Chapitre 18: Allô?
Point de vue de Baekhyun
Depuis que nous nous sommes installés dans cette salle sombre, Sehun n'a pas décroché un mot. Il se contente de me fixer avec une telle intensité que je détourne le regard une fois sur deux, bien trop mal à l'aise pour l'affronter. Après l'avoir entendu murmurer mon nom, ma main a trouvé d'elle même le chemin de son épaule et l'a gentiment pressé en attendant qu'il me découvre. Bouche bée, Sehun est resté pantois pendant de longues secondes, la bouche entre-ouverte comme s'il venait d'être pris en flagrant délit de vol dans le porte-feuille de sa mère.
Ses yeux brillaient dans la pénombre et il a d'abord hésité à saisir mon poignet mais une fois ses doigts enroulés autour de ma peau, il ne m'a plus lâché et m'a traîné au dernier étage du bâtiment, dans une salle proche de la bibliothèque. Les couloirs sont déserts et d'où nous sommes je n'entends rien d'autre que lui bruit de sa respiration saccadée. Plus je le regard et plus je me rends compte d'à quel point son esprit semble torturé. Des milliers d'émotions traversent son visage sans qu'il n'arrive à en choisir une.
Je me sens tellement impuissant face à sa détresse et si je pouvais sélectionner une expression, je presserais le bouton "joie" en espérant le voir sourire car je ne supporte plus la mine chagrinée qu'il arbore. J'ai l'impression que je suis la cause de son malheur et... peut-être bien que je ne suis pas loin de la réalité. Sehun détourne le regard et libère mon poignet avant de le frotter tendrement de son autre main.
Nous sommes si seuls que je me demande si les autres élèves n'ont pas été payés pour éviter l'accès à cet étage, peut-être que nous n'avons tout simplement pas le droit d'être ici. En tout cas, Sehun brave les interdits pour moi.
Nous sommes assis sur une table, l'un à côté de l'autre, si proches que nos épaules se frôlent à chacun de mes mouvements. Plus je le touche, plus il se raidit et s'écarte de moi, un peu comme si je lui transmettais un courant électrique.
Je m'appuie une nouvelle fois contre lui et rigole en le voyant s'écarter, mais m'arrête brutalement lorsqu'il disparaît de mon champ de vision, m'entraînant dans sa chute.
- Aïe! Ouch... grogne-t-il lorsque je m'écrase contre lui.
- Qu'est-ce qui te prend?! râlé-je en m'appuyant sur son torse pour me redresser.
Il avait tant reculé qu'il se trouvait au bord de la table au moment où j'ai porté mon coup de grâce. Evidemment sa main s'est refermée, par réflexe sur mon bras et il m'a attiré à lui comme si ma présence aurait permis d'éviter l'impact.
- Qu'est-ce qui me prend?! Mais regarde qui parle! C'est toi qui me pousse depuis tout à l'heure, me rapproche-t-il.
Ses mots contrastent avec ses gestes parce que même si son ton dur semble fâché, le mouvement agréable de ses doigts sur mon dos, m'indique qu'il n'est pas vraiment en colère et que mon corps sur le sien, le satisfait beaucoup. Nous sommes tellement isolés qu'il pourrait m'agresser si l'envie lui prenait ou pire encore... Mais avec Sehun, il m'est impossible d'être sur mes gardes. J'ai tellement confiance en lui que je le crois incapable de me faire du mal. Chanyeol, lui, le pourrait. Sehun, j'y compte moins, je suis déjà tellement attaché à lui que mon insouciance a repris le pas dès nos premiers échanges et je suis maintenant sans défense, complètement à sa merci. Mais il ne me blessera pas, j'en suis certain.
- Je ne te pousse pas, rétorqué-je en essayant de m'écarter de ses bras protecteurs qui me rabattent directement contre sa poitrine.
Je ne lutte pas plus et ferme les yeux en écoutant le bruit de son sourire qui s'étire dans la nuit.
- Dis Baek...
- Hum?
- Est-ce que tu serais prêt à abandonner Luhan pour moi?
Sa question pique ma curiosité et je relève la tête en appuyant mon menton sur son pectoraux. Ce n'est que lorsque ses yeux rencontrent les miens que je réalise que la distance qui nous sépare est infime, voire inexistante. Je cligne rapidement des yeux et m'efforce de ne pas être déconcentré par sa beauté pour pouvoir former une réponse un peu plus intelligible que " Euh... B-bah... Euh..."
- Je crois que je sais ce que ça veut dire, conclut-il alors que je n'ai pas encore répondu.
Il a dû prendre mon silence pour un non, vu la manière dont son sourire s'est affadi. Sehun se rassoit pour me permettre de quitter son ventre mais je refuse et m'accroche fermement à son tee-shirt, jusqu'à l'étrangler.
- Je p-peux... plus respirer, m'informe-t-il en retirant mes mains de son col.
Je suis maintenant à califourchon sur lui et même si dans un autre contexte, notre position aurait pu être prise pour ce qu'elle n'est pas, je suis bien trop anxieux pour m'en soucier. Je sais qu'indirectement, la question de Sehun a un lien avec ce qu'il s'est passé tout à l'heure, et s'il ne veut pas m'en parler, j'ai ma petite technique pour lui faire cracher le morceau.
- Pourquoi est-ce que tu me poses des questions aussi bizarres?
- Tu n'as pas besoin de m'en poser en retour. J'attends une réponse pas un interrogatoire de police.
- Je ne comprends toujours pas le rapport avec Luhan.
- C'est ton meilleur ami...
- Et alors?
Sehun soupire et détourne son visage de mes pupilles concentrées.
- Laisse tomber, j'aurais pas dû te demander ça, c'est complètement débile-
- Non, tu n'es pas débile et ce que tu dis ne l'est pas non plus, le rassuré-je en encadrant ses joues de mes petites mains.
Je sens sa barbe piquer le dessous de mes paumes et me pince les lèvres pour garder mon sérieux. La raison pour laquelle j'ai mis si longtemps à trouver la réponse, c'est parce que je ne la connaissais pas moi même. Serais-je assez égoïste pour blesser Sehun? Assez égocentrique pour détruire Luhan et m'en aller en laissant derrière moi les miettes de notre amitié? Quoique je fasse, le résultat serait le même. Mon seul choix serait de décider celui qui mérite le plus de souffrir et celui pour lequel je serais prêt à tout abandonner.
En me plongeant plus profondément dans mes pensées, j'ai réalisé que mon choix avait déjà été fait depuis le début. Depuis le moment précis où mes yeux avaient rencontré ceux de Sehun. Mais il était concrétisé à l'instant même où nos lèvres s'étaient rencontrées et à la seconde suivant notre étreinte. Luhan l'aimait, et je l'avais embrassé.
- Toi.
- Quoi?
- Si je devais choisir entre Luhan et toi, je te choisirais, déclaré-je sans hésitation avec la férocité dans lion.
La mine septique de Sehun me fait comprendre qu'il est sur le point de me répondre que je dis ça pour ne pas le froisser mais je le fais taire d'un regard noir et atteint doucement son menton pour déposer mes lèvres dessus avant de remonter jusqu'aux siennes.
- Tu comprends que... que...
Les mots restent coincés dans ma gorge et Sehun se redresse sur ses coudes, les yeux écarquillés pour m'encourager à poursuivre.
- Tu vois... Je... c'est que...
La frustration d'être incapable de prononcer ces foutus mots me fait monter les larmes aux yeux et je secoue la tête en mordant ma lèvre inférieure.
- Si tu n'y arrives pas c'est pas grave.
Il tente de me rassurer mais je décèle très bien la déception dans le ton de sa voix qui n'est plus qu'un chuchotement sur la fin. Je recueille alors tout le courage que je n'ai jamais eu et ferme les yeux.
- Je te choisis toi parce que... Je... Je t'aime! Voilà! C'est dit... Je t'aime!
En réalité... Je ne t'aime qu'à moitié, mais ça je ne pourrais jamais te le dire parce que s'il ne tenait qu'à moi, j'aurais préféré t'aimer en entier
- J'ai vraiment cru que tu ne le dirais jamais, soupire Sehun, soulagé, avant de prendre délicatement possession de mes lèvres qui se fondent contre les siennes. J'ai chaud, mes joues sont probablement cramoisies mais je suis bien trop heureux pour gâcher ce moment en les couvrant. Au lieu de quoi, je les dépose sur ses épaules et caressent sa silhouette musclée. Sa langue lèche timidement ma lèvre inférieure comme pour m'inciter à ouvrir la bouche, ce que je fais, sans hésitation. Chanyeol m'a déjà bien entraîné après tout.
Sehun ouvre les yeux en même temps que moi et je rougis face à notre baiser maladroit, néanmoins, je referme tout de même mes paupière et lui laisse l'accès à ma langue qu'il roule contre la sienne. Il joue de longues minutes avec, la parcourant jusqu'au fond, puis explore mon palais et mes joues avant de revenir à l'endroit initial. J'apprécie tant notre baiser que je me prête à son jeu et reproduis ses mouvements en m'échouant contre lui, appuyant tout mon poids contre son torse. Nous nous embrassons avec lassitude, presque comme si notre baiser avait le goût de la mélancolie mais je ne me lasse pas de ses attentions et de sa douceur.
Sehun interrompt notre baiser pour coller son front au mien et je sais en le voyant frôler mes lèvres à chacun de ses mots que j'ai touché le point qu'il fallait.
- Baek... Pour toi, j'abandonnerai tout, même Minseok.
***
Point de vue de Chanyeol
- Attendez, c'est quoi ce bordel?! hurlé-je fou de rage en parcourant la salle du regard.
Deux binoclards, une pom-pom girl, un mec aussi perdu que moi et le président avec sa tête d'abruti premier de la classe, en plus court, l'équipe du BDE dans lequel je me suis inscrit.
- C'est pas possible! Il doit y avoir une erreur! Où sont Baekhyun... et Yoona?!
- Personne de ce nom ici, bafouille la fille à lunette en se concentrant sur ses genoux.
- Mais... Si! Il doit y avoir un- Ecoutez y'a surement une erreur, mes amis font partie du BDE, j'en suis certain! protesté-je hors de moi.
Les paires d'yeux qui me fixent comme si j'étais un fou sorti de l'asile me rendent dingues et je jette au sol d'un geste rageur, la pile de papiers qui traîne sur la table, avec l'espoir de réveiller cette bande de coincés. Mon plan fonctionne plutôt bien puisque les deux filles se couvrent le visage en sursautant et le président s'approche de moi, l'air impatient.
- Qu'est-ce que tu essayes de faire au juste?! me demande-t-il en retenant ma main, prête à jeter la tasse de café qui repose sur le comptoir.
- Je veux savoir ce que je fous là!
- Ce que tu fous là? Hé bien, il semblerait que tu te sois inscrit de ton plein gré, m'informe le président en brandissant un papier devant mon visage.
Je le lui arrache des mains et parcoure le formulaire que j'ai, effectivement, rempli.
- Oui mais... je me suis inscrit parce que mes amis sont censés être ici!
- Ils t'ont peut-être menti
- Quel intérêt?! Yoona est en deuxième année, et l'année dernière aussi elle-
- Oh... Donc tu dois faire référence au BDE rouge...
- Oui! C'est ça, le BDE rouge.
C'est précisément ce moment que mon cerveau choisi pour remarquer les uniformes verts dégueulis que portent mes opposants.
- Sauf qu'ici, c'est le BDE vert. Les rouges sont nos concurrents.
- Pfiou, bon bah désolé du dérangement alors, m'excusé-je en me dirigeant vers la sortie.
- Pas si vite, où crois-tu aller comme ça?
- Hein? Bah euh... Au BDE rouge pourquoi?
- Ça ne fonctionne pas comme ça... Le BDE rouge est complet et nous ne le sommes pas, c'est pour ça que tu as été ajouté ici.
- Autrement dis, t'es là comme moi, par défaut, me précise le gars paumé, comme si je n'avais pas compris moi même, la merde dans laquelle je m'étais fourré.
- C'est pas un souci, je vais juste me désinscrire et-
- Tu ne peux pas. Une fois que tu es inscrit, il est trop tard pour faire marche arrière. Tu es avec nous jusqu'à la fin de l'année.
- Oui enfin, ça c'est ce qu'on verra, ricané-je en agrippant la poignée de la porte.
- Si tu franchis cette porte, je peux te garantir que le commentaire laissé sur ton dossier pousseront toutes les universités de ton choix à refuser ta candidature, me menace le président d'une voix ferme.
Son ton de guignole ne m'amuse plus du tout et s'il croit qu'il peut me faire du chantage comme bon lui semble, sans aucune répercussions, il se trompe lourdement. Je me retourne brutalement et m'approche de lui, les poings serrés. J'agrippe sans douceur le col de son polo vomi, et le soulève juste assez pour que ses pieds décollent du sol.
- Tu vois ça? lui demandé-je en lui montrant mon poing encore couvert de bandages. J'aurais aucun mal à te refaire le portrait avec si tu bouges pas ton petit cul de salope et me désinscrit de ce merdier.
Contrairement à ce que j'espérais, le président ne baisse pas les yeux et me défie littéralement du regard. Je vois qu'il n'a pas peur pour sa vie.
- Touche moi une seule fois, et je peux t'assurer que tu ne reverras plus jamais la couleur de ce lycée. J'ai avec moi des témoins qui confirmeront ma version à monsieur le directeur, ou devrais-je dire le camarade de golf de mon père.
D'accord... Je vois où il veut en venir. L'année dernière, mon renvoi du lycée ne m'aurait fait ni chaud ni froid mais aujourd'hui c'est différent. Je ne peux pas perdre Baekhyun de vue. Pas avant de l'avoir vu sous toutes les coutures et je ne veux pas prendre le risque de rater cette chance à cause d'un petit minable comme lui. Il faut croire que je n'ai pas d'autres choix que d'accepter cette requête de merde.
- D'ailleurs si l'envie te reprenait, sache que je me ferais une joie d'aller alerter tes fameux "amis" maintenant que leurs noms mes sont familiers.
Ça c'est de la menace. Il sait y faire le petit. Vaincu, je relâche son polo et m'écarte de lui avant de prendre place à côté du mec qui me ressemble hors de question que je m'assois entre les deux intellos boutonneux, je veux pas choper la malaria.
- Bien, maintenant que nous sommes au complet, la réunion va pouvoir commencer. Mesdames et messieurs-
- C'est maintenant que je suis censé me tirer une balle? demandé-je à mon voisin d'une voix pas vraiment discrète, qui me valut un froncement de sourcil désagréable du président.
- Donc, si certains membres auraient l'amabilité de se taire... Je disais que nous devons organiser un plan d'attaque.
Il se baisse et ramasse un carton qu'il dépose sur la table.
- Les "Allôs" ont commencé.
- Putain de merde, chuchote la pom-pom girl.
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