24. Andreia
Point de vue d'Andreia
Je rebondis contre mes trois sœurs pour finalement croiser un regard noisette que je reconnais. Ma bouche s'assèche et mon cœur s'est mis à dérailler. Depuis quand Jack...
Je me secoue la tête alors que je réalise la situation : les filles l'ont vu, mais l'ont-ils reconnu ? Je me ressaisis avant de trouver une réponse, je n'ai pas le temps de tergiverser là-dessus ! Je dois l'éloigner au plus vite avant qu'elle ne sache que c'est le criminel le plus recherché de la Cité.
— Salut Torche-sur-pattes ! Tu me cherchais ?
Je me penche vers lui en lui faisant les gros yeux. Embarque dans le jeu. Il cligne des paupières avant de me lancer d'un ton moins avenant :
— On ne t'as jamais appris à t'excuser lorsque tu bouscule quelqu'un ?
Ma bouche s'ouvre d'indignation pendant qu'il se relève pour se tourner vers mes consœurs. La panique m'envahit, qu'est-ce qu'il compte faire ?
Il lève un chapeau de paille qui apparaît par magie sur sa tête et salue galamment les trio de concubines. J'entends leur ricanement, mais moi, je ne pense qu'au moyen pour cogner cet imbécile sans que Lilith, Abeko ou Belili remarque.
Rien ne me vient, merde !
Elles s'empressent de se présenter, je grogne et je les empêche de s'approcher davantage, mais Jack ne m'aide pas en les complimentant. Il ne peut pas se taire !?
— C'est bon, lâchez-le...
— Tu as passé un bon moment avec... tes amies ? demande tranquillement Jack.
Ça l'amuse, le bougre, et encore plus en sachant que ça m'énerve. Je le fusille du regard et lui, son sourire s'agrandit.
— Il faut qu'on se réitère cette sortie ! s'exclame joyeusement Lilith en tapant des mains.
— Oui, une discussion entre filles, ça fait toujours du bien, admet Abeko d'un ton moins exubérant que la succube. N'oublie pas de te montrer honnête avec ton «suspect».
— Bon, les filles, je dois y aller maintenant.
Ma voix me trahit, mais je m'en moque comme ma première paire de chaussettes, je veux qu'elles dégagent au plus vite. J'ai le droit au regard intrigué, toutefois, elles acceptent de nous quitter. Ça me rend suspicieuse, surtout au vu des clins d'œil qu'elles m'adressent en me faisant la bise. Je les laisse faire, mais Belili traîne les pieds. Elle colle sa joue contre moi, puis murmure :
— On est là si tu as besoin d'aide pour cette histoire de Feu Follets.
Elle me sourit, puis elle s'éloigne de nous. Je me tourne vers Jack, soulagée, mais ce n'est que de courte durée. Son regard s'est brusquement assombri et il me demande d'une voix vibrante de colère :
— Tu leur en as parlé ? Qu'est-ce que tu as dit, exactement ?
Je suis surprise par sa réaction que j'en suis muette. Je n'ai pas envie de lui dire tout ce que j'ai pu discuté avec mes consœurs, surtout que plusieurs points le concernent. Je croise les bras et je réplique :
— Ce n'est pas tes oignons.
Je frémis tandis que tout autour de moi, la lumière semble s'amenuiser. Tout s'assombrit et le point névralgique de ce phénomène semble provenir de Jack. Je déglutis difficilement alors qu'il se penche vers moi. Mon cœur s'affole d'un mélange de peur et d'anticipation, et il me répond d'un ton acerbe :
— Ça l'est quand tu parles des miens, Sorcière.
J'ai l'impression qu'on me comprime la poitrine, blessée par Jack. Ce n'est pas la première fois qu'il m'appelle par ce surnom, toutefois il ne l'a jamais dit avec autant de froideur, autant d'aversion à mon égard. Je ne suis plus cette fille qui l'agace, je ne suis qu'une ennemie à ses yeux, je le sens. La haine l'a submergé, mêlé de colère et de dégoût, mais pourquoi je décèle de la peine à travers tout cela ?
Je tends une main vers lui, je veux lui expliquer, je veux démentir ce qu'il croit.
— Jack...
Il repousse ma main d'une claque douloureuse, mais c'est mon cœur qui en souffre le plus. Je laisse tomber ma main, anéantie, mais je n'ai pas le temps pour ça. Je détourne la tête et je lance :
— Rentrons, j'ai des nouvelles informations.
Sans regarder derrière moi, je me dirige vers l'appartement en espérant que Jack m'a emboîté le pas. Le bruit de pas me suit, ça me rassure en dépit de tous les états d'âme que je ressens chez l'homme derrière moi. Je crois comprendre : Jack n'a pas compris ce qu'ont voulu dire mes consœurs, il a même tout compris de travers. Je secoue la tête et je me retiens de pousser un grognement. Je suis dans la merde, je ne peux pas lui dire que j'ai parlé d'un possible béguin pour lui ! Elles m'ont cuisinée sur le sujet pendant une heure avant que je n'admets mes soucis vis-à-vis lui.
