Chapitre 3 : Une petite marche sur la plage
"Mieux vaut prévenir que guérir", c'est l'une des règles les plus fondamentales présentes dans l'esprit de Manu. Il détestait laisser les choses au hasard et ne pas avoir une idée des conséquences de telles ou telles actions. La raison de sa surprise lorsqu'il a vu Azura descendre et demander à sortir à peine une heure après l'arrivée de la classe au dortoir était on ne peut plus simple.
Toutes les nouvelles promotions, sans exception, passent par le test de sélection du discours de Ray. De ce fait, les nouveaux étudiants, faisant tous leurs premiers pas dans le monde de l'évolution, ayant écouté ce discours, réagissent tous plus ou moins de la même manière, avec un énorme choc dont certains ont beaucoup de mal à se remettre. Certains s'enferment dans leurs chambres, d'autres appellent leurs proches en espérant du soutien ou des conseils pour savoir ce qu'ils devraient faire maintenant. Enfin, il y a ceux sur qui l'impact semble plus léger, pour une raison ou pour une autre, en fonction de l'étudiant concerné.
Dans le cas des deux premiers, leurs états mentaux étant plus qu'évidents, leur apporter un soutien psychologique si nécessaire est loin d'être compliqué, après tout l'institut comporte également de nombreux départements psychologiques et psychiatriques s'occupant quotidiennement de la santé mentale des évolués. Ceux dans le dernier cas, en revanche, sont plus compliqués à gérer.
Dans cette dernière catégorie, une poignée parvient à maintenir un semblant de calme. Toutefois, il s'agit d'une minorité insignifiante. Dans la plupart des cas, les étudiants qui prétendent aller bien sont ceux qui souffrent le plus profondément. Contrairement à leurs pairs qui montrent honnêtement leurs états mentaux, ils se complaisent dans une illusion de normalité, niant leur détresse intérieure. Cette disposition rend d'autant plus ardue l'identification du type d'assistance qui leur serait le plus bénéfique.
Plusieurs cas de ce genre ont été recensés durant les dernières années. Certains étudiants qui semblaient bien se porter ont fini par sombrer dans la folie, entre tentatives de suicide, attentats à la pudeur et autres actes similaires. Cependant, le général qui dirigeait cet établissement était loin d'être un idiot.
Aux yeux de Ray, plus le nombre d'étudiants s'engageant en tant qu'évolués confirmés serait élevé, mieux le monde se porterait. Cependant, en raison de son expérience en tant qu'évolué depuis plusieurs décennies, il était parfaitement conscient d'une chose : avoir le potentiel ne signifie pas avoir la volonté nécessaire. Il ne comptait plus le nombre de jeunes évolués qui, à peine diplômés, finissaient par rencontrer une fin tragique malgré l'énorme potentiel de croissance que certains pouvaient avoir.
C'est pourquoi il a décidé de prendre plusieurs mesures que certains jugeraient radicales, la première étant le test du discours. Bien que ce qu'il disait au cours de la vidéo fût la vérité, il a délibérément choisi un ton grave afin que ses paroles soient perçues avec toute la gravité nécessaire. Si certains se retirent du monde des évolués, tant pis. À défaut de compter quelques recrues en moins, cela signifiera également moins de tombes à creuser et moins de familles endeuillées. C'est ainsi que Ray envisageait les choses.
Que ces décisions aient un impact positif sur le bien-être du monde des évolués ou non, seul l'avenir pourra nous apporter une réponse.
****
Cinq minutes après sa sortie, Azura entama une visite du vaste campus, guidé par la carte virtuelle affichée sur le bracelet de sa main gauche. Il prit un minibus réservé aux déplacements rapides pour se rendre au campus, où se trouvaient les principaux bâtiments de formation et autres installations. Situé au cœur de l'île principale de l'archipel des Saphirs, le campus se composait de cinq grands bâtiments principaux, entourés de plusieurs autres édifices. Ces quatre bâtiments étaient positionnés aux quatre points cardinaux de l'île, tandis que le cinquième occupait le centre.
