses espoirs. Mais à présent, les cartes étaient rebattues. Il assurait cesser de me courir après. Alors devais-je lui donner cette chance de me le prouver ? J'avouai hésiter. Malgré sa résolution d'apparence sincère, tout ce qui s'était écoulé tout le long de l'année dernière me laissait indécise. Ce n'est pas parce qu'il l'avait décidé que ses sentiments allaient disparaître.
La cloche avait sonné, et Miles partit en cours de Botanique, m'arrachant la promesse que j'allais au moins y réfléchir. Un instant plus tard, mes amis étaient sortis de Sortilège et Emily m'avait ramené mes affaires et la malice dans ses yeux m'avait fait rougir jusque la racine des cheveux. J'avais ensuite croisé le regard de Simon. Je m'étais attendue à le voir exulter, mais il n'avait esquissé un léger sourire incertain, et je compris pourquoi un peu plus tard. Miles était peut-être l'unique personne avec laquelle je pourrais avoir envie d'aller au bal. Et si c'était le cas, alors le grand arbitre Cédric pouvait parfaitement me libérer de la vengeance de Simon. Cette proposition faisait peut-être que je n'étais qu'à deux pas d'aller au bal avec lui, mais c'était également celle qui pouvait tout foutre en l'air.
-De toute façon, il n'a pas à s'inquiéter, fis-je sombrement remarquer.
J'étais allongée sur mon lit, mon parchemin contenant ma traduction de runes déroulé devant moi. J'étais en train de la relire alors qu'Emily achevait son devoir de Potion depuis son propre lit.
-Cédric n'aime pas Miles. Alors quand bien même j'en aurais envie, il n'acceptera pas.
-Encore faudrait-il que tu en aies envie, rappela Emily. Et ... Tu en as envie ?
Elle m'observa par dessus ses lunettes à épaisse monture qu'elle mettait pour travailler. Ses cheveux blonds étaient relevés en un vague chignon au dessus la tête et elle faisait jouer sa plume entre ses doigts en un geste nonchalant, mais qui trahissait son impatience. Je ne répondis pas, faisant mine d'être absorbée par ma traduction, et elle éclata de rire :
-Je n'en reviens pas ! Un an à me dire qu'il n'y a rien entre vous, et maintenant tu éprouves l'envie d'y aller à un bal avec lui !
-Alors ça veut dire quoi, que tu vas incessamment sous peu sortir avec Esteban ?
Le sourire d'Emily s'affaissa quelque peu. Elle lâcha sa plume et roula son parchemin.
-Touchée, admit-t-elle. D'accord, j'ai peut-être forcé le trait. Et peut-être que te concernant, Miles n'est qu'un ami, je te connais assez pour te croire. Mais ... Je ne suis pas sûre que ce soit le cas de son côté.
-Que ce soit le cas ou non, ça ne change rien pour moi. Lance-moi mon dictionnaire, je pense que j'ai mal traduit une rune.
Emily dressa un sourcil dubitatif, mais me jeta docilement le volume qu'elle m'avait emprunté la veille. Ce faisant, des feuilles volantes s'éparpillèrent entre nos deux lits et elle se leva pour les ramasser.
-Ça va ! l'interrompis-je précipitamment en m'élançant vers les morceaux de parchemin, sous l'œil surpris d'Emily. Ça va, je vais ramasser.
Elle haussa les épaules et retourna sur son lit alors que je rassemblai mes feuilles. Si certains étaient des dessins sans intérêts, deux d'entre eux étaient les sinistres messages que j'avais reçu, m'avertissant sur ce qui s'était passé le cinq novembre. Je ne tenais pas particulièrement à ce qu'Emily tombe sur eux. Il y avait déjà bien assez de Simon et moi, dans cette histoire. Simon et moi, et la personne qui les envoyait. Potentiellement Ulysse Selwyn, d'après ce que nous pensions.
« Your turn to burn ».
Les mots me glaçaient le sang.
Je rangeai les feuilles dans mon dictionnaire et cherchai ma rune en m'efforçant de réprimer mon trouble. Emily continuer de me fixer par dessus ses lunettes, les yeux plissés.
-Mais toi, qu'est-ce que tu veux ?
Je lui jetai un regard ennuyé. Je l'ignorais moi-même, et je ne savais pas comment l'expliqué à Emily sans lui raconter l'insistance Miles. Je mordillai nerveusement la pointe de ma plume en tentant de rassembler mes pensées. J'éprouvai le besoin d'en parler à voix haute, pour dénouer tout cela, au risque qu'Emily ne s'emballe exagérément.
-J'aime vraiment bien Miles, avouai-je alors. Mais il y a trop de choses qui me dérangent pour que j'envisage plus de « bien l'aimer », tu comprends ?
-Comme le fait qu'il traine avec Selwyn ?
-Par exemple, oui.
Emily opina doucement du chef, et m'invita silencieusement à poursuivre. Je me laissai rouler sur le dos avec un soupir et croisai les mains derrière ma nuque. Les yeux rivés sur les tentures d'un jaune chaud et agréable, je continuai :
-Et il est ambitieux à outrance, je ne sais pas où ça peut le mener. Mais à part ça ... il est gentil, avec moi. C'est agréable de passer des moments avec lui. Et il serait possible ... que d'un point de vue objectif, non ça ne me dérangerait pas d'aller avec lui au bal.
Le sourire d'Emily s'agrandit un peu et je me sentis rougir.
-En amie ! Ce sera toujours plus agréable qu'avec Simon ...