Je suis tellement complexée, et si je ne lui plaisais pas ?
Je risque un regard par-dessus mon épaule et ce que je vois m'attriste. J'ai un bien plus grand problème que de lui plaire, là, sa haine irradie jusqu'à moi. Je suis officiellement découragée ; pourquoi lorsque j'ai envie de m'ouvrir à lui, c'est lui qui recule et vice-versa ?
On est deux causes perdues et quelqu'un s'amuse avec notre lot du destin.
Nous avons atteint l'appartement et nous sommes accueillis par Ban. Le garçon nous sourit timidement, mais en voyant nos têtes, il annonce qu'il va retourner à sa lecture dans sa chambre. Moi qui espérait compter sur sa présence pour déminer Jack, je vais devoir me débrouiller toute seule. Je me glisse dans la cuisine et je propose maladroitement :
— Tu veux un verre ?
Il ne me répond pas, il saisit la flasque d'alcool pendue à son pantalon et il boit de longues rasades. Je soupire et je me prépare un verre de rhum à la couleur ambre. Les glaçons s'entrechoquent et je m'assois sur l'ilot de la cuisine, Jack se trouve dans le salon. Un mur pourrait nous séparer que ça ne changerait rien, un immense fossé nous sépare. Il est de profil à moi et il refuse de me parler, mais ce n'est visiblement pas le cas de la Lanterne. Elle passe d'une lanterne à une boule de feu pour s'approcher de moi. Je tends la main vers elle et j'active le sortilège d'illusion pour lui donner la forme d'un chat couleur citrouille, même les rayures donnent l'illusion. Celle-ci se met à pousser des petits cris de joie en découvrant sa nouvelle forme, virevoltant dans l'air. Ça me fait sourire et je ne suis pas la seule, mais je ne me risque pas à me faire remarquer, je n'ai pas envie que Jack ne se referme comme une huître.
Je le regarde à la dérobée, et mon cœur s'affole alors que je contemple ses traits qui démontrent toute l'affection qu'il porte pour sa Lanterne.
— Dis, tu n'avais pas quelque chose à nous dire ? s'interroge cette dernière.
J'ignore si elle l'a fait dans cet objectif, mais je suis reconnaissante qu'elle m'offre cette ouverture pour m'adresser à Jack.
— Oui, j'ai eu des nouvelles de mes consœurs.
La mâchoire de Jack se crispe, mais il ne m'envoie pas bouler. Je poursuis malgré mon pincement au cœur.
— Salem est venu voir M. Inferno le soir même des événements, c'est sans doute elle qui a fait la demande pour que tu sois placardé partout dans la Cité. Elle a mentionné une créature qui l'aurait agressée, et celle-ci aurait disparue après t'avoir foncé dessus. Tu la connais ?
Un silence prend place et il alourdit l'ambiance, mais je demeure patiente. Finalement, c'est la Lanterne qui me rapporte l'incident. Elle commence par une description des événements, de l'apparence de la créature, puis elle me donne le fond de sa pensée.
— Je ne la connaissais pas personnellement, mais c'est celle que Brasier à nommer «Will-O-Wisp».
Je penche la tête tout en réfléchissant, puis je me souviens d'avoir en effet entendu ce nom. Je me tourne vers Jack et je demande :
— Et toi ?
— Non, je ne la connais pas.
Sa voix ne montre plus de colère, mais elle demeure impersonnelle. Je m'agite, inconfortable à son attitude, puis je bois une gorgée de mon alcool. La brûlure me tire une petite grimace, elle me réchauffe et je poursuis :
— Apparemment, on pourrait trouver Salem dans la Cité, elle enquête également pour te trouver.
— Et toi, tu penses toujours que je suis un suspect ?
Cette fois, il me regarde directement dans les yeux, même si je préférais voir autre chose qu'une insondable colère à mon égard. Sans le quitter des yeux, je finis mon verre pour le remplir de nouveau. Je le laisse mariner, lui rendant sa propre médecine puérile et je réplique :
— Ce n'est pas toi et tu es le seul qui peut m'aider à trouver le coupable. Cette créature, cette Willo Wisp sait des choses et quelqu'un doit la trouver.
— Et Salem cache certaines informations aussi, ajoute Jack.
Il se remet sur ses pieds et il se dirige vers moi. Il saisit mon verre et il boit cul sec. Je rougis, mon souffle se bloque de le savoir si proche de moi. J'ai arrêté de nier l'attirance et l'intérêt que je lui porte que maintenant, je ne peux pas cacher mon désir pour lui, mais la peur domine.
Notre relation est tortueuse, elle a débuté dans la colère, la haine et l'abus à l'un contre l'autre. Chaque petite pousse de confiance a vite été piétinée, brûlée pour redevenir cendre ; c'est à se demander si quelque chose est vraiment possible entre nous. Pourquoi voudrais-je quelque chose entre nous ?
— On fait comme tu veux, par quoi on commence ? lui proposé-je sans détour.
Ç'a au moins l'effet de le surprendre, et je ne regrette pas ses mots, mais qui sait si je ne change pas d'avis très prochainement.
J'espère ne pas changer d'avis.
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