Chapitre VII
*Celui enfermé dans sa tour et celle qui fuyait sa boîte*
Galvanisé par le satisfaction de la vengeance, satisfaction étrange car elle produisait une espèce de colère faussement joyeuse, Tony s'était remis à bricoler dans son atelier. Plus il se répétait qu'il avait fait le bon choix, qu'il avait été méchant mais de manière juste, plus cela sonnait comme une tentative de se convaincre lui-même. Mais il n'avait pas envie de penser, il bricolait.
C'était tôt le matin quand la sonnerie retentie. Automatiquement, il alla dans son bureau pour afficher l'image de l'entrée. Il fut surpris de voir Ode se tenir dehors, à sa porte, exactement comme la première fois. Non, pas exactement. Elle était toujours en tenue de soirée, décoiffée, le maquillage usé, ses escarpins à la main et ses pieds nus rouges et abîmés sur le sol. Elle avait traversé tout Manhattan à pied dans la nuit.
Il aurait bien voulu montrer sa compassion, mais il était plein du ressentiment d'un homme blessé.
- Tony, je sais que vous m'entendez, ouvrez-moi, dit-elle d'une voix douce.
Elle n'était pas en colère. Ça énerva Tony. Il l'avait traité et abandonné comme un vulgaire déchet, et pourtant elle agissait encore avec douceur. Il savait qu'elle ne partirait pas si facilement, mais il ne la laisserai pas entrer. Alors il alluma son micro pour lui parler via l'interphone.
- Je vous ai dit que je ne voulais pas vous revoir. Partez.
- Je ne partirai pas tant que vous ne me racontez pas ce que vous a dit Clara.
Tony poussa un soupir d'exasperation.
- Elle ne m'a dit que la vérité. Que vous étiez partie, un jour, sans revenir.
- Bien sûr que je suis partie. On a vécu ce qu'on devait vivre. Tout le monde finit par partir, de toute façon, c'est la règle. Je ne vois pas ce que ça change, je ne vois pas ce qui vous dérange.
- Ce que ça change ? Vous pensez que je vais vous laissez m'approcher en sachant que vous allez me laisser tomber ? Bon sang, comment avez-vous pu revenir ? Vous ne vous demandez jamais ce qu'il advient de nous, une fois que vous partez vivre votre vie ?
- Et eux, vous poussez qu'ils se demandent ce que je deviens ?
Elle avait demandez ça avec une colère froide, comme une blessure cachée. Ça avait glacé le sang de Tony, rien qu'une seconde. Elle secoua la tête et reprit une voix plus douce :
- Écoutez, j'ai vécu avant vous, vous ne pouvez pas me le rapprocher. Est-ce que je vous le reproche ?
Elle n'avait pas tort. Elle ne lui avait pas demander d'effacer son passé et d'être son avenir. Elle ne lui avait pas reprocher son amour pour Pepper, elle s'en fichait. Elle était là, simplement. Elle ne demandait rien en échange. C'était injuste de lui demander tant en retour. Mais il était injuste, il le savait, il ne s'empêchait pas de l'être.
- Non, je ne vous le reproche pas, se répondit-elle. J'adore comment vous aimez Pepper avec tout votre cœur, je n'ai jamais voulu la remplacer, mais je veux que vous soyez heureux, vous le méritez, et vous pouvez encore l'être, même si elle n'est plus là. J'ai aimé, moi aussi, mais tout ce qui m'importe c'est d'être avec vous, maintenant. C'est ce que je veux, et je sais que c'est aussi ce que vous voulez.
Tony sentit son cœur le serré. Il ferma les yeux un instant et vit Pepper lui sourire. Il l'aimera toujours. Il aimait comment Ode parlait d'elle, comment il pouvait le comprendre, qu'elle acceptait cet amour qui n'était pas pour elle. Il avait envie de la laisser entrer, de la serrer dans ses bras, de s'excuser. Mais il avait peur de trop compter sur elle et de se retrouver désoeuvré quand elle partira. Il s'était attaché. Il avait peur de l'être trop, et elle, jamais. Il renonçait à avancer dans leur chemin sans même savoir si Ode y était.
- Partez, Ode.
Le bouche d'Ode se tordit violemment sous la colère. Elle était, pour la première fois, furieuse. Il ne savait pas exactement pourquoi, mais elle l'était.
- Arrêtez d'agir comme un enfant gâté ! Ce n'est pas moi le problème, c'est vous. Vous avez peur que je m'approche de vous parce que vous avez peur de vous attacher de nouveau, vous êtes un lâche et un égoïste. Je suis là, à votre porte, prête à tout vous donner, à vous aider, savez-vous combien de gens n'ont pas la chance d'avoir quelqu'un ? Savez-vous combien sont dans une situation pire que vous et ne demande qu'à être approchés ? Savez-vous combien sont terriblement seuls ?
C'était comme si elle l'avait poussé face au mur, violement. Ode était furieuse, et ses mots étaient tranchants. Ils étaient plus que ça, ils étaient d'une vérité qui semblait venir très loin au fond d'elle, et quand ils étaient sortis, ils lui avaient fait mal. Elle avait mal.
C'était la première fois qu'il la voyait furieuse, qu'elle n'était plus ce visage doux, mais ce visage enragé, blessé. Tony était presque heureux de voir son visage se transformer. Presque, parce qu'il se sentait attaqué par une flèche qui avait déjà tant de sang sur elle.
- Alors aidez-les eux !
- Je ne peux pas, je suis avec vous, ici et maintenant ! Peu importe du reste ! Je ne serai plus rien pour vous, quand vous n'aurez plus besoin de moi. Vous ne vous souviendrez même plus de moi !
Ça le frappa. De tout ceux qu'elle avait côtoyé, c'était elle, la plus seule. C'était peut-être son choix, mais elle l'était. Elle avait l'air si sincère, quand elle disait qu'il allait l'oublier, que ça lui pinça le cœur. Dans sa voix, il sentit qu'elle ne voulait pas qu'il l'oublie. Il sentit comme une brise d'air l'attachement qu'Ode lui portait. Ça l'adoucit.
- Je ne pense pas que je pourrais jamais vous oubliez.
La colère d'Ode disparut de son visage, visiblement touchée. Elle soupira, remit ses cheveux derrière ses cheveux, et d'une voix douce lui assura :
- Tony... vous savez que tout ce que j'ai fait, je l'ai fait sincèrement. Je suis sincère avec vous, je n'essaie pas de vous roulez. Alors n'essayez pas de me rouler en me faisant croire que vous voulez que je disparaisse.
Il ne pouvait pas nier qu'il la voulait encore, elle le savait. Elle savait aussi que ce n'était pas assez pour le convaincre.
Et si lui, il voulait qu'elle reste, il ne savait pas si elle voulait rester avec lui. Elle n'avait aucune raison d'être avec lui. Il était invivable, alcoolique, méchant. Il l'avait abandonné sur un trottoir en pleine nuit. Il lui avait dit des mots que les excuses n'effacent pas. Il l'avait traité comme une moins que rien. Il ne comprenait pas pourquoi elle était là, à sa porte, une nouvelle fois, pourquoi elle voulait être avec lui s'il la traitait de cette manière.
Personne ne veut autant donner qu'elle et ne recevoir en retour que du mépris. Même pour une montre en or. Même avec toute la bonté du monde. Ce n'est pas humain. Alors il questionna, de manière un peu agressive, l'interphone :
- Pourquoi êtes-vous revenue, après la manière avec laquelle je vous ai traité ? Je vous ai insulté et abandonné comme un vieux déchet, avez-vous si peu d'amour propre ?
Ode baissa un peu la tête et ses pieds se tordaient. Elle releva la tête en inspirant. Elle ferma un peu les yeux, elle fronça légèrement les sourcils. Elle rouvrit les yeux et parla à l'interphone comme s'il n'existait pas.
- Vous voulez que je vous donne une raison logique, mais je n'en ai pas. Je n'ai pas à me justifier avec des raisons intellectuelles, je fais confiance à mes sentiments, et ça me suffit, ça devrait vous suffire. Je n'ai pas de raisons logiques, je n'en ai pas besoin, je suis mon cœur. Je ne veux pas essayer d'être quelque chose d'autre que moi. Et ce que je suis, c'est une femme devant votre porte qui vous attends. Je suis revenue parce que je sais que ce n'est pas ce que vous avez fait n'est pas ce que vous voulez. N'opposez pas des raisons intellectuelles contre votre envie, vous vous faîtes plus de mal qu'autre chose, n'essayez pas d'être quelqu'un d'autre, ne jouez pas au méchant, vous ne l'êtes pas. Si vous me dîtes sincèrement que vous ne voulez plus de moi, je partirais. Mais croyez-moi quand je dis que je veux vraiment être vous. Vous êtes important pour moi.
Tony ne répondit rien. Que pouvait-il dire ? Elle avait déjà tout dit. Tout ce qu'il avait espéré entendre, mais tout ce qu'il avait aussi redouté. À la manière avec laquelle son cœur battait, il savait ce que ses mots avaient fait sur lui.
Ça n'avait plus de sens, soudain. Une femme qu'il voulait était à sa porte, elle l'attendait et il ne venait pas, par crainte de souffrir plus tard. Mais il la faisait déjà souffrir. Il prenait tout et ne donnait rien. C'était stupide. Tout lui parut stupide. Il se retrouva désarmé.
Les mots de Clara lui traversèrent la tête, comme les dernières balles tirées par un soldat déjà vaincu. Une dernière résistance. Une dernière peur. Alors il demanda dans un soupir :
- Allez-vous disparaître ? Allez-vous me laisser tomber ?
- Non, non, pas vous, secoua t-elle lentement la tête, faîtes-moi confiance.
- Clara, vous a t-elle fait confiance ?
Presque du tact au tact, Ode répondit de sa voix convaincue :
-Oui, et elle est tellement vivante.
Ça lui sauta aux yeux. Si Clara avait pu se livrer à sa rancoeur d'amourette, c'est qu'il y avait de la place pour sa dans son coeur. Qu'elle avait le souffle de vie suffisant pour se livrer à de tels sentiments futiles. Parce que malgré tout, Ode l'avait réparé, il vallait mieux la rancœur au vide abyssal.
Alors il n'eu plus peur. Il irait mieux, quand elle partira, si elle partait. Mais elle disait vouloir rester, elle disait avoir des sentiments pour lui, qu'il était différent.
Il prit l'acsenceur, descendit au rez-de-chaussée, ouvrit la porte d'entrée et se retrouva en face d'une Ode qui ne comprenait pas ce qu'il faisait.
- Je veux aller chez vous, déclara t-il.
Clara lui avait dit qu'il n'était pas différent des autres, qu'Ode ne recevait jamais personne chez elle. Comme un lieu secret qu'elle fuyait. Il voulait qu'elle lui prouve la sincérité de son cœur.
La jeune femme fut complètement déstabilisée par cette demande si soudaine. Gênée aussi, ce qui montrait qu'elle n'en avait pas spécialement envie.
- Pourquoi ? Il n'y a rien de drôle, chez moi. Rien d'intéressant.
- On a passé des jours, si ce n'est des semaines enfermés dans ma tour. On en a fait le tour. Vous connaissez tout de mon chez-moi, je ne connais rien de votre chez-vous. Ce n'est pas juste. J'ai envie de voir ce qu'est votre vie, où vous la passez, ce qui advient de vous, où vous allez, quand vous partez.
Il savait que c'était lui qui était injuste. Une nouvelle fois, il demandait beaucoup à Ode, sans rien promettre en retour.
Elle n'en avait visiblement pas envie, de l'emmener chez elle. Tony aurait pu abandonner cette idée face à la détresse d'Ode, mais il ne le fit pas. Il pensait en avoir le droit. Et Ode savait qu'il ne lui laissait pas le choix. C'était trop tôt pour elle, trop soudain, elle ne s'était pas préparée. Mais elle n'avait pas laissé Tony se préparer à son intrusion non plus.
Alors elle acquiesça avec un petit sourire triste. Tony lui prit la main et la mena dans sa voiture. Elle lui donna l'adresse qu'il entra dans le GPS. Cette fois, elle était dans sa voiture, et elle s'endormit sur le siège.
Elle acceptait la place que Tony lui donnait dans sa vie, un peu petite, de côté, derrière Pepper, et elle devait se plier pour rentrer dans cette place. Il ne pouvait pas savoir ce qu'il lui demandait. Il ne pouvait pas voir comment Ode se tordait pour entrer dans cette place. Il pensait que c'était elle au contrôle, que c'était elle qui le rangeait dans une case avec les autres. Peut-être avait-elle essayé, au début. Elle façonnait Tony pour le soleil, il la sculptait pour ne pas qu'elle le brûle trop.
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