-Il y a une nuance entre « ça ne me dérange pas », et « j'ai envie ». Alors, c'est quoi la vraie nuance ?
-Mais j'en sais rien ! gémis-je en serrant mon oreiller contre moi.
-En tout cas, c'est clair que si tu ne sais pas, Cédric refusera que tu y ailles avec Miles.
-Je voulais y aller seule. Ne pas me prendre la tête et me moquer de Cédric quand il ouvrirait le mal avec Cho. Pourquoi Simon est venu mettre son nez là dedans ?
Emily essuya un petit rire et se leva pour grimper sur mon lit. Elle s'y assit en tailleurs et coinça une mèche folle derrière son oreille.
-Si ça se trouve, tu y iras seule, tu sais. Tu n'es qu'à trois demandes, et tu pourrais rester à trois. Le bal est dans dix jours ... Mais en tout cas, Cédric a bien réussi son coup, non ? Tu pensais avoir trois demandes ?
Le sourire d'Emily était affable et rassurant, mais sa question m'embarrassa. Cédric avait certes imposé cette condition de « cinq demandes » pour redorer ma confiance en moi, me faire sentir que, contrairement à ce que je songeais, je pouvais être désirable. Mais pour l'heure, ça avait plutôt l'effet inverse. Si je résumais mes trois demandes étaient :
- Cédric, dont j'étais le choix de la facilité.
- Sullivan Fawley, qui avait songé que la gentille meilleure amie de sa grande sœur ne pourrait pas le lui refuser. Oui parce que c'était vrai, après tout, qui d'autre lui demanderait ?
- Et Miles. Avec tout ce que cela impliquait.
Bref. Je trouvai le résultat était plutôt affligeant, et si Cédric n'avait pas eu temps de problème avec l'énigme de l'œuf et son histoire naissante avec Cho, je lui aurais vertement fait comprendre.
-Ah. (Emily avait perdu son sourire. Sans doute avait elle deviner lisait-elle mes pensées sur mon visage). Ce n'est pas une franche réussite ?
-Pas vraiment. J'ai l'impression d'être une pauvre fille. Aïe ! (Elle venait de me donner une tape sèche sur la jambe). Quoi ?
-Tu n'es pas une pauvre fille, et sur le fond, Cédric a raison, asséna-t-elle, avant de sourire d'un air mielleux. Tu es une fille formidable. J'ai mis du temps à m'en rendre compte ... Mais je t'assure, c'est ce que tu es. Et mon frère ne t'a pas demandé parce qu'il était sûr que tu aurais personne, mais parce qu'il a un faible pour toi depuis un moment.
-Em', je suis sûre que tu viens juste d'inventer ça.
-D'accord, admit-t-elle en penchant sa tête sur l'épaule. Mais Miles en pince pour toi, et ça ne l'ait pas inventé. Ça ne te flatte pas, ça ?
-Raison de plus pour ne pas aller avec lui au bal.
-Mais Vic' !
Je la considérai avec un sourire mutin, et elle m'arracha mon coussin pour m'asséner un coup sur la tête. Je me protégeai en riant, et elle finit par se laisser tomber à côté de moi avec un profond soupir. Nous fixâmes toutes deux la tenture jaune de mon lit pendant un long moment. Je lui jetai une œillade intriguée : sa lèvre inférieure était déformée par une moue.
-Et Esteban ? m'enquis-je doucement. C'est du dépit ou de l'envie ?
-Des deux, avoua-t-elle du bout des lèvres. Un peu comme toi avec Miles, il était très gentil et c'est sympa de passer du temps avec ...
-Mais au fond de toi, tu espérais Roger.
Emily garda le silence un long moment, tortillant machinalement une mèche entre ses doigts.
-J'ai espéré tout l'été. A la fin de l'année dernière on s'était tellement rapproché, j'ai cru ... Puis je l'ai vu en août, et il tenait une fille par la main. Bref, il n'était plus avec à la rentrée mais ... ça ne change pas ce que j'ai vu.
-Tu es sûre que ce n'était pas sa sœur ? Ou quelqu'un comme ça ?
Les yeux d'Emily roulèrent dans leurs orbites. Elle se redressa et me tendit une main impérieuse.
-Bien sûr, idiote. Allez viens, je meurs de faim. Ça fait plus d'un quart d'heure que j'ai dit à Cédric qu'on descendrait dans cinq minutes.
J'éclatai de rire malgré le nœud qui serrait ma gorge, et pris la main tendue pour me redresser. J'hésitai un instant à descendre en chausson, tant j'avais peu de courage, et finit par lasser mes chaussures habituelles avec des gestes lents qui exaspérèrent Emily. Nous nous dirigeâmes dans le Hall où je croisai Kamila Tokarsky, qui discutait au milieu de celui-ci avec deux garçons de son école, et la si charmante Sisko. Elle observait son interlocuteur, un éclat de dégoût brillant dans ses yeux, et je crus qu'elle allait m'ignorait et que je n'aurais pas à supporter son regard glacial sur ma nuque. Mais elle haussa sa voix que l'accent rendait absurdement sèche :
-Moi je suis déjà prise, mais si tu veux quelqu'un de ton bas rang vient justement de passer ... Tu peux peut-être lui demander, vous ferez un beau couple de ...
Cette fois encore, Kamila l'interrompit dans une autre langue, alors qu'Emily s'était immobilisé pour lui adresser un regard outré.
-Attends, c'est de toi qu'elle parle, là ? s'indigna-t-elle en me prenant le bras.
-Em', on avance ! rétorquai-je en tentant de l'amener vers la Grande Salle.
