Chapitre 6
J'ouvre les yeux et mets un moment avant de comprendre pourquoi j'entends le son des vagues s'échouant sur la plage. Je suis tentée de dire que je pourrais bien être au Paradis, puis je me rappelle soudain de ce qu'est véritablement le Paradis et j'avoue avec plaisir que la Terre est le plus bel endroit du monde et qu'elle n'a pas d'égal.
L'océan, les mouettes... après les vampires, le Conseil et toutes les horreurs que j'ai apprises à connaitre ces derniers temps je suis ravie de voir qu'un peu de paix s'est installée dans ma vie ; et bien que je sache que cette trêve n'est qu'éphémère, je l'accueille les bras ouverts. J'ai cependant du mal à croire que je vis actuellement un conte de fées, car je sais bien que le mal est dans ma tête.
Je me remémore ma discussion de la veille avec Yanis. Après avoir déclaré que j'avais la haine, je suis allée me coucher et il n'a pas tenté de me retenir. Il est parti se balader, tout simplement. Mais il ne m'en voulait pas le moins du monde et il n'avait rien à redire, il avait simplement besoin de s'évader, un peu comme j'ai l'habitude de le faire. Pour ma part je me suis rapidement endormie et je n'ai versé aucune larme, de même que mon esprit a fait le vide. C'était si bon de ne penser à rien, pour une fois. Depuis que je suis avec Yanis je me sens plus libérée, je me prends moins la tête et quand j'ai besoin de parler j'ai quelqu'un à qui me confier. C'était peut-être ça qu'il me manquait au Paradis, une personne qui pense comme moi, une personne un peu à part dans ce monde de lois, de règles et de contraintes.
Je m'avance peut-être un peu trop, parce qu'à vrai dire, je ne sais absolument rien de Yanis. Beaucoup de questions se posent, mais ce qui me soulage c'est qu'avec lui, au moins, j'aurai des réponses.
Je sors de la paillote munie d'une couverture en m'apercevant que Yanis n'est pas là.
Il est sans doute allé faire un tour.
Au fond de moi je lui en veux de me laisser seule, même si je suis à peu près sûre que je ne cours aucun risque dans cette petite île déserte.
Le soleil se lève à peine à l'horizon. Il est du même rose que celui des colliers de bonbons que je mangeais étant petite. Tout est pâle et c'est comme si je rêvais encore ; j'ai l'impression de ne pas m'être tout à fait réveillée.
Pourtant je le suis bel et bien.
J'ai cette certitude car j'entends mon ventre gargouiller et je ne sais pas si cela est possible d'éprouver la faim dans un rêve. A bien y réfléchir je suppose que si, j'ai par le passé ressenti des choses bien plus puissantes...
C'est pas le moment de ressasser les vieux cauchemars.
Tout-à-coup un tourbillon de fumée noire apparait et Yanis fait irruption sur la plage. Il tient avec lui deux gros sacs qu'il lance à mes pieds en m'apercevant, tout en me criant un : « Déjà debout ?! »
Oui. Oui je suis debout étant donné que je me suis couchée hier après-midi et que l'air marin accompagné du vent frai de l'océan m'ont empêchée de sommeiller plus longtemps.
Mais je ne lui dis pas tout ça, non, je me contente de lui répondre : « bonjour » avant de me ressaisir aussitôt et de –presque – lui hurler au visage : « t'étais où ? »
Il sourit et ses yeux pétillent de malice, tout l'inverse des regards ternes et vulnérables de Théo.
- J'étais à New York. J'ai récupéré quelques affaires. Parce que, faire du shopping ici, ça s'avère compliqué.
- Oh on peut toujours essayer...
Il pouffe de rire et nous nous asseyons côte à côte. Sa proximité me gêne sans que je ne puisse en déceler la raison.
- J'ai rapporté tes feuilles et quelques stylos. T'as des recharges si tu veux écrire...
Je le remercie d'un simple plissement de lèvre, ça a l'air de lui faire plaisir alors ma petite voix intérieure me conseille d'agir ainsi plus souvent.
- Pourquoi tu ne parles jamais de toi ? demandé-je brusquement comme si c'était une question existentielle dont la réponse m'était indispensable. De ton passé ? Pourquoi cet air mystérieux tout le temps ?
- Parce que c'est la seule chose que j'ai, se contente-il de répondre.
- Tu crois que tu as besoin de cacher des choses pour te rendre intéressant ?
- Non, il me suffit de faire semblant d'avoir des choses à cacher. Nuance.
- Est-ce que des gens t'aiment pour ce que tu es vraiment ?
- Et qu'est-ce que je suis vraiment ?
- Je ne sais pas. C'était censé être la question suivante, dis-je surprise de la tournure de la conversation – qu'après tout j'avais moi-même déclenchée.
- Je suis un démon, si tu veux tout savoir.
- En fin de compte ça n'a aucune importance. C'est vrai quoi, des anges sont bien des pourritures alors pourquoi un démon ne serait pas une personne incroyablement gentille ?
- Tu crois que je suis gentil ?
- Non, c'est pas terrible comme compliment pour un mec, et puis, ça insinuerait que tu n'es pas beau.
- Tu me trouves beau ?
- Euh... est-ce que c'est le moment d'en parler ?
- Il n'y a pas de moment pour me dire que je suis beau, tu peux le faire quand tu veux. Parce que je suis beau tout le temps.
- Tu te comportes comme ça avec tout le monde ?
- Qui ça « tout le monde » ?
- Tes amis, ta famille...
- Tu penses que j'en ai ?
- Je suis désolé si j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas, réponds-je en me maudissant de l'intérieur pour ma gaffe.
Pourtant, Yanis n'as pas l'air offensé. Il ne me regarde pas dans les yeux parce qu'il doit craindre que je déchiffre ses émotions, mais je sais qu'il n'est pas triste. Au pire, il se moque de moi.
- Je suis sensible, tu sais, reprend-t-il comme si j'avais besoin d'être rassuré. Je pense souvent à la pauvreté dans le monde, aux enfants qui meurent de faim... sauf que contrairement à beaucoup de gens, je ne m'enferme pas dans ma chambre pour pleurer ou culpabiliser. Non, je fais un tour en Porsche pour me changer les idées et profiter à leur place.
J'ignore quoi répondre à cela et je préfère me concentrer sur le bruit des vagues s'échouant inlassablement sur la plage tel un homme qui clame sans cesse son amour à une femme qui ne l'aime pas.
- Ils me manquent, murmuré-je en pensant à tous les gens que j'aime et qui m'aiment, et que j'ai laissés au bord de la route.
- C'est bien, déclare Yanis comme si le fait que je ne cite pas les personnes auxquelles je pense ne lui pose aucun problème pour me comprendre. Tant mieux. C'est bon signe. Si des gens te manquent, c'est que tu les aimes au moins un peu.
- Et ?
- Et c'est bien d'être capable d'aimer.
Je passe le restant de la journée à me demander si c'est ça être un démon. Une créature incapable d'éprouver de réels sentiments excepté la haine, la colère, la jalousie, la possessivité et la frustration.
Non, il y a aussi le désir d'être au-dessus de tout.
Je songe à écrire, puisque Yanis s'est absenté afin d'aller chercher d'autres affaires et de la nourriture, or je ne ressens pas ce besoin. J'ai plutôt envie de tout déchirer.
Quelque chose a changé en moi, mais je ne sais pas encore quoi.
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