Révélation
« Bien, très bien, Tooru. Voilà où tes brillantes idées te mènent » se disputait mentalement Oikawa. Comme s'il n'allait pas suffisamment se faire disputer comme ça.
En l'occurrence, ses idées l'avaient mené derrière le gymnase de Karasuno, coincé entre le capitaine énervé et M. « rafraîchissant » qui était, pour le coup, plutôt bouillant. C'était la deuxième fois en deux jours que ce genre de lapsus sur Tobio lui échappait, et il commençait à se demander si son inconscient n'essayait pas de lui faire passer un message –mais non, sans doute que non.
-Ecoute, Oikawa, disait Daichi visiblement très agité. Nous savons bien qu'on ne peut pas empêcher deux êtres qui s'aiment d'être ensemble.
-Cependant, reprit Suga, il a certaines précautions à prendre. Kageyama n'a que quinze ans, et tu en as déjà dix-huit. Alors veille bien à ce qu'il reste consentant à tout ce que tu lui fais-
-Je ne-, commença Oikawa en levant une main.
-NON, pas de détails ! s'exclama Suga, paniqué. Je ne veux pas savoir !
-Plus important, poursuivit Daichi en se raclant bruyamment la gorge. J'espère que ce n'est pas un jeu, un défi, ou quoi que ce soit qui fasse que tu n'es pas sincère avec Kageyama...
-Parce que si tu lui fais du mal..., commença Suga.
-Les corbeaux sont très rancuniers, sourit Daichi, et Oikawa n'avait jamais vu un sourire être aussi menaçant.
Oikawa était avant tout quelqu'un de très diplomatique, de « pas fou », comme on dirait, et qui n'avait aucune envie de laisser son beau visage se faire déchiqueter par une bande de corbeaux. Alors il leva les mains en signe d'innocence et présenta son sourire le plus angélique :
-Je suis toujours sincère !
-Bien, bien, dit le capitaine. Dans ce cas-là, quelques questions de procédure ne devraient pas te déranger ?
Le sourire d'Oikawa disparut quelque peu.
-Bien sûr que non, répondit-il prudemment.
Daichi fit un sourire appréciateur qui ne fit que renforcer l'appréhension d'Oikawa.
-Alors. Sache que Karasuno n'a pas encore reconnu officiellement que tu sortais avec Kageyama. Il faut d'abord en passer par là pour vérifier que tu es bien digne de notre cadet.
-C'est lui qui doit être digne de moi ! protesta Oikawa. Et je ne-
-C'est le passage rituel, trancha Daichi.
-Enfin, c'était prévu pour tous les copains et copines de nos coéquipiers, mais, eh..., soupira Suga. Nos joueurs sont des célibataires endurcis.
-Ensuite, nous allons délibérer pour savoir si tu peux sortir avec notre coéquipier.
-C'est une secte, votre truc !
Daichi fronça les sourcils, l'air nettement moins réjoui:
-Tu préfères que ce soient Nishinoya et Tanaka qui s'en chargent ?
-Je suis prêt pour la première question ! réagit Oikawa du tac au tac.
-De tous les joueurs de volley lycéens, qui Kageyama admire-t-il le plus ?
-Tic, tac, tic, tac, commença Suga.
-Faciiiile ! s'exclama Oikawa. Il n'y a qu'une seule réponse possible ; le grand, l'unique –que dis-je, le magnifique !- Oikawa Tooru !
Il attendit un instant d'atroce silence.
-Moi, en fait, explicita-t-il donc.
Daichi haussa les épaules :
-Ce n'est pas Miya ?
-Ou Ushijima, non ? proposa Suga. Kageyama en parlait ces derniers temps.
A ces deux noms, Oikawa eut envie de frapper quelqu'un. Toutes les visions qui l'avaient hanté depuis quelques semaines lui revinrent en mémoire ; il se souvint de la possessivité insensée qui s'emparait de lui quand d'autres s'intéressaient à Tobio ; ainsi que du sentiment absurde de se sentir oublié, abandonné, par un cadet ingrat.
Cela se trahit amplement sur son visage, car Suga commenta :
-Regarde, Daichi, je crois qu'il est un peu jaloux.
-Un peu ? répondit Daichi en penchant la tête pour examiner la physiologie d'Oikawa. Carrément, même.
-Ushiwaka, et Miya, ne sont rien à côté de moi, articula Oikawa. J'ai entendu, de mes oreilles, Tobio dire, de sa bouche, que j'étais celui qu'il admirait le plus.
Et ceci dit, il eut l'impression précise d'être aussi rouge que la chevelure de Tendou. L'expression de Daichi, cependant, se relaxa, et il ébaucha même un sourire (qui, cette fois, ne donnait pas envie de prendre ses jambes à son cou).
-Bien, bien. On voit que tu tiens à lui, tu es possessif. C'est un bon point, je te l'accorde.
Oikawa avait envie de protester, la mascarade avait assez duré. Mais alors Suga reprit la parole avec tellement de douceur et de gentillesse dans le regard qu'il resta sidéré de la métamorphose –l'espèce de génitrice hystérique avait laissé place à la maman gâteau.
-Je crois qu'il est sincère, Daichi. C'était évident depuis le début, finalement.
-Je pense qu'on peut appliquer la phase la plus simple et révélatrice de la procédure, déclara le capitaine. Viens par ici.
Oikawa était justement en train de penser, « En quoi est-il évident que j'ai des sentiments pour Tobio ? ». Puis, il réalisa qu'il venait de répondre à sa propre question.
-Regarde, là, disait Daichi. Mets-toi à cette fenêtre.
Oikawa, incapable de penser, obéit. Ses yeux informèrent son cerveau éteint qu'il s'agissait du gymnase, où Karasuno, malgré les absences du capitaine et du vice-capitaine, s'entraînait encore.
-Tu vois Kageyama ?
Oikawa le repéra. Comment ne pas le remarquer ? Il était debout, près du filet ; short noir, T-shirt blanc. Son visage était tourné de trois quarts vers Oikawa, qu'il ne voyait pas ; sûrement cherchait-il du regard un de ses coéquipiers, ou alors était-il plongé dans des pensées profondes [il en donnait l'apparence. En réalité, il pensait à ce qu'il allait manger].
Et Tooru eut l'impression de voir quelque chose qu'il avait sous les yeux depuis longtemps, sans en avoir compris la réelle valeur, sans l'avoir vu grandir ; depuis les yeux bleus époustouflants jusqu'à la silhouette finement musclée. Et ce fut à ce moment précis que, dans la vision d'Oikawa (filtrée d'un cœur rose, d'une musique au piano et de paillettes), Tobio-chan remonta son T-shirt pour essuyer son visage en sueur, révélant au passage ses abdos et une capacité jusque là insoupçonnée à être sexy.
-Il rougit, murmura Suga.
-Il tremble, chuchota Daichi.
-J'entends son cœur qui bat d'ici.
-On devrait peut-être appeler une ambulance.
-Non, dit Daichi. Il a juste réussi le test.
Avec un mystérieux sourire, il ajouta :
-Il est amoureux.
-Il est amoureux ! répéta Suga.
-Je suis amoureux, murmura Oikawa, dont l'expression tenait à la fois de la joie la plus grande et du désespoir le plus total.
Il était toujours figé dans sa réalisation, et remarqua à peine Daichi qui saisissait sa main et la secouait vigoureusement, tout sourire :
-Bienvenue dans la grande famille de Karasuno, Oikawa !
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