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Point de vue de Sehun

- Non c'est pas possible ! Je refuse d'entendre ça ! Vous pouvez pas m'obliger à rester ici après tout ce que j'ai fait ! Je mérité d'y aller, c'est injuste.

- Je sais bien mais il n'est pas question que tu fasses cette compétition je-

En poussant la porte de l'infirmerie la première chose que j'aperçois est le visage attristé de Norah qui se voile d'un sourire lorsqu'elle m'aperçoit.

- Hey Sehun... comment vas-tu ?

- Si je suis là, c'est que je vais pas très bien, réponds-je en haussant les épaules.

Norah se redresse, anxieuse et dès que sa main quitte l'épaule du garçon qu'elle maintenait allongé, il en profite pour sauter du lit mais après seulement deux pas, s'effondre de douleur sur le sol. Paniquée, Norah lui fait à nouveau la leçon sur son état et le traîne sur le matelas avec beaucoup de difficulté. Une fois allongé, ses yeux deviennent humides et il recommence à geindre que c'est injuste, qu'on va le lui payer, qu'il se vengera.

Je ne connais pas son prénom et d'ailleurs je ne sais pas ce qui lui est arrivé mais ça m'étonnerait qu'il soit simplement tombé dans les escaliers. Son visage est atrocement boursouflé, son torse est couvert de d'hématomes et de striures rougeâtres, là où les vaisseaux ont explosé. Sa lèvre est fendue en deux, des plaies couvertes de sang séché maculent son front, il a en clair, la gueule d'un type qui vient de se la faire péter.

Je pense que sans tout ça, il aurait pu être canon mais là, je le trouve simplement laid et faible. Il se tourne sur les draps qu'a étendus Norah et gémit comme un chiot agonisant.

- Je vais appeler tes parents, Jaehyun. Il faut qu'ils t'emmènent à l'hôpital. Tu ne peux pas rester ici. Peux-tu me répéter le nom de celui qui t'a fait ça pour que je puisse le signaler au directeur ? demande Norah d'une voix douce en s'installant à son bureau.

Jaehyun chuchote à peine en guise de réponse, mais lorsque le nom du coupable quitte sa bouche mon sang se glace.

- C-Chanyeol...

Pendant une seconde, j'ai l'impression d'être à sa place, recroquevillé sur ce lit. Je me revois, les yeux clos, à lutter contre l'atroce douleur qui hérissait chacune de mes fibres corporelles. Je ressens soudainement le boursouflement de mes côtes brisées, l'élancement de mon nez sanguinolent, le gonflement de mon œil au beurre noir. Je n'ai plus aucune séquelle mais à le voir mordre le drap pour contenir ses hurlements, j'ai la sensation que ce n'est pas lui mais moi qui vient d'être frappé. Je touche tout à coup mon crâne, comme pour vérifier que la violence du choc ne pas heurté et m'assois sur une chaise, complètement hébété.

Je comprends ce qu'il endure. Je suis aussi passé par ici.

J'ouvre la bouche pour parler mais aucun son ne sort. Je ne suis même pas capable d'esquisser le moindre mouvement. Norah compose le numéro des parents de Jaehyun tout en consultant le registre des élèves. Et lorsque ses yeux se posent sur la photo de Chanyeol, elle raccroche immédiatement, la mine confuse.

- Jaehyun je... je crois que je ne vais pas être en mesure de signaler cet élève auprès du proviseur car il souffre d'un trouble du comportement.

Jaehyun roule des yeux et murmure dans sa barbe « comportement mon cul. »

Je ne sais pas pourquoi je me sens autant à fleur de peau mais le sentiment de malaise que j'ai ressenti depuis que j'ai entendu son prénom, ne me quitte pas. Les jambes vacillantes, je m'assois sur la chaise, face au bureau de Norah et fixe le vide, la bouche entre-ouverte. Son regard finit par quitter le mail qu'elle rédigeait pour se poser sur moi.

- Sehun, qu'est-ce qui t'arrive ?

