Chào các bạn! Vì nhiều lý do từ nay Truyen2U chính thức đổi tên là Truyen247.Pro. Mong các bạn tiếp tục ủng hộ truy cập tên miền mới này nhé! Mãi yêu... ♥

17. Le Black Stone

Le mal du pays ne vint pas. J'avouais que ni la France ni mes proches ne me manquaient. Mon indépendance m'assurait une liberté grisante. Mais quelle liberté au juste m'offrait le Japon, à l'exception d'une laborieuse adaptation ? Avec cette façon inaccoutumée de vivre, de penser, de me mouvoir et de m'exprimer, je jouais avec les concepts d'une civilisation à la fois archaïque et ultra-moderne.

Bien entendu, mon groupe d'amis de l'université me prodiguaient mille conseils. J'aurai pu vivre à l'abri de tous soucis, sans le cadre austère de Nintaï qui parasitait mes pensées. Les cours à l'université et le perfectionnement du droit en langue japonaise comblaient la majeure partie de mon temps. J'étudiais les kanji et malgré mon don de mémorisation, les idéogrammes aux multiples facettes m'accaparaient jusque tard dans la nuit. Cette mémoire avait peu de failles et brandissait sans scrupule le souvenir ardent de Kensei. Je mourrai d'envie de le revoir et de lui clouer le bec pour de bon.

La semaine s'acheva. Sous l'œil approbateur de ma voisine au balcon, j'évacuai soigneusement mes sacs poubelles soigneusement triés. Les corbeaux tournaient déjà autour de leur futur repas, à l'affut de la moindre ouverture de bac.

Rentrée à l'appartement, je me décidai à appeler Sven. Après quelques civilités d'usage, il s'amusa franchement :

« Jolie confrontation ! Ta super mémoire ne t'est pas très utile dans ton boulot, hein ?

— J'aurai dû développer des biceps à la place.

— Depuis combien de temps tu n'as pas dansé ?

— Mon corps me démange.

— Très bien, rendez-vous demain à vingt heures à la station Higashi-Umeda. C'est un bar un peu spécial, avança-t-il avec précaution.

— Ah ? Du genre ?

— Un repère rockabilly... Mais tu ne crains rien et on y passe de la bonne musique. Je me charge d'appeler les autres.

— Tu es un ange.

— Je sais ».

***

Nous étions quatre. Sven, Shizue, Yoshi et moi. Leandro était cloué au lit par un soi-disant virus. Nous supputions qu'il avait plutôt un rencard.

Soirée Harley Davidson, avait précisé Sven. Nous nous étions habillés sur le thème. Naturellement, Sven était le plus beau et des salarymen dans la rue le prenaient en photo en pensant qu'il était une célébrité étrangère. Derrière lui, Yoshi et Shizue s'amusaient à jouer les agents en répondant à des questions.

Encastré entre deux petits restaurants de quartier, le Black Stone était bar qui semblait désaffecté : les fenêtres des étages étaient murées ou hermétiquement fermées par des planches. Le seul signe d'activité visible de la rue était les lumières clignotantes des néons de l'enseigne. Était-ce de l'ironie de la part de Sven de nous emmener en ce lieu ? William Blackstone avait été un éminent juriste britannique du XVIIIe siècle. En diffusant ses leçons données à Oxford, il avait œuvré à l'exportation de la Common law jusqu'aux États-Unis où ses écrits avaient considérablement influencé le domaine constitutionnel et juridique. Le fait qu'il s'agisse d'un repère de rockers frisait une subtile indécence.

Nous descendîmes en file indienne un petit escalier en sous-sol, abrupt et étroit qui ouvrait sur le bar. A mi-chemin, nous entendîmes un bruit étouffé de guitares.

Sven avait dit vrai, c'était un repère de loubards sous la forme d'une immense cave aménagée au plafond haut. Un distributeur de cigarettes était placé à côté de l'entrée. Inutile de noter que cette installation était illégale. Plongé dans la pénombre, le bar bruyant se répartissait sur deux étages, à la façon d'une mezzanine. Les murs faiblement éclairés par des spots baignaient le lieu d'un éclairage indirect.

L'étage donnait en contre-bas, après le franchissement d'une rampe métallique semblable à celles des chantiers. Elle débouchait sur une petite scène de concert amateur où un groupe jouait à plein-pot, une foule l'acclamant avec énergie.

Un comptoir long de plusieurs mètres se tenait sur le côté de la salle, embarrassé de bouteilles, de boissons et de babioles où le barman discutait vivement avec des clients accoudés.  Les rires et les cris fusaient de partout sous la musique grésillante. De l'extérieur, il était impensable d'imaginer que l'endroit soit aussi spacieux. Etait-ce un lieu de rendez-vous pour la racaille d'Osaka.

Notre apparition suscita la curiosité des habitués du bar. Le son était entêtant et assourdissant. Au bout de quelques minutes, une serveuse aux innombrables piercings vint prendre notre commande.

« Sven, je compte sur toi pour m'éviter les abus. Je n'ai pas envie de gâcher mon dimanche à buller vautrée sur mon canapé.

— Tu bosses à fond toute la semaine. Amuse-toi » soupira-t-il en passant un bras démesuré et détendu derrière le dos de ma chaise.

Yoshi s'amusa du geste et sortit une Mild Seven de sa poche de jean. Je m'étonnai qu'il fume.

