Les pros de la drague
-Tobio-chan, je suis le volley et tu es le ballon. Sans toi, je n'existe pas.
Oikawa fit un adorable sourire, les yeux allumés d'espoir.
-Non, non, déclara Hinata. Ça ne va pas du tout.
-Pourquoi ?
-Tu n'es pas le volley ! s'écria Hinata en agitant les bras et en faisant les gros yeux. Le volley, c'est cool !
Ils étaient assis à leur table habituelle, chez Sakanoshita, chacun devant une crème glacée, pour ne pas changer les bonnes habitudes et reprendre les calories qu'ils avaient perdues à l'entraînement. Oikawa essayait de chercher comment faire comprendre à Tobio ses sentiments, dans un langage que Kageyama pouvait comprendre –le volley.
-Tu as une meilleure idée, peut-être ? répliqua Oikawa, piqué au vif.
-Tu l'attrapes par le bras et tu lui dis que tu l'aimes !
Oikawa crissa des dents à entendre cette vérité si crument énoncée.
-Et puis, tu l'embrasses, conclut Hinata, visiblement très influencé par ce qu'il voyait à la télé.
-Bien, c'est une bonne idée, commenta Oikawa, avant d'achever : si on était à Hollywood. Maintenant, dans la vie réelle ?
-Ah ? Ah, je ne sais pas.
Oikawa soupira ; définitivement pas l'idée du siècle. A défaut de stratégie, peut-être pouvait-il toujours glaner quelques informations ?
-Tu crois que Tobio m'aime ? demanda-t-il rêveusement, le menton dans la paume de la main et le regard perdu dans le lointain.
Hinata releva vers lui son visage barbouillé de crème glacée avec des yeux ronds.
-Che chais pas, répondit-il, les joues arrondies.
C'est à ce moment que le vendeur-coach, jusque là discret, se mit à tousser ostensiblement.
-Qu'est-che que vous en penchez, coach ? lui demanda Hinata en se retournant sur sa chaise.
Ukai n'attendait apparemment que l'occasion de quitter le comptoir, car il tira aussitôt une chaise pour s'asseoir avec eux, et sortit de son tablier une ardoise qu'il posa sur la table.
-On va parler stratégie, déclara-t-il avec sérieux, brandissant son feutre Velléda.
Il fit un rond sur l'ardoise et déclara :
-Voilà la cible. C'est Kageyama.
-Je le voyais plutôt comme un carré, commenta Hinata.
-Ou un cœur ? ajouta Oikawa en battant des cils.
-Un cercle, trancha le coach.
Hinata le regardait avec fascination, découvrant Ukai sous un jour encore inconnu.
-Coach, vous draguez souvent ? demanda-t-il béat.
-Non, mais la séduction, c'est comme le volley !
Et Oikawa, ne pouvant se retenir du jeu de mots, susurra :
-Oh, dites-moi qu'on va jouer en passeur pénétrant !
Ce qui créa. Un. Blanc. Enorme.
-On va plutôt essayer de vous mettre sur le même terrain, toussota Ukai pour y couper court.
Dans le toussotement, Oikawa crut entendre « contrôle tes hormones », mais ne fut pas sûr. Même s'il fallait avouer que ce n'était pas le bruit habituel d'un toussotement.
Ukai, visiblement impatient de montrer ses stratégies, fit une flèche à partir du cercle.
-Bien, première chose ; que sait-on sur Kageyama ?
-Il est « graaah » ! s'écria Hinata en mimant un prédateur.
Ukai écrivit donc « graaah » au bout de la flèche et hocha la tête d'un air satisfait.
-Attendez, vous êtes sûrs que ça va m'aider à le draguer ? demanda Oikawa un peu perplexe. Est-ce qu'on ne devrait pas essayer de chercher comment je pourrais le revoir, par exemple le week-end prochain ?
-Ah, ça va être compliqué ! s'écria soudain Ukai en se frappant la tête. J'avais oublié, c'est ce week-end-là que les équipes de Tokyo viennent ici !
-Oui ! s'écria Hinata.
Oikawa resta de marbre, totalement indifférent à cette nouvelle ; il ne connaissait pas les équipes de Tokyo, et tout ce qu'il voyait là, c'était que c'était un week-end de perdu. Hinata, ne le voyant apparemment pas transcendé par la nouvelle, essaya de lui faire comprendre :
-Les chats ! Les hiboux !
-C'est un zoo ? interrogea Oikawa. Pour en revenir à un autre animal, comment est-ce que je drague Tobio, moi ?
-Ah, oui, reprit Ukai. Eh bien, en une semaine, je pense que plusieurs angles d'attaque sont envisageables.
-Je pourrais simplement l'inviter à manger un truc, fit remarquer Oikawa, qui se demandait si le plus expert dans le domaine n'était pas lui-même.
Ukai et Hinata le regardèrent comme s'il était un nouveau prophète descendu du ciel.
-C'est pas bête du tout, ça !
-Et est-ce que vous savez si Tobio s'intéresse à... autre chose qu'au volley ?
Minute de silence, puis dénégation collective.
-Bon, soupira Oikawa. Je suppose que je vais le découvrir par moi-même. Vous croyez qu'il est libre demain soir après l'entraînement ? Qu'est-ce qu'il aime manger ?
-Tout ce qui se mange, répondit Hinata en haussant les épaules.
-Même moi ?
-Ce qui se mange, j'ai dit, répéta Hinata.
-Sinon oui, il est libre demain après l'entraînement, interrompit Ukai, avec un nouveau toussotement évocateur. Tu n'as qu'à venir devant le lycée, on lui dira d'aller te rejoindre.
Et s'il se sauve ? pensa Oikawa. Mais non, Tobio n'avait aucune raison de le fuir, n'est-ce pas ?
Il rentra donc chez lui heureux d'avoir des projets, et peut-être un peu stressé pour le lendemain –mais non, Oikawa Tooru n'était jamais stressé, et, alors là, encore moins d'avoir un rencard avec son meilleur rival. Dire qu'il passa la soirée devant son armoire à préparer ses vêtements du lendemain était tout à fait faux ; dire qu'il essaya d'imaginer tous les compliments liés au volley possibles était faux ; et dire qu'il s'endormit en pensant à un certain passeur adverse était le comble de l'absurde.
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