Chapitre 13
Théo eut beaucoup de mal à mettre la main sur Daniel. Cependant il n'avait pas le choix, et fort heureusement il finit par tomber sur lui à la sortie d'un restaurant du Palais réservé aux membres du gouvernement.
L'héritier maudit était seul, et, tête baissée comme à son habitude, il contemplait le sol comme s'il pouvait y lire sa condamnation. Malgré avoir été enfermé dans le Palais durant toute son enfance – exceptées lors de quelques sorties publiques pour rassurer ceux qui le croyaient mort, on aurait pu conjecturer qu'il était nostalgique de ses années passées dans la prison de marbre qu'il s'apprêtait à quitter.
Théo lui avait adressé la parole, bien que ces moments eus été rares et brefs, et il était presque sûr que Daniel se souviendrait de lui. Pourtant, quand il l'aborda, celui-ci releva la tête et le dévisagea comme s'il se retrouvait face à un inconnu.
- Bonjour Daniel. Est-ce que vous me reconnaissez ? Je suis Théo et je fais partie de l'armée rapprochée du Conseil, si on peut dire ça comme ça... J'effectue des missions sur Terre, je m'entraine et je vis dans ce Palais. Nous sommes une petite centaine à avoir ce privilège. Parmi nous sont représentés à peu près tous les âges et nous avons été engagés grâce à nos résultats scolaires, en fait nous avons été repéré parce que nous avions des qualités recherchées par le Conseil. C'est un peu bref mais ça devrait suffire comme présentation...
- Ah, je vois..., le coupa Daniel. Vous êtes un des gardes qui va m'accompagner sur Terre dans trois jours ?
- Non ! Pas du tout. En fait... Et si on allait discuter dans un endroit plus calme ?
C'était tout de même à un prince qu'il s'adressait ! On ne lui proposait pas d'aller faire un tour comme ça et on ne se permettait encore moins de prendre les choses en mains !
Or Daniel n'était pas de ceux qui se faisaient respecter. Il était mou et frêle et n'inspirait crainte à personne. On pouvait faire de lui ce que l'on voulait sans qu'il ne songe une seconde à réagir ou à se révolter. C'était bien pour ça, d'ailleurs, que le Conseil le manipulait tel un pantin de bois sur lequel on aurait tracé un sourire à la peinture pour faire bonne figure.
Théo s'en voulait un peu de se comporter de la sorte, mais il n'avait pas le choix. Sa grand-mère avait déjà envoyé la lettre et il y avait de fortes chances pour que Yanis en ait pris connaissance.
Il s'imagina une seconde Am prenant tous les risques du monde pour être présente au rendez-vous sur le pont alors que l'héritier n'était même pas au courant ou refusait de lui remettre la lettre. Que se passerait-t-il ?
Et surtout : est-ce que Yanis avait su protéger Am ? N'était-elle pas entre les mains des vampires en ce moment-même ?
- Je crois que c'est assez loin, non ? demanda Daniel lorsqu'ils atteignirent un corridor sombre et peu fréquenté.
Théo eut l'impression qu'on l'avait réveillé. Il se rendit compte que Daniel et lui avait déjà parcouru un certain bout de chemin sans croiser personne, non sans avoir de la chance. Mais il s'avérait qu'à cette heure-ci la plupart des anges du Palais était encore à table. A vrai dire il avait omis de déjeuner et Daniel, vraisemblablement, n'avait pas grand appétit – chose qu'il comprenait. Cela lui rappela vaguement Am et le jour où elle avait quitté la terrasse du restaurant français, à la fois furieuse et désespérée. Ce jour-là il avait senti une cassure, une mini-catastrophe entre eux-deux... mais jamais il n'aurait pu prévoir ce qui s'était passé la nuit suivante. Jamais, oh non jamais ! il n'aurait deviné que le lendemain matin elle le quitterait pour de bon.
Depuis il ne cessait de penser à elle, il la voyait de partout, aussi bien la nuit que le jour. Au cours de sa vie personne ne lui avait autant manqué. Il regrettait toutes ces fois où leur discussions avaient fini en dispute, il regrettait de ne l'avoir vue que quelques fois au Paradis alors qu'il aurait pu passer plusieurs heures par jour avec elle s'il avait pris la peine de demander au Conseil d'abréger son emploi du temps. Or il était trop tard pour espérer changer les choses. Am était bel et bien sur Terre, et lui au Paradis. Le Portail avait été scellé et sa seule chance de la revoir était de contrer tout un gouvernement... et même cela fait, encore faudrait-il qu'un démon soit assez fort pour sauver l'élue de son cœur de toutes les créatures surnaturelles qui s'étaient mises à sa recherche.
- Oui, je suppose que personne ne viendra nous déranger ici, finit-il par répondre à un Daniel qui semblait s'être replongé dans sa contemplation du sol pendant que Théo dramatisait en silence.
Celui-ci exécuta une brève inspection des yeux du lieu dans lequel ils se trouvaient, en priant pour que personne ne les surprenne, autrement la Couronne pourrait confirmer ses soupçons et le condamner à mort sans l'ombre d'un doute.
- Alors... Vous m'écoutez ? s'empressa-t-il de demander à Daniel, toujours tête baissée.
- Oui, oui ! Bien sûr...
Il parut un peu plus enthousiaste et Théo se lança donc dans ses explications.
