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Noir.

Noir.

L'homme. Un art méconnu. Un miracle si fréquent qu'il ne nous éblouit plus. Homme après homme, grain de sable dans le désert, oxygène dans la tornade, goutte d'eau dans l'Océan. Homme qui passe inaperçu. Homme qui passe devant et qu'on ne voit pas. Qu'on entend pas. Qu'on espère pas. J'ai découvert l'œuvre d'art qu'était l'homme. Et il m'a tant fasciné que – qui que fut l'artiste – je me suis mis à l'aimer. Lui qui était l'homme, l'humain, l'aimé. C'était le Lui. Le Mien ou le Leur. Fils et Frère. Ami et Amant. Juste poussière d'or dans la voiture d'en face, ou à côté de nous dans une salle d'attente. J'aimais l'homme banal et lui, faisait voltiger mes hautes couleurs.

J'aimais ses ongles propres, à peine rongés, à peine limés. Ses clavicules et leur forme brute lorsqu'il se courbait en avant, ainsi que leurs ombres sur le haut de sa poitrine. Sa manière de replier son bras sur son ventre quand il s'asseyait

J'aimais sa pomme d'Adam et son menton levé. Sa mâchoire linéaire où mes lèvres traçaient des chemins. Les droites mouvantes dans son cou immense, si grand qu'on pouvait l'enlacer. L'angle droit de son coude, sa cigarette flambante et les branches de ses doigts.

J'aimais ses lèvres fines et rosées, sa bouche qu'il torturait. Ses dents qui mordaient la pulpe en réfléchissant, laissant des traces blanches, vidées de leur sang. Son sourire si particulier et le rire qui en sortait. Les mots et les orchidées qui en jaillissaient.

J'aimais ses yeux en amande et ses cils emmêlés, ses sourcils courbés et ses paupières de fauve en éveil. Ses orbes aussi froides qu'enflammées. Ses pupilles aussi fermées que grande ouvertes. Et tous les messages qui y dansaient.

J'aimais les mèches qui frôlaient son vaste front, telles des ronces protégeant leur vallée. Ses gestes furieux qui traversaient le champ de ses cheveux. La douceur de mes paumes à travers ses flammes brunes. Les baisers qu'il me laissait y poser.

J'aimais sa nuque longue et voluptueuse. Les vagues impressionnistes de sa colonne vertébrale. Le fleuve qui coulait dans son dos peint au pinceau. Ses omoplates imparallèles et son cœur de corneille.

J'aimais ses bras si puissants et si frêles, ses muscles protecteurs et tout de leur tendresse. Sa peau où plongeaient mille cascades, ses grains de beauté comme des îlots isolés, ses côtes sans pudeur et ses larges épaules. La carrure imposante qui se mêlait à l'humilité simple.

J'aimais tout ce qu'il était. J'aimais son physique imparfait. J'aimais ses yeux aux formes planétaires. J'aimais le son de son cœur. J'aimais sa voix grave. J'aimais les gestes qu'il faisait en parlant. J'aimais la largeur de ses vêtements. J'aimais quand il avait les yeux fermés ou quand il me regardait.

J'aