Sortiège 34
Sortilège 34.
Toujours torse nu, assis sur le dessus d'une table, Harry observait Severus qui, s'étant rhabillé, préparait une potion dans le plus grand silence et le plus grand sérieux. L'ancien professeur ruminait les événements du jour, refusant d'adresser la parole à son compagnon ou de le regarder. Poser les yeux sur Potter revenait à se souvenir en détails de tout ce qu'ils avaient fait. C'était incroyablement frustrant et inconvenant.
— Allez-vous finir par dire quelque chose ? l'interrogea Harry. Quelle potion préparez-vous ?
Severus se pinça les lèvres, concentré sur le contenu de son chaudron.
— De l'Amortentia, finit-il par répondre, vite et sec.
Harry fronça les sourcils. Aussi surprenant que ce soit, il se souvenait de cette potion. Le professeur Slughorn leur en avait parlé en début de sixième année. Cette potion faisait partie des trois qu'ils devaient apprendre à concocter après leurs ASPIC. Hermione avait pu toutes les identifier.
— C'est le plus puissant des filtres d'amour, pourquoi préparez-vous cette potion ?
Snape haussa les épaules.
— Pour la vendre, bien évidemment, c'est une commande.
— Qui pourrait bien commander un tel filtre ! N'ignorez-vous pas qu'il est impossible de fabriquer ou d'imiter l'amour et que cette potion produit simplement une forte attirance ou une obsession ?!
Il venait de reprendre, presque mot pour mot, les paroles du professeur Slughorn. Severus osa enfin tourner la tête dans sa direction, le fusillant du regard.
— Bien sûr que je sais ça, Potter ! Remettriez-vous en doute mes capacités en potions ? Si vous avez passé votre sixième année en potionlogie, c'est uniquement parce que vous avez trouvé le livre que j'avais annoté !
— Pourquoi acceptez-vous de fabriquer une potion pareille et de la vendre si vous savez tout ça ?
— Parce que l'on me l'a demandé, que je gagne ma vie de cette façon et que je n'ai pas grand-chose à faire de l'utilisation qu'on en fait une fois qu'elle a quitté mon laboratoire. Les clients connaissent ma politique.
— Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom a été conçu parce que sa mère avait envoûté son père avec un filtre d'amour semblable. Cette potion est dangereuse, Severus !
— Si ça devient un danger, vous n'aurez qu'à sauver le monde une nouvelle fois, n'est-ce pas, Potter ? se moqua Severus à double-tranchant.
La potion était presque prête. La vapeur s'élevait en spirales caractéristiques au-dessus du chaudron. Harry descendit de la table où il était assis pour s'en approcher. Il se pencha, près de Severus, sur la substance nacrée.
— On dit qu'elle a une odeur différente pour chacun. Qu'est-ce que vous sentez, Severus ? Moi... ça a une odeur... de vieux livres, d'amertume, de la réserve de potions de Poudlard – remplie d'épices et de plantes – et... et... je n'arrive pas à cerner l'autre parfum.
Ou alors il parvenait très bien à le déceler, mais il n'avait pas envie de le dire. Du moins, pas avant que Snape n'ait parlé. Or, le potionniste se renfrogna. En réalité, le foutu parfum de l'Amortentia menaçait de le rendre complètement fou depuis qu'il avait commencé à la concocter. C'était pire maintenant qu'Harry se tenait tout près. Comme si le parfum s'en retrouvait amplifié, cette odeur de balais, de chocolat et d'arrogance.
— Je ne sens rien du tout.
C'était complètement faux. Harry plissa les yeux. Il n'était pas convaincu.
— Je ne vous crois pas, Severus. Avez-vous le rhum ? Il ne me semble pas vous avoir entendu renifler.
— C'est trop sucré et ça me donne le tournis, un peu comme vous, Potter. Si vous ne sortez pas de ma bulle immédiatement, je serai incapable de me concentrer et de finir ma potion !
— Je refuse que vous vendiez ça à qui que ce soit, protesta Harry.
— À quel moment allez-vous arrêter d'essayer de sauver tout le monde, Potter ?
— Cette potion risque de blesser quelqu'un !
Severus soupira.
— Et ce n'est absolument pas de mes affaires et encore moins des vôtres...
C'est alors que, prenant Severus au dépourvu, Harry s'empara de la petite marmite et s'éloigna rapidement, si vite que son vis-à-vis n'eut pas le temps de réagir.
— Potter ! s'exclama-t-il, ses yeux lançant des éclairs. Que faites-vous ?! Ramenez tout de suite ce chaudron !
— Vous avez dit que vous vous fichiez de la personne qui boirait cette potion, n'est-ce pas ? Alors, ne faites pas attention à moi.
— Je vous interdis de boire ça ! Ne faites pas ça, Potter, ne buvez pas ça !
Un sourire arrogant étira les lèvres du jeune sorcier.