En l'espace d'une heure et quelques minutes, il visita le bâtiment situé au point cardinal est, qui, à sa grande surprise, comportait plus d'une vingtaine d'étages, avec une superficie d'environ cent mètres carrés par niveau. Une cafétéria se trouvait au rez-de-chaussée, tandis que des salles de classe, chacune pouvant accueillir plus d'une trentaine d'étudiants, occupaient les étages 1 et 2. Les terrains d'entraînement étaient situés aux deux étages supérieurs, suivis par des salles de méditation sur les deux étages encore au-dessus. Une nouvelle cafétéria se trouvait à l'étage au-dessus. Les étages ultérieurs suivaient la même configuration que ceux en dessous de la deuxième cafétéria jusqu'à l'étage avant le sommet.
Le dernier étage de ce bâtiment abritait une énorme arène de plus de cent mètres de diamètre, entourée de gradins.
Azura décida de remettre la visite des autres bâtiments principaux à plus tard et de se concentrer sur la ville située dans la zone du bâtiment est, qui semblait plutôt grande malgré le fait qu'elle ne représentait même pas un tiers de l'île. En effet, l'île principale s'étendait sur une superficie d'environ sept mille kilomètres, offrant ainsi une variété de paysages, qu'ils soient urbains, ruraux ou côtiers.
La ville entourant le bâtiment principal était située le long d'une zone côtière, avec un port abritant de nombreux commerces artisanaux en plein air ainsi que de nombreux restaurants. En cette période estivale, la plage située des deux côtés du port attirait un grand nombre de personnes, qu'elles soient évoluées, étudiantes, familles d'évolués (notant que tous les membres de ces familles ne sont pas nécessairement évolués), ainsi que parfois des non-évolués ayant des liens étroits ou distants avec le monde des évolués et leurs familles.
Azura se promenait le long de la plage, l'eau lui caressant les chevilles. Il avançait d'un pas léger et lent, observant les petites vagues s'échouer délicatement sur le rivage avant de se retirer pour laisser place à de nouvelles tout en écoutant le son presque hypnotique des mouettes volant tout autour de la plage. Ses yeux, presque aussi bleus que la mer elle-même, fixaient l'eau de mer qui glissait autour de ses pieds, exprimant une émotion mystérieuse mêlant mélancolie et autres sentiments similaires. Lentement, il leva la tête vers l'horizon, où seule une mer d'un bleu digne de celui d'une pierre précieuse s'étendait à perte de vue, sa surface lisse comme un miroir, illuminée par le soleil.
En voyant ce paysage digne d'une œuvre d'art, un léger sourire calme et détendu apparut sur son visage.
"On ne l'appelle pas l'archipel des saphirs pour rien, j'imagine". Dit-il d'un léger ricanement.
Après une trentaine de minutes de marche, Azura s'arrêta sur la partie extérieure d'un petit restaurant au bord de plage.
Après cinq minutes empreintes du cri des mouettes, des rires éclatants des enfants accompagnés de leurs parents sur le rivage, et du souffle caressant de la brise marine, Azura fut brusquement arraché à sa quiétude par un son nouveau, rompant l'harmonie qui avait enveloppé la plage depuis plus d'une heure.
Cling
Le bruit de quelque chose se brisant se fit entendre à l'intérieur du restaurant, attirant ainsi l'attention de la petite dizaine de personnes présente à l'intérieur et à l'extérieur du restaurant.
À l'intérieur du restaurant, plusieurs personnes observaient avec effroi un jeune homme d'une vingtaine d'années, aux cheveux châtain clair, gisant au sol, le crâne ensanglanté. À ses côtés, une jeune femme d'environ le même âge, aux cheveux blond foncé, s'efforçait de le relever tout en lui parlant pour qu'il ne perde pas connaissance.
