Chapitre 3: Crise cardiaque.
Point de vue de Baekhyun
Kyungsoo m'observe de la tête au pied et ne semble pas un tantinet désolé d'être exposé ainsi devant moi. Gêné, j'évite son regard et fais mine de ne pas remarquer qu'il a quitté le lit pour enfiler ses vêtements roulés en boule sur le sol.
Jongin dépose ma valise sur la moquette et l'observe se rhabiller, un sourire amusé aux lèvres.
- Kyungsoo... Je t'avais dit d'être parti lorsque mon coloc' arriverait... Je ne voulais pas lui faire mauvaise impression mais grâce à toi, c'est raté.
- Au moins il sait à quoi s'attendre, répond le garçon en m'offrant un clin d'œil flatteur. Il boutonne sa chemise et plante un baiser sur la joue de Jongin avant de quitter la chambre, ses chaussures à la main. Je me retrouve alors seul en compagnie de mon nouveau colocataire et étrangement, l'ambiance est bien plus tendue qu'elle ne l'était quelques minutes auparavant. Mes cœurs sont pourtant calmes mais je sens quelques gouttes de sueur perler sur mes tempes alors que je me dirige vers le lit opposé à celui que Kyungsoo occupait. Je n'ai pas besoin d'un dessin pour comprendre qu'il s'agit du mien, les couvertures nettement empilées sur le matelas sont assez significatives et les sourcils froncés, je commence à coincer le drap au quatre coin de mon lit sous l'observation de Jongin qui est appuyé contre le mur, les mains dans les poches.
- Un coup de main peut-être?
En seulement quelques minutes, Jongin a fait mon lit et me sourit fièrement en se frottant les mains. Il ouvre ensuite le placard où des piles de vêtements occupent déjà les deux premières rangées et tapote le bois pour m'indiquer que l'espace vide m'appartient. Je m'accroupis alors et ouvre la fermeture de ma valise mais tandis que je plonge la main dedans, Jongin me devance et extirpe quelques caleçons qui lui échappent, atterrissant sur le sol.
- Hey c'est à moi, hurlé-je en récupérant les caleçons, le visage cramoisi.
- Tu sais... ici on partage tout, me souffle-t-il au creux de l'oreille avant de s'éloigner. Son air séducteur me déstabilise grandement mais je tente de ne pas le montrer et reste décontracté malgré l'allure folle à laquelle mes cœurs battent.
Jongin recule jusqu'à son lit sans me quitter des yeux et finit par s'affaler sur le matelas, les écouteurs vissés aux oreilles. D'ici, je décèle toujours l'air assuré qui ne se délie pas de ses traits et la décontraction de ses muscles qui se détendent lorsqu'il les étire. Je ne sais pas pourquoi mais le voir aussi peu soucieux de ma présence me rend encore plus nerveux. J'ai l'impression d'être un fantôme et en même temps de le déranger comme un parasite dont on arrive pas à se débarrasser. Après tout je suis celui qui envahit sa chambre, lui n'a rien demandé. L'espace m'est complètement étranger tandis que ses affaires sont déjà disposées comme elles l'ont toujours été. Mais je force mon anxiété habituelle à ne pas dépasser le stade de mon estomac car jusqu'à présent Jongin s'est montré très accueillant, souriant, voire un peu joueur. Seulement cette histoire de "plan cul" me dérange quelque peu. Je suis venu ici pour étudier et entre autre me reposer loin de ma famille et de la pression quotidienne qu'ils me mettent. Mais comment suis-je censé travailler si une ribambelle de garçons défilent chaque jour dans ma chambre pour "faire leurs devoirs avec Jongin?" Mes cœurs ne le supporteront pas. Luck est déjà en train de se plaindre, ou peut-être que c'est Lucky, je ne sais pas.
Jongin pianote activement sur l'écran de son téléphone et je profite de son moment de distraction pour ranger le reste de mes vêtements dans l'armoire. Mon ventre gargouille et je réalise que je n'ai pas déjeuné. Si ma mère était là elle me répéterait de sa voix didactique que:
"On ne peut pas bien apprendre le ventre vide." Comme s'il avait entendu le bruit peu séduisant de mon estomac, Jongin se redresse, fouille dans le sac qui traîne à ses pieds et me lance une barre chocolatée.
