Chapitre 12 : Gloire au Nouveau Sauveur
Elouan, ce nom sonnait si étrange ! Je n'arrivais pas à me reconnaître dedans et pourtant il semblait si doux, je l'appréciais mais voulais le rejeter. Je l'affectionnais déjà or il brisait ma vraie identité.
Si je l'acceptais, chose que je serais obligé de faire tôt ou tard, Alex mourrait définitivement. Peut être que c'était ce que le sauveur recherchait au final, effacer Alex l'esclave et faire de moi un autre.
Cependant je n'étais pas certain d'être capable de changer et oublier mon passé. Il me hanterait quoi que je fasse.
"Alors, fais ce que je te demande !" ordonna le sauveur dans ma tête.
Je sursautai et m'empressai d'exécuter ce qu'il désirait. Je quittai le lit, grimaçant simplement quand je sentis la peau de mon dos se tendre et le sang perler, quittant ma récente cicatrice.
Je grognai mais continuai. Mon maître m'avait donné un ordre, je me devais de l'exécuter. Je tendis une main vers le bout du lit, saisis une tunique brune à manche longue que je m'empressai d'enfiler.
À nouveau, la douleur irradia dans tout mon corps lorsque je dus lever les bras pour passer le vêtement. J'encaissai sans broncher et saisis un pantalon en toile brune que je me dépêchai de passer.
Ne restait plus qu'une longue cape oscillant entre noir, gris et brun foncé, dont les coutures vertes ressortaient. La même que celle du sauveur mais à l'inverse, la sienne, verte était cousue en gris, noir ou brun.
Je ne pus que sourire face à cette constatation. J'attrapai le tissu souple entre mes doigts et fus fasciné par sa douceur, son élégance et d'un autre côté, sa simplicité. Je la déposai sur mes épaules et relevai la tête.
Que je devais avoir fière allure ! Je me retrouvais habillé de la tête au pied pour la première fois depuis dix ans. Un pagne avait été jugé suffisant jusqu'à présent. Je vérifiai d'un coup d'œil que la cape recouvrait ma tunique et surtout mes bras.
Ma marque d'esclave étant dissimulé, j'inspirai et me décidai à sortir. Je posai un pied à l'extérieur et fus aussitôt surpris par les centaines de paires d'yeux qui me fixèrent.
Le Sauveur passait parmi les rangs de soldats et leur hurlait de dégager le passage, d'aller attendre plus loin.
Il finit par obtenir gain de cause et les derniers curieux disparurent derrière la tente.
Je me tournai vers mon nouveau maître.
-Que faisaient-ils ici ? m'enquis-je ébahi par le nombre de personnes rassemblées devant la tente médicale.
-Ils voulaient t'apercevoir avant ton discours. Nous avons encore quelques choses à régler avant de te livrer au public.
Je hochai la tête et il m'invita d'un signe de la main à le rejoindre. Quand j'arrivai à sa hauteur, il fronça les sourcils et réajusta la cape sur mes épaules. Il repoussa une de mes mèches brunes vers l'arrière et me jaugea du regard.
Ses yeux minutieux me détaillèrent de la tête au pied, vérifiant chaque détail, analysant chaque partie de mon corps. Il finit par s'arrêter sur mes pieds nus.
-Hors de question que tu fasses ta première apparition sans être chaussé ! s'écria-t-il.
-Mes sandales ne se trouvaient pas au pied du lit maître, me justifiai-je.
-Tes sandales t'auraient trahi, dans tous les cas. Prends ça.
Dès la fin de sa phrase, il claqua des doigts et tendit deux bottes noires, cirée, fermées par des lacets serrés. Je clignai des yeux plusieurs fois et balbutiai un merci.
Je les mis à mes pieds, constatant par leur contact que je ne rêvais pas.
-Bon, ils vont scruter tous tes gestes, ne laisseront rien passer. Ils voudront savoir tout sur toi et plus que tout, ils voudront voir en toi une personne forte, charismatique, qui saura leur imposer les bonnes décisions. Ils veulent sentir une puissance émaner de "Celui qui a mit fin à la guerre". Tâche d'avoir l'air sûr de toi.
-Maître... Je n'ai pas la prestance nécessaire. Les chefs sont bien plus imposants, plus...
Il m'attrapa le bras et me força à le regarder dans les yeux.
