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Chapitre 33

Il n'y aucune trace de modernité ou même d'habitation, juste une nature sauvage et dissimulatrice. Nous pénétrons dans la jungle et commençons à percevoir les bruits, les preuves que nous ne sommes pas tout-à-fait seuls.

Un petit singe me coupe la route, à première vue il donne envie qu'on le prenne dans ses bras, mais dès que son regard se pose sur moi, je ne peux retenir un petit cri. Ses yeux sont injectés de sang et ses pupilles dilatés au maximum qu'un animal puisse atteindre. Le capitaine m'intime gentiment de me taire et nous nous remettons en route comme si rien ne s'était passé.

Au bout d'un moment je chuchote à Yanis : « Nous ne sommes pas à Ogygie ? », il plaque ses deux mains devant sa bouche pour se retenir de rire et j'en déduis que Calypso a élu domicile ailleurs depuis son histoire avec Mr Ulysse.

Arrivés sur la berge d'un fleuve, les pirates éteignent leur torches et nous avançons avec pour seule lumière la lune qui se reflète sur l'eau. Yanis reste auprès de moi et m'aide à traverser quelques obstacles tels que des ruisseaux à enjamber ou des grosses racines successives à éviter. Il se montre patient, doux... rien à voir avec celui qui m'a ordonné de m'entraîner jusqu'à n'en plus pouvoir tant il a peur de me perdre. Sur son visage se lit une parfaite quiétude qu'il ne cherche pas à cacher ; y'a-t-il une raison, un but derrière cette attitude ? Est-il si calme qu'il y parait ou bien pense-t-il à des tas de choses préoccupantes lui aussi ?

Les pirates ralentissent et bientôt je peux apercevoir ce qui les captive au point de les laisser sans voix.

Au-dessus de l'eau scintillent des milliers de lucioles telles de minuscules étoiles jaunes retranchées dans l'espace. A droite, sur le rivage, est située une cabane de trois étages qui rejoint presque les cocos et les feuilles de palmiers. Par une étroite fenêtre, je distingue une faible lueur qui semble donner vie à cette demeure. Brusquement, un bruit de porte qui calque nous fait tous sursauter, et d'un seul coup toutes les petites étoiles s'éteignent.

Nous nous regardons tous et j'ai du mal à discerner les expressions sur les visages des pirates, tout ce qui importe, de toute façon, est que Yanis me serre fort la main et me souffle : « Comme tu peux le deviner, c'est ici... »

L'antre de Calypso, je l'imaginais autrement mais je crois que ce à quoi je m'attends est toujours à dix-mille lieux de la réalité alors bon...

Yanis, le capitaine et moi nous approchons de la « cabane » tandis que les autres pirates, d'un commun accord avec leur chef, s'assoient au bord de l'eau et font silence en espérant revoir apparaitre les lucioles.

Une fois sur le seuil, c'est moi qui me lance et pousse légèrement la porte qui s'ouvre aussitôt en émettant un grincement étouffé. L'intérieur est phénoménale : tantôt des cages retenant prisonniers des oiseaux, tantôt des bocaux renfermant des insectes, des araignées, des serpents, des crapauds et d'autres bestioles répugnantes. C'est un peu comme le bureau du capitaine, mais en encore plus désorganisé. Il y a de parts et d'autres des objets étranges que je classerais bien volontiers dans la catégorie des « à ne pas toucher sous peine de mort affreuse » tels que des potions magiques ou autres solutions repoussantes.

Au milieu de la pièce se situe une table rongée par le temps et par des substances qui y ont laissé des traces indélébiles. Des trous, des formes, des traits, de petites particules sombres dont le tout pourrait peut-être former des symboles ou des runes. Au centre du meuble de bois est posée une sorte de sphère contenant une eau fluorescente qui éclaire à elle seule le rez-de-chaussée de la cabane.

- C'est le cadeau d'un vaillant pirate, récite une voix rauque et trainante provenant du fond de la pièce.

Une femme entre alors dans mon champ de vision. Sa peau est basanée, ses cheveux châtains en pétards arrivent jusqu'à ses épaules saillantes et dénudées. Elle est vêtue d'un simple débordeur marron et d'un pantalon kaki qui font ressortir sa taille fine et délicate tout en prononçant ses muscles. Lorsqu'elle relève la tête vers le capitaine, Yanis et moi, je ne peux m'empêcher de plonger mes yeux dans son accrochant regard. Ses pupilles sont comme celles des chats en pleine nuit et ses iris d'un vert émeraude. Son visage est quant à lui parsemé de petites taches noires qui lui donnent un air malicieux et félin, de même que ses longs cils et son côté négligé et sauvage qui la rendent féroce. Elle est comme une tigresse indomptable, un serpent récalcitrant, une murène vivace et mutine.

- A l'époque où il y avait encore des terres à explorer, des trésors à découvrir et des secrets bien gardés. Mais si vous êtes là c'est que je me trompe, n'est-ce pas ? suppose-t-elle en laissant trainer ses doigts sur la table sale.