- Tiens.
- Euh... merci? murmuré-je, incertain en déchirant méticuleusement le papier, d'une mine coupable.
Voilà que je lui pique sa nourriture.
- Elle était pour Kyungsoo à la base mais je crois qu'il l'a oublié, c'est étrange.
- Ah mince... Je peux peut-être la lui-
- Non, laisse le. Il survivra. C'est simplement qu'il pique une crise si j'ai le malheur d'avoir oublié son "casse-croute d'après baise." Il a toujours faim après nos séances torrides, me précise Jongin en léchant inconsciemment ses lèvres.
En l'entendant mon regard s'agrandit et je secoue la tête avant de fermer les yeux pour empêcher les images érotiques d'infiltrer mon esprit mais en vain. Je finis finalement par les rouvrir et lorsque ma vision redevient nette, je découvre les prunelles anxieuses de Jongin qui me scrute comme s'il essayait de lire mon esprit.
- A propos... m'efforcé-je en prenant place sur son lit, j'ai quelques questions à te poser.
Jongin se met en tailleur et penche la tête sur le côté comme un chiot perdu. Je souris timidement et tapote le haut de son crâne avant de triturer l'ourlet de mon tee-shirt sans vraiment savoir par où commencer.
- Je t'écoute?
- Tu... en a beaucoup des "plans cul"? demandé-je avec hésitation, lui arrachant un rire franc qui malgré le contexte, me plait beaucoup.
- Attends tu ne penses quand même que je suis du genre à baiser avec la moitié de l'école?
- Bah disons que... c'est un peu l'image que tu m'as donné.
Jongin hausse les épaules et observe ses ongles en répondant d'un ton nonchalant:
- J'admets que j'ai une activité sexuelle assez développée mais entre les cours, le sport et la bouffe de la cantine, il faut bien que je trouve un moyen de me détendre. Mais je vais te faire une faveur et répondre à ta question. J'en ai seulement trois si tu veux tout savoir, Kyungsoo étant de loin mon préféré mais également le moins disponible.
- Qu-qui sont les deux autres?
- Les jumeaux Lee. Taemin et Mindae. Je t'avoue que je n'ai aucune idée de l'identité de celui qui a sa tête entre mes jambes mais je m'en moque un peu. Ils sont impossible à différencier de toute façon alors bon...
- Donc si je comprends b-bien... tu ne sais même pas avec qui tu couches?
- Pas vraiment mais ce n'est pas ce qui importe.
Jongin bascule soudainement à l'avant et rampe à quatre pattes jusqu'à ce que son visage ne soit seulement à quelques centimètres du mien. Mon rythme cardiaque monte alors en flèche et je commence à ventiler tandis que la panique me gagne. Je n'ai aucune idée de ce qu'il s'apprête à faire mais je sais que s'il entreprend quelque chose, je n'aurais pas la force physique pour le repousser. Il avait pourtant l'air amical au premier abord mais l'aura dangereuse qui peint désormais ses traits féroces me pousse à changer d'avis radicalement. J'ai besoin de descendre de ce lit tout de suite et de sortir de cette chambre dans laquelle j'étouffe, seulement la peur paralyse mes membres, me rendant immobile.
- Tu sais... j'ai le temps pour un quatrième plan-cul si tu es intéressé, grogne-t-il en caressant ma joue.
Ses doigts me font frissonner et je sens mes yeux devenir humides. L'effroi qui engourdit mes jambes me rend maintenant muet et je suis incapable de répondre quoique ce soit. Je secoue alors doucement la tête et me gifle mentalement lorsqu'une larme s'échappe de mon œil. Le visage de Jongin se métamorphose alors en une fraction de seconde et il m'attire contre lui s'excusant à de multiples reprises.
- Je rigolais juste! Je ne savais pas que tu le prendrais tant à cœur je-
- C'est b-bon. Ça va, soufflé-je rassuré en me relevant de son matelas.
- Tu es beaucoup trop adorable pour que je pose mes mains sur toi. Et puis j't'aime bien, précise-t-il en se grattant l'oreille.
- Qu-quoi?