A présent, les quatre élèves de Durmstrang nous dévisageaient. L'un d'entre eux, celui que Sisko venait de rebuter, était un élève moins athlétique que les autres et dont les joues rebondies étaient coloré d'un rose vif. L'autre garçon ricana, récoltant le regard noir de Kamila, et lui et Sisko s'engouffrèrent dans la Grande Salle. Seule ma pression sur le bras d'Emily empêcha celle-ci de sortir sa baguette.
-Bon sang on a assez de Flint ici ! ragea-t-elle une fois que Sisko fût loin. On n'a pas besoin de nouvelle engeance raciste venue de l'est !
-On est désolé, s'excusa sincèrement Kamila.
Son ton était néanmoins froid et son regard se fit dur quand il se posa sur Emily.
-Cela dit, on n'est pas tous comme Sisko et Vladimir. Merci de ne pas tous nous mettre dans le même sac.
-On le sait bien, la rassurai-je avant qu'Emily n'ouvre la bouche. Et encore merci de ... l'avoir fait taire.
-Oh, elle torture ce pauvre Poliakoff, expliqua-t-elle en balançant son pouce du côté du garçon. A cause de cette absurde histoire de bal ...
Son dégoût était palpable et j'opinai du chef d'un air compréhensif. Le nommé Poliakoff s'empourpra.
-Je t'avais dit de ne pas demander à Sisko, lui dit Kamila d'un ton docte.
-Et toi ? lui demanda-t-il, l'air empli d'espoir.
-Désolée, petit ... Mais pas de ça entre nous.
Elle lui servit alors un charmant sourire qui adoucit le refus. Emily et moi échangeâmes un regard perplexe. Il était vrai que le Poliakoff n'avait rien d'attirant, mais un refus si direct ... Il haussa les épaules et nous servit un pauvre sourire.
-Vous voyez à quels points elles sont méchantes, à Durmstrang ? plaisanta-t-il, avant de nous observer plus sérieusement. Mais peut-être que j'aurais plus de chance avec les anglaises ...
-Oula, l'interrompit immédiatement Emily en levant une main. Désolée, mais j'y vais déjà avec quelqu'un.
-Oh, dit Poliakoff, visiblement déçu, avant de se tourner vers moi. Et toi ? Ça ne te dit pas de ... ?
-Das vitania*, Poliakoff, persiffla Kamila en lui donna une tape sèche sur le torse. Laisse-les tranquille ! Viens, on retourne au vaisseau ...
Elle prit un Poliakov déboussolé par le bras et le traina vers la grande porte, nous gratifiant d'un clin d'œil avant de s'enfoncer dans la nuit. Emily et moi les observâmes un instant, avant de se tourner l'une vers l'autre. L'œil de mon amie pétillait. Puis, avant que ne puisse l'en empêchait, elle s'élança dans la Grande Salle pour crier :
-Simon ! Simon, plus qu'une !
-Ça ne compte pas ! braillai-je en la poursuivant. Cédric, ça ne compte pas !
***
-Quatre. Par Merlin, Bennett. Comment tu t'en es sortie pour que quatre garçons te demandent ?
-Ferme-la, Bones, Maugrey nous regarde.
-Filtre d'amour ? Imperium ?
-Bones ...
-Ah non ! En fait tu as vraiment envie d'aller au bal avec moi ? Aïe !
Je venais d'enfoncer la pointe métallique de ma plume dans le dos de sa main, et Simon me toisa, proprement choqué. Maugrey leva vaguement son œil sain sur nous, et je m'efforçai de garder un visage impassible jusqu'à qu'il se détourne.
-Souffre en silence, Bones, dis-je d'un ton badin en trempant ma plume dans l'encrier.
-Je te pensais capable d'écrire avec mon sang, marmonna-t-il en examinant la petite plaie sanguinolente que je venais de lui administrer. Ce sera répété à Alexandre.
Je me rétractai au nom de mon frère. Alexandre. Il m'avait envoyé la semaine dernière, m'houspillant et s'indignant que je le laisse ainsi seul à noël. Sa lettre était suivie – et j'en avais été stupéfaite par delà les mots – par quelques phrases écrites de la part de mon père. Il s'était dit déçu que je ne sois pas là pendant les vacances, et j'avais entendu ses mots comme si mon père me les avait susurrés à l'oreille, avec toutes les intonations que cela impliquait. Ces quelques mots m'avaient presque brisé le cœur.
-Je veux rentrer à la maison, Simon, grommelai-je, sans savoir pourquoi je lâchais ça. Cette année craint. Ce bal craint. Il a tout éclipsé : le Tournoi, l'œuf d'or – et même les messages. Ils sont toujours bien cachés dans mon dictionnaire.
-Et il vaut mieux qu'ils le restent pour l'instant, approuva Simon en se radoucissant. Surtout si tu refuses toujours d'en parler aux professeurs ...
-Oui, je refuse toujours ...
-... Une connerie, mais passons. Et quant au bal, s'il craint pour toi, j'en suis ravi.
Je le gratifiai d'une œillade assassine qui le fit doucement sourire.
-Je te hais, Simon Bones. Je te hais, et une fois rentrée je vais te casser les os un à un, t'écorcher, t'assassiner, te dépecer, et enfin brûler ton corps à l'acide pour cacher les restes dans la forêt de Dean.
-Un bien joyeux programme, mais on ira danser une valse avant.
-Bennett, Bones !
Je rentrai ma tête dans mes épaules et Simon baissa le nez sur son parchemin. L'œil valide de Maugrey était rivé sur nous alors que l'autre observait le duel entre Warrington et Selwyn. Ulysse était bien sûr bien meilleure et désarma son camarade au bout d'une minute d'échange de sort, sans prononcer le moindre mot.
-Bien, Selwyn, grogna Maugrey alors que les garçons retournaient à leur place. Mais la prochaine fois, ne baisse pas ta garde dès le premier sort jeter, un sorcier aguerri en aurait profité pour attaquer fort à ce moment là et tu serais mort. VIGILENCE CONSTANTE ! cria-t-il, et tous sursautèrent. Quant à vous deux (il vrilla ses deux yeux sur nous). Je vous entends encore une fois, et je ferais une exception à ma répugnance du système de récompenses et punition si cher à notre système éducatif et ce sera la retenue. En tête à tête, évidemment. Vous êtes sûr de vouloir ça ?
Nous secouâmes vigoureusement la tête et Maugrey opina du chef, satisfait. Sa bouche se releva en un sourire sardonique.
-Mais puisque vous vous détestez tant ... Je vous en prie. (Il désigna l'estrade qui bordait le tableau). A vous de jouer.
-Simon, cet été sera le pire de ta vie, lui chuchotai-je furieusement pendant qu'on se dirigeait vers l'endroit que le professeur indiquait.
Il se contenta de me sourire, confiant. Evidemment. Il n'allait pas se faire ridiculiser, lui. Je maîtrisai peut-être assez bien les sortilèges informulés, mais Simon connaissait bien plus de maléfice. Je voyais presque leurs formules briller dans les yeux de mon adversaire quand il se plaça face à moi. Nous levâmes nos baguettes.
-Trois, entonna Maugrey – et j'entendais très clairement l'amusement dans sa voix. Deux ... Un !
La baguette de Simon bougea si vite que j'eus de la peine à parer le sort. Pendant les premières trente secondes, je ne fis que lever des boucliers pour me protéger des assauts de Simon – il n'y avait que cela que j'étais capable de faire correctement. La première brèche se présenta quand, sans doute mu par l'agacement, Simon prononça sa formule. Je souris intérieurement. Ça fait perdre du temps, de prononcer une formule, Simon. Je me fendis et un éclair rouge jaillis de la pointe de ma baguette pour heurter celle de mon adversaire. Trop occupé par la prononciation, il ne put parer. Sa baguette décrivit un arc de cercle au dessus de nous avant que je l'attrape d'un geste souple. Le visage de Simon reflétait sa profonde stupeur. Oubliant les élèves qui nous observait et les yeux asymétriques de Maugrey rivés sur nous, je poussai un cri de joie en bondissant.
-Je t'ai désarmé ! Par Merlin, je pensais que ça n'arriverait jamais !
-Oui, c'est bon, Bennett, marmonna Maugrey, dont l'œil valide pétillait néanmoins. Vous avez gagné, et il a perdu. Mais dans un duel dans la vie réelle, Bones n'aurait sans doute pas été seul, et au lieu d'exulter comme une enfant, tu te seras faite descendre par un manque de discernement. Ensuite, un combat n'est jamais fini tant que l'adversaire n'est pas hors d'état de nuire. N'oubliez jamais : ce n'est pas parce que la personne face à vous n'est plus en possession de sa baguette qu'elle est inoffensive. Ce ne serait qu'arrogance. On peut toujours se battre : armes blanche, combat rapproché ... Si Bones l'aurait voulu, il aurait pu foncer pendant que Bennett jubilait et récupérer les deux baguettes. Et là ... et là, les cartes sont rebattues.
-Non, tu n'aurais pas pu, soufflai-je à Simon avec un sourire malicieux. Je suis toujours plus rapide que toi.
Simon me foudroya du regard. Maugrey braqua son œil magique sur moi :
-Bennett ! Après ce que je viens de te dire, qu'est-ce que tu fais une fois qu'il est désarmé ?
-Je ..., réfléchis-je un instant, sans me départir de mon sourire. Je le stupéfixie ?
-Tu le stupéfixies, exactement. Ça le mettra définitivement K.O. et te laissera le temps de fuir s'il le faut. (La cloche sonna, faisant sursauter tout le monde). Fin de la leçon, les mômes. Bon week-end.
-Mais comment t'as pu faire une telle erreur ? lançai-je gaiement à Simon alors que nous retournions à notre place. Un génie comme toi, prononcer sa formule ?
-C'est bon ? Tu as fini ?
-Tu veux rire ? Elle t'a vaincu, on va en entendre parler pendant un siècle, rit Cédric en passant un bras sur mes épaules. Mes félicitations, ma grande !
J'adressai un sourire rayonnant à Cédric et Simon se renfrogna quelque peu, rangeant ses affaires sans lever le nez. Le bruit sourd de la jambe de bois de Maugrey claquant contre le sol affaiblit mon sourire.
-Oui, Bennett, félicitation, grogna-t-il en vrillant son œil sombre sur moi. C'était très défensif, mais on peut dire que c'était efficace. Tu es une rapide, tu peux compter sur les erreurs de tes adversaires pour attaquer. Mais ils ne seront pas tous aussi étourdis que Bones. Combien de temps aurais-tu été capable de parer les maléfices ?
Je haussai les épaules, embarrassée. Je n'en avais aucune idée et j'avais conscience que dans un duel dans lequel on jouait sa vie, ma stratégie était plus qu'insuffisante. Maugrey poussa un nouveau grognement.
-Mouais. On verra ça au prochain cours. Tu te balades avec ton œuf, Diggory ?
Son œil magique était rivé sur le sac de Cédric et celui-ci lui jeta un regard surpris. Il adressa un sourire incertain au professeur.
-Vous voyez à travers mon sac ?
-Je vois même à travers ma propre tête, répondit Maugrey. Alors, cette énigme, elle avance ?
Le sourire de Cédric s'estompa. Je l'avais vu travailler à la bibliothèque, son œuf d'or posé devant lui, mais visiblement cela n'avait rien donné.
-Je vérifie dans les manuels de Magizoologie si un animal ne pond pas d'œuf d'or, admit Cédric en nous jetant un regard ennuyé. Mais pour l'instant c'est la seule piste que j'ai ...
-Hmm, songea Maugrey, l'œil toujours fixé sur le sac. Je peux l'avoir, Diggory ?
Cédric parut surpris par l'exigence et sortit son œuf d'un geste indécis. Maugrey s'assit sur une chaise vide et soupesa l'objet, vrillant ses deux yeux sur sa coquille d'or.
-Les professeurs sont au courant des épreuves ? demanda timidement Emily.
-Pas vraiment, Fawley. Seulement si l'épreuve les concerne eux et leur matière et en l'occurrence ça ne me concerne pas. (Il secoua l'œuf en le portant à son oreille). Hmm. Vous avez pensé à lui faire prendre un bain ?
-Pardon ?
-Un bain, Diggory. Vous êtes préfet ? Vous avez une belle salle de bain au cinquième étage ? La prochaine fois, emmenez-y votre œuf.
-Mon œuf, répéta Cédric d'un ton dubitatif. Pour prendre un bain.
L'œil sain de Maugrey flamboya un instant, et il rendit sèchement l'œuf à Cédric.
-Si vous pensez être assez génial pour vous passer de conseil, je vous en prie, Diggory.
-Les professeurs ne sont pas censés ...
-Ah oui ? Va dire ça à Fleur Delacour et Viktor Krum. A l'heure qu'il est, ils ont sans doute déjà résolu l'énigme à l'aide de leurs directeurs. Tu penses que Karkaroff va perdre une occasion de d'humilier Dumbledore ? Sans doute que oui, ajouta-t-il en avisant la mine choquée de Cédric. Tu es naïf, Diggory, terriblement naïf. Et crois-moi, cette naïveté va te perdre.
Cédric continua de dévisager ouvertement Maugrey, son œuf d'or à la main. Il finit par se détourner, rangeant son énigme, le visage fermé.
-Bonne journée, professeur, lança-t-il d'un cordial qui frisait la froideur, avant de faire volte-face et de sortir à grand pas.
Le regard d'Emily oscilla entre Maugrey et Cédric avant qu'elle ne rejoigne ce dernier en courant. Simon la suivit un instant plus tard, saluant le professeur du bout des lèvres, me laissant seul avec lui – sans doute sa vengeance pour l'avoir désarmé. Maugrey poussa un grognement sonore.
-Hm. La vérité fait mal, pas vrai ? (Il vrilla ses deux yeux sur moi, m'arrachant un frisson). T'es intuitive, Bennett. Tu sens les choses. Alors ouvre l'œil.
Je hochai mollement la tête, le gratifiai d'un « au revoir professeur » avant de prendre la porte mon tour. Emily m'attendait dans le couloir, les bras croisés sur sa poitrine.
-Il t'a dit quoi ? me chuchota-t-elle alors qu'on s'éloignait de la salle de classe.
-Comme d'habitude. « Vigilance constante ».
-Simon essaie de convaincre Cédric d'essayer le conseil de Maugrey. Il dit que ça paraît peut-être étrange et loufoque mais ... On parle de Maugrey Fol-Œil. Et c'était un sacré sorcier, le plus grand Auror que le Ministère n'ait jamais connu. Alors ... je suis d'accord, ça vaut peut-être le coup d'essayer.
J'opinai laconiquement du chef. Mon opinion sur Maugrey n'avait pas changé depuis le début d'année : je le trouvais cynique, paranoïaque, et terriblement gênant. Je n'aimais pas la lueur de folie qui brillait perpétuellement dans son regard. Néanmoins, il était vrai qu'on ne crachait pas sur le conseil d'un tel personnage.
***
J'y avais cru jusqu'au bout. Je resterais à quatre demandes, je n'irais au bal avec personne, je refuserais d'y aller avec Miles et je ferais vivre un enfer cet été à Simon. La dernière semaine avant les vacances de noël parut s'écouler à une lenteur incroyable, comme si la grande horloge qui ornait l'une des tours de Poudlard avait décidé de ralentir. Emily m'avait proposé de me retrancher dans ma chambre jusqu'au bal pour être sûre que personne ne me demanderait de l'y accompagner, mais j'avais trop de retard en cours, et j'affrontai la classe avec courage. Aucune demande ne vînt durant les premiers jours et Simon devenait de plus en plus lunatique, agacé que je lui échappe ainsi. J'avais passé également une après-midi à la bibliothèque avec Miles, une après-midi reposante où il avait tenu sa promesse : pas d'allusion à ses sentiments et pas de demandes impromptues. Il avait été charmant, m'avait aidé en Sortilège, et à ma grande frustration, j'avais passé un moment véritablement agréable, oubliant le Tournoi et le Bal. Jusqu'à qu'il me demande si j'avais réfléchi à sa proposition. J'avais rougi, assuré que j'y pensais encore, et étais retournée dans ma Salle Commune les joues écarlates.