Le temps de boire une pinte, le groupe quitta la scène pour une pause et la sono prit le relais. Mon corps s'égayait et ma tête dodelinait. Sven battait la mesure de ses doigts sur le rebord de la table. A côté, Shizue et Yoshi buvaient en se racontant leurs anecdotes hilarantes à l'université.

La boîte à fumée laissa s'échapper du plafond un nuage de fumée bleue. J'en profitai pour les interrompre.

« Yoshi, toi qui a la science infuse, pourquoi appelle-t-on le Japon Pays du Soleil-Levant ?

— Tu aurais pu te poser la question plus tôt, me fit remarquer Sven en s'étirant les épaules.

— Les Occidentaux, déclara Yoshi qui prenait cela très au sérieux comme s'il fallait faire un exposé, pensent que c'est parce que le Japon se trouve le plus à l'Est par rapport au méridien de Greenwich. Nihon, le Japon, signifie l'origine du Soleil, d'où le Pays du Soleil Levant.

— Ça, je le savais. Y-a-t-il une autre raison ? ».

Yoshi avala une rasade de bière et plissa les paupières.

« Tu ne te satisfais pas d'explications banales. C'est bien ça ! Alors, reprit-il sur un ton plus léger, à l'origine, les Japonais désignaient le pays sous le nom de Yamato ou de Hi no moto : là d'où provient le Soleil. Au VIe siècle lorsque le pays entreprit de commercer avec la Chine, c'est en fait le terme qu'utilisa le prince Shôtoku Taishi dans une missive envoyée à l'Empire du Milieu. Il faisait référence à la position plus orientale de notre archipel vis-à-vis de celle de la Chine.

Sven l'interrompit :

— C'était au passage une tacle destinée aux Chinois qui zieutaient et provoquaient leurs voisins nippons depuis un moment !

— Oui, bon ! enchaîna Yoshi. Les diplomates Chinois gardèrent ce terme mais le prononcèrent à leur manière. Avec l'introduction massive de leur langue et de leur culture au Japon au VIIIe siècle à l'époque de Nara, une prononciation sino-japonaise des kanji fut adoptée. A cause des déformations successives, leur lecture passa de Hi no moto à Nippon, puis à Nihon.

— Dans ce cas, pour quelle raison dit-on Japan en Occident ?

— Les Occidentaux sont d'abord arrivés en Chine en empruntant des routes commerciales comme la Route de la soie. De là Marco Polo a entendu parler du Japon et a noté son nom en mandarin : Cipangu. Ne me demande pas pourquoi mais ce mot est ensuite parvenu à vos oreilles en tant que Japan, conclut le professeur d'histoire improvisé.

— J'en ai appris des choses ! s'exclama Shizue les yeux écarquillés en reversant de la bière sur son bras. Ah, Yoshi, est-ce que je t'ai raconté la fois où je me suis retrouvée coincée avec Leandro en pleine nuit dans un pachinko* près du port ? ».

J'observai Shizue à la dérobée, notant sa palette de mimiques précieuses propres au charme des Japonaises et les rendant mignonnes ou agaçantes selon la perception que l'on en avait. Shizue était toujours en représentation : dans une conversation, sa gestuelle consistait à mettre le doigt sur ses lèvres pour partager un secret, se toucher les cheveux pour montrer sa pseudo-gêne, désarticuler sa bouche pour exprimer l'ennui, abaisser sa main plusieurs fois pour signaler un embarras, sauter en l'air en criant Yay ! pour annoncer sa joie... 

C'était un véritable spectacle, jusqu'à ce que Like a Hurricane de Scorpions couvre le son des voix.

Sven s'étonna que j'en connaisse les paroles.

« C'est bon, ça ! fit-il en se retournant pour jeter un coup d'œil circulaire dans la salle. Il me parla à l'oreille : Viens ! Je n'en peux plus de rester assis !

— Je te suis ! criai-je pour couvrir le bruit de la musique. Quand j'entends du rock, j'ai le sang qui monte au cerveau !

Sven se souleva de sa chaise.

— Dis-moi, c'est normal ? demandai-je.

— Et tu as la bougeotte ? Le pied et la tête qui battent la mesure ? L'air qui arrive par à-coups dans les poumons ? Les paroles qui te viennent à la bouche même si tu ne les connais pas toutes ?

— C'est exactement ça ! C'est fou ce qu'un morceau peut rendre heureux ! ».

Le métis Danois empoigna nos verres et nous glissâmes le long de la rampe pour aller danser près de la scène.

« Qui eut cru que notre sainte-nitouche numéro deux était une petite rockeuse ?

— Qui t'a dit que les saintes-nitouches n'écoutaient pas Rammstein ? Et qui te dit que Shizue, elle, n'est pas fan de Marilyn Manson ? ».

Le rire de Sven étincela un instant sous les stroboscopes tournoyants.

Danser fut une libération. J'évacuai mes tensions dans un rideau de neige carbonique et de fumerolles de tabac.

Je ne sus si c'était l'alcool ou le fruit de mon imagination mais il me sembla par un moment reconnaître les têtes de la bande de Takeo. Les nintaïens de troisièmes années devaient être attablés dans le coin du bar mais leurs visages furent vite masqués par un jet de fumée carbonique. 



*Pachinko : machine ou plus largement lieu contenant des appareils à la croisée entre un flipper et une machine à sous.


~Merci encore pour votre lecture ! o(^▽^)o

Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro