03.
Jungkook s'immobilisa devant la porte. Il resta là, à la fixer. Il cligna des yeux et, les mains moites et frigorifiées, tâta ses poches. Il trouva sa clé et s'approcha de la poignée. Ses doigts s'emmêlèrent, il rata la serrure. La clé griffa le métal, dérapant sur le bois. Il recommença, échoua à nouveau. Deux fois. Trois fois. Quatre. La cinquième fut la bonne.
Enfin, il déverrouilla la porte et la poussa sans force, totalement vidé d'énergie. Trempé jusqu'aux os, Jungkook entra, referma. La peau écorchée de ses genoux le tirait. Machinalement, il ôta ses chaussures. L'eau gouttait de ses vêtements et formait déjà une flaque grossissante à ses pieds. Il entendit des pas venir et leva la tête par instinct.
Son colocataire eut d'abord l'air en colère, puis étonné. Il le toisa de haut en bas, de bas en haut, s'attardant sur son accoutrement. Il y avait du venin dans sa voix.
« Qu'est-ce que t'as fichu ? »
Jungkook était vide. Vide d'émotion, vide de tout. Voir et entendre son colocataire, d'ordinaire si chiant et si ennuyant, ne lui fit absolument rien. Pas une once de colère. Il savait qu'il aurait dû se sentir agacé, lui répondre que ce n'était pas ses affaires, l'envoyer se faire foutre. Aucun de ces mots ne passèrent ses lèvres. Il le regarda d'un air distant, si bien que l'autre dû le prendre pour un abruti. Ou un fou.
« Reste pas là, tu vas foutre en l'air le parquet ! Et tu ferais bien d'aller te changer et de nettoyer ça vite fait. »
Il lui fit signe de déguerpir. Jungkook s'en alla en simple ombre de lui-même. Il ne vit même pas le regard inquiet que l'autre lui adressa, car il alla directement s'enfermer dans sa chambre.
Il faisait noir à l'intérieur. Les volets étaient clos, la pluie les battait férocement et sans relâche. Les rideaux étaient tirés. Il ne prit pas la peine de les ouvrir, ni même d'allumer la lumière. De toute manière il faisait nuit dehors. Il le savait pertinemment puisqu'il venait de rentrer en courant, avec pour seul guide son instinct et les lumières âcres des lampadaires.
Jungkook s'entendait clairement respirer, les yeux écarquillés comme s'il tentait vainement de deviner les formes de cette pièce qu'il connaissait par cœur. C'était son antre, son repère. Son endroit à lui, et à lui seul. Machinalement, il débuta la pénible tâche de se déshabiller. Il enleva ses chaussettes trempées, découvrant ses orteils froids qu'il ne sentait plus qu'à moitié. Puis ce fut au tour de sa veste, de son pull. Il les abandonna à ses pieds. Il déboutonna son jean et eut bien de la peine à le retirer. Il enleva aussi son sous-vêtement, peu pudique dans l'obscurité.
Il s'exposa ainsi aux ombres souveraines, vulnérable et misérable. Des gouttes glaciales glissaient de ses cheveux sur sa nuque pour couler le long de sa colonne vertébrale, jusqu'à ses reins. Des frissons le secouèrent, firent vibrer son âme toute entière. Les fourmillements coururent sous sa peau, le long de ses bras et de ses cuisses, comme des insectes grouillants qui se seraient faufilés sous ses pores. Il marcha droit devant. Ses tibias heurtèrent le bord de son lit et il s'y laissa tomber. Les draps étaient froids et défaits. Il s'y recroquevilla, essayant tant bien que mal de garder de la chaleur, du réconfort tout au fond de lui. Ses genoux et ses paumes écorchées lui faisaient mal.
Il sombra dans un état comateux, hanté par des formes indistinctes qui se battaient sous ses paupières.
[...]
Lorsque Jungkook ouvrit à nouveau les yeux, des heures s'étaient écoulées. Il ne voyait rien que l'obscurité. Il se redressa, s'assit au milieu de son lit entre ses draps tièdes. Il sentit davantage sa nudité qu'il ne la vit. Mais elle ne le dérangeait pas; il se fichait bien de son corps et de son état. Il fermait les yeux devant sa maigreur et sa pâleur, car il aimait croire que s'il ne voyait pas ses défauts, ils n'existaient plus. Il préférait se rendre aveugle de son plein gré plutôt que d'affronter une telle chose.
