Trois lignes de passe [Oikage, angst. 1k]
C'était leur énième dispute.
Ils se battaient pour tout, mais il y avait un sujet récurrent.
-Si ça ne change pas, je m'en vais.
Il était déjà tard, et Oikawa cherchait un bar où atterrir. Il avait pris l'habitude de sortir, depuis un mois, de trouver un endroit où se poser quelques heures, profiter de la musique, de l'alcool et de la chaleur humaine.
(Se faire draguer, répondre aux avances, finir par refuser.)
-Elles te tournent toutes autour. Tu fais des photos, tu prends leurs numéros, peut-être même que tu les revoies après ?
-Tu sais bien que ce n'est que du bluff !
-Prouve-le.
Il était au comptoir, un verre dans la main. D'autres âmes solitaires étaient assises autour de lui sur les tabourets, tête basse sous les lumières fades des néons, lui lançant parfois un regard pour se demander s'il était abordable.
(Un homme comme ça doit être casé.)
-Ça fait plus d'un an qu'on est ensemble. Tu savais dès le début que ça allait être comme ça.
-Et je t'ai demandé de changer.
-Je ne changerai pas.
Il allait porter le verre à ses lèvres lorsque le barman murmura, avec un regard inquiet, qu'il ne servirait plus le jeune homme aux cheveux noirs qui se trouvait à une table, non loin. Il avait déjà bien trop bu. Oikawa se retourna, interpellé par la mention des cheveux noirs.
(C'était lui.)
-Tu ne changeras pas ?
-Non.
-Alors on n'a plus rien à se dire, Oikawa.
Il reconnut sa silhouette, ses cheveux, son profil, qu'il n'avait pas vus depuis un mois maintenant. Autour de lui, un nombre impressionnant de verres vides pour un homme seul. Oikawa posa son verre sur le comptoir et s'avança vers lui en hésitant. Il avait l'impression que ce n'était pas à lui d'y aller, mais il était intrigué.
(Ce n'était pas son genre de boire.)
-Plus rien ? Ah oui ? Tu t'en vas ?
-Oui. Je m'en vais. Je te quitte.
-Tu le regretteras, Tobio.
-Tobio ?
Le jeune homme relève la tête. Ses joues sont rouges, ses yeux vitreux. Oikawa sait qu'il ne tient pas du tout l'alcool. Ce n'est pas dans ses habitudes d'en consommer. Au fond, peut-être que ça lui fait plaisir de voir qu'il réagit aussi mal à leur séparation.
(Il réagit mal aussi.)
La porte claqua. Oikawa se retrouva seul dans son appartement sans vouloir y croire.
« Il reviendra. »
Mais quand Tobio était revenu, c'était pour récupérer ses affaires, sans un mot, sans un regard.
Tobio n'est pas bien, vraiment pas bien. Les gens les regardaient, au milieu du bar moite et demi-éclairé où flottaient des vapeurs d'alcool. Oikawa ne pouvait pas le laisser là. Ce n'est pas parce qu'ils avaient rompu qu'ils doivent s'ignorer. Si quelqu'un devait prendre soin de lui, autant que ce soit quelqu'un qui le connaissait.
(Qui l'aimait.)
Oikawa hésita longtemps avant d'essayer de l'appeler. Il n'eut toujours que le répondeur.
Il se rendit compte que Tobio ne voulait plus de lui dans sa vie.
Cette constatation lui fit plus mal qu'il ne s'y était attendu.
Oikawa le soutint tout le temps de remonter à son appartement. Il décida de reconduire Tobio chez lui, pour éviter toute ambigüité. Il devait rester un peu de conscience à Tobio, ou alors il était vraiment mort, car il ne dit pas un mot de tout le trajet.
(Il devait encore lui en vouloir.)
Il attendit longtemps, Tobio ne rappelait jamais.
La douleur ressentie ne partait pas. Elle ne partait jamais.
La culpabilité et le manque le rongeaient.
L'appartement de Tobio était en désordre. Oikawa l'aida à traverser le salon jusqu'à sa chambre, l'allongea sur son lit. Un instant, il envisagea de le déshabiller, mais préféra ne pas le faire. Tobio était allongé sur le lit, les yeux fermés. Ici, il serait en sécurité. Oikawa n'avait plus qu'à partir avec le sentiment du devoir fait.
(Le sentiment d'avoir laissé passer une occasion.)
L'idée de changer lui était venue trop tard, mais elle était venue.
Il tombait toujours sur le répondeur.
Alors il avait décidé d'oublier, d'atténuer la peine comme il pouvait.
Il allait partir quand la main de Tobio se referma autour de son poignet. Ses yeux s'étaient ouverts, bleus et lointains.
-Tu me manques.
(Tu me manques aussi.)
Un jour, Tobio avait envoyé un message pour lui demander d'arrêter de l'appeler.
« Si tu m'aimes encore, réponds-moi ».
Il n'avait jamais répondu.
Il hésita à répondre. Tobio était ivre, il parlait sans réfléchir. Oikawa s'assit sur le lit à côté de lui sans parler, se contentant de le regarder après un mois d'absence. Kageyama le tira vers lui :
-Je t'aime, Tooru, je t'aime.
-Tu m'as quitté, Tobio.
(C'était ta décision, pas la mienne.)
Il avait pris l'habitude de sortir, profiter de la musique, de l'alcool et de la chaleur humaine.
Se faire draguer, répondre aux avances, finir par refuser.
Il savait que ce n'était pas eux qu'il voulait.
Il n'avait jamais vu Tobio ainsi. Il se redressa, s'agrippa à lui, lui souffla son haleine alcoolisée au visage :
-Tu me manques, je t'aime... Je suis désolé, je t'aime...
-Tu m'as quitté, répéta simplement Oikawa faute d'autre chose.
-Reviens avec moi, s'il te plaît...
(Il espérait que Tobio ne voie pas ses yeux humides.)
On lui avait dit que les ruptures faisaient toujours mal.
Mais il ne pensait pas qu'il s'attacherait autant à Tobio.
Et il pensait que Tobio s'attacherait plus que lui.
Tobio essayait de l'embrasser, à présent. Oikawa résista d'abord, puis se laissa faire. C'était trop tentant. C'était ce qu'il attendait depuis un mois, retrouver cette proximité, cette chaleur, cet amour inconditionnel. Et malgré lui, il répondit au baiser, murmura les trois mots en retour.
(Comme avant.)
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