31. Jack
Andreia s'est excusée. Encore. Elle m'a également remercié de l'avoir aidé.
Mais elle ne m'a toujours pas répondu à une seule de mes questions !
Nous marchions depuis une heure dans cette zone marécageuse, sans trouver de trace ou d'invitation de la part de Will-O. La lumière s'amenuisait depuis un moment, et ma lanterne a la bonté de nous faire jouir de la sienne dans l'obscurité naissante.
Qui visiblement ne décourage pas la Sorcière.
— Andreia.
— Quoi, Jack ?
— Il va faire nuit.
— Et alors ?
Elle me jette un regard par-dessus son épaule, et ça m'agace. Elle se noie dans mes vêtements, ses iris d'ébène m'hypnotisent et sa peau semble plus sombre à cause de la pénombre ; ce tableau ne la rend que plus belle, plus intrigante que jamais.
Je détourne les yeux et je gromelle :
— Nous allons seulement nous épuiser à force de marcher. Il préférable d'attendre que Will-O nous invite.
— Jack a raison : si elle est bien un Feu Follet, c'est la meilleure façon de la faire sortir, renchérit ma Lanterne.
Andreia fronce les sourcils, apparemment mécontente de notre solidarité à ma Lanterne et moi. Elle soupire, et je souris en devinant qu'elle se range enfin de notre avis.
— Qu'allons-nous faire pour tuer le temps ?
— Pourquoi tuer M. Le Temps ? s'égosille ma Lanterne.
Andreia en fait les yeux ronds tandis que je m'esclaffe à la scène. Je m'empresse de dissiper le malentendus :
— C'est une expression, ma Lanterne. Andreia croit qu'on va s'ennuyer à force de patienter.
— Ah ! Pourquoi ne pas l'avoir dit comme ça, directement ? me demande mon amie de feu.
— Commençons par faire un feu pour la nuit.
Je confie ma Lanterne à Andreia — même si le but est inverse, c'est ma Lanterne qui garde un œil sur la sorcière — le temps que je parte chercher du bois dans la forêt. Heureusement que ma nature me permet de le faire sécher rapidement, sinon, la soirée aurait été longue. Moins d'une dizaine de minutes plus tard, nous voilà toutes les trois autour d'un bon feu avec une belle réserve de bûches pour la nuit. L'odeur de baumier mêlée à celle de sciures et de bois brûlés enrobent les lieux. Andreia ne cesse de faire les cents pas en face de moi dans la lumière du feu, et elle commence sérieusement à me taper sur le système.
— Merde, tire-toi une bûche et arrête de faire ton lion en cage.
— Me tirer une bûche ?
— Me tirer une bûche ?
Je regarde les deux filles qui ont posé cette question en choeur et je me mets à rire avant de montrer le gros rondin de bois.
— Assis-toi, voilà ce que je te demande.
Je remarque que la sorcière lève hautainement les yeux au ciel, mais elle prend place près de moi. Elle regarde le feu quelques instants, avant de croiser et décroiser ses bras. Elle est vraiment agitée. Je tends la main pour me saisir de son poignet. Elle glapit, me demande de la relâcher, mais je ne la laisse pas me distraire.
— Andreia, tu n'as pas répondu à ma question.
— Quelle question ?
— Que caches-tu de si important au point de nous mettre en danger ?
Bon, j'ai peut-être exagéré tantôt, mais je crois au mensonge pieux. Je plonge mes yeux dans le sien. Si elle fuit mon regard, je le saurais. Je veux savoir ce qu'elle cache de si précieux. Sa colère, certaines mimiques, le fait qu'elle déteste que je lui touche les cheveux ; il y a quelque chose que je ne comprends pas, et je veux le comprendre.
Je suis tout de même heureux de ne pas la voir se dérober, même si une petite partie d'elle aimerait le faire.
— Alors ?
— ... Mes cornes.
Je fronce les sourcils à cette réponse. Des cornes ? Voyant que je ne suis pas convaincue, elle poursuit :
— Tous les démons ont des cornes, tous ceux qui sont liés à M. Inferno, le Diable, ont des cornes. J'ai des cornes.
Je lève les yeux au moment où la magie dissipe les cornes sur son crâne. Elles sont très similaires à celle de son déguisement de Ménade. Elles me rappellent énormément celle de Will-O, même si celles d'Andreia sont bien plus petites, mais plus larges.
Sauf que je sais qu'elle me ment.
— Tu mens, Sorcière.
Elle se trahit : sa paupière a tressauté et elle se mord présentement la lèvre. Elle essaie de détourner le regard, mais je resserre mon étau autour de son poignet.
— Eh, ne fuis pas.
— Je ne fuis pas !
— Menteuse.
Je m'approche d'elle plus vite qu'elle ne recule et je lui saisis une corne. Je vois son regard s'assombrir de colère, mais je ne me laisse pas démonter. Je tiens son poignet qui cherche à se sauver, à mettre de la distance. Je ne compte pas la laisser faire.
— Jack, lâche-moi.
— Non.
Je caresse délicatement sa corne et je la sens trembler contre moi. Elle frissonne, mais je suis bien plus attirée par ses pupilles dilatées. Mon toucher ne la laisse pas indifférente, ça me rassure. Je me sens nerveux, je joue avec le feu. J'ai peur de me tromper et d'encore être le connard, le malotrus pour elle, et que Dieu et le Diable voit que ce n'est clairement pas mon intention. J'ignore ce qu'elle me cache, j'ignore ses peines et ses tourments, mais j'ai besoin de savoir qui elle est. Qui est-elle derrière ses illusions, derrière ce masque sans émotions qu'elle croit porter avec moi. Elle semble avoir oublié qu'elle ne peut rien me cacher, comme je ne peux pas rien lui cacher de ce que je ressens. Je vois que je la trouble, elle sait ce qui m'habite en ce moment.
