• CHAPITRE DOUZE •
Le souffle court et le visage crispé sous la douleur causée par la lourde porte écrasant son pied, le frère de Sam me scrute de ses deux yeux brillants. Après une seconde d'incompréhension, je me précipite afin de l'aider à entrer dans l'unique but de soulager le poids qui s'abattait sur lui.
- J'ai trouvé cette adresse dans ton dossier au bureau, se justifie-t-il l'air gêné tout en passant une main derrière ses cheveux ébouriffés.
Peut-être que ce comportement est des plus curieux, je l'admets, mais tout ce à quoi je pense en ce moment même est à des kilomètres d'ici. Mes idées s'emmêlent à tel point que je finis par me demander si ce n'est pas Sam qui a osé envoyé son frère pour m'espionner... Bon, réflexion faite, je devrais probablement cesser de m'abreuver de thrillers si je ne veux pas finir folle à lier.
- Qu'est-ce qu'il se passe ?, demandé-je sèchement quoique plus curieuse qu'autre chose. Le voyage a été long et je suis très fatiguée donc tu m'excuseras.
- Je voulais juste savoir si tout allait bien. Étant donné que je n'ai pas ton numéro, je n'ai pas pu vérifier si...
- Si ton frère ne m'avait pas kidnappé puis découpé en morceaux dans une ruelle sombre de Los Angeles après que tu lui aies suggéré la brillante idée de partir là-bas avec moi ?
La colère s'emparait de moi. Le mauvais comportement de mon boss n'était après tout pas de sa faute mais j'avais actuellement d'autres problèmes en tête. Leur petite compétition pour savoir qui se tapera la fille de Monsieur Jones en premier ne m'intéresse guère. J'en connais déjà bien trop sur la personnalité du directeur général pour davantage pousser les limites avec son associé de sang.
- Tu devrais juste faire attention Chloé, je dis ça pour toi, continue-t-il comme si sa venue n'était pas déjà chose suffisante.
Non mais de quoi je me mêle.
Je pense être assez grande pour savoir où sont mes limites et un homme de cette envergure ne m'effraie absolument pas. Je me suis égarée l'espace de quelques heures. À qui blâmerait-on néanmoins de ne pas retrouver son chemin lorsque la lune bat son plein derrière des nuages assombrit ?
- Au revoir Matt, conclué-je rapidement avant de pénétrer dans l'enceinte de mon appartement.
À peine ai-je le temps de poser mes clefs sur le meuble de l'entrée, qu'Alda me saute vivement au cou comme si nous ne nous étions pas vu durant de longues années.
- J'ai gardé ton double, dit-elle tout en agitant puérilement le trousseau devant mon nez.
- Tu me feras penser à changer la serrure la prochaine fois que tu m'enverras un message, Miss la disparue. Harley était prêt à lancer une alerte enlèvement, réponds-je afin de détendre l'atmosphère.
Elle me regarde ainsi d'un air ahurie, finissant tout de même par arborer un léger sourire. Je la connais par cœur. Si bien que je sais parfaitement qu'elle refusera d'en venir au fait avant que je parvienne à violemment lui tirer les vers du nez. Son comportement paradoxal a d'ailleurs été à l'origine de nos nombreuses disputes : elle déteste les mensonges tandis qu'elle ne peut s'empêcher de maquiller la vérité de son mal-être. Bien que celui-ci ne se manifeste que rarement chez elle, lorsqu'il est là, ses lèvres se retroussent machinalement tandis que son regard semble se perdre dans le vague à la moindre de vos paroles.
- Comment s'est passée ta petite escapade ?, demande-t-elle dans une première tentative d'esquive.
Bien essayé mais je ne céderai pas.
Je la regarde alors plus intensément qu'elle n'oserait le faire. Ce que j'aperçois en elle m'attriste soudainement. Elle semble vide de tout ce qui pourrait constituer la meilleure amie que je connais. La lueur enfantine de ses yeux semble avoir disparue, au même titre que l'air renfrogné que peut prendre son nez lorsqu'elle tente de dissimuler quelque chose. Et là je comprends que ce dont elle a besoin n'est pas de sermons, ni même que je m'entête à lui faire cracher la vérité car je sais, au plus profond de moi, qu'elle finira par me parler lorsqu'elle se sentira prête. J'ai certes toujours eu tendance à foncer tête baissée afin de régler les problèmes que je rencontre : voici l'un des héritages que vous lègue plus ou moins la solitude. J'ai cependant appris avec Alda que la détermination pouvait se transformer en entêtement et vous faire défaut. Elle est la meilleure personne que j'ai eu la chance de rencontrer et c'est justement lorsque j'ai compris cela, que je me suis également rendue compte que les personnalités que l'on pouvait admirer n'avaient pas toujours connu la vie la plus facile.
Je la prends instantanément dans mes bras tandis que des sanglots viennent secouer son corps. Sa peau hâlée devient de plus en plus humide à mesure qu'elle laisse ses émotions la submerger.
Au bout de quelques instants, elle se redresse tout en prenant soin d'écarter ses cheveux bouclés de son visage. Elle emmêle vigoureusement ses doigts, comme pour tenter de résoudre un casse-tête infernal qui n'a de cesse de la tourmenter. Celle-ci m'adresse alors un bref coup d'oeil tout en prononçant :
- J'ai fait une grosse bêtise Chloé. Aide-moi.
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