Je distingue alors ses ongles longs et crochus où la terre et la poussière se sont établies depuis une durée indéfinie. Je ne peux retenir un léger frisson à l'idée qu'une femme vive ainsi et ici et n'ait pas encore perdu la raison, mais ça ne saurait tarder, non ?

- Qui êtes-vous ? demandé-je.

Elle incline la tête sur le côté et plisse les yeux, je lâche alors la main de Yanis et me rapproche d'elle, car elle m'intrigue plus qu'elle ne me fait peur. En vérité j'ai l'impression que nous avons des points en commun et qu'elle est apte à me comprendre, comme Evelyne ou d'autres personnes qui ont une façon de penser bien à elles.

- Tu viens chez moi et tu ignores qui je suis ?

- Je pensais trouver quelqu'un d'autre.

- Qui ça ?

- Une déesse.

- Et qui crois-tu avoir devant toi ?

Je me fige sur place.

- Calypso est décrite comme une femme blanche et...

- Am, intervient Yanis. Quand je t'ai dit que la vie des dieux ne se résumait pas aux contes et aux légendes et qu'il s'était passé – et se passe toujours – des choses entre temps, j'aurais dû te préciser que par la même occasion leur caractère changeait ainsi que leur pouvoir, leur centre d'intérêt et leur physique. Tous ces facteurs évoluent en fonction de leur nouveau mode de vie, de ce qu'ils font, du lieu qu'ils habitent et de leur état de santé.

Le son de sa voix a diminué jusqu'à n'être plus qu'un murmure, puis il a plissé les lèvres.

- Es-tu déçue ? m'interroge la femme.

- Non. Non vous êtes bien mieux comme ça.

Elle sourit sans pour autant ouvrir la bouche.

- Vois-tu j'ai énormément appris sur le monde et la façon dont il est dirigé, sur comment fonctionnent les choses et vers où nous nous dirigeons. J'en ai conclu qu'il fallait que je me retire. J'en avais assez de la fatalité, alors j'ai préféré poursuivre seule, en étant libre, et en faisant ce que je voulais. Tu sais, petite, il y a toujours une relève, une descendance qui fera que tu ne seras pas complètement perdue... et pourtant, un jour tu loupes le rendez-vous, tu arrives trop tard... alors il te faut partir, car tu n'as plus de repère et tu as tant perdu que tu n'as plus le courage de tout recommencer. Tu peux vivre éternellement, mais pas de la même manière. Il faut du changement, il faut exploiter de nouveaux sentiments, trouver des centres d'intérêt et saisir des opportunités pour connaitre de nouvelles histoires... Tu as l'éternité devant toi or tu n'as pas une seconde à perdre. Tu penses avoir le temps, mais si tu oses le croire alors tu vas sombrer dans l'oubli. C'est une course poursuite. Quand tu crois qu'il n'y en a plus, il y en a encore. Ce n'est jamais fini. Tu peux te retirer, mais garde toujours en tête que ce n'est pas pour toujours, que le moment viendra où on te retrouvera, où on aura besoin de toi, où on viendra te chercher. Cette nuit en est le parfait exemple. Vous êtes venu jusqu'à moi, presque par miracle, et je me dois de vous aider.

Un silence s'en suit. Je sens la présence de Yanis juste derrière moi, son aura bouillonnante semble nous envelopper tous les deux dans une sphère protectrice qui nous lie l'un et l'autre. Si elle avait une couleur, je pense qu'elle aurait celle d'un vieux vin rouge conservé dans la cave d'un manoir, à l'abri des regards.

- Les démons sont chauds, dit Calypso. Les anges sont tièdes, les vampires sont froids. Les fantômes et les spectres sont des êtres ayant perdu la foi.

- Et nous ?

- Nous ? Nous sommes des humaines qui auraient dû mourir cent fois. Enfin, toi, ajoute-t-elle. Moi je suis une déesse, l'as-tu déjà oublié ? Les dieux ne sont pas concernés par la mort à son sens propre.

J'approuve timidement d'un signe de tête.

- Bien ! Avez-vous soif ?

- Non merci, répond aussitôt le capitaine qui s'était fait discret jusqu'alors.

Calypso parait enfin le remarquer, elle fronce les sourcils et esquisse un petit sourire narquois.

- Toi aussi tu as bien changé. A vrai dire tu n'es plus le même. As-tu pris sa place ?

Il n'y a sur le visage de cet homme qu'une incompréhension misérable qui suffit à décourager la déesse.

- Je vois. Il n'est plus de ce monde, dit-elle en se détournant.

Est-ce de la déception ? Est-ce qu'après des millénaires d'existence on arrive encore à ressentir quelque chose ? A-t-elle de la compassion ? Est-ce que des gens lui manquent ? Peut-elle être affectée par une mauvaise nouvelle ?

En cet instant, je dirais oui. Oui. Après tout ce temps et malgré toutes les souffrances endurées, l'humanité perdure par-delà l'immortalité.

Oui Am, tu souffriras pour toujours. Ils mourront tous. Tu l'aimeras toute ta vie et tu le pleureras inlassablement.

- Tu réfléchis beaucoup, juge Calypso. Vis et tu verras bien ce qui adviendra.

- Nous aurions besoin d'une indication, l'interrompt Yanis.

Peut-être qu'il fait ça pour me protéger. Et aussi parce que cette femme est éventuellement une manipulatrice extrêmement dangereuse dont je ne me méfie pas assez.

- Je sais bien. C'est fou de se lancer dans ce genre de choses, mais j'aime bien. J'approuve totalement. En fait, cela faisait bien longtemps qu'il n'y avait plus eu d'histoires comme celle-ci. Alors si je peux m'y associer, ce sera avec plaisir. Cependant mon aide est précieuse et je n'ai pas pour habitude de l'offrir à des perdants.

- Nous réussirons, réplique Yanis avec fermeté et détermination.

- Tu as l'air bien sûr de toi. A ta place je ferais attention.

On dirait qu'elle sait quelque chose sur le démon qu'il ignore. Certes, j'ignore tout de lui, et la déesse sait des milliards de choses de plus que moi, or cette fois-ci j'ai comme l'impression qu'il s'agit d'un détail que je devrais connaitre. Elle reprend et porte toute son attention sur moi en faisant comme si Yanis ne valait pas la peine d'être averti.

- Dis-moi exactement ce que tu veux, m'ordonne-t-elle d'une voix pressante.

Ses mains semblent trembler et les traits de son visage se tirent en un rictus terrifiant.

On m'a déjà posé cette question, mais je n'ai jamais vraiment trouvé de réponse. J'agis par étapes. C'est la façon la plus simple de procéder. « Ne remets jamais à demain ce que tu peux faire après-demain ». Au fond, avec ce que m'a dit Calypso, je sens qu'il faudra bientôt que j'aie une réponse valable. Je vais devoir prendre une décision un de ces jours, il n'y aura pas d'échappatoire. En attendant je lui réponds ce qu'il faut, ce pourquoi nous sommes là, ce que Yanis attend que je dise... Il n'en ressortira peut-être pas vivant, mais c'est un choix qu'il a fait et je le respecte. A vrai dire on l'a fait tous les deux.

- Comment nous rendre au Paradis ?

Une chouette s'agite dans sa cage, j'aperçois un serpent ramper sur le sol, à quelques centimètres de moi, mais cela n'a plus aucune importance. Je dévore des yeux la déesse et avale toutes ses paroles :

« - Là où le jour et la nuit ne feront plus qu'un

La proue vers le soleil attendra l'heure

La couleur dominante laissera place à sa dauphine

Vous patienterez au croisement des lueurs

Certaines légendes racontent qu'il s'agit de la fin

A l'ouverture, vous laisserez s'inonder vos cœurs

Vous y verrez la sortie illuminée d'une mine

Et vous rejoindrez un monde qui fut autrefois meilleur »

Tout se termine tout doucement. La lumière se fait plus tendre et réconfortante, Yanis me prend délicatement par le bras. Ce geste ne manque pas d'attirer le regard de Calypso qui est devenue étrangement taciturne. Puis, tout-à-coup, elle se met à me sourire d'une façon déconcertante.

Elle me laisse lire en elle toute la sincérité d'une femme qui a profondément aimé. J'aimerais lui dire que ça non plus ce n'est pas fini, qu'il y aura toujours des gens à aimer, et dieu sait qu'on peut aimer vraiment n'importe qui. Mais je préfère me taire, et l'admirer comme un enfant à sa grand-mère qui vient d'achever une histoire puisée dans sa mémoire et lui promet de remettre ça le soir suivant.

Le Capitaine Jacques Moineau s'incline avec respect puis quitte la demeure de la déesse. Elle reste muette, je suppose qu'elle n'en dira pas plus et qu'il est temps de partir. C'est alors à regret que je lui murmure un simple « merci » qui en dit long et rejoins les pirates, accompagnée de mon démon.

Dans la vie il faut faire des choix. Dans la vie il faut savoir être sage mais aussi s'amuser, se montrer parfois inconscient mais donner des leçons et conseiller les gens quand il le faut. Lorsqu'il est l'heure, il faut aller se coucher... cependant rien ne nous empêche de somnoler un peu.

J'espère être aussi forte que Calypso. J'espère qu'après d'éventuels siècles d'existence j'aie encore les yeux qui pétillent et le cœur qui bat à cent à l'heure à la vue de choses et de gens qui font ressortir en moi des émotions profondes.

- On a notre réponse maintenant, affirme Yanis.

- C'est quoi ?

- Les Aurores Boréales. On accède au Paradis grâce aux Aurores Boréales. La couleur dominante est le bleu, sa dauphine est le vert. Quand est-ce que le ciel devient vert et qu'on parle de lueurs et de légendes ?

Les commissures de mes lèvres filent à toute allure vers le haut. Oui, nous avons notre réponse. Je suis d'humeur saturnienne, mais en même temps je suis contente car nous enregistrons là une petite victoire et avec du recul je me sens fière d'être arrivée jusqu'ici.

Un pas de plus vers le Paradis.

Un pas de plus vers notre destruction certaine.


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