Déclaration
Oikawa sentait son cœur tambouriner contre sa poitrine lorsqu'il sortit du gymnase, entraînant Tobio derrière lui. Ils enjambèrent le corps inanimé de Hinata, qui, semblait-il, s'était endormi contre son mur. La salle de club était restée ouverte, se souvint Oikawa ; c'était là qu'ils avaient joué, et Suga n'avait pas verrouillé derrière eux.
Une fois à l'intérieur, il lâcha enfin Tobio, qui se plaça au centre de la pièce et le regarda avec curiosité. Oikawa se plaça face à lui, ne sachant pas par où commencer. En général, c'était lui qui recevait les déclarations ; aussi avait-il assez peu l'habitude d'en faire.
-Tobio-chan, écoute. Jusqu'à récemment, je te voyais encore comme le petit collégien qui me poursuivait partout en me harcelant pour apprendre mon service.
-Mais maintenant, tu vas me l'apprendre, alors je n'aurai plus besoin de te demander, dit Tobio –et le cœur d'Oikawa s'arrêta : il souriait légèrement, tout content d'avoir obtenu gain de cause après plusieurs années d'obstination.
-Tu restes mon petit cadet, adorable et adoré –mais j'anticipe. Tu as grandi.
Kageyama haussa les sourcils, visiblement peu impressionné.
-Oui ?
-Tu es devenu un beau jeune homme maintenant, bientôt aussi beau que moi. Enfin, pas encore, mais vu la vitesse à laquelle tu progresses, il n'est pas exclu que je perde contre toi un jour... –attends, j'ai déjà dit ça dans un autre contexte... Mais ne te rappelons pas de mauvais souvenirs. Ce que je veux dire, c'est que tu es plutôt bien foutu.
-Euh, merci.
-Mais il y a plus que ça, ce n'est pas que physique. Ce n'est pas qu'une question de corps –de cœurs aussi, tu vois où je veux en venir ?
-Non.
Oikawa soupira tragiquement.
-Tobio. Malgré toutes mes qualités, je reconnais ne pas avoir été super cool avec toi au collège. Mais depuis cette année, les choses ont changé. Je te donne des conseils, je vais voir tes matchs- mais ça va plus loin que le volley.
-Plus loin que le volley ? s'étonna Kageyama, qui semblait ne pas concevoir une dimension dénuée de volley-ball.
Oikawa hocha lentement la tête, se sentant de plus en plus près de la confession. Mais Tobio semblait quelque peu imperméable aux sentiments, et il commençait à appréhender le moment où il devrait expliciter tout ce qu'il avait envie de lui faire. Peut-être que finalement, la méthode de Hinata « tu le prends par le bras et tu l'embrasse » était la plus judicieuse.
Alors, il s'avança vers Tobio et posa une main sur sa joue.
-Tobio-chan, ce que j'essaie de te dire...
Il perdit un peu ses mots devant le visage de Tobio ; ses grands yeux bleus rivés sur lui, dans l'attente de ce qu'il allait dire ; ses lèvres entrouvertes, qui laissaient entrevoir la blancheur de ses dents ; ses joues encore un peu colorées par l'alcool. Tout cela formait un tableau des plus attendrissants.
Oikawa se pencha, se pencha encore, se pencha plus près, jusqu'à être à quelque centimètres à peine du visage de Tobio. Je vais lui dire que je l'aime, se dit-il. Il ouvrit la bouche...
Quand la porte s'ouvrit dans un grand fracas, laissant entrer Hinata (miraculeusement rétabli), Bokuto et Kuroo qui poussaient de grands cris, et Tsukishima avec sa caméra. Mention spéciale à Lev, qui accompagnait sans savoir dans quoi il s'embarquait, et Akaashi, l'expression consternée, qui suivait.
-NON ! hurla Oikawa en se reculant. NON MAIS NON ! LES GARS, VOUS FOUTEZ QUOI ?
-On se demandait si vous bai-, commença Kuroo, interrompu par Bokuto :
-HEY HEY HEY ! ALORS ALORS ?
-Ça y est ? criait Hinata. VOUS VOUS ÊTES EMBRASSÉS ???
Tsukishima filmait tout avec un rictus narquois.
-N-non, balbutia Tobio, qui s'éloigna d'Oikawa, les mains levées.
Tooru était au désespoir. C'était la deuxième fois, et à chaque fois, ce groupe d'imbéciles venait casser leur ambiance. Et maintenant, impossible de recommencer à se déclarer, tout était foutu. Les poings fermés, les dents serrées, les larmes aux yeux, il voulut leur crier sa colère, mais les mots s'étranglèrent dans sa gorge, et il quitta la pièce, bousculant au passage Lev et Hinata qui se trouvaient sur sa route. Lev vacilla à peine, Hinata s'envola littéralement.