-L'image des sauveurs suffira à te faire monter dans leur estime, de plus quelque chose émane de toi, ça suffira. Maintenant avance, rejoins les.
Il me poussa en avant, je fis quelques pas mal assurés et me retournai vers lui.
-Avance, ils sont rassemblés sur le champ de bataille, tu parleras depuis la butte qu'ils empruntaient pour se battre.
-Vous... vous ne venez pas avec moi ?
-Si, mais marche devant, j'ai une dernière chose à vérifier.
Je ne compris pas sa requête mais obéis. Je commençai à marcher sur le chemin indiqué.
-Plus haute la tête ! hurla le sauveur.
Je redressai le menton de mon mieux.
-Plus décidés les pas !
J'allongeai ma foulée, tentant de prendre plus d'assurance.
-Moins courbé le dos !
Je tentai de relever les épaules, mais un couinement de douleur s'échappa de mes lèvres. Mon dos refusait, la cicatrice s'ouvrait, protestait. J'abandonnai et mon dos se plia par habitude.
-Ton dos Elouan, la posture est importante ! Tu dois te débarrasser de cette démarche d'esclave.
Je serrai les dents et me redressai. Je tournai légèrement la tête vers lui et je le vis étaler sur ses lèvres un sourire crispé. Il hocha faiblement la tête, voulant me faire croire que je l'avais convaincu.
Enfin, j'entendis un brouhaha envahir l'espace, des cris, des applaudissement, chaque son semblait amplifié par mon appréhension. Je n'avais plus que quelques pas à faire avant de me trouver debout devant eux. Pour le moment, j'étais dissimulé par une végétation ayant survécu ici : quelques buissons et deux arbres.
Mon maître me rattrapa de sa démarche souple et si élégante que je lui enviais. Il posa une main sur mon épaule.
-Tu vas y arriver, file maintenant, ne les laisse pas s'impatienter. Les nobles seront vers la droite, fais attention à bien répondre à leurs questions. Ignore celles des esclaves qui seront au fond.
-Les ignorer ? Mais pourquoi ?
Il soupira :
-Pour faire bonne impression auprès des riches.
-Si ce que vous voulez est l'approbation du peuple, les pauvres sont plus nombreux... répliquai-je
-Tu as raison, néanmoins ici tu feras ta première apparition et ce, dans un endroit où tu as le plus de chance d'être reconnu par un esclave ou un pauvre. Seuls les riches n'ont pas pu faire attention à un simple esclave. Tu dois éviter les questions des pauvres à tout prix ! Tu essayeras de gagner l'amour du peuple lors de tes discours suivants.
Je ne pus que plier face à son raisonnement logique.
-Allez, viens, ordonna-t-il ensuite.
Il quitta le couvert des arbres et je le suivis, tentant d'avoir le même air assuré que lui.
Les hurlements prirent de plus belle, les mains frappaient dans un tonnerre d'applaudissements effrayant. J'avalai bruyamment ma salive en constatant le nombre de personnes présentes ici.
Plusieurs centaines de soldats, esclaves, riches, fées, elfes, Okitiens, humains se tenaient debout devant nous, acclamant notre apparition avec ferveur. S'ils savaient qu'encore ce matin ils m'auraient méprisé en voyant mon bras !
Je ne pus m'empêcher de sourire devant l'ironie de la situation. Comme si le mouvement de mes lèvres avait été remarqué, des sifflements ravis arrivèrent à mes oreilles.
Je cherchai l'origine d'un tel engouement et remarquai un groupe de fées se trouvant vers l'avant commencer à glousser.
Gêné, je me tordis les mains dans le dos.
"Arrête !" intima le sauveur dans ma tête.
Je hochai discrètement la tête et ramenai mes bras le long du corps.
-Silence ! cria alors mon maître.
Sa voix seule suffit à couvrir le vacarme. Aussitôt, tous les bruits cessèrent. Il ne restait plus qu'un petit murmure indistinct qui ne dura plus longtemps et enfin le silence emplit l'espace.
Je fus sidéré par la portée des paroles du sauveur, obéi au doigt et à l'œil. Jamais je n'aurais une telle prestance, une si grande assurance.
-Voici Elouan, mon nouvel apprenti, commença le sauveur. C'est lui qui a tué les gobelins hier et qui bientôt, vous débarrassera des baghros. Aujourd'hui, il se tient devant vous, dans quelques temps, il se battra à vos côtés. J'ai l'honneur de vous présenter, le nouveau Sauveur !