Avant que je ne puisse articuler la moindre syllabe, des larmes roulent sur mes joues. Norah m'entraîne donc à l'écart, dans la petite salle attenante et me fait m'allonger sur un lit. Sa main douce caresse frénétiquement mon visage tandis que je chouine dedans, sans pouvoir me contrôler.

- Chut. Respire. Calme-toi...

Dans la pièce voisine, Jaehyun gémit de douleur et j'aperçois l'espace d'un instant, l'éclair de doute qui envahit le regard de Norah.

- T-Tu peux aller le voir, c'est bon. Il faut que j'y aille de toute façon, songé-je en écoutant le bruit infernal des battements de mon cœur.

- Non Sehun, je ne peux pas te laisser filer alors que-

Je ne l'écoute déjà plus. Norah m'appelle puis me suit jusque dans le couloir et finit par abandonner en réalisant que je ne me retournerais pas et que je m'arrêterais encore moins. J'ai mal au cœur et le chagrin me fait chavirer mais je continue de marcher en rasant les murs. Baekhyun me manque. Voilà ce qui ne va pas. C'est tellement futile, tellement dérisoire mais pourtant je ne peux pas m'empêcher d'être triste. Depuis qu'il m'a claqué la porte au nez, la bouche vociférant des insultes et les yeux brouillés par les larmes, j'ai l'impression que mon monde entier s'est écroulé. C'est peut-être la solitude ou la douleur qui me fait prendre conscience que sans lui, je n'ai aucune raison d'exister. Sans lui je n'ai pas d'essence, ma définition est incomplète, je n'ai aucune utilité. C'est pathétique mais je réalise qu'il était mon univers et que sans lui, je n'ai plus personne. Même une simple conversation avec Minseok ne peut alléger ma peine.

Je suis complètement démuni. Je n'arrête de penser à lui. A lui avec un autre que moi. Lui avec Chanyeol. Lui dans ses bras. Lui, loin de moi. Et je me rends compte qu'au fond, vouloir le bonheur de l'autre, c'est de la connerie. S'il ne trouve pas son bonheur avec moi, alors je ne veux pas qu'il soit heureux du tout. Être altruiste me fait trop souffrir. Je ne peux pas faire comme si le savoir avec un autre me rendait indifférent, parce que même si j'essaye, je n'y arrive pas.

Ca fait plus de quarante-huit heures que je n'ai rien avalé. Le manque me coupe l'appétit. Sans lui, je suis incomplet. Je me suis morfondu pendant des heures dans mon lit, sans manger de glace au chocolat, sans regarder de film d'amour. J'ai simplement pleuré jusqu'à épuisement, en serrant mon téléphone entre mes mains avec l'espoir de recevoir un message.

Evidemment, seul le silence a répondu à mes attentes. Lorsque je n'ai plus supporté la douleur de mes conneries, je me suis retrouvé devant l'hôpital où Luhan était en soin intensif, avec en tête, l'idée de me défouler. Il fallait que je blâme quelqu'un de ce qu'il m'arrivait. Quelqu'un d'autre que moi. Et alors que je me demandais sans cesse comment j'avais pu en arriver là, il m'est apparu évident que si j'avais refusé son chantage, Baekhyun ne m'aurait jamais tourné le dos et dit toutes ces choses si insignifiantes pour lui mais qui m'ont marquées à jamais.

Ces choses que je n'oublierai pas et qui ont été balancée sous l'impact de la douleur et de l'écœurement. La main devant la bouche, je m'arrête, soudain pris de vertiges. Le sol se dédouble et même en clignant des yeux j'ai du mal à restituer sa singularité. Je prends appui sur l'un des casiers et dégage d'un geste brusque la main inquiète qu'une fille pose sur mon épaule.

- Tu as besoin que j'appelle l'infirmière ? insiste-t-elle en remarquant mes genoux sur le point de flancher.

Je ne réponds rien, la gorge nouée par les sanglots et me dépêche de rejoindre l'extérieur. Une fois dehors, j'avale une grande goulée d'air et essuie les sueurs qui perlaient sur mes temps. Je viens de comprendre pourquoi le nom de Chanyeol m'inspirait autant d'effroi. Les précieuses minutes que j'ai gaspillées à l'infirmerie peuvent être fatales. S'il a réellement pété la gueule de ce type, de sang-froid c'est qu'il n'a pas pris ses médicaments. Et s'il ne les a pas pris, il constitue un danger potentiel pour tous ceux qui l'entourent. Je ne m'en serais habituellement pas soucié mais aujourd'hui n'est pas un jour normal. Aujourd'hui se déroule la compétition de natation ce qui signifie que... en ce moment-même... Baekhyun doit être avec lui.

Cette conclusion me provoque un shoot d'adrénaline suffisamment puissant pour sécher mes larmes et apaiser les tremblements de mes jambes. Je me mets alors à courir comme un dératé. Comme si ma propre vie en dépendait. Je repense aux marques violettes sur la peau de Baekhyun, à ses yeux bien trop pétillants pour qu'ils ne m'aveuglent pas, à ses pommettes rouges et je me rends compte qu'il est trop bien pour moi mais que je n'ai pas envie qu'il s'abandonne à un autre. Je ne peux pas le laisser partir aussi facilement et surtout, je ne peux pas prendre le risque de le laisser entre les mains de Chanyeol quand il est dans cet état-là.

Le souffle me manque et l'angoisse m'assèche la gorge. Je crache sur le béton sans ralentir mes foulées, et ignore mon lacet défait. J'espère qu'il n'est pas trop tard car s'il a eu l'audace de lever la main sur Baekhyun, je crois que serais capable de le tuer. Je n'aurais plus rien à perdre après ça. J'ai déjà perdu ce que j'avais de plus important : lui.

Quand j'arrive à la piscine, une masse informe de gens me bloque la route. Tous se bousculent pour entrer en premier et être le mieux placé. Parmi eux, des renoms du sport s'y trouvent, mais je n'ai aucun scrupule à jouer des coudes pour me faire ma place. J'écrase le pied d'une vieille dame qui me hurle dessus d'un ton injurieux dont je n'ai que faire, puis j'administre un coup en plein dans l'épaule d'un homme tiré à quatre épingles qui roule des yeux comme si j'étais le gosse le plus mal élevé qu'il n'ait jamais vu. J'arrive finalement à pénétrer dans le hall d'entrée mais je suis directement immobilisé par le coach de l'équipe qui me retient par le col de mon pull.

- Hep, hep, hep ! Où est-ce que tu crois aller comme ça ? Les visiteurs ne sont pas censés être à l'intérieur pour le moment.

L'espace d'un instant, je me fige et me concentre pour paraître le plus sérieux possible.

- J'ai vraiment besoin d'aller parler à l'un des nageurs, expliqué-je d'une voix calme.

- Toi ? Certainement pas ! Mes poulains sont probablement en train de se concentrer à l'heure qu'il est ! Il est hors de question que je te laisse aller les perturber.

Voyant que je n'ai pas d'autres solutions que de dire la vérité, je tente le tout pour le tout.

- Chanyeol a oublié ses médicaments. Et je suis venu lui les apporter, mens-je en fourrant ma main tremblante dans la poche de mon blouson.

Le coach me jauge un instant avant d'exploser de rire.

- Mais qu'est-ce que tu me racontes là, gamin ? C'est quoi ces conneries de médocs ? Vas pas nous le doper avant de nager. D'ailleurs si t'es bien son dealer, arrête de lui filer ces merdes. Si Jaehyun avait pas été aussi amoché, Chanyeol aurait jamais pu nager aujourd'hui. Faut croire qu'il y a une justice à tout. Enfin, justice à la con... Allez gamin, bouge de là.

