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Chapitre 30

Le Capitaine Jacques Moineau nous convie à ses appartements le temps que le cuisinier prépare « de quoi nous combler le ventre », pour reprendre ses mots. Ceux-ci se composent de plusieurs pièces mais nous nous contentons de visiter la première. Il s'agit de son bureau, là où sont entreposées des cartes surannées, deux boussoles étranges, un compas et d'autres instruments dont j'ignore le fonctionnement, quelques bijoux précieux et autres accessoires personnels ainsi qu'un vieux chapeaux troué et des bougies dont la cendre a dû se figer depuis bien des années. Je fais le tour de sa petite table encombrée, m'attardant sur des détails qui font toute la différence. Il y a des trésors dans cette pièce. Chacun de ses objets est d'une valeur inestimable, or il ne le sait pas encore, ou il l'a oublié. Il ignore que tout ce qui est en sa possession est ancien et précieux, il n'a aucune idée de là où je viens, du monde d'aujourd'hui.

- Quel jour sommes-nous capitaine ? je l'interroge.

Il me dévisage alors comme si ma question n'avait pas de sens, puis parait se ressaisir et marmonne une date : « 7 juin 1692 ».

- Il est bientôt midi, ajoute-t-il.

- Pardon ?

Jacques Moineau rive ses yeux sur moi, il ne comprend pas, il ne se rappelle déjà plus de ce qu'il vient de dire. Au creux de ses pupilles luit une lueur terrible. La mort arrive. La mort est passée. Je croise le regard soucieux de Yanis et décide de ne pas chercher plus loin.

- Bon, alors ? Quel est le plan ?

- Il nous faut trouver le passage, indique Yanis aussitôt concentré sur sa tâche.

- Alors comme ça vous partez à l'aventure, hein ?

- Oui. Il le faut.

- Et je suppose que tu ignores où il se trouve ?

- C'est exact.

- Donc tu es ici pour utiliser la bonne et vieille méthode ?

- Si vos voiles sont assez tenaces pour m'y mener.

Je discerne un vieux sourire chez le capitaine. Cette scène lui rappelle des souvenirs, peut-être un jour a-t-il été à notre place ?

- Je ne vous demanderai pas si vous êtes prêt pour cela, ni si vous y avez réfléchi aussi longtemps qu'il le faudrait ; en revanche je veux juste que vous m'affirmiez une chose : est-ce que c'est ce que vous désirez le plus au monde ?

Une flamme semble danser une fraction de secondes dans les yeux de Yanis. Avant qu'il ne réponde, je prends les devant. Parce que tout ceci est parti de moi et que c'est mon histoire par-dessus celle des autres.

- Oui. C'est mon plus cher désir.

L'attention du pirate se porte alors sur moi, et tandis que son regard intense, hardi, résolu et téméraire pétille d'excitation, sa main se referme sur un objet rond. Une boussole, mais pas n'importe laquelle.

Quand il la dépose entre mes mains, me confie cette entité, je saisis alors toutes les clefs de l'histoire, les morceaux du puzzle me viennent d'un seul coup et tout parait évident.

Une multitude de pensées se bousculent, mais je ne suis pas troublée, car je sais.

J'ouvre la boussole comme si elle m'avait toujours appartenue et que je la connaissais par cœur. Les aiguilles tournent dans tous les sens à une vitesse folle. Pourtant je ne suis pas indécise, c'est pourquoi elles finissent par ralentir en attirant irrésistiblement à elles six yeux emplis de convoitise.

Lorsqu'elles s'arrêtent définitivement, le Capitaine Jacques Moineau prend son inspiration, puis s'en va courir sur le pont, criant à tout va notre nouveau cap : « plein sud, camarades ! ».

- Que trouverons-nous là-bas ? demandé-je à Yanis en laissant mon regard s'attarder sur l'entrebâillement de la porte empruntée par le capitaine.

- La seule personne encore vivante et dont l'on soit sûrs de l'existence qui sache comment passer d'un monde à l'autre.

Mon cœur semble plus bruyant, je n'entends presque plus que lui. J'aimerais bien lui dire « tais-toi ! » pour qu'il me laisse percevoir pleinement les paroles de celui qui le fait battre.

- Une créature somptueuse, ajoute Yanis. Ça va peut-être faire trop pour toi...

- Tu seras là pour me maintenir sur Terre. Vas-y dis-moi.