"NON MAIS, C'EST QUOI VOTRE PROBLÈME ? IL NE VOUS A RIEN FAIT, POURQUOI VOUS AVEZ FAIT ÇA ?" s'écria la jeune femme, les yeux empreints d'une rage brûlante, tout en tenant le corps de son compagnon sur ses genoux, face aux responsables de l'état de celui-ci.
Face à elle se dressaient trois jeunes hommes, tous dans la vingtaine, revêtus de maillots de plage. Celui du milieu dévisageait le couple, ses yeux verts étincelants comme l'herbe débordaient de mépris et de dédain, comme s'il venait d'écraser une vulgaire fourmi.
"Si tu veux éviter que ça se reproduise, apprends à ton abruti de copain à s'excuser lorsqu'il bouscule quelqu'un," déclara-t-il en remettant ses cheveux blonds en arrière, sa voix était empreinte d'un mépris non dissimulé, son sourire accentuant le ton de son propos.
"Il s'est excusé, et tu l'as très bien entendu. Et même si il ne l'avait pas fait, ce n'était pas une raison pour lui écraser une tasse en pleine figure" répondit agressivement la jeune femme.
À l'opposé du couple, les trois jeunes hommes en face d'eux étaient des évolués. Bien qu'ils soient contraints par les bracelets à ne pas utiliser leurs pouvoirs et que toute tentative était sévèrement réprimandée, leur force physique demeurait terrifiante pour un humain normal. Même un évolué considéré comme faible pourrait presque sans effort soulever une voiture. Ainsi, il n'était pas étonnant que le jeune homme à terre se soit retrouvé avec une blessure aussi grave après avoir reçu la tasse sur la tête.
"Tu insinues qu'il ment ?" répliqua le jeune homme sur la droite de celui aux yeux verts d'une voix menaçante, faisant un pas en avant. Plus grand et plus imposant que son ami, il observait le couple d'un air hautain et méprisant. Face à sa présence intimidante, un doute perceptible s'installa dans les yeux de la jeune femme.
Alors qu'elle hésitait, un homme à la moustache épaisse et vêtu d'un tablier de restaurant intervint. En constatant la situation, il fixa les trois jeunes hommes, ses sourcils se fronçant d'inquiétude.
"Écoutez messieurs, je ne sais pas ce qu'il se passe, mais cet endroit n'est pas un ring. Si vous n'êtes pas ici pour déjeuner ou prendre quelque chose, je vous demanderais de partir" déclara l'homme moustachu avec un sérieux palpable.
Le jeune homme aux cheveux blonds et aux yeux verts se cura l'oreille avec son petit doigt avant de souffler dessus, tout en conservant son sourire hautain, comme s'il venait juste d'entendre une blague suffisamment amusante pour lui tirer un léger sourire.
"Tu n'as pas mieux à faire ?" répliqua-t-il, conservant son sourire inchangé.
Bien qu'il ne soit pas un évolué non plus, l'homme moustachu perçu parfaitement la menace derrière les paroles que venait de lui prononcer le jeune homme aux yeux verts.
"À partir du moment où des abrutis foutent le bordel dans mon restaurant juste pour gonfler leurs petits egos, je ne vois pas ce que je pourrais avoir à faire de mieux." déclara l'homme moustachu, commençant à hausser le ton. Cette intervention fit lentement disparaître le sourire du jeune homme aux yeux verts.
Ce n'était pas la première fois que de jeunes évolués semaient le chaos dans son restaurant ; en fait, il en était même très habitué. Une bande de gamins arrogants à peine entrés dans le monde des évolués, dont les pouvoirs leur étaient montés à la tête, ou encore ceux se croyant intouchables grâce à leurs liens familiaux, cherchant à assouvir leur désir de domination et de supériorité sur des personnes plus faibles qu'eux. Tout cela constituait littéralement son quotidien, ainsi que celui de beaucoup d'autres sur l'archipel, chaque années.