Tous les peuples présents inclinèrent la tête, frappèrent deux fois leur cœur de leur poing gauche fermé, le levèrent vers le ciel et hurlèrent en chœur :
-Gloire au nouveau Sauveur!
-Gloire au nouveau Sauveur, répéta mon maître avant d'effectuer le même mouvement.
Ce fut magnifique. Le calme, brisé par le bruit de leur main frappant leur poitrine. Leur respect, leur amour. J'avais du mal à y croire, restais figé devant la beauté du spectacle qui s'était déroulé sous mes yeux.
-À présent, je lui laisse la parole, annonça le sauveur noir.
Il n'avait pas osé ! Tous les regards se plantèrent sur moi, me scrutèrent attendant avec hâte que je prononce un mot.
"Je vous salue, peuples d'Okitio, répète."
J'ouvris la bouche et commençai, rassuré que mon maître me souffle ce qu'il fallait dire :
-Je vous salue, peuples d'Okitio.
Ils effectuèrent le même geste avec leur poing.
-Nous vous saluons, notre sauveur.
"Je suis ici devant vous afin de vous écouter mais avant tout me présenter. Je suis Elouan, je viens de la terre, cependant je porte Okitio dans mon cœur. C'est un si beau continent !"
Ainsi se déroula mon discours, le texte m'était soufflé, je me contentais de répéter.
" Vous avez tous été vaillants durant les combats. Je reconnais votre bravoure à tous et souhaiterais vous féliciter particulièrement, vous les fees, sans qui les blessés seraient morts aujourd'hui. Vous allez pouvoir rentrer chez vous à présent pour un repos mérité. Retrouvez vos femmes et vos enfants, vos terres et votre sourire.
Mais soyez prêts à reprendre les armes. Cela pourra vous sembler douloureux de repartir, certes. Mais vous avez le devoir de vous battre ! Et je serais debout près de vous, nous vaincrons ensemble, je vous le promets. "
Cela me déchira le cœur de leur promettre la victoire. Seulement c'était nécessaire.
Je me tus lorsque les paroles ne vinrent plus dans ma tête. Aussitôt, je fus applaudit et des mains finirent par se lever.
Je vis du coin de l'œil que les esclaves étaient nombreux à vouloir me poser des questions. Sûrement voyaient-ils comme moi avant l'occasion de vivre une vie meilleure, je supposais qu'ils espéraient un dirigeant juste envers eux.
"Ignore les Elouan, c'est un ordre !"
Je me resignais et tournai la tête vers les plus nobles. Je répérai sans difficulté mon ancien maître, le visage fermé. Il me fixa. Je n'étais pas dupe, il n'approuvait pas du tout. Je changeai de cible et posai mes yeux sur un homme de haute taille vêtu d'une tunique pourpre.
Je l'invitai d'un signe de la main à prendre la parole.
-Contre qui devrons nous reprendre les armes ? demanda-t-il.
-Les baghros.
Une panique générale parcouru les rangées et je dus attendre qu'elle se calme pour venir à la deuxième question.
-Contre les baghros ? Mais ils ne sont plus venus ici depuis plusieurs centaines d'années !
-Ils seront bientôt de retour, c'est pourquoi les dieux m'ont choisi, répliquai-je.
Je ne pus m'empêcher de jeter un coup d'œil à sire Jildis. Il savait que je mentais mais garda le silence.
-Pourquoi n'êtes vous pas venus à notre secours plus tôt ?
J'hésitai. Je ne savais pas quoi répondre, à vrai dire je me posais la même question par rapport au sauveur noir.
-Il fallait que je sois formé avant, affirmai-je finalement.
À mon plus grand malheur, tandis que la plupart des personnes approuvaient cette réponse, une voix ne provenant pas des nobles surgit.
-Tu mens.
Deux mots furent lâchés et ils suffirent à faire taire tout le monde. Je pensai immédiatement à sire Jildis mais il secoua la tête me signifiant que ce n'était pas lui.
Je me tournai vers le sauveur qui paraissait ne pas être ici. Il semblait plongé dans ses réflexions.
Au bout d'un moment qui me paru interminable, durant lequel on aurait pu entendre une mouche voler, mon maître m'annonça.
"C'est lui "
Avant d'envoyer dans ma tête l'image d'un homme.
Je ne mis pas plus de deux secondes à le reconnaître. Il avait osé ! Je le répérai dans la foule.
Il attendait ma réponse, bras croisés, me toisant d'un air mauvais.
-Pourquoi mentirai-je ?
-Pour te faire passer pour un sauveur... Mais tu n'es qu'un esclave !
Le public retint son souffle en même temps que moi. Mon cœur paniqua, sautant à un rythme fou dans ma poitrine.
Mon maître décida d'intervenir.
-S'il n'était qu'un esclave, je ne le formerais pas ! Vous savez tous très bien que mes apprentis viennent de la terre.
Je dirigeai timidement mon regard vers celui qui me défiait.
-Tu mens aussi alors, lâcha-t-il en haussant les épaules.
Un Okitien demanda:
-Peux-tu prouver ce que tu avances dans ce cas ?
-Hier matin avant les combats, cet esclave, commença-t-il en appuyant sur le dernier mot, m'a foncé dedans. Il est resté impuni car son maître avait besoin de lui, mais il devait me le prêter après les combats.
-Qui est son maître pour confirmer tes dires dans ce cas ? s'écria un elfe.
Avec un sourire sadique, le soldat cria :
-Sire Jildis.
Tous les regards convergèrent vers les nobles, qui eux-mêmes se tournaient vers le concerné. J'arrêtai de respirer, suspendu aux lèvres de mon ancien maître.
-Il dit vrai.
Non ! Mon cœur cessa de battre. Le noble n'avait rien dit de plus, mais à ces trois mots, la panique avait gagné les personnes présentes.
-Usurpateur ! Usurpateur ! Usurpateur ! scanda la foule.
Paniqué, je me tournai vers le sauveur qui serrait les poings à s'en faire blanchir les jointures. Sa mâchoire carrée se contractait et ses sourcils, froncés, accentuaient son air énervé.
-Silence ! hurla-t-il.
Son air furieux obligea tout le monde à se taire.
-Il a l'approbation des dieux alors avant de promettre qu'il ment, de dire qu'il était un esclave et de lancer des accusations odieuses envers lui faites attention. N'offensez pas les dieux !
Son pari était osé. Il impliquait les divinités de ce monde à ses manigances, il s'exposait à leur fureur, leurs représailles.
Mais visiblement ça marchait. Les murmures s'étaient tus, ils réfléchissaient tous, même le soldat m'ayant reconnu en tant qu'esclave.
-Les dieux nous ont abandonné de toute façon, je les offense si bon me semble ! finit par protester sire Jildis.
Je secouai la tête désespéré.
-Les dieux ne... commença le sauveur.
Mais il fut interrompu par un cri strident. Je levai la tête et cru rêver lorsque je le vis.
Il nous surplombait, immense, battant de ses ailes gigantesques et recouvrant la foule de son ombre. Des cris s'échappaient de son bec entrouvert sous les exclamations émerveillées des peuples d'Okitio.
Les genoux se posèrent au sol, même les plus respectés se prosternaient. Je fis de même, ébloui par dans de magnificence.
Notre dieu ! L'Aigle Sage !
Il tournoya autour de la foule puis plongea vers le sol, vers moi plus précisément.
Ses serres se posèrent sur la terre juste devant moi. Je me relevai, hypnotisé et avançai vers lui.
Je posai une main hésitante sur son plumage et attendis une réaction. Il inclina la tête et mon maître m'apprit que c'était une invitation à continuer.
Je posai une deuxième main, puis me soulevai jusqu'à m'asseoir sur son dos. Il décolla sans attendre.
Il s'élança dans les airs avec des battements d'ailes puissants. Le vent siffla à mes oreilles et un sentiment de fierté m'envahit.
À dos d'Aigle Sage j'étais à présent prêt à tout. Tout pour sauver Okitio.
********
Hey!
Un nouveau chapitre que j'étais impatiente de présenter. Non pas parce que je le trouve mieux que les autres, mais parce qu'après ça mon intrigue sera lancée pour de bon !
Elouan va pouvoir commencer sa formation et enfin, une vraie menace va planer sur Okitio :) (puis je ne veux pas vous spoiler mais on va retrouver la fille du prologue hehe)
Lechouilles affectueuses d'un suricate sadiabolique ! 😘
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