- Lahela Hernandez et moi-même avons été chargé de la mission sur Terre prioritaire d'il y a quelques semaines.
- J'en ai entendu parler.
- Ah bon ?
- Tout le Paradis était au courant. C'était l'attraction principale de ces derniers-mois... malgré le fait que nous ayons eu peu de ragots à nous mettre sous la dent, enfin, là je parle pour les autres... Moi je m'en fiche un peu, mais personne n'a tenté de me cacher les détails de cette affaire, alors je suppose que j'en sais autant que la plupart d'entre nous.
- Possible. Dans ce cas vous savez sûrement qu'Am... euh, Ambroisie Borély, n'a rien fait pour mériter tout cet acharnement. C'est une fille gentille et intelligente mais elle ne montre aucun signe d'un quelconque pouvoir. Même ses prises de sang ont...
- C'est tout-à-fait normal, répliqua Daniel qui le prit de court. A ce qu'on dit elle est immortelle, elle n'est pas censée déplacer les nuages.
- Oui... Mais ce que j'aimerais que vous compreniez, c'est qu'elle veut bien aider l'humanité, apporter le bien... en revanche je ne laisserai personne se servir d'elle comme d'une arme, un cas scientifique ou un objet d'échange. Avez-vous entendu tout ce qu'on dit sur elle ? Certains pensent qu'il faudrait la vider de son sang pour faire des expérimentations et la maintenir en vie grâce à des machines ; d'autres optent plutôt pour qu'on négocie son prix avec les vampires et...
- Je sais. Et j'ai entendu bien pire. Mais où voulez-vous en venir ? Personne ne la laissera plus jamais tranquille de toute façon, vous ne pourrez pas la sauver.
- Est-ce une bonne raison pour abandonner ?
- Lorsque vous parlez d'elle, vos yeux se mettent à briller, dit Daniel. Vous l'aimez beaucoup, ça se voit. Alors si par amour vous êtes prêt à tout sacrifier, faites. Mais moi je n'ai rien à voir avec ça.
- Vous vous méprenez. Si cette fille détient véritablement le pouvoir qu'on lui attribue, alors je suis certain qu'elle pourra sauver le monde et nous faire éviter bien des guerres. Elle peut rétablir la paix au Paradis, et bien plus encore !
- Et comment ? Le Conseil et la Couronne ne voient en elle qu'un objet, une arme. C'est eux qui commandent, nous nous ne sommes que des pions, déclara-t-il avec une pointe d'amertume.
- Peut-être dois-je vous rappeler que vous êtes l'héritier et que c'est vous qui êtes censé gouverner dans quelques mois.
- Oh ! J'ai renoncé depuis bien longtemps à me battre pour ce fichu trône ! s'exclama-t-il, un brin de rire étouffé dans la voix. Je me contente de survivre, c'est déjà pas mal. La Couronne a choisi de me laisser la vie sauve en m'envoyant sur Terre, et je l'en remercie !
- Plutôt content d'aller sous le ciel gris, hein..., dit Théo estimant que c'était le bon moment pour attaquer.
- Qu'entendez-vous par là ?
- Paris.
- Comment êtes-vous au courant ?
- J'ai entendu votre petite discussion avec la Couronne. Je sais où vous allez, et je sais surtout que vous traverserez un pont. Seul.
Daniel était perplexe.
- Et pendant ce rapide moment de solitude, Ambroisie Borély en personne vous croisera et vous lui remettrez cette lettre, expliqua Théo en brandissant une enveloppe.
- Vous êtes fou...
- Vous ne parlerez de notre entrevue à personne, et vous garderez le secret du rendez-vous qui vous attend. Aidez-nous à renverser le pouvoir. Aidez-nous à sauver le Paradis des guerres qui se préparent. Car si l'une d'elles éclate, je peux vous garantir que ni vous ni moi n'en sortiront vivants. Je vous donne une chance de faire partie de l'histoire, saisissez-là. Ne soyez pas l'héritier maudit.
Daniel resta silencieux quelques secondes durant lesquelles Théo crut ses derniers espoirs envolés. Il se demanda s'il se contenterait d'ignorer leur conversation ou s'il irait aussitôt prévenir la Couronne.
Le temps d'un instant Théo songea à assassiner l'héritier. Après tout ce ne serait pas pour sauver sa peau mais plutôt celles de milliers d'anges... et de la fille qu'il aimait.
Et puis Daniel ouvrit la bouche, avant de la refermer aussitôt. Il n'avait rien à ajouter, alors il se contenta de saisir l'enveloppe et de se fondre entre les murs du Palais.
Théo mit un certain temps avant de réaliser qu'il avait réussi, cependant, quand il s'en rendit compte, il sauta de joie et serra son poing si fort qu'il en fut endolori. Mais il s'en fichait, ç'avait été plus fort que lui et cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas été aussi heureux.
Or son bonheur fut de courte durée. Il prit fin précisément au moment où Théo entendit un ricanement derrière lui. Celui d'un certain Lucenzo.
J'espère que ce chapitre vous a plu et je serai ravie de répondre à toutes vos questions par commentaire :)
Ceci étant dit je vous encourage à partager mon histoire auprès de vos connaissances sur Wattpad pour qu'elle ait davantage de visibilité, je vous remercie de votre soutien !
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