-Tu es contrariante, marmonna Emily alors que nous sortions de la Grande Salle, la veille des vacances. Non, vraiment. Un peu comme Cédric avec cette histoire d'œuf. Tu sais qu'il ne veut pas appliquer le conseil de Maugrey ? Je vais devoir l'accompagner à la Salle de bain des préfets pour être sûr qu'il le fasse !
-Cédric appréciera ...
-Ne change pas de sujet, toi ! Tu as envie d'y aller avec Miles, tu le sais, je le sais, Poudlard le sait. Même Simon le sait, il se ronge les sangs à l'idée que tu acceptes.
-Peut-être que j'en ai un peu envie, admis-je du bout des lèvres. Miles est vraiment adorable en ce moment ... et ça fait un moment que je ne l'ai pas vu trainé avec Selwyn.
-Une excellent point. Alors, tu acceptes quand ?
Je haussai les épaules avec une indifférence feinte. Parfois, je m'imaginais allant au bal dans ma robe bleue, au bras d'un Miles vêtu de son costume, lui marchant sur les pieds sur la piste de danse. La vérité, c'était que j'avais peur de ce qui pouvait résulter de cette soirée. Et quand j'avais peur, j'avais tendance à utiliser la stratégie de l'évitement. Encore une fois, je devais être bien transparente, parce qu'Emily éclata de rire :
-Je n'y crois pas ! Tu as peur de craquer et de tomber dans ses bras ?
-Non !
-Donc finalement, maintenant qu'il s'éloigne de Selwyn, il te plait ?
-Emily !
-Bennett !
Emily et moi fîmes volte-face pour observer les jumeaux Weasley avancer vers nous, un léger sourire aux lèvres. Cédric et Simon, qui étaient assis sous les arcades, levèrent les yeux au même moment. L'un des jumeaux me servit un immense sourire.
-Ça va Bennett ? Pas de sorties dans les cuisines en ce moment ...
-Elle est trop occupée à prendre soin de son champion ..., glissa l'autre en jetant un coup d'œil à Cédric. Ah Diggory ! Alors cet œuf ?
-Il fait affreusement mal aux oreilles. Tu n'es pas devenu sourd ?
-Potter l'est devenu, lui ? répliqua Emily, ses yeux roulants dans son orbite. Qu'est-ce que vous voulez ?
Elle avait des griefs contre eux depuis la troisième année : elle était passée dans un couloir dont les armures avaient été ensorcelées à lancer des bombabouzes. A l'époque, nous ne nous entendions pas, et j'avais été ravie de la revoir revenir dans la Salle Commune couverte d'une substance brunâtre qui empestait. L'un des jumeaux eut un sourire tordu.
-De ta part ? Rien du tout, Fawley ! (il passa un bras autour de mes épaules). C'est à Bennett qu'on veut parler. (Il m'adressa un immense sourire). Dis-moi, Bennett, tu te souviens que tu me dois un service ?
-Je me souviens surtout que c'est vousqui me devez un service, répliquai-je âprement en lui jetant un regard torve. Qu'est-ce que tu veux ?
-Bah, il se trouve que Fred a refusé d'aller au bal avec moi, expliqua George, qui me tenait par l'épaule. Il me trompe avec Angelina Johnson. Alors j'ai réfléchi à comment lui rendre la pareille et devine à qui j'ai ...
Je ne le laissai pas finir sa phrase : la gifle fut cinglante et força George à tituber sous le coup. Il m'adressa un regard profondément heurté, incrédule, mais je me détournai de lui pour observer Simon. Son visage exprimait une joie presque féroce et il brandit silencieusement le poing en signe de victoire. Mon cœur dévala ma poitrine et je jetai un regard désespéré à Cédric.
-Tu es sûr que ça compte ?
-C'est très réglementaire, confirma-t-il avec un sourire désolé. Cinq demandes, le contrat est rempli.
-Et je ne sais toujours pas comment elle a fait, jubila Simon. Franchement, comment tu as fait pour amener cinq garçons à te demander ? Sérieusement ?
-Je comprends rien, maronna George en massant sa joue.
-La seule chose que tu dois comprendre c'est que tu viens de contracter une nouvelle dette à mon égard, George Weasley ! rageai-je en enfonça un index furieux dans sa poitrine.
-Et la réponse est non, elle n'est malheureusement plus disponible.
-Bones !
Pour toute réponse, George fronça du nez, et les jumeaux s'en furent, non sans un regard méfiant à mon égard. Je me tournai vers Simon, qui souriant toujours d'un air cynique. J'étais presque surprise de la fureur qui bouillonnait en moi. Je me sentais comme un animal pris au piège, dont le fil des décisions lui échappait totalement. Ce n'était peut-être rien, cette histoire de bal mais ... en réalité, c'était beaucoup. Et je vivais mal le fait que cette simple décision de m'appartienne pas. Avant de me mettre à pleurer, ou à vociférer, je lâchai du bout des lèvres :
-J'ai besoin de prendre l'air. On se revoit après.
-Vic', il neige ! protesta Emily.
C'était vrai : il neigeait si fort que je n'y voyais pas à dix pas. Mais peu m'importait : je rabattis ma capuche sur mon visage, serrai ma cape et franchis le rideau de flocons qui me séparait du parc. Je marchai vite malgré le froid qui me mordait la peau, espérant que la colère s'en irait au contact de l'air glacial et de l'humidité, mais ce n'était pas le cas. Arrivée au Lac Noir, je devins même mélancolique en songeant à tout les bonhommes de neiges qu'Alexandre et moi aurions pu faire avec cet épais tapis. Ensuite nous serions rentrée boire un chocolat chaud, nous aurions échangé nos cadeaux, avec mes parents et mes grands-parents paternels, avant d'assister à la messe de noël dispensée par mon père. Alexandre m'aurait fait rire en plaisantant sur chaque verset de la bible cité, et j'aurais réprimé mon hilarité en chantant les chants religieux. J'avais perdu la foi en Dieu en entrant à Poudlard. Mais ces moments n'avaient toutefois aucunement perdu leur saveur. Au lieu de quoi j'étais coincé au bal de noël avec une robe ridicule, au bras de Simon Bones. Je resongeai aux chants de noël religieux que j'avais pu chanté à l'église était jeune, mais ce fut une autre mélodie religieuse qui me vînt en tête, plus rythmée et qui contre toute attente, m'arracha un sourire.
-Hail, Holy Queen enthroned above, Ô Maria !Hail, Mother of mercy and of love, Ô Maria!Triumph all ye cherubim ... Sing with us ye seraphim!Heaven and earth resound the hymn!
Salve, salve ... salve, Regina !**
-La maison doit vraiment te manquer pour que tu te mettes à chanter des chants religieux.
Les paroles s'étouffèrent dans ma gorge et je gratifiai Simon d'un regard incendiaire. Il le soutint sans broncher. La neige qui tombait toujours à gros flocons et il avait le temps d'enfiler son affreux bonnet orange qui le suivait depuis l'enfance. Entre ce bonnet enfoncé sur sa tête et l'écharpe qui lui mangeait une partie de son visage, je ne pouvais pas distinguer ses traits.
-Ce n'est pas un chant liturgique, mon père aurait un arrêt cardiaque s'il était chanté à l'église ... Grand dieu, pourquoi tu m'as suivie ? grondai-je sourdement. C'est bon, Bones, tu as eu ce que tu voulais. Maintenant fiche-moi la paix.
-On ne va pas se mentir, c'était mal embarqué avec les conditions de Cédric, répliqua-t-il, se frottant les mains pour se réchauffer. Tu ne veux pas qu'on remonte au château ? Je me les gèle ici.
Moi aussi, j'en tremblais de froid. Mais ce n'était pas désagréable. Le vent glacial éclaircissait mes idées et la neige qui fondait sur ma peau adoucissait mes troubles. Alors je ne bougeais pas d'un pouce.
-OK, céda Simon avec un soupir, croisant ses bras sur sa poitrine pour retenir sa chaleur. J'ai compris, tu vas passer une sale soirée ...
-On va passer une sale soirée, rétorquai-je vertement. N'imagine pas que je vais te laisser me ridiculiser sans me défendre un petit peu, Simon. Tu vas le regretter, crois-moi.
-Possible, admit-t-il, la tête penchée sur son épaule. Mais je reste persuadé que tu en souffrira plus que moi.
Il avait sans doute raison, aussi le lorgnai-je avec exaspération. Mon regard lui arracha un rire amer.
-Ça va, Vicky. Tu m'en veux, je l'ai compris. Tu vas me le faire payer au centuple cet été, et on sera quitte.
-On va se gâcher le bal, et l'été. Par Merlin, Simon, pourquoi on doit toujours se gâcher la vie pour être heureux ?
Cette fois, le rire de Simon se fit plus franc, mais personnellement, je n'avais pas la moindre envie de sourire. Je resserrais les pans de cape sur moi, agacée.
-On a toujours fonctionné comme ça, Vicky.
-J'ai le droit de dire que dans la situation présente ... ça me rend furieuse ?
Il me jeta un regard où se mêlaient la curiosité et la perplexité.
-Alors pourquoi tu ne te l'évites pas ? Cédric t'a laissé une porte de sortie, non ?
-Oh, arrête, soufflai-je.
-Vicky, je te connais depuis l'enfance, et je sais bien qu'il y a une personne avec laquelle tu aurais envie d'y aller.
Il avait lâché cela sans la moindre émotion, son regard vert scrutant le Lac comme si celui-ci contenait un trésor caché. Les bords de l'eau avaient presque gelé par ses températures hivernales, et le vaisseau de Durmstrang tanguait presque dangereusement. Les élèves de l'école étaient d'ailleurs les seuls à braver le froid et un groupe faisait une bataille de neige non loin, sur les rives du Lac. Je me trémoussai, gênée d'être ainsi découverte par Simon. Mais comme il venait de le préciser, il me connaissait depuis l'enfance. S'il y en avait un qui pouvait reconnaître les signes, c'était lui.
-Peut-être bien, avouai-je alors, sachant que c'était inutile de nier.
-Alors pourquoi tu ne prends pas la perche ? s'étonna-t-il sans quitter le lac des yeux. Franchement, Bennett, je sais être quelqu'un d'intelligent, mais pourtant ... Oh attends.
Il fronça les sourcils, et me jeta un regard oblique.
-Tu as peur, c'est ça ?
-Pourquoi tu dis ça ? me rebiffai-je.
-Parce que je te connais, Vicky. Tu fuis quand tu as peur, et vu comment tu fuis Bletchley, tu dois être morte de trouille.
Je plissai les yeux, avant de pousser un profond soupir. Mon souffle se cristallisa en une brume blanche qui allait se perdre dans l'immensité des flocons de neige.
-Je refuse de parler de ça avec toi.
-Pas besoin. Ton visage parle à ta place. Il te plait, c'est ça ?
La moquerie avait percé sa voix, et je lui donnai un coup de pied dans le tibia pour le faire taire. Il s'éloigna avec un éclat de rire.
-Oh Vicky ! Allez, aie le courage de l'admettre, au moins ! Il te plait et tu as peur de ce que ça pourrait donner au bal, c'est ça ?
-Tu veux m'humilier jusqu'au bout, c'est ça ?
-Donc j'ai raison ? Tu as peur de tomber dans ses bras ?
Pour toute réponse, je le poussai vigoureusement au poitrail et il trébucha avec un glapissement. Il eut juste le temps d'attraper un pan de ma cape pour que je l'accompagne dans sa chute avant de tomber lourdement dans la neige. J'atterris sur l'épais tapis, m'y enfonçant profondément avec un cri de surprise. Je me redressai, époussetant les flocons écrasés sur ma cape désormais gorgée d'eau glacée.
-Bones !
-C'est de ta faute !
Il était encore allongé dans la neige, et j'en profitai pour enfoncer gaiement son visage dans le tapis neigeux.
-Victoria Anne nom-polonais-imprononçable Bennett ! éructa Simon en se redressant vivement.
-Ça t'apprendra à concocter des vengeances stupides. Et c'est « Jadwiga », c'est très prononçable pour un nom polonais. Répète après moi « Jadwiga ».
-Elle était parfaite, ma vengeance, jusqu'à ce que Bletchley vienne s'en mêler, marmonna-t-il en secouant ses cheveux couverts de neige. Et oui c'est prononçable, mais j'avais oublié. Jadwiga Liszka. Comment fait ta grand-mère ?
-On l'appelle « Jaga », ça règle la question. (J'attrapai son bonnet orange qui avait glissé dans la chute). Je t'ai déjà dis que c'était un bonnet immonde ?
Simon eut un vague sourire mais ne répondis rien. Lui avoir fait manger de la neige m'avait apaisé au delà des mots et nous restâmes un moment assis, à contempler le Lac en silence. Ce fut au bout de quelques minutes de tourments intérieur que je lâchai :
-D'accord. Miles me plait, par plusieurs aspect.
-Alors s'il te plait, pourquoi tu as peur ?
-Parce que Miles est ambitieux. Je le sais, il ne s'en cache pas. Et ... Et je ne sais pas ce qu'il capable de sacrifier au nom de son ambition.
Simon garda longuement le silence, les bras croisés sur son ventre. Nous étions trempés et de surcroît assis dans la neige : je voyais d'ici ses doigts trembler, ses lèvres se bleuir et j'entendais l'entrechoquement caractéristique d'un claquement de dent. Bien, il m'avait gâché mes dernières semaines, mais peut-être arriverais-je à le rendre malade pour le bal. Simon lâcha un profond soupir qui se mua en une épaisse brume blanche.
-Râh, Bennett. Allez, va avec lui.
Je coulai sur lui un regard circonspect qui le fit doucement rire.
-Tu as raison, on se gâche la vie au quotidien. Alors peut-être que j'ai eu tord : il faut que ça reste le quotidien, et pas l'exceptionnel. Ce bal, c'est exceptionnel, on en n'aura qu'un dans notre vie dans doute alors ... vas-y, je te libère. De toute façon, Cédric l'aurait fait. Il n'aime pas Bletchley, mais il ne sait rien te refuser.
-Simon ..., murmurai-je, étrangement émue. Ça ne change rien à ce que je t'ai dit. Je ne suis pas sûre d'avoir ... confiance en Miles.
-Et tu ne sauras pas s'il est digne de confiance en fuyant, Vicky. Donne-lui cette chance, tu verras bien.
J'ouvris la bouche pour dire quelque chose, avant de me rendre compte qu'aucun mot ne me venait à l'esprit. Alors je la refermai, et pinçai mes lèvres qui commençaient à s'engourdir.
-Et toi ? lâchai-je finalement. Tu iras seul ?
-Tu t'inquiètes pour moi ? s'amusa-t-il en me jetait une œillade moqueuse. Bah, ça va. Comme toi, ça ne me dérangeait pas. Ça fera juste ... immensément plaisir à Octavia.
-Beurk.
Je jetai un regard en coin à Simon, qui avait perdu son sourire en prononçant le nom de son ex-petite-amie. Je n'avais pas de tendresse particulière pour lui, mais je refusais qu'Octavia McLairds sorte grande vainqueur de cette histoire. Je balayais le Lac des yeux et mon regard croisa celui de Kamila, qui me fit un signe de main. Un plan prit forme dans mon esprit, et je me levai d'un bond, attrapant au passage le col de la cape de Simon.
-Allez viens, l'exhortai-je alors qu'il s'étranglait presque. J'ai une idée pour que tu ne perdes pas la face, viens !
-Une idée ? répéta-t-il, dubitatif.
Il s'était redressé sur ses pieds, se massant le cou avec une grimace. Puis il suivit mon regard et une infime teinte de couleur revint sur ses joues. Il secoua la tête.
-Je ne sais pas ce qu'est ton idée, mais c'est une très mauvaise idée !
-Mais non, ne t'en fais pas, ris-je en le prenant par le bras, l'obligeant à me suivre vers les élèves de Durmstrang. J'essaie juste de te trouver une cavalière : elle est polonaise et très sympa !
-Depuis que je t'ai rencontré j'ai un problème avec les polak !
-Polonais, rectifiai-je, ne supportant que moyennement ce surnom. Arrête de geindre comme un bébé et suis-moi. Et cache ce bonnet (je le lui lançais vertement et il le rattrapa maladroitement). Ça va la faire fuir.
Sans prendre en compte ses protestations, je le tirais de force par le col, et nous avançâmes vers la rive du Lac, moi pouffant de rire et Simon la mort dans l'âme.
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