« Me maintenir sur Terre » ? Je me suis envolée depuis un moment déjà ; mes idées ne sont plus vraiment très claires et je ne suis pas certaine de pouvoir prendre conscience de ce qu'il s'apprête à m'avouer, mais il faut quand même que je sache. Il l'a compris. Il me comprend toujours.

- Une déesse.

Ma décontenance est palpable. Les anges et les démons, les pirates et les vampires... et maintenant ça ?! Une déesse ? Jusqu'où ira cette histoire ? Mon histoire ? Où s'arrête cette irrationalité ? Y a-t-il une limite ? un impossible ?

La vie et la mort sont remises en jeux, les lois de l'Univers sont bousculées. La hiérarchie de notre monde dégringole telle une pyramide de cartes construite par un être qui aurait perdu le contrôle, tombant sur un phénomène qu'il aurait sous-estimé.


Un jour de plus s'écoule comme un grain du sablier symbolique du temps restant à vivre. Du sable prisonnier du verre.

J'examine l'objet reposant sur une étagère situé dans un coin sombre, près de là où sont rangées les munitions. On dirait qu'il a été placé ici de sorte qu'on l'oublie. Depuis quand est-il là ? De temps à autre des membres de l'équipage passent devant sans le voir, comme s'il était invisible ou qu'il n'avait pas d'importance. Pourtant moi j'ai le sentiment qu'il est significatif. Il n'y a presque plus de sable, mais à l'allure où il s'écoule je suppose qu'il devrait lui rester encore quelques jours, peut-être plus, peut-être moins.

Des cris et des sons brusques et soudains se mettent à résonner du pont, je me précipite hors des profondeurs du navire et atterris en plein cœur de l'agitation. Les pirates se bousculent et courent dans tous les sens, allant vérifier si les cordages sont bien en ordres ou bien posant des questions à qui aurait la réponse. Jacques Moineau sort en trombe de ses appartements et se positionne à l'avant du bâtiment, la main en visière.

- Capitaine, que fait-on ? lance une voix.

- Qu'est-ce qu'on fait Capitaine ? renchérit une autre.

Je rejoins le capitaine, légèrement tremblante. En face de nous, à quelques kilomètres mais tout de même visible, un autre navire trace une route perpendiculaire à la nôtre.

- Vous croyez qu'ils nous ont vus ?! m'écrié-je tout-à-coup.

Puis je réfléchie un instant et une ampoule s'illumine dans ma tête. Nous sommes au XXIème siècle, les pirates et les canons sont censés appartenir au passé.

- Capitaine, depuis combien de temps n'avez-vous plus mis pieds à terre ?

- Pourquoi cette question ? me demande-t-il en arborant malgré lui le même air troublé que lorsque je lui avais demandé quel jour nous étions.

- Pour rien, marmonné-je en l'abandonnant sur le pont.

Je me fraye un passage parmi les pirates en jetant des coups d'œil de tous les côtés. Il faut que je parle à Yanis.

« Ne faites rien ! Poursuivons notre route comme si nous ne les avions pas vus ! » ordonne Jacques Moineau au moment où je percute quelqu'un qui s'avère être mon sauveur.

- Viens, intimé-je à Yanis en lui prenant fermement le poignet et en l'entrainant au fin fond du navire, près de l'étrange sablier.

- Attends, il faut que j'aille voir ce qu'il se passe...

- Non, le coupé-je, de toute façon il ne se passera rien. D'où tu connaissais cet homme ?

- Qui ça ? Le Capitaine ?

- Qui d'autre ?!

- C'est une longue histoire...

- Tout est toujours une longue histoire... ç'a un rapport avec ton pote en 4x4 ?

- Oui.

- Bon, ça me suffira. Ecoute Yanis, je crois que... que ces pirates sont morts.

Il baisse les yeux. J'ignore ce que cela signifie.

- Ils sont morts le 7 juin 1692 à Port-Royal à bord de ce navire, déclaré-je. Ils ont coulés avec. Les pirates se sont éteints avec le temps, mais ceux-là sont maudits. Ce sont comme des fantômes qui persistent... Ils sont condamnés à voguer éternellement sur les mers sans jamais quitter L'Epave des flots. Je crois qu'il en est de même pour tous ceux qui sont morts tragiquement ce jour-là. Yanis, il faut que tu me répondes franchement : est-ce que ç'a un rapport avec moi ? Je suis immortelle, je n'avais jamais vu la mer, je...