Il rentra dans la salle, furieux. Il avisa la passerelle, qui courait contre un mur du gymnase, et escalada rapidement l'échelle qui y menait pour s'isoler là-haut. Sortant son téléphone, il envisagea d'appeler Iwaizumi, mais il était trop tard, et son meilleur ami était sûrement en train de dormir.
En bas, la musique diminua progressivement, puis s'arrêta. De son perchoir, boudeur, Oikawa voyait les joueurs s'activer à sortir des sacs de couchage, et les étaler sur le sol en plusieurs rangs pour se préparer à la nuit. Au bout d'un moment, le groupe des perturbateurs réapparut –et Tobio, au milieu, l'air plutôt paumé.
Ce fut Suga qui, le premier, repéra Oikawa et monta jusqu'à lui, alors que les équipes de Nekoma et Fukurodani se changeaient pour la nuit.
-Je t'ai mis un sac de couchage dans le coin de Karasuno, l'informa gentiment le passeur. Qu'est-ce que tu fais là ?
En quelques mots, Tooru lui narra comment sa déclaration avait été gâchée. Suga secoua la tête, l'air un peu attristé.
-Ils sont idiots mais gentils, murmura-t-il. Enfin. Tu peux nous rejoindre quand tu veux, ce sera bientôt l'extinction des feux.
-Merci, Suga-chan, marmonna Oikawa.
Il se sentait fatigué et déçu ; il ramena ses genoux contre sa poitrine et les entoura de ses bras, puis posa sa tête par-dessus, se demandant vaguement si quelqu'un le remarquerait s'il s'endormait là tout seul. Il écouta vaguement les voix se calmer, et même Bokuto sembla réussir à parler sans crier ; Daichi annonça l'extinction des feux dans cinq minutes.
-Ah... Oikawa-san ? lança alors une voix timide.
Oikawa sursauta et ouvrit les yeux : la tête de Tobio dépassait, en haut de l'échelle, et bientôt il le rejoignit sur la passerelle, et s'assit à côté de lui.
-Tu ne vas pas dormir, Tobio-chan ? demanda Oikawa.
Il laissa sa tête retomber sur ses genoux. De toute façon, tout était fichu, maintenant. Ce n'était plus le moment de relancer le sujet. Il s'était grillé tout seul, et avait manqué toutes les occasions qui s'étaient présentées à lui.
-Je t'ai cherché, lui indiqua Tobio sur un ton de reproche. J'ai dû demander à Sugawara où tu étais.
-Eh bien je suis là.
Kageyama soupira et passa une main derrière sa tête d'un air embarrassé.
-Je suis vraiment désolé, dit-il enfin. Pour les autres, tu sais...
-Arrête de t'excuser, Tobio. Ce n'est pas de ta faute.
Oikawa fit une espèce de sourire un peu triste :
-C'est de la mienne, je n'aurais pas dû te parler de sentiments. Tu ne devais pas être prêt à ça.
-Bien sûr que si, je suis prêt, rétorqua Tobio avec une moue fâchée.
Tooru releva la tête avec un léger intérêt, mais désabusé. Toutes les fois où Kageyama n'avait pas compris ses allusions lui revinrent en mémoire.
-Toi, des sentiments, Tobio-chan ? Pour le volley-ball, certes, mais encore ?
Kageyama croisa les bras et gonfla les joues, l'air un peu vexé.
-Pas que pour le volley, grommela-t-il en fixant Oikawa de ses yeux plissés.
Oikawa haussa simplement les sourcils pour l'inviter à poursuivre.
-J'en ai, déclara Kageyama, pour le grand...
Un sourire se dessina sur les lèvres d'Oikawa.
-L'unique.
-Oh, Tobio.
-Le magnifique.
-Tu vas me faire rougir, idiot.
-Et mon senpai, acheva Kageyama. Oikawa-san.
Le concerné souriait avec bonheur. Il pivota pour faire face à son cadet, et commença à se rapprocher de lui –cette fois, rien ne l'empêcherait d'aller jusqu'au bout !
Enfin, c'était sans compter sur Hinata, debout en bas de l'échelle.
-Eh ! Regardez, ils s'-
Suga surgit de nulle part, lui posa une main sur la bouche et le traîna vers son sac de couchage. Personne ne remarqua rien. Je lui revaudrai ça, songea Oikawa.
-On se quoi ? commenta distraitement Kageyama, suivant des yeux Hinata qui se fit plonger la tête dans sa couverture.
Oikawa lui saisit le menton pour rediriger son attention sur lui, et le regarda droit dans les yeux.
-On s'embrasse.
Et, sans attendre de réponse, (enfin) il posa ses lèvres sur celles de Tobio.