Immobile, le noiraud ne fit rien. Il avait comme oublié tous ses gestes coutumiers, ce qu'il faisait d'habitude en se réveillant mais aussi comment les faire. Il resta simplement pantois, perdu, en état de choc. Car cette fois-ci, ce ne fut pas un mirage flou qui vint le hanter, mais des pensées bien réelles, aux répercussions bien réelles, elles aussi.
Son hyung avait assassiné quelqu'un. Une femme, dans la rue. Il l'avait vu de ses propres yeux, il y avait assisté. La scène se rejouait dans sa conscience avec une netteté plus claire encore que la réalité. Il se souvenait exactement de chaque geste et de ce qu'ils avaient signifiés pour la victime.
Yoongi, l'homme qu'il suivait et admirait en secret, avait tué. Mais il ne l'avait pas fait de n'importe quelle manière. Il l'avait fait d'une façon si particulière qu'elle en était troublante. Parce que ses méthodes –le fil pour étrangler, le couteau pour marquer le corps– correspondaient à celles du Mutileur.
Yoongi et le Mutileur, une seule et unique personne.
Le constat fut un électrochoc, une gifle en pleine figure, un bain d'eau glacé.
Ça le plongea dans un état d'effroi et d'immense joie mêlée; les deux émotions, trop fortes et trop contradictoires, secouèrent son corps de tremblements. Jungkook serra ses propres bras autour de lui, comme pour se maintenir en place. Son crâne le faisait souffrir; les tourbillons de ses pensées et leurs poids rendaient sa tête si lourde. Il se balança d'avant en arrière, incessamment, pour tout chasser, tout rejeter. Et pourtant il ne pouvait pas empêcher les deux sentiments d'adorations et d'abomination de se mélanger. Il s'y noyait sans espoir de remonter. Il peinait à respirer.
À présent que les deux figures n'en formaient qu'une, qu'elles se superposaient, se confondaient et se liaient, Jungkook comprit véritablement pourquoi il avait été si pressé en sortant de chez lui, pourquoi il paraissait suivre la piste des passants; il avait cherché à accomplir son meurtre sur une victime au hasard dans le temps imparti qu'était l'intempérie du moment. Car s'il était réellement– non, parce qu'il était le tueur en série qui défrayait la chronique, c'était ainsi qu'il procédait. Une victime choisie par le hasard, une situation propice, un étranglement, un visage mutilé et enfin, le plus important et le plus mystérieux de tout ce qui concernait cette affaire: les sigles.
Les sigles, les sigles. Jungkook fourra son visage entre ses mains moites, les yeux grands ouverts, éperdu. Les sigles, il ne les avait pas vu !
En un instant seulement, le puzzle se démonta et se démembra, comme si la pièce centrale, celle qui tenait toutes les autres en place, n'était pas la bonne. Jungkook n'avait pas vu les sigles, il n'avait pas pu. Il s'était lâchement enfui avant même que son hyung n'ait terminé son œuvre macabre. Il n'avait pas vu ce qui aurait fait de Yoongi et du Mutileur la même et unique personne. Il l'avait raté. Il l'avait totalement raté. Il avait royalement loupé le dénouement de la pièce de théâtre, dont les acteurs n'étaient que trop vrais et les enjeux trop réels.
Il lui semblait avoir été bête et ignorant durant tout ce temps, et Jungkook ne s'en sentit que plus idiot encore de n'avoir rien pour prouver définitivement l'évidence. Sans ça, il subsistait un doute, un léger et tout petit doute qui changeait tout. Un doute qui changerait un statut d'homme à celui d'assassin.
Jungkook ferma les yeux et se massa les tempes. Il sentait les battements sous sa peau, les rouages de son cerveau tourner encore et encore...
Le journal du jour lui donnerait sa réponse. À condition que le corps ait été retrouvé. À condition que ce meurtre soit bel et bien du Mutileur. Ainsi, et seulement ainsi, Jungkook aurait la certitude que son hyung n'était pas l'homme parfait et innocent qu'il avait toujours connu.
Ainsi, ses deux fantasmes seraient réunis, plus beaux et éclatants, mais aussi plus mortels que jamais.