Il plaque alors sa main contre ma bouche et pose un doigt contre la sienne, m'intimant l'ordre de me taire. Des pas se font entendre derrière le mur, je retiens ma respiration et fixe Yanis les yeux grands ouverts jusqu'à ce qu'ils semblent s'éloigner.

Doucement, sa main quitte mon visage pour venir s'appuyer contre une rambarde de bois près de mon épaule. Il est tout proche, sa tête est à quelques centimètres de la mienne. Ses lèvres pulpeuses sont serrées, il se force à garder le silence. Je frémis sans le vouloir, j'ai froid mais je bouillonne de l'intérieur. Je le regarde comme une petite fille inquiète, timide, honteuse. Mon expression se fige. Mes traits sont froncés. Je ne sais pas quoi faire. C'est à lui de prendre les devants, de me dire qui je suis, ce qui se passe, ce qui adviendra... mais c'est trop dur. D'une part parce qu'il se refuse à croire que tout est déjà établi et écris d'avance, d'autre part parce qu'il ignore tout comme moi certaines parties de l'histoire. Il est incapable d'affirmer que je suis un cas scientifique, une chose à étudier, une fille étrangement immortelle ou encore moins un fantôme. Parce qu'aucun son ne sort de sa bouche. Ne me parvient qu'un léger souffle empli d'un profond espoir.

Comme nous l'attendions secrètement tous les deux depuis si longtemps – un temps indéfini -, son visage se rapproche du mien. Peut-être trop, mais ma patience avait ses limites.

J'ai l'impression de n'être plus que la poupée de cire de Sophie exposée aux rayons du soleil. Je fonds sous les flammes du démon que j'aime par-dessus tout. Je brûle et la chaleur m'étouffe mais je veux me consumer encore plus, jusqu'à ce que mon âme ait totalement fusionnée avec la sienne si bien que nous soyons liés pour l'éternité. Je n'ai que faire des conséquences, des gens qui sont loin et qui pensent à moi, de ceux qui vont mal et qui attendent que je leur vienne en aide. Je me fiche des guerres, des épidémies, des tempêtes qui ravagent les habitations et des autres catastrophes naturelles ; je suis moi-même toutes ces choses-là.

Nos lèvres se touchent tels ciel et mer à l'horizon. Je m'attendais à un baiser destructeur ou à quelque chose dans ce genre-là. J'avais cru que la passion nous dévorerait et que l'amour emporterait tout comme un tsunami. Or ce n'est rien de ça. Il s'agit d'un moment intime, d'une douceur infiniment belle et d'un échange volatile. C'est court, c'est simple, mais cela dure assez pour que je perçoive sa fugitivité, son appréhension, son léger trac et son angoisse dissimulée. Il doit se poser un tas de questions, mais je connais son aptitude à les refouler. C'est certain qu'il se sent responsable car c'est lui qui a fait le premier pas, c'est lui le démon, c'est lui qui ne s'est pas contenu... d'un autre côté je sais qu'il ne s'en voudra pas. Pas cette fois. Parce qu'aujourd'hui les choses sont différentes. Je lui ai fait comprendre que j'avais besoin de lui, que je voulais qu'il reste auprès de moi et que je tenais à lui plus qu'à quiconque. Il m'a laissé le choix et m'a donné le temps de fuir, je ne l'ai pas fait. Je suis restée et je lui ai démontré que j'étais prête à l'accepter tel qu'il est.

Il se recule, les bras le long de son corps. Il ne sait plus vraiment où se mettre et perd de son assurance habituelle, sans doute parce que ce baiser est plus significatif que tous ceux qu'il a pu donner auparavant.

- Est-ce que ça veut dire qu'on change de sujet ? demandé-je d'une voix étrangement chétive.

- Oui. On arrête de parler de toutes ces choses auxquelles nous n'avons pas les réponses. Fini les hypothèses et les déductions stupides qui ne résolvent aucun mystères mais au contraire rajoutent des questions à la liste. On va agir simplement et faire ce qui nous plait. Un jour on saura, mais pas tout de suite. Pour l'instant...

- ... on va profiter de notre superbe croisière, finis-je à sa place.

- Exactement, dit-il dans un sourire.

Les mots n'ont plus vraiment d'importance, car maintenant nous avons un nouveau langage à mettre en place. Je prends sa tête entre mes mains et dépose un délectable baiser sur sa joue tandis que juste derrière nous, le sable s'écoule toujours, sans pour autant qu'il en manque dans la partie haute du sablier, ou qu'il y en ait plus dans celle d'en bas.

Le temps défile dans le vide, nous avons l'éternité.

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