— Oh, pourquoi donc ? Admettez-vous enfin la dangerosité de cette potion ?
— À quoi est-ce que vous jouez ? Cette potion est compliquée à faire et prend du temps, je n'ai pas envie de tout recommencer à cause de vous !
— Vous n'aurez pas à le faire. Après avoir vu ses effets, vous ne voudrez plus.
Sans plus attendre, Harry porta le chaudron à ses lèvres et commença à boire son contenu. Au même moment, Severus dégaina sa baguette et lança un sortilège pour désarmer le jeune sorcier de la marmite, mais le sort atteignit sa cible trop tard. Lorsque le chaudron toucha le sol dans un fracas épouvantable, il était déjà à moitié vide. La panique envahit aussitôt Snape.
Les bras de Potter retombèrent le long de son corps mollement. Les effets de l'Amortentia étaient presque immédiats. Harry eut l'air très pâle d'un seul coup et dès que son regard se posa sur Severus, il se sentit comme si un rayon de la plus pure lumière l'avait frappé, comme s'il venait de voir le soleil pour la première fois.
— Vous avez perdu l'esprit, Potter, vous êtes complètement insensé et irréfléchi... ! s'enflamma l'ancien professeur de potions. Ne bougez pas, espèce d'idiot ! Je dois bien avoir quelque chose, n'importe quoi, un antidote...
— Tout ce que vous voudrez, Severus... ne vous a-t-on jamais dit que vous êtes très séduisant lorsque vous concoctez des potions ? Et encore plus lorsque vous avez l'air inquiet.
La voix d'Harry était lente et pâteuse. Il avait l'air malade et envoûté.
Severus ouvrit frénétiquement tous les tiroirs de son laboratoire à la recherche de l'antidote. Un philtre d'amour normal pouvait durer jusqu'à vingt-quatre heures, puis les effets s'amenuisaient. L'Amortentia pouvait durer bien plus longtemps. C'était ce qui l'inquiétait. Dans son état, Potter serait bien prêt à se jeter en haut de la plus haute tour de Poudlard s'il le lui demandait ! Dans d'autres circonstances, l'idée aurait pu être alléchante... mais en ce moment, elle était plutôt inquiétante.
— Oh ! J'ai l'antidote !
— L'antidote ? Mais je ne veux pas être guéri de l'amour que j'ai pour vous !
Il savait bien qu'il avait gardé de ça quelque part. C'était un contre-poison à base d'écorce de wiggentree, d'huile de ricin et d'extrait de Ravegourde.
— Oui, tenez, buvez ça, Potter, et vous devriez aller mieux ensuite. Vous avez dit que vous feriez n'importe quoi pour moi, non ? Alors, buvez.
Severus s'approcha d'Harry et il lui tendit une fiole qui contenait un liquide rose. Leurs doigts se frôlèrent et le regard du jeune sorcier se perdit dans celui de son aîné.
— Vos yeux sont comme une galaxie... on voudrait s'y perdre...
— Oui, oui, j'ai compris, maintenant, buvez.
Il poussa la fiole vers les lèvres de son ancien étudiant, quand soudainement Potter le repoussa gentiment. Son visage reprit une expression tout à fait normale d'un seul coup, prenant Snape au total dépourvu.
— Je ne pense pas que ce sera nécessaire, Severus.
— Mais... la potion, vous l'avez bu, Potter, je vous ai vu et il est impensable que je puisse l'avoir raté, alors comment est-ce possible... ?
— Je voulais vous prouver les effets dévastateurs de cette potion, expliqua l'Auror, histoire de vous donner une petite leçon. N'êtes-vous pas sans savoir que les philtres d'amour son inutiles sur les êtres qui éprouvent déjà des sentiments l'un pour l'autre ? Je l'ai su en respirant son parfum. La réserve de potions de Poudlard, les vieux livres... je ne connais pas beaucoup de personnes qui correspondent à cette odeur. J'ai tout de suite su que boire l'Amortentia serait sans danger pour moi.
Il se savait jaloux et possessif envers Severus, mais quand il avait reniflé l'Amortentia, il avait compris que c'était sans doute plus que ça. Dans sa jeunesse, il avait toujours eu du mal à approcher les filles. Après avoir acquis son immense popularité dans le monde sorcier, il s'était juré que ça ne se reproduirait plus jamais. Dorénavant, il foncerait et ne se voilerait plus jamais la face sur ce qui concernait ses sentiments. Severus était sans doute plus difficile d'approche que toutes ses précédentes conquêtes réunies, mais ça en valait le coup.
D'ailleurs, les révélations très franches de Potter laissèrent son aîné bouche-bée, muet de stupeur. Harry se décida à l'achever d'une question :
— Et vous, Severus, est-ce que boire la potion aurait aussi été sans danger pour vous ? Pour une fois, soyez honnête. Pas juste envers moi, mais aussi envers vous-même.
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