Chapitre 11
Théo s'était mis d'accord avec Lahela sur le fait qu'ils devaient donner des nouvelles du Paradis à Am et Yanis. Il savait comme ça avait été dur pour elle d'être tenue à l'écart et de reposer dans l'ignorance ; puisqu'il s'en sentait en grande partie responsable, il avait à cœur de se racheter. De toute façon, il fallait bien qu'Am sache s'il était encore en vie et s'il était temps qu'elle rentre au Paradis. En fait, Théo prit conscience de tout ce à quoi elle aurait pu penser. Peut-être croyait-elle que c'était la guerre civile ou que Lahela et lui étaient prisonniers ? Ou pire ! morts !
Il s'imagina une seconde penser qu'Am avait été tué par des vampires. Non, il ne pouvait pas y croire. Il était convaincu qu'elle allait bien.
Lahela et lui s'étaient donc dit que le plus simple serait d'envoyer une lettre, étant donné qu'il était encore possible d'utiliser les tunnels dans l'enceinte du Palais. Bien sûr il leur faudrait le faire en cachette car trop de soupçons pesaient sur eux pour qu'on leur donne une autorisation. Ils prendraient une nouvelle fois des risques démesurés... mais bon...
Restait à savoir comment faire pour que leur lettre ne soit pas perdue, interceptée ou lue par les vérificateurs de courriers.
Comme l'avait avancé Lahela, il faudrait s'y prendre en plusieurs étapes... ni l'un ni l'autre n'avait déterminé lesquelles.
Théo se rendait donc chez Evelyne, la meilleure conseillère qui soit. Il lui avait tout révélé du plan qu'il partageait avec Lahela afin de « sauver le Paradis » et elle leur avait supplié de lui confier une tache plus déterminante que de celle de conseillère qu'elle trouvait habituelle et sans risque. Il la décevrait en la questionnant comme à chaque fois qu'il la voyait mais il lui promettrait de l'appeler en renfort lorsqu'il faudrait se battre.
Il sourit en imaginant sa grand-mère secouer une épée dans tous les sens pour tenter de faire reculer ses ennemis, d'un autre côté ça le mit mal à l'aise car il était conscient que ses pensées étaient plus réalistes qu'elles en avaient l'air.
Que deviendraient ses proches, les anges innocents, les enfants... ? Se battraient-ils ?
Tandis qu'il fit mine de se gifler pour se punir de songer à ce qui adviendrait, il entendit des voix venant du bout du couloir et s'enferma dans le placard à balais le plus proche pour ne pas se faire repérer.
Bien entendu, si les voix avaient été celles de simples gouvernants il aurait poursuivi sa route, sauf qu'en l'occurrence il s'agissait de celles de la Couronne et d'un jeune homme qui parlait d'une voix à peine audible.
L'héritier du trône, pensa immédiatement Théo.
En effet, il devait bien s'agir de ces deux personnages et leur discussion devait sans doute être importante puisque la Couronne prenait la peine de lui parler en personne et seul à seul.
- ... mon petit, intercepta Théo. Ce sera dans quelques jours, le 1er juillet, pour être précis.
- Et donc ? Que se passera-t-il ?
- Eh bien tu les rejoindras et tu resteras avec eux le temps que la vie paradisiaque reprenne un aspect normal. Il y a trop de problèmes ici, tu cours des risques énormes !
- Mais pourquoi me ferait-on du mal ? Enfin je veux dire, personne ne me connait, je suis toujours au Palais et...
- Tu ne sais rien.
- Ah ! oui, c'est d'ailleurs la seule chose que je sais. Mais si vous m'expliquiez je pourrais peut-être...
- Daniel ! Cela suffit maintenant ! Ils ont dit qu'ils ne veulent pas se mélanger à nous mais qu'ils acceptent néanmoins que tu sois leur hôte quelques mois. Ils te récupèreront à l'autre bout de je-ne-sais quel pont de Paris, à midi, et ils ont ordonné que ton escorte reste sur l'autre rive...
- Et vous ne voyez pas d'objection à ça ?
- Non. Nous ferons ce qu'ils demandent, c'est pour votre sécurité, je vous rappelle.
Les pas s'éloignèrent et les voix devinrent inaudibles.
- Bonjour, lança Lahela en entrant dans la maison d'Evelyne avec Théo qui était venu en trombe la chercher dans ses appartements.
La vielle femme parût surprise mais n'en perdit pas pour autant les mots.
- Ma chérie, je pensais que mon petit chou viendrait tout seul mais je suis contente de te voir.
Théo grimaça comme à chaque fois que sa grand-mère l'appelait « mon petit chou » devant quelqu'un.
- J'ai appris un truc important, dit-il en faisant signe à Lahela de s'asseoir. J'ai surpris une conversation entre la Couronne et Daniel.
- C'est plutôt étrange, commenta Evelyne.
- Ils ne vont pas le tuer. Ils vont juste l'éloigner, sûrement pour le faire revenir une fois que la Couronne sera roi pour montrer au peuple qu'il n'était pas apte à gouverner. Ils diront que c'était pour le protéger des menaces dont seule la Couronne était capable de venir à bout et...
- Oui, on a compris, souffla Lahela. Et où il va aller ?
- Je ne sais pas vraiment, reprit Théo en se tournant vers sa grand-mère. Des gens lui ont donné rendez-vous le 1er juillet sur la Seine, à midi. En fait, son escorte le déposera d'un côté et il continuera seul jusqu'à l'autre rive où l'attendront ceux qui vont le garder pendant quelques mois – d'après la Couronne. Apparemment Daniel serait leur hôte... voilà, je vous ai ressorti à peu près tous les mots clefs que j'ai entendus...
A voir les visages acariâtres des deux femmes, Théo fut subitement découragé. Ceci jusqu'à ce qu'Evelyne prenne la parole, soudain très concernée par ce qu'il venait de dire.
- Il y a une communauté d'anges qui vit à Paris. Ils ne se mélangent ni avec les humains ni avec les anges du Paradis. A ce qu'il parait ce sont pour la plupart des artistes, des chercheurs, des philosophes ou des diplomates vivant un peu comme au dix-neuvième siècle. Ils appartiennent à une sorte de secte créée à l'époque des Lumières nommée « Le Cercle des Assovir », le plus souvent appelée « le Cercle ». C'est sûrement eux dont parlait la Couronne.
Les trois anges étaient perplexes. Comment se servir de ça pour faire parvenir une lettre à Am ?
- Je crois que je sais, dit Lahela en sortant la pièce d'un silence pesant. Et si on demandait à Daniel de nous aider ? Qui sait, peut-être qu'il serait capable de nous débarrasser de la Couronne ou au moins de jouer les espions pour nous ?
- C'est risqué pour lui, fit remarquer Théo. Si le Conseil l'apprend il aura une bonne raison de l'exécuter et nos derniers espoirs s'envoleront.
- Alors qu'est-ce que tu proposes ? répliqua Lahela.
- On pourrait lui exposer notre plan... mamie, tu crois que c'est possible ? demanda-t-il à Evelyne.
- Non, en revanche nous pourrions simplement lui demander de l'aide, sans avoir besoin de lui révéler n'importe quoi. Il a tellement été manipulé comme un pantin que je suppose qu'il ne nous en voudra pas si nous nous servons un peu de lui.
Théo fut frappé devant l'austérité dont faisait preuve sa grand-mère.
- Cette fois-ci je sais ! s'écria Lahela. Il faut lui remettre la lettre ! C'est lui qui la donnera à Am lorsqu'il traversera le pont !
- Bonne idée, dit Evelyne. Mais il faut d'abord mettre la petite au courant.
- On a qu'à envoyer une autre lettre par tunnel pour lui dire où se trouvera le rendez-vous... mais comment faire pour qu'elle arrive à bonne destination ?
- Yanis, lâcha Théo.
- Quoi Yanis ?
- Tu crois qu'il a toujours son ancienne maison ? Celle à Prague ?
- Oh... Je sais pas moi... C'était le jour où... ?
Où vous vous êtes battus et où j'ai perdu toute chance d'avoir à nouveau des nouvelles de ma sœur.
- Oui, répondit Théo tout en essayant de chasser quelques mauvais souvenirs de sa tête. C'est la seule adresse où on ait une chance de tomber sur lui.
- Tu ne penses pas que c'est mieux de l'envoyer chez Am ?
- Non, je suis sûr qu'il n'aurait jamais pris le risque de l'emmener là-bas.
- Si je peux me permettre, intervint Evelyne, je pense que la première option est la bonne. Une maison à Prague c'est un parfait repère pour un démon, je ne crois pas qu'il s'en soit séparé.
- Mais peut-être qu'il n'y est pas retourné depuis...
Lahela ne termina pas sa phrase, incapable de songer une seconde de plus à la sœur qu'elle avait perdue.
- De toute façon on n'a pas le choix, trancha Théo. Peut-être qu'il y aura quelqu'un d'autre que lui dans cette maison, mais un nouveau propriétaire garde les contacts de l'ancien au cas où, non ? Lahela ne fait pas cette tête, il nous faut une adresse et on ne possède que celle-là.
- C'est bon, concéda-t-elle, reste maintenant à savoir comment on peut faire pour que les lecteurs de courrier laissent partir cette lettre.
- Oh pour ça laissez-moi faire ! dit Evelyne dont les yeux scintillaient de malice.
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