- Ce que je veux dire c'est que... j'ai l'impression qu'on va être bons amis.
- Si pour toi les bons amis se sautent dessus... grommelé-je en me mouchant.
Je jette mon mouchoir dans la corbeille et commence à préparer mon sac pour la matinée de cours qui nous attend en ignorant la mine blessée de mon colocataire. Jongin se lève du lit et commence à me suivre, réduisant de plus en plus la distance qui nous sépare. Son souffle chaud chatouille ma nuque et m'irrite encore plus que je ne l'étais déjà. J'arrête alors de marcher et souris lorsque je sens son torse entrer en collision avec mon dos avant qu'il ne m'accuse d'avoir fait exprès.
- Qu'est-ce que tu veux? pesté-je en me tournant vers lui, les poings sur les hanches.
- Que tu arrêtes de m'ignorer.
- Je ne t'ignore pas je-
- Tu n'as pas répondu à ma proposition d'amitié, soupire-t-il comme un enfant.
- Je pensais avoir été suffisamment clair.
- Ce n'est pas le cas.
- J'accepte d'être ton ami si...
- Si? couine-t-il avec excitation, me forçant à prolonger ma phrase.
- Si tu ne ramènes plus tes plans cul ici. J'ai besoin d'étudier et je ne supporterais pas de vous entendre ou même de vous voir.
Les yeux de Jongin s'arrondissent comme des soucoupes et il tombe à genoux devant moi, les mains jointes.
- Tout mais pas ça. Pitié! chouine-t-il en faisant la moue.
- C'est ma condition.
- Est-ce que... si on le fait quand t'es pas là, j'ai le droit? demande-t-il désespéré.
Il est donc si accro que cela?
Mes yeux se dirige vers son lit et j'évalue la distance qui le sépare du mien avant de céder au plus grand bonheur de Jongin.
- D'accord mais alors j'exige que ce soit UNIQUEMENT quand je suis pas là et surtout je ne t'autorise qu'une fois par semaine. J'ai pas envie que ça pue en permanence le sexe.
Jongin est sur le point de protester mais je l'en dissuade d'un seul regard et récupère mon sac, enfilant les anses alors que je me dirige vers la sortie.
- Tu pars déjà?
- Oui je commence les cours à neuf heures. Donc... bye-bye, souris-je avant de disparaître dans l'embrasure.
J'ai encore du mal à me repérer et les couloirs me semblent être un labyrinthe sans fin dans lequel je passe la matinée à me perdre. J'arrive globalement dix minutes en retard à tous mes cours et récolte la place la plus éloignée de l'amphi ce qui m'empêche de suivre ce que le professeur indique. En plus d'être éloigné, je me ramasse la bande de redoublants qui passe l'heure entière à jeter des avions en papier. Avions qui, bien-sûr, atterrissent sur moi. Ennuyé, j'arrache nerveusement l'origami qui décorait mes cheveux et le roule en boule, les dents serrées. Je m'efforce ensuite de continuer à noter les commentaires du professeur en ignorant les ricanements de ces abrutis mais lorsque l'un d'eux mentionne l'accident de ce matin, je me fige.
- Hey mais c'est pas celui qui s'est vautré dans l'allée?
Mes jambes deviennent rigides et je baisse la tête, espérant devenir invisible. Malheureusement, ma super technique ne fonctionne pas et lorsque la cloche sonne, les quatre garçons m'entourent, l'air menaçant. C'est évidemment ce moment là que ma trousse choisit pour se vider sur le sol, me faisant jurer les dents serrées. Je me baisse pour ramasser mes crayons mais à peine les ai-je récupéré qu'une main impitoyable empoigne mes cheveux, m'obligeant à me redresser. Je retiens le gémissement de douleur qui menaçait de quitter ma bouche, et prie pour qu'un élève vienne m'aider. Ce n'est qu'au bout de quelques minutes de souffrance que je me souviens que le monde entier est infesté de connards incapables d'aider leurs prochains et alors je me rends à l'évidence: personne n'agira. Les étudiants ont déjà pratiquement tous quitté la salle et ceux qui traînent un peu sont soit trop peureux pour me porter secours ou font semblant de ne pas avoir remarqué mes couinements de détresse. Au stade où j'en suis, je me moque de ma précieuse fierté que j'essayais de conserver. Mes crayons ne sont plus que de l'histoire ancienne et je me retrouve balloté de bras en bras, comme un vulgaire objet, m'écrasant contre leur poitrine. Je chute sur le sol, me relève et suis à nouveau projeté contre l'un de ces crétins que ma peur fait ricaner.
Ils n'ont aucune raison de me faire ça. Je ne leur ai rien fait, je ne les connais même pas et plus que tout, je ne sais même pas à quoi ils ressemblent. Et je continue d'éviter leur visage malgré la pression que l'un d'entre eux exerce sur mon menton, me provoquant un torticolis.
- Ouvre tes yeux putain! Mémorise nos visages! hurle-t-il avant de me cracher sur le front. Sa salive dégouline jusque sur mon nez mais je garde mes yeux fermés et ne réponds pas à ses provocations. Je sais comment me comporter avec ce genre d'énergumènes. J'ai déjà expérimenté le "je-te-renvois-la-balle" résultat: j'ai fini le cours de sport sans vêtement. Alors j'en suis arrivé à la conclusion que se taire était la meilleure des choses à faire. Certes, mon silence les énerve mais citez moi une chose qui ne les énerve pas. Vous avez quatre heures.
- Mémorise les bien parce que je peux t'assurer que tu vas nous revoir chaque jour de ta pitoyable année jusqu'à ce que tu supplies maman de t'enlever de là.
Étrangement, je suis incapable de pleurer, je suis simplement las. Il paraît qu'une nouvelle école était synonyme de nouveau départ mais je ne vois aucun changement avec la pourriture qui me servait de lycée. Ça fait à peine cinq heures que je suis là et déjà on m'a touché les fesses, proposé d'être un plan-cul et craché dessus, il ne manque plus que le coup du "on te plonge la tête dans les toilettes" pour obtenir un combo parfait. Mais je suis sur le point de me faire tabasser alors je relativise. Je crois qu'on peut dire que oui, j'adore cette école. Il n'est pas bien difficile de deviner que ces types ont déjà terroriser d'autres que moi, c'est écrit dans leur comportement. Et il n'est pas non plus sorcier de déchiffrer que j'ai toujours été ce garçon trop faible dont on volait le goûter à la maternelle, celui dont on copiait les devoirs au collège et celui qu'on harcelait physiquement au lycée. Bien qu'ils soient stupides, les harceleurs savent qui sont les proies. Ils sont capables de les détecter à des kilomètres et connaissent leurs antécédents sans même avoir accès à leur passé. Et c'est mon cas, comme toutes ces victimes innocentes, j'ai le profil type du mec à embêter mais si toute ma vie les moqueries et les bousculades étaient supportables, mes années lycée le sont un peu moins. C'est peut-être les lunettes qui font ça.
Si jusqu'à présent mon physique trop féminin me cataloguait comme celui à persécuter, c'est bien la première fois qu'on me fait souffrir pour... rien.
- Hé, vous trouvez pas qu'on dirait une fille?
- C'est vrai que vu comme ça... C'est un crime d'avoir des fesses pareilles pour un mec.
- Je me demande ce que ça ferait de plonger ma bite dedans.
Je crois que j'ai parlé trop vite. Ce que j'attendais est enfin arrivé et j'ouvre finalement les yeux leur offrant une vue imprenable sur mes pupilles terrorisées. Cette fois nous sommes seuls. C'est l'heure de la pause déjeuner et je ne rêve que d'une seule chose: me remplir le ventre. Mais je crois que mon repas devra attendre.
Cependant alors que l'un des types me jette sur le sol, un cri étouffé s'échappe de mes lèvres et leurs ricanements sont brutalement interrompus par un hurlement enragé. Effrayé, je rampe sous l'un des bureaux et me bouche les oreilles alors que mes harceleurs s'écroulent sur le sol un à un, une marre de sang se répandant sur la moquette. Je ne sais pas qui est l'auteur de mon sauvetage mais lorsqu'une main apparaît dans mon champ de vision, je l'agrippe et la serre comme si ma vie en dépendait. J'émerge doucement à la surface, tremblant encore de la rapidité des événements et fixe mes pieds en mordillant ma lèvre inférieure pour m'empêcher de pleurer. Mon rythme cardiaque est redevenu stable et maintenant que je me sens en sécurité, ma peur s'efface lentement. Quelques secondes de silence intense fige l'atmosphère tandis que j'écoute la respiration irrégulière de l'inconnu. Sa main lâche la mienne qui semble étrangement froide maintenant qu'elle est seule. J'ai envie de lacer à nouveau nos doigts mais quelques choses m'en empêche. Je prends alors mon courage à deux mains pour le remercier et relève mon visage soulagé vers lui. Cependant au moment où mes yeux croisent son regard le tic-tac régulier de mes cœurs se dérègle et un bruissement mécanique crisse dans ma poitrine comme si les battements d'un de mes cœurs étaient rouillés.
Boum-boum-boum.
Je n'entends que Lucky... Luck est silencieux. J'ai l'impression d'étouffer. L'affolement monte en moi alors que je réalise qu'un dysfonctionnement est en train de s'opérer à l'intérieur même de mon corps. Je suis en train de faire une crise cardiaque! Ma main tape avec force et vigueur sur ma poitrine et je toussote, le visage rouge tandis que mon esprit étourdi tente de comprendre ce qu'il m'arrive. Ma gorge obstruée par l'angoisse me brûle et je commence à reculer en ouvrant la bouche pour tenter de redémarrer mon cœur douloureusement calme. L'inconnu s'avance vers moi, visiblement inquiet de mon comportement et je secoue la tête pour l'empêcher d'approcher mais rien n'y fait. Ses doigts s'enroulent autour de mon poignet et lorsque son pouce presse ma peau diaphane, mon deuxième cœur se remet en marche comme si rien ne s'était passé. Excepté que cette fois, il bat beaucoup plus vite. Mes yeux clignent rapidement et je fonds dans ses prunelles brunes qui me transpercent.
- Hey ça va?
Sa voix est grave et je me retrouve incapable d'articuler le moindre mot tant sa beauté m'absorbe, alors j'hoche la tête sans lâcher ma poitrine sous laquelle je distingue nettement la différence entre mes deux cœurs. L'un d'eux est stable comme à son habitude, tandis que l'autre cavale à vive allure et cogne si fort que j'ai peur qu'il s'entende. L'inconnu me sourit et redevient très rapidement neutre mais la simple esquisse de son sourire provoque une nouvelle déferlante de battements qui s'écrasent contre ma poitrine comme l'écume des vagues contre les rochers. Mes joues chauffent et je n'arrive pas à effacer la couleur rouge qui s'accentue de minutes en minutes.
L'inconnu hausse un sourcil et se gratte nerveusement la nuque, gêné que je ne lui réponde pas. Quelque chose est en train de se produire en moi et je suis totalement impuissant face à phénomène qui me fait peur. Beaucoup trop peur. Mes yeux évitent son regard irrésistible et je tourne les talons puis cours aussi vite que je le peux jusqu'à la sortie de la salle. Je sens le regard de l'inconnu qui brûle ma colonne mais je ne me retourne pas. Si je l'avais fait j'aurais probablement remarqué que son sweat était exactement identique à celui de l'étudiant aux mains baladeuses, et alors les choses se seraient certainement passées différemment. Or, je ne me suis pas retourné et je ne l'ai jamais su.
Point de vue de Chanyeol
La cafétéria étant bondée, je décide d'aller faire un tour dehors histoire de me griller une clope pour me faire décompresser des cours de ce matin. Je traverse le couloir et suis étonné de trouver l'amphi principal aussi silencieux, il y a toujours du monde habituellement là-dedans. En passant ma tête dans l'encadrement de la porte, je comprends pourquoi tout le monde a déserté les lieux. Kris et ses potes sont là et comme d'hab' ils font chier les p'tits nouveaux. J'admets m'être amusé avec eux à une certaine époque, pensant que me défouler sur les autres calmerait mes troubles mais j'avais tout faux. Je suis devenu accro à ce petit jeu et finalement je tapais tout ce qui me passait sous la main, sans plus aucune limite. Garçons comme filles. Ce n'est que lorsqu'une fille m'a hurlé, tandis que je lui retirais sa petite jupe, que ce que je faisais était passible de prison, que j'ai réalisé l'ampleur de mes actes. J'étais devenu incontrôlable. Alors, j'ai subitement arrêté ce que je faisais et je suis parti. Loin. Pendant une semaine j'ai disparu. La police m'a retrouvé endormi dans un champ près d'une ferme où une vieille dame m'avait nourri les jours précédents. Ils m'ont ramené chez moi et même si mes parents mourraient d'envie de connaître les causes de ma soudaine fuite, ils n'ont pas posé de questions et nous n'en n'avons jamais reparlé.