Pendant quelques secondes, je fronce les sourcils perplexes. J'avais entendu des rumeurs sur le fait que Chanyeol se droguait mais Baekhyun n'y avait jamais fait allusion alors j'ai toujours cru que... c'était faux... Mais s'il est allé démonter un type simplement pour pouvoir prendre sa place, c'est que ces rumeurs ne devaient pas en être. Comment Baekhyun peut-il tolérer de rester avec lui ? Je ne le comprends pas. Il ne lui apporte rien de bon. Il ne fera que le blesser.

Pour l'instant le seul qui l'a blessé c'est toi, me souffle une voix désagréable au creux de mon esprit.

Je secoue la tête pour la chasser et m'approche à nouveau du coach qui me tourne désormais le dos.

- Attendez... Vous ne comprenez pas... Je ne suis pas son dealer mais s'il ne prend pas ses médocs Chanyeol risque de-

- Tu commences sérieusement à me gonfler. Dépêche-toi de filer si tu ne veux pas que je me fâche.

Epuisé par sa stupidité et l'appréhension que Baekhyun soit entre de mauvaises mains, je fouille dans ma poche, retire les quelques billets froissés qui s'y trouvaient et lui les colle dans la main.

- Voilà. Si ça ne vous suffit pas, je pourrais toujours vous filer deux-trois exta, me moqué-je.

Hébété, le coach fixe les billets dans sa main avant de néanmoins, les fourrer dans sa poche. Je profite de son moment d'absence pour filer vers les vestiaires, le cœur en alerte.

Quand j'arrive devant la porte close des vestiaires, je suis surpris par le silence qui m'accueille. Moi qui ai l'habitude des sports d'équipe, je suis certain qu'en temps normal, les vestiaires ne sont jamais aussi calmes. Entre les troisièmes années qui font chier les p'tits nouveaux, les débats sur les filles qui ont le plus gros boule, les gémissements de douleur causés par nos articulations brûlantes, ou encore les éclats de rire parce qu'on a planqué le caleçon du capitaine, ce n'est jamais vraiment coi, à moins d'être vide.

Anxieux de franchir la zone interdite, j'abaisse la poignée et pénètre dans la pièce sombre. Seule la lumière du jour filtre par les portes entre-ouvertes. L'obscurité domine tout. Plongé dans le noir, J'avance à tâtons et rencontre par mégarde quelques sacs posés çà et là. Certains sont ouverts, d'autres sont surmontés d'une pile de survêtements et de caleçons. Tous les nageurs sont déjà au bassin, et pourtant, j'ai le sentiment de ne pas être seul. Je suis comme un cambrioleur coincé lors d'un cambriolage. L'incertitude m'envahit tandis que je songe à rebrousser chemin. S'il reste quelqu'un, il y a de fortes chances pour que je sois accusé d'être le voleur de téléphones portables, qui sévit depuis quelques mois au sein de l'internat. Par précaution, je dors avec le mien sous mon oreiller et ne laisse jamais mon sac dans les vestiaires. J'ai bien trop de fichiers compromettant dedans et pas la force de mettre un mot de passe. Au fond, la valeur de mon cellulaire m'importe peu. Ce sont plutôt les souvenirs de Baekhyun qui remplissent ma galerie, que je ne veux pas perdre.

En tout cas, si je suis grillé, je risque de me faire salement démonter et honnêtement, je n'ai pas envie de louper les championnats de football. Je me suis entraîné tellement dur pour ça.

Sur la pointe des pieds, je mets mes pensées parasites de côté et me concentre pour faire le moins de bruit possible. Les poils hérissés, le cœur agité et la bouche pâteuse, je manque de sursauter lorsqu'une voix étouffée qui me parvient du fond de la pièce.

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- Arrête, pas maintenant s'il te plaît-

- Chut, tais-toi, il y a quelqu'un !

Les chuchotements n'en sont pas vraiment. Ce sont plus des respirations saccadées et erratiques. Les mots sortent crachotés, soufflés avec le peu d'oxygène qu'il reste. Je ne sais pas ce qui passe, mais je n'ai aucun doute sur les propriétaires de leurs voix. Ça ne peut être qu'eux. Je reconnaîtrais ces couinements entre mille. Je les ai tellement entendus et pourtant, les entendre à nouveau ravive en moi ce manque indélébile. Ce vide constant qui m'habite depuis quelques jours.

En avançant jusqu'à l'angle de la pièce où se trouve les douches, une plainte réduite au silence me parvient. Je sais qu'elle vient d'être étouffée par la paume de Chanyeol. Je sais qu'en ce moment ses lèvres sont pressées contre une autre peau que la mienne, et ça me rend dingue. Mes doigts trouvent l'interrupteur sur lequel j'appuie d'un coup sec. Ce ne sera pas une surprise. Ils savent que je suis là. Ma silhouette et ma respiration enragée me trahit.

La lumière clignote un instant puis se stabilise. Je ne sais pas pourquoi les voir ensemble, en maillot, pressés contre le mur en carrelage me fait terriblement mal. C'est vrai quoi, j'aurais pu me tromper. J'aurais pu être tellement obsédé par toute cette histoire que je me serais fait des films. Il aurait pu s'agir de n'importe qui.

Et pourtant, c'est bien eux.

Chanyeol est appuyé contre le mur, son genou entre les cuisses de Baekhyun qui serre dans sa paume ses lunettes et son bonnet. Sa main droite est fermement plaquée contre les tendres lèvres de Baekhyun tandis que ses doigts gauches s'évertuent à marquer le mur pourri de la trace de ses ongles sales.

En m'apercevant, Chanyeol ne le relâche pas, bien au contraire. Ce n'est que lorsque Baekhyun plante ses ongles dans son avant-bras qu'il daigne le libérer et alors nos regards se rencontrent. Baekhyun affiche une mine à mi-chemin entre l'étonnement et la tristesse. Guidé par mon instinct, et les pulsions qui me hurlent de le prendre dans mes bras, je m'avance vers lui. Dès que ma semelle grince sur le sol, il baisse la tête et tourne le regard, loin de moi. Loin de mon amour et loin de la douleur qui brille dans le mien. Comme s'il était effrayé par ce qu'il voyait.

Putain de merde, pourquoi ça fait aussi mal ?

- Viens Chanyeol, il faut qu'on aille s'échauffer, murmure-t-il en tirant le poignet de Chanyeol. Il faut vraiment dire à Drake qu'il arrête de laisser rentrer n'importe qui.

Je sens mes yeux devenir face à sa remarque cinglante mais m'efforce de garder mes larmes pour moi. J'ai trop pleuré et ce n'est pas le moment. Je ne veux pas lui montrer que je suis faible. Si je suis ici, c'est pour le récupérer. Et qui veux d'un petit-ami faible ? Personne. Je remarque que le torse de Baekhyun est pâle et totalement intouché. Chanyeol n'a pas eu le temps de le blesser. Un immense soulagement allège ma poitrine congestionnée par la peur. Je ne suis pas arrivé trop tard.

Enfin c'est ce que je crois.

Baekhyun se dirige vers la porte mais Chanyeol le retient et le colle à nouveau au mur humide.

- Pas si vite. On va quand même pas arrêter maintenant. Faut que je me détende avant la compèt Baek. Je te l'ai dit. En plus on a un spectateur, souligne Chanyeol en plongeant sa langue dans le cou de Baekhyun qui essaye faiblement de le repousser.

- C-Chanyeol... non...

- Arrête, je sais que ça t'excite d'être observé... Allez, mets-toi à genoux et montre lui comme tu aimes me la sucer, grogne Chanyeol en pressant sa main entre les cuisses tremblantes de Baekhyun qui jappe de douleur.

Cette vue m'est insupportable. Je sais que je n'ai pas le droit d'intervenir, que je ne suis plus ce que j'ai été et que si je m'interpose Baekhyun ne fera que me détester davantage mais je ne peux pas rester sans agir. Pour une fois que j'ai l'impression d'être utile... Je ne peux pas le laisser souffrir alors qu'il est juste devant moi. Je me suis promis de le protéger et l'occasion parfaite s'offre à moi.

Point de vue de Baekhyun

Chanyeol est de plus en plus étrange. Je sais que s'il est là, c'est qu'il a pu se débarrasser de Jaehyun mais je sais aussi que cette histoire de crampe d'estomac ne tient pas debout. Même avec une diarrhée, Jaehyun serait venu. Il n'aurait raté pour rien au monde cette opportunité. Contrairement à d'habitude où c'est moi qui fais mon possible pour attirer son attention, Chanyeol s'est montré particulièrement collant aujourd'hui. Lui qui déteste être affectueux en public ne m'a même pas laissé d'intimité pour enfiler mon maillot. Il a tenu à le faire lui-même et même si j'ai refusé plus par embarras qu'orgueil, il est tout de même arrivé à ses fins et ne s'est pas gêné pour lâcher quelques commentaires sexuels sur ma nudité. Tout le monde a évidemment entendu ce qu'il disait et même en entendant mes soupirs de gêne, il n'a pas cessé. Il m'a retenu jusqu'à ce que l'équipe complète rejoigne le bassin et m'a coincé dans un coin dans la pièce.

En voyant la façon dont ses pupilles étaient dilatées, j'ai tout de suite su qu'il n'avait pas pris ses comprimés et que je ne m'en sortirai pas avant de lui avoir donné ce qu'il voulait.

- Chanyeol non... Je ne veux pas... Il faut qu'on y aille... Vraiment... Arrête.

En dehors du fait que je n'étais vraiment pas d'humeur à batifoler je ne voulais pas risquer de foirer notre relais tout ça parce que mes jambes épuisées ne supporteraient pas ses coups de bassins sauvages. Et puis comme toujours... j'avais peur qu'il me fasse mal. Quand il est comme ça... il est toujours brutal et ne considère que son propre plaisir. Le mien passe complètement à la trappe. Il ne m'embrasse même pas et prend un malin plaisir à m'imposer des choses que je n'aime pas.

Je suis trop faible pour lui dire non mais même avec la conviction que j'ai aujourd'hui et la présence de Sehun, Chanyeol n'arrête pas. Tandis qu'il embrasse mon cou et que je ferme les yeux, je pense à Sehun et je me dis que putain de merde... sa présence me retourne les entrailles. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Même dans toute cette tristesse, cette rancœur et ce chagrin, je ne peux pas m'empêcher de le trouver irrésistiblement beau. Ses yeux cerclés de noir sont épuisés et son teint ne brille plus. Pourtant, lorsqu'il me regarde et que l'étincelle amoureuse s'anime dans ses yeux, je ne peux pas empêcher mes propres sentiments de revenir au galop. Lucky s'agite comme un fou. Et la peur que ressent Luck, ne fait rien pour le calmer. Je sens ma gorge s'assécher, mes membres se tendre.

Aide moi... je suis désolé pour tout...

C'est si simple à penser et tellement difficile à dire. Je n'y arrive pas. Mes mains tremblantes se posent sur le torse de Chanyeol que j'essaye de repousser vainement. Il est sur le point de me faire du mal devant Sehun et... Sehun ne compte pas réagir. Au fond, ça ne devrait pas le surprendre après tout, je suis celui qui a fait le choix de m'en détacher. Mais j'espérais quand même pouvoir compter sur lui... j'espérais que malgré tout, il tienne suffisamment à moi pour réagir. Je me souviens alors brutalement et avec effroi que cette fois-là, au beau milieu du réfectoire alors que je me faisais humilier devant tout le monde, il ne m'a pas aidé. Je me souviens avoir prié et avoir croisé son regard et je me souviens aussi qu'il n'est pas celui qui m'a sorti de là. Il m'a laissé seul alors pourquoi cette fois-ci serait différente des autres ?

Mon cœur balance entre la peur et la fatigue. Je me dis que tout serait plus simple si je me laissais aller et que Chanyeol m'utilisait comme il le voulait, je n'ai, de toute façon, plus de dignité.

Seulement, alors que sa main droite plonge dans mon maillot tandis que sa main gauche m'étrangle sans relâche, Sehun bouleverse tout. D'un pas déterminé que je distingue malgré ma vision floue, il s'approche de Chanyeol et le bouscule avec une force insoupçonnée.

- Il t'a dit d'arrêter, qu'est-ce que t'as pas compris ? grogne-t-il alors que Chanyeol se relève.

- Ferme-là et casse toi. Si t'es pas foutu d'apprécier le spectacle tu ferais tout aussi bien de te barrer.

- Fils de pute...

Sehun a craché ça avec une colère noire qui me fait frissonner. Une fois de plus, je suis la pauvre gazelle pris en guet-apens entre deux lions affamés. Si Chanyeol n'était pas aussi sûr de lui, il aurait pu anticiper le coup de Sehun mais il est bien trop occupé avec moi pour se soucier de lui. Sehun élève son bras en l'air, prêt à frapper mais j'arrive à l'arrêter malgré mes petites mains tremblantes.

- Stop... Arrêtez... C'est bon... On a d'autre chose à faire que de régler ses comptes maintenant, hurlé-je dans l'écho silencieux des vestiaires.

Chanyeol ricane doucement en passant son pouce sur la trace rouge que les doigts de Sehun ont laissé sur son épaule et passe son chemin, sans oublier de lui administrer un coup discret qui ne m'échappe pas.

- T'as raison. De toute façon ça sert plus à rien de me battre, j'ai déjà tout gagné, hein baby ?

Je n'ai pas le temps de répondre qu'il enfonce sa langue jusque dans ma gorge et se retire prestement en claquant mes fesses.

- Je t'attends au bord du bassin. On va les démonter et Jaehyun se mordra les doigts de pas avoir été là.

Puis il disparaît comme un ouragan qui a tout détruit sur son passage. Encore sous le choc de ses actes, je reste sonné, les mains sur ma poitrine. Je me sens affreusement exposé, nu, choqué, humilié. Et celui qui me voit dans cet état affreux n'est pas Chanyeol : c'est Sehun. En relevant mon regard vers lui, j'ai l'impression qu'il est dans une condition sensiblement proche de la mienne et pourtant j'ai encore du mal à accepter qu'il me voit comme ça. Je ne devrais plus lui montrer ma sensibilité parce qu'on n'est plus... Ce n'est juste plus comme avant...

- Baekhyun-

Sa main sur mon épaule me fait sursauter. Je la dégage d'un coup sec et tourne les talons.

- Attends ! Est-ce qu'on peut parler... s'il te plaît... seulement quelques minutes, insiste-t-il en me suivant à l'extérieur des vestiaires.

Je m'arrête non pas pour l'écouter mais pour coincer mes mèches rebelles sous mon bonnet.

- Je n'ai pas de temps à gaspiller pour toi, craché-je d'une voix sombre.

Derrière moi, Sehun n'insiste pas et à la façon dont sa respiration se bloque, je prédis qu'il est sur le point de pleurer. Ce qui me blesse le plus là-dedans, n'est pas ses larmes, mais que sa tristesse me fasse aussi mal.

Je ne me retourne pas.

- Je serai là. Dans les gradins. Je te supporterai. Je crois en toi Baekhyun. Tu es le meilleur.

Ses mots d'encouragement s'enfoncent comme des aiguilles douloureuses. Une larme de détresse coule sur ma joue et alors je sais ce que j'ai à faire. Ce n'est pas vers le bassin que je dois me rendre... au contraire... c'est...

Je me retourne vers Sehun, mes lèvres craquelées s'étirent, mes cœurs s'apaisent et la douleur se dissipe mais... il n'est plus là. Il est déjà parti.

C'est trop tard.