[...]
Jungkook obliqua sur le trottoir, hésita un instant et malgré ses réticences, entra dans le kiosque où il avait l'habitude de venir.
Sa venue n'attira pas immédiatement l'attention, car le vendeur qui l'avait accusé la dernière fois était occupé avec le client qui passait en caisse. Le noiraud en profita pour se fondre entre les rayons couverts de magazines, allant directement du côté des journaux. Il avait besoin d'une réponse, et plus vite que ça, mais ce n'était pas le bon endroit pour feuilleter les nouvelles. Il prit le premier journal qu'il vit et qui était daté du jour, le plia rapidement en deux et obliqua vers la caisse. Si le type avait été encore occupé, Jungkook aurait peut-être songé à glisser le journal sous sa veste et à sortir ni vu ni connu. Mais il ne le fit pas.
Car bien que le type ne lui dit rien, il le toisa férocement lorsqu'il posa le journal plié avec la monnaie au-dessus. Il ramassa les pièces, les compta minutieusement, puis jeta un coup d'œil au noiraud qui, la tête baissée, était davantage intéressé par la saleté sous ses ongles courts. Il encaissa les pièces. Jungkook releva les yeux, prudents.
« Prends ton journal et déguerpis, grinça le vendeur. J'veux plus jamais voir ta sale tête ici, espèce de voleur. »
Jungkook serra la mâchoire, prit son dû et tourna les talons. Il marcha droit et vite. S'il aurait pu claquer la porte, il l'aurait fait. S'il aurait pu foutre en l'air le kiosque, renverser les étalages et tout briser, il l'aurait fait aussi. Le noiraud sortit sur le trottoir, baissa la tête et rabattit sa capuche, son journal sous le bras. Il brûlait de l'intérieur. Il brûlait de rage, d'impatience.
Il marcha aussi loin qu'il le put, mais la frustration de ne pas savoir grossissait au détriment de sa colère, qui s'étouffait et couvait en lui. Il s'arrêta sur un banc aux abords d'une place de jeu. Quelques enfants jouaient sur les installations, sous les yeux de leurs nounous. Il ouvrit son journal et se plia vers l'avant, les yeux grands ouverts pour sonder les pages. Il lut en diagonal, tourna les pages, revint en arrière, chercha désespérément sa réponse. Mais rien. Il était trop tôt. Les journaux n'avaient pas eu vent de l'histoire. Demain, peut-être. Mais Jungkook ne pouvait pas attendre. Il n'en pouvait plus. Frustré, il déchira le journal et le chiffonna jusqu'à en faire une boule pas plus grosse que son poing. Il la jeta loin devant lui. Les nounous le regardèrent bizarrement.
Le noiraud se leva de son banc, soudain illuminé. Il tâta sommairement ses poches à la recherche de son téléphone et l'y extirpa. Il trouverait ses réponses sur le net. Il était bête de ne pas y avoir songé directement ! Tout ce temps précieux gâché pour rien.
En quelques clics seulement, il avait trouvé un article d'un site d'information qui venait à peine de sortir. Il lut rapidement et avidement. Il dévora les mots. Chacun d'entre eux confirmaient peu à peu ses craintes inespérées. Un meurtre dans une ruelle. Une femme, étranglée, mutilée. L'excitation pulsa dans ses veines et atteignit son maximum lorsqu'il comprit que l'endroit où avait été retrouvé le corps correspondait. Celui où s'était déroulé la scène du crime. Et dire qu'il y était; Jungkook en frémit.
Mais, plus palpitant encore, l'article parlait des sigles. C'était tout ce qu'il avait besoin de savoir.
Yoongi était le Mutileur. Le Mutileur était Yoongi. L'un et l'autre se complétait. Ils n'avaient toujours fait qu'un. Le noiraud avait adoré en secret les deux facettes d'une même pièce, et il pouvait à présent les assembler.
Jungkook sentit comme une boule se former dans son estomac; il crut d'abord qu'il allait vomir, mais ce n'était pas ça. C'était autre chose, quelque chose qu'il avait rarement ressenti. Le même sentiment qu'il avait éprouvé dans ce supermarché il y a des mois, lorsqu'il avait revu son hyung: de la joie. Une joie pure et simple. Une joie si incommensurable qu'un atroce sourire déforma ses lèvres et lui donna mal aux joues à en crever.