Après ça, j'ai arrêté de traîner avec Kris mais eux ont continué à terroriser. Je n'ai rien fait pour les en empêcher parce qu'au fond, je m'en foutais. Mais aujourd'hui est différent. Je ne sais pas pourquoi mais l'envie de me défouler me démange les poings et le picotement familier qui parcoure mon corps me fait survoler les quelques marches qui me séparent d'eux. En fait si, je sais pourquoi. Toute la matinée j'ai tenté de l'oublier mais rien n'y a fait, ce petit gamin maladroit a occupé mes pensées la majeure partie du temps et les cigarettes n'y ont rien changé. Lorsque j'arrive à leur hauteur, le sourire que je portais s'efface et mes yeux s'agrandissent quand leur victime laisse échapper un cri qui résonne dans la salle.
C'est la même voix...
Mes soupçons se confirment lorsque les cheveux dorés du gamin de ce matin entrent dans mon champ de vision et alors je perds toute ma sérénité, laissant la folie m'emporter. J'oublie le fait qu'ils soient quatre et me jette sur celui qui martyrise ce qui m'appartient le rouant de coups jusqu'à ce qu'il tombe au sol. Deux de ses potes se barrent en courant, tu parles d'une équipe, et je les regarde fuir avant d'éviter habilement le coup que Kris tente de m'administrer. Je n'ai aucun mal à le lui renvoyer et il chancèle à l'arrière en tenant son nez sanguinolent, avant de s'écrouler sur la moquette. Ce n'est que lorsque ses yeux se ferment que je m'autorise à baisser ma garde et alors je réalise que le gamin n'est plus là. Paniqué, je tourne sur moi-même, observant les quatre coins de la salle et finis par apercevoir le bout de ses chaussures qui dépassent du bureau.
Cute.
Sans un mot je lui tends ma main et lorsqu'il l'agrippe comme s'il s'agissait d'un objet précieux, mon cœur rate un battement.
Putain...
J'observe ses joues rouges et ses yeux fuyants avant de retenir mon souffle au moment où il les pose sur moi. Je lâche alors sa main moite et cache la mienne derrière mon dos. Je ne veux pas qu'il se fasse des idées mais lorsque ses doigts se décollent des miens je me sens étrangement vide comme s'il manquait une pièce au puzzle de mon cœur.
Ses yeux s'ouvrent si largement que je peux compter chacun de ses longs cils et ma respiration se bloque quand le flash de mes actions matinales se rejoue dans ma mémoire.
Dieu faites qu'il ne me reconnaisse pas.
Je crois que mes prières n'ont pas été entendues puisque au moment où ses yeux humides croisent mon regard il recule abruptement et serre sa poitrine comme s'il suffoquait. Soucieux, j'avance vers sa silhouette tremblante mais il secoue la tête et je serre les poings, m'attendant à ce qu'il me gifle, me hurle dessus ou passe son chemin mais il reste là à inspirer et exprimer bruyamment comme après une longue course.
- Hey ça va? demandé-je avec un sourire que j'espère naturel.
Le gamin ne me répond pas et je gigote un peu, mal à l'aise. Son regard réveille une agréable brûlure au creux de mon ventre mais elle n'a pas le temps de me consummer qu'il est déjà parti. Hébété, je tends le bras comme si mon geste allait le retenir mais évidemment il ne s'arrête pas et disparaît.
Je pense qu'il m'a reconnu et cette pensée me brise le cœur sans que je ne puisse rien y faire.
Je n'ai pas eu le temps de lui demander son nom.
Merde. Pourquoi je foire toujours tout?
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