J'approche mon visage du sien. Nos nez se frôlent, nos souffles se mélangent et je murmure :
— Tu n'es pas obligé de modifier ton apparence avec moi.
Elle se fige, elle cesse presque de respirer, mais au moins, elle n'est plus en colère. Non, elle est à deux doigts de tomber, de chuter vers un vide qui la terrorise. J'aimerais effacer cette peur, j'aimerais la convaincre, parce que je n'ai pas envie de me déclarer à une illusion, de dire des mots sans avoir la certitude que c'est bien elle que je vois sous mes doigts.
Je n'ai pas envie de lui mentir, ni retenir mes mots parce qu'elle se cache derrière une chimère.
— Montre-moi ta véritable apparence.
Elle me lance un regard incertain sans émettre un seul mot. Nos regards ne se quittent pas : le mien noisette dans les siens d'ébènes. Sa lèvre inférieure tremble, son pouls s'affole sous mes doigts, et ses yeux n'ont jamais été aussi expressifs qu'à cet instant. Sous mon insistance, un voile de magie tombe et elle me dévoile sa véritable forme. Elle devient à peine plus petite et mon nez arrive entre ses sourcils. Je vois son corps prendre du poids, des rondeurs apparaissent un peu et sa silhouette gracile disparaît. Sa peau pâle s'obscurcit, ses cheveux bouclent à un tel point qu'ils en deviennent crépus et je reste sans voix.
Elle est si différente et pourtant, ce sont toujours les mêmes traits. La forme de ses yeux, son nez, même ses lèvres, rien n'a changé et pourtant, je suis sans mots face à cette version réelle d'elle. Je relâche sa corne et je touche à ses cheveux, curieux malgré moi. Ça doit sans doute être impoli d'agir de la sorte, mais je n'en ai rien à cirer. Ils sont brillants et rebondissent presque joyeusement à mon contact. Ils sont indisciplinés, ils sont libres et je suis en admiration à cette vue.
Je siffle d'admiration par ses cheveux en afro aux teintes de bruns clairs et sombres.
— Mais.. Wow, tu es si belle, je ne comprends pas...
Mes mots se meurent alors que je me trouve tellement bête. Bien sûr que je ne comprends pas, je ne suis pas elle, je ne suis pas à sa place. Vivre parmi plusieurs centaines d'autres femmes aux cheveux plus beaux qu'elles, à la silhouette plus mince et à la peau diaphane ; elle me l'a dit que ça a été un calvaire pour elle, mais je le sais maintenant. Elle ne cache plus ses émotions, ils sont si explicites que j'arrive à comprendre une facette de son passé. De n'être qu'une parmi tant d'autres tout en étant si différente. Elle n'a jamais été l'une des premières à être vue, l'une de celles qui fait tourner la tête naturellement, du moins, sous sa véritable apparence. Elle a toujours été en admiration pour Lilith, le modèle qu'elle a prise pour son apparence illusoire principale, celle que j'ai vu depuis le tout début.
Enfin, je comprends toutes ces grimaces, toutes ces œillades et ces bribes de vie échappées ici et là.
Alors, sans me soucier des conséquences, je prends son visage en coupe. Nos nez se frôlent, j'ai tellement envie de faire disparaître cette distance, mais je dois me retenir. Par respect pour elle, un respect si durement gagné. Je refuse de briser à nouveau la confiance qu'elle m'offre. Une fois a été la fois de trop, même si je ne regrette pas. Les regrets sont une perte de temps, et je n'ai guère besoin de ça ce soir.
— Accorde moi un baiser, le baiser d'un homme qui trouve une femme magnifique telle qu'elle se montre à l'instant devant moi.
Ses pupilles se dilatent, j'ai l'impression de la faire vaciller sous la force de mes mots et j'attends. J'attends qu'elle comble l'espace, qu'elle se penche à son tour vers moi, que je ne sois pas le seul à ressentir cette alchimie entre nous. Ça fait bien trop longtemps que je me débats, que je me voile la face.
J'ai bien trop peur de découvrir d'être le seul dans cette étrange folie qu'est l'amour.
°°°
Ce n'est pas la fin ! mais le début d'un ralentissement de l'histoire. Après tout, tout a commencé avec le Writober, et je tiens à souffler un peu pour la suite de l'histoire qui prend un tournant décisif.
Avec le mois de novembre, j'entame la réécriture de mon projet principale L'Éveil de l'Arcane (déjà publié jusqu'au chapitre quelque 50, mais dont la fin n'a pas été dévoilé)
L'histoire aura sa suite, mais avec une publication hebdomadaire jusqu'à sa finitude. Selon moi, il devrait rester moins de 15 chapitres pour clôturer cette ennemies to lovers, mais qui sait ce que l'histoire me réservera comme surprise ? (car oui, j'ignore encore de certains éléments, et si je retournais au premier balbutiements de cette histoire tout en ayant cette histoire, je serais choquée par certains choix du scénario)
Donc, nous nous reverrons pour ce weekend avec la suite, et enfin découvrir si baiser il y a.
Sur ce, bonne lecture et on se voit très bientôt !
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