[...]
Tuer pour impressionner. Jungkook ne pensait plus qu'à cela depuis des jours maintenant. C'était la seule idée qui trainait dans son crâne, entre les signaux urgents que lui envoyaient son corps et les autres perturbations. Des jours qu'il avait passé enfermé dans sa chambre, à ignorer la plupart des repas au profit d'une cause plus grande, plus belle. Une cause qui dépassait tout. Une cause qui dépassait ses propres besoins.
Seul son corps et son colocataire ne cessaient de le ramener à sa pitoyable condition. Lorsque ce dernier venait toquer à sa porte, agacé qu'il se soit enfermé et qu'il ne réponde plus à rien depuis des jours, Jungkook l'ignorait purement et simplement. Il arrêtait un instant ses machinations pour attendre, immobile dans la pénombre, que l'intrus ait terminé ses remontrances et ait quitté le seuil de sa chambre. Sa présence et ses mots lancés à travers le bois l'empêchaient de réfléchir, en plus de l'irriter. Son colocataire ne pouvait pas comprendre. Tout ça ne le touchait pas, il n'était rien dans les plans de la cause.
Vraiment rien.
Jungkook mâchouillait l'ongle abîmé de son pouce, le dos contre le bord de son lit, les genoux remontés près de son torse. Il surfait d'une main sur son téléphone, cherchant le meilleur moyen de mettre fin à une vie. Il tapait des mots clés et atterrissait systématiquement sur des articles pitoyables qui contaient de sordides histoires de meurtre. De sang froid ou prémédité, souvent passionnels, aucun ne lui donnait de piste suffisante. Comment faire ? Il craignait de passer à l'acte sans certitude, sans aucun plan défini. Toutes sortes de questions se posaient; qui choisir, quand, comment arranger tout cela pour que Yoongi en ait vent...
Et puis, il réalisa qu'il avait peur. Peur, lui ! Le noiraud pesta tout bas, s'insultant pour sa couardise, son inutilité. Alors qu'il n'avait jamais eu une situation aussi favorable, aussi propice au changement, voilà qu'il se rendait compte de sa lâcheté. Yoongi n'avait pas peur, lui, loin de là. Il réitérait ses assassinats sans déroger à ses manières, sans rien oublier ni rien rater. Il défiait silencieusement le monde et échappait inlassablement aux autorités. Il était assurément doué, fin observateur et manipulateur, à moins que la chance ne se soit entiché de lui comme Jungkook l'avait fait.
Le noiraud dédaigna ses propres pensées, rejetant sa couardise comme si elle était la pire des trahisons, la pire des infamies. Quelque chose se souleva, se rebella à l'intérieur de ses entrailles. Son estomac eut un sursaut, mais il ne contenait rien. Accroupi dans l'obscur silence de sa chambre, Jungkook laissa son dos se redresser. Ses vertèbres émirent un craquement sinistre en signe de protestation face à sa longue retraite. Il abandonna son téléphone au profit d'un défi lancé à lui-même. Il se leva, résigné, et accepta sa propre défiance.
Il passerait à l'acte.
[...]
Lorsque Jungkook eut terminé ses préparatifs, peu nombreux mais qu'il exécuta avec tout le soin et toute sa bonne volonté, il se posta devant la porte de sa chambre et décida de ne sortir que lorsque le soleil se serait couché, pas avant. D'une part parce qu'il désirait à tout prix éviter son colocataire, qui risquait de brouiller sa concentration, mais aussi parce qu'il estimait ce moment plus propice à ses activités. Il devait avouer qu'il calquait ses actions sur ce qu'il savait des pratiques de Yoongi et de son imaginaire. Il devait être prudent et ne prendre aucun risque.
L'attente fut longue, mais dès lors que Jungkook vit disparaître les derniers rayons de l'astre à travers ses volets, il sortit tel un animal tapi dans l'ombre. C'est la boule au ventre qu'il traversa le couloir tranquille, enfila ses chaussures et saisit sa veste. Alerte et stressé, il n'avait de cesse de guetter les bruits, croyant que son colocataire pouvait surgir à tout moment. Mais le silence resta maître des lieux, pesant lourdement sur les meubles droits et figés. La clé dans la serrure sembla être comme un cri dans le silence qui le suivait.
Il sortit et dès qu'il eut descendu les escaliers en catimini, il s'élança dans la nuit comme si elle lui était familière. Il avait l'impression de refaire ce qu'il entreprenait chaque matin, sauf que le décor avait muté; le ciel clair et pâle s'était substitué au noir intense de l'espace. Aucune étoile ne brillait. La lune elle-même avait fui.
Jungkook suivit d'abord un chemin qu'il connaissait par cœur, pour calmer son stress et habituer ses sens à ce nouvel environnement. Il alla en direction du centre, certain qu'il trouverait là-bas une opportunité de mener à bien son projet. Il aurait pu chercher aux alentours de chez lui, mais c'était trop dangereux à son goût; et il tenait à ce que le lieu ne soit pas trop près de chez Yoongi. Avait-il peur que ce dernier soit également de sortie ce soir ? Peut-être. Il ne désirait pas devenir la victime par malchance.
Lorsque les bâtiments changèrent enfin et laissèrent place à ce que le noiraud voyait chaque jour, il ne reconnut presque pas les environs. La nuit avait tout métamorphosé; la lumière âcre des lampadaires rendait l'ambiance différente, tout comme le manque cruel d'activité. Les boutiques étaient closes, certains bars étaient toujours ouverts et devant, quelques fumeurs discutaient le temps de terminer leurs clopes et de rentrer. Jungkook passait devant sans s'y attarder, car il avait autre chose en tête. Il retrouva malgré tout l'immeuble où résidait Yoongi, sans vraiment le vouloir. L'habitude l'y avait mené. Il s'y arrêta, ses mains tremblantes dans ses poches, mais il n'arrivait même pas à apercevoir le sommet de l'immeuble. Toutes les lumières étaient éteintes, les rideaux et les stores tirés.
Nerveux, il observa les rues éclairées. Il ne sût pas où se diriger ensuite; comment faisait Yoongi pour choisir ? Il eut un long moment de doute, comme s'il ignorait la raison de sa présence ici, à une telle heure et dans un tel endroit. Durant cet instant de battement, il hésita à simplement rebrousser chemin. Mais le dégoût que sa propre lâcheté lui inspirait l'empêchait de tourner les talons. Cet endroit serait son point de départ. Il décida de partir dans une direction que Yoongi n'avait, à sa connaissance, jamais emprunté mais qui restait toutefois dans la périphérie.
Il arpenta les rues, guetta les rares passants. Parfois, il essayait de les suivre, résigné à l'idée d'en finir. Il se dégonflait. Il changeait de cible incessamment, trop de fois, trop vite. Soit il était trop lent et les laissait filer, soit il craignait de se faire voir et abandonnait. Autour de lui, la nuit et les trottoirs ne lui inspiraient aucun réconfort ni aucune sympathie. Ses pieds le portaient, sa conscience était ailleurs. Il suivit un type alcoolisé à la démarche défaillante et réussit même à le perdre. Jungkook s'arrêta. Il n'y arrivait pas. Ça le frustrait. Il serra les poings et observa les alentours; il reconnut la devanture du kiosque. Encore cet endroit qu'il exécrait. S'il avait eut de quoi briser la vitre, le noiraud crû bien qu'il aurait été capable de commettre une telle casse, tant la frustration et la haine se mélangeaient. Il bouillonnait, la rage au bord des lèvres.
Ses épaules s'affaissèrent et son courage termina de le quitter. Lentement, il rebroussa chemin en repassant devant chez Yoongi. Une autre fois, peut-être. Il lui restait beaucoup d'autres nuits pour tenter ses chances infinies.
En passant sur le trottoir opposé à l'immeuble, il ne jeta pas même un coup d'œil aux fenêtres sombres. Il se croyait ignoré des habitants qui y résidaient, puisqu'il n'était rien qu'un inconnu, une silhouette parmi les autres dont on ne peut qu'à peine imaginer l'existence tant il y a d'âmes en ce monde.
Jungkook croyait que Yoongi ne le connaissait pas. Il ignorait qu'en passant devant l'immeuble, des yeux l'avaient suivis depuis là-haut.
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