Il avait placé une main sur la nuque de Kageyama, au cas où celui-ci essaierait de se dérober ; mais au contraire, comme dans tout le reste, Tobio semblait avide d'apprendre –très avide. Ses yeux brillaient lorsqu'ils s'écartèrent après quelques secondes à s'embrasser ; et Oikawa crut opportun de déclarer :
-Tobio-chan, je crois que je suis amoureux de toi.
Kageyama fit un sourire heureux, qui réchauffa le cœur d'Oikawa ; mais il prit bientôt une tournure plus triomphale, et presque amusée.
-Je le savais, dit Tobio.
-Mais, comment ? se récria Oikawa en portant une main à sa poitrine, feignant d'être blessé.
-Hinata me l'avait dit, et puis ça se voyait, répondit Tobio en haussant les épaules.
-Et tu m'as laissé galérer !?
Kageyama laissa échapper un son qu'on aurait pu prendre pour un petit rire.
-C'était drôle, argua-t-il.
-Espèce... sale... petit insolent ! s'exclama Oikawa.
Et il se jeta sur lui, saisit son visage entre ses mains, et l'embrassa, plus longuement, plus chaudement –en un mot plus langoureusement.
En bas, Daichi s'apprêta à crier : EXTINCTION DES FEUX ! mais à peine avait-il pris son inspiration que Suga lui posa une main sur l'épaule pour l'interrompre, et lui montra d'un geste discret les deux passeurs enlacés sur la passerelle.
-Encore cinq minutes, grommela Daichi –mais quelque chose comme de la fierté rayonnait dans son œil.
Ils arrivèrent presque à passer les cinq minutes sans que personne ne soupçonne rien. Mais bien évidemment, la question finit par se poser d'où se trouvaient Oikawa et Kageyama, au vu de leurs sacs de couchage vides, et quelqu'un –en l'occurrence, ce fut brocoli 1- finit par les repérer.
-Ça se roule des pelles, là-haut, commenta-t-il donc.
Malheureusement, l'information se propagea assez vite, et rapidement, un concert de sifflements –et quelques applaudissements- montèrent du gymnase vers les deux amoureux.
-Concrétise, Oikawa ! cria Kuroo.
Ledit Oikawa semblait ne pas entendre le gymnase en ébullition en-dessous d'eux ; il avait, à cet instant, bien d'autres choses à penser. Cependant, il leva une main vers la foule, et leur fit un signe de paix –qui, en l'occurrence, était un signe de victoire.
-Ils étaient calmes, fulminait Daichi, ils allaient tous dormir ! C'est malin !
Et, mettant ses mains en porte-voix, il cria :
-TOUT LE MONDE AU LIT, EXTINCTION DES FEUX !
Il attendit deux minutes, et ajouta en toussotant :
-Même les deux ventouses, là-haut !
Lesdites ventouses se décollèrent et finirent par descendre, rouges et essoufflés, l'air un peu coupables. Kageyama se fit aussitôt sauter dessus par Hinata, Nishinoya et Tanaka, qui ne manquèrent pas de le charrier un bon moment –jusqu'à ce que Daichi exaspéré, épaulé par Asahi et Suga, les écartent pour les ramener à leurs sacs de couchage.
-Tu crois que c'est prudent de laisser Oikawa et Kageyama à côté ? murmura Daichi à Suga, alors qu'ils allaient actionner les interrupteurs pour éteindre les lumières.
-Après tout ce qu'ils ont bu, ils vont s'endormir avant d'avoir tenté quoi que ce soit, répondit le passeur en haussant les épaules.
-Comment ça, tout ce qu'ils ont bu !?
-Oops, fit Suga avec un sourire angélique.
-Suga..., soupira Daichi.
-Ils avaient bien besoin d'un petit coup de pouce, non ? Regarde-les, ils sont tellement mignons ensemble !
Daichi se retourna et les chercha des yeux ; ils étaient tournés l'un vers l'autre, et se parlaient à voix basse. A côté de Kageyama, Hinata essayait visiblement d'écouter ce qui se disait ; de l'autre côté d'Oikawa, Asahi faisait apparemment semblant de dormir avec beaucoup d'efforts pour ne pas être indiscret.
-Ne me dis pas que ça ne te réjouit pas de voir Kageyama comme ça ! chuchota Suga en lançant un regard affectueux au couple qu'il avait grandement aidé à former.
-Bien sûr que si, répondit Daichi. Et puis, ça forgera une alliance entre Karasuno et Seijoh.
-Toujours le volley ! le réprimanda Suga. Et l'amour, là-dedans ?
Daichi ne répondit pas, fit simplement un sourire amusé ; et, d'un geste, il plongea le gymnase dans le noir.
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