C'est pourquoi il était bien au fait des règles concernant les évolués et leurs étudiants. Il savait que ces derniers ne pouvaient pas agir à leur guise sans affronter les conséquences, surtout si leur action était considérée comme un crime. Les lois pour les évolués ne différaient pas de celles régissant les civils ordinaires, à l'exception de l'interdiction absolue d'utiliser leurs pouvoirs dans des lieux publics, sauf en cas de nécessité exceptionnelle.
Cependant, à sa surprise, le jeune homme aux yeux verts se remit à sourire avant de jeter un signe du regard à son autre compagnon à sa gauche. Ce dernier s'avança et d'un mouvement rapide, attrapa l'homme à la moustache par la gorge, le soulevant de quelques centimètres du sol. Le troisième jeune homme, qui n'avait rien à envier à son autre compagnon à sa droite, regardait l'homme qu'il avait décollé du sol avec un sourire accompagné d'un rire moqueur.
"Tu ne vas pas te plaindre, j'espère ? Ce n'est pas comme si je ne t'avais pas avertit" dit le jeune homme aux yeux verts en regardant l'expression douloureuse de l'homme moustachu avant de se tourner de nouveau vers le couple. Il s'avança de quelques pas vers eux avant de s'accroupir pour se mettre à leurs niveaux.
"Et si on réglait le problème de cette manière ?" dit-il en avançant lentement sa main droite vers la jeune femme avant de l'attraper fermement au niveau du menton avant d'approcher son visage de sien.
"Si tu fais tout ce que je te dis de faire pendant une seule journée, alors je vous pardonnerai, toi et ton copain. Qu'est-ce que tu en dis ?" déclara-t-il avec un rictus en coin, la dévisageant de la tête aux pieds avec des yeux laissant clairement comprendre quel genre d'intention il avait envers elle.
Un mélange de choc et de colère immense commençait à se dessiner sur le visage de la jeune femme tandis qu'elle essayait en vain de se libérer de la poigne du jeune homme devant elle. Visiblement, cela enchantait le jeune homme aux yeux verts, à en juger par son sourire qui ne faisait que grandir au fil des secondes.
Alors que les deux autres compagnons du jeune homme aux yeux verts observaient la situation en riant, l'homme moustachu regarda les trois jeunes avec un regard dégoûté, malgré la douleur que lui causait l'étranglement.
Comment ? Comment des gens censés les protéger un jour, peuvent-ils faire preuve d'une telle cruauté ? Profiter de leurs supériorités évidentes pour rire ouvertement du malheur des autres, les écraser et prendre plaisirs à voir leurs esprits se briser petit à petit. Quels genres de démons peut être capable de ça ? C'est le genre de questions qui défilait dans la tête de l'homme moustachu.
"Alors ? C'est ou oui ou c'est n-"
Cling...
Avant même qu'il ne puisse finir sa phrase, le jeune homme aux yeux verts reçut une assiette sur la tête au niveau de la tempe gauche.
Sous l'effet de la force centrifuge, le corps du jeune homme aux yeux verts s'inclina vers la droite, frôlant la perte d'équilibre avant qu'il ne se rattrape avec sa main droite. Ses yeux reflétaient un mélange de choc et de colère intense lorsqu'il tourna la tête vers la gauche pour identifier le lanceur du projectile. Il remarqua alors un jeune homme aux yeux bleus et aux cheveux noirs, figé dans une posture qui suggérait qu'il venait de lancer quelque chose horizontalement.
"Ouah, c'est dingue ! Ça se lance vraiment comme des frisbees, ces trucs !" s'exclama Azura de façon très voyante, ses yeux pétillants d'amusement.
Au même moment, à environ une centaine de mètres de là, deux silhouettes observaient la scène depuis l'ombre des bâtiments et d'autres structures environnantes, leurs yeux rivés sur ce qui se déroulait dans ce restaurant.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro