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4. La clé à molette

Les méninges floutées et la bouche pâteuse, j'avalai du bouillon à la cafétaria de l'université et, tout en vrac, pris le chemin du lycée technique pour commencer mon après-midi de travail à temps partiel. Quelle idée, de sortir la veille ! J'avais bu sans me soucier du lendemain et à présent, je m'étonnai que mes organes se rebellent...

À Nintaï, je pointai ma présence dans la salle des professeurs par une plaquette en plastique sur laquelle était inscrit mon nom et la plaçai sur un tableau. Celle de Madame Chiba n'y était déjà plus.

Ce n'était que mon cinquième jour de travail à Nintaï. Il me semblait qu'il grouillait de plus en plus d'uniformes. Les nintaïens avaient cette allure de paumés un peu déconnectés de la réalité, prêts à en découdre à tout moment. J'étais également prête à parier que les petits sachets qui s'échangeaient dans les couloirs n'étaient pas des bonbons. De même, je me demandais si, réellement, tous me fixaient ou si ce n'était que le fruit de mon imagination.

Je longeai rapidement les salles partiellement demi-vitrées aux murs tagués avant de me murer dans le secrétariat.

Bientôt, le visage décomposé du vieux gardien apparut dans l'embrasure de la porte. Accablé par un lumbago et grimaçant de douleurs, il me tendit une fiche explicative et imagée d'extincteurs à contrôler en me précisant qu'il suffisait de revisser l'écrou d'attache du tube souple. Il déposa une clé à molette sur mon bureau et d'un doigt au long ongle jauni, il m'indiqua la direction du toit. Sans un mot de plus, il s'éclipsa tel un spectre tout fourbu, à moins que ce ne fussent des simili-courbettes de remerciements. Soucieuse de faire bonne impression, je rassemblai mon courage et m'engouffrai dans les étages.

À bout de souffle, je finis de gravir les dernières marches. Autant en finir rapidement avec cette corvée. Je franchis la porte du toit du lycée et débarquai sur la terrasse, clé à molette à la main, aussi improbable qu'une apparition d'O.V.N.I. puisse l'être.

En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, une multitude de paires d'yeux sombres, l'air rogue et mauvais, se braquèrent sur moi. Les discussions cessèrent et les gestes s'immobilisèrent.

Une vingtaine d' « étudiants »squattaient le toit. Ils étaient là, pour la plupart, à fumer une cigarette coincée entre le pouce et l'index, adossés au grillage ou affalés sur des chaises. D'autres jouaient au riichi* ou  aux cartes sur des tables de salle de classe taguées.

J'avais pénétré dans un sanctuaire et n'étais pas la bienvenue.

— T'es qui ? Qu'est-ce que tu fous là ? s'enquit un voyou au crâne rasé.

De tout l'établissement, un seul nintaïen posait sur sa photo de dossier avec un masque chirurgical : Mika.

Encore essoufflée, je rétorquai que je devais vérifier les extincteurs.

Mika fit un pas vers moi alors que je sortais la clé à molette de ma poche. Aurais-je le courage de la brandir pour le faire reculer ?

Un autre caïd toussa pour prendre la parole. Il me railla d'une voix virile et intimidante.

— Pose ça l'étrangère, tu vas te faire mal !

Je changeai d'appui et jetai un regard à l'intéressé, un gaillard au visage raffiné et aux cheveux couleur caramel, vêtu d'une longue chemise à carreaux. Ryôta, si je me souvenais bien de sa photo, avait tout de même gardé la veste avec l'insigne de l'établissement : une fleur rouge à cinq pétales. Ce Japonais était particulièrement beau. Nul doute qu'il était populaire auprès des filles.

Il cracha à mes pieds.

Attirant, mais guère séduisant.

— Je dois vérifier les extincteurs, bredouillai-je en remuant à peine les lèvres.

Mika explosa :

— Les extincteurs ? On s'en tape ! Dégage !

Un hoquet s'échappa de ma gorge. L'engin en question déjà entre mes mains, je reculai prestement contre le mur, en alerte.

— Tranquille, Mika. Si c'est le gardien qui l'a voulu... marmonna d'un ton condescendant un troisième étudiant taillé comme un portefaix.

L'air absent, il laissa échapper une bouffée de fumée d'entre ses lèvres. Affublé d'une chemise hawaïenne, il me fit penser à un yoropi.** À en juger par sa voix d'imperator et sa stature robuste, il n'y avait pas de doute : c'était lui, le chef de la bande.

Toute contractée, je réfléchis vite. Au souvenir de son dossier, cet étudiant s'appelait Takeo. Assis à une table, il pivota et me lança une œillade empreinte de suffisance. Sous la pression de son regard, je tournai la tête.

Takeo continua à jouer aux cartes. Dun mouvement erratique, je me retournai complètement pour détailler le groupe.

Ses acolytes étaient tous en troisième année. Par déduction, ils devaient avoir entre dix-sept et dix-neuf ans selon la constance de leurs parcours scolaires. Une distance non négligeable les séparait chacun des autres : ils préservaient leur espace personnel.

Non loin du chef, un géant était affalé en travers d'un canapé de récupération. De son nom, Daiki plissait les yeux sous le soleil aveuglant.

Je me ratatinai car Mika, l'étudiant au crâne tondu, se rapprocha par le côté.

— Takeo, elle n'a rien à foutre ici ! T'as entendu l'étrangère ?

Je hochai vivement la tête. L'instant d'après, je ne sais pas ce qui me prit : la clé à molette tremblante dans les mains, je vérifiai l'extincteur avec une maladresse désopilante.

— T'es sourde ou quoi ? cria-t-il sous son masque chirurgical.

Sans répondre, je me détournai et gravis la petite échelle du toit pour vérifier le dernier extincteur. Mes gestes étaient ceux d'un automate. J'achevai ma mission afin de ne pas penser à ceux qui m'attendaient en bas.

D'en bas, Mika m'interpella :

— Hé, l'étrangère ! Qu'est-ce qui passe par la tête de quelqu'un qui tombe d'un toit ?

— Je ne sais pas... répondis-je d'une voix brouillée.

— Sa colonne vertébrale !

Promptement, je redescendis le long de l'échelle branlante. Les nintaïens éclatèrent d'un rire étrange, vulgaire et malsain. Le boucan réveilla en sursaut Daiki, qui roula hors de son canapé.

La voix de Takeo mit brutalement fin à leur hilarité. À peine eus-je foulé le sol qu'il abattit ses cartes sur la table. Il se rua sur moi et m'empoigna par le col. Sans que j'aie pu esquisser le moindre geste, il me plaqua contre un mur.

Les muscles de son visage convulsant dans toutes les directions, le meneur menaça d'abattre son poing sur mon nez.

— Fais-le ! l'incita Mika derrière lui. Mets-lui en une !

Sans cesser de me fixer, Takeo se ravisa. Il écrasa sa cigarette contre le crépi, tout près de ma joue.

Sa mâchoire se tordit et me postillonna au visage.

— T'as intérêt à piger le respect, l'étrangère ! Sinon on va te l'enfoncer dans le crâne ! Tu vas te souvenir du voyage !

Une sueur froide coula dans mon dos mais je ne cédai pas totalement à la panique.

Takeo m'affronta du regard, les narines palpitantes. Si je m'effondrai, c'en était fini de moi. Je devais tenir le coup.

Enfin, le chef lâcha mon chemisier. Sur un ton lourd de menaces, il me glissa à l'oreille :

— Reviens une seule fois sur ce toit et t'auras des regrets bien cuisants !

J'entrevis la frontière à ne pas franchir. Takeo était à bout de patience et il n'était pas question de le provoquer davantage.

Désorientée, le corps secoué de tremblements convulsifs, je filai comme une flèche vers la sortie.

Au moment où je m'apprêtai à tourner la poignée de la porte métallique, celle-ci s'ouvrit sur un étudiant à la carrure impressionnante. Et pas n'importe lequel ! C'était le nintaïen qui m'avait incendiée le jour de mon arrivée au sujet de son fichu club de mécanique !

Kensei.

Il ne manquait plus que lui !

Nos yeux se toisèrent avec vigilance. Je me glissai dans l'embrasure de la porte et déguerpis.

J'appris plus tard que tous ces énergumènes trainaient ensemble et qu'ils venaient de m'attribuer un surnom : Clé-à-molette.


* riichi : mah-jong.

** Yoropi : catégorie de délinquant des années soixante-dix, dont les principales occupations étaient de commettre des petits délits, boire, fumer et passer le temps au drive-in en se recoiffant.


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*** C'est ici que la publication du 1er tome s'arrête sur Wattpad. Pour retrouver l'histoire sur liseuse ou format papier, rendez-vous sur aurore-leroy.com et sur Instagram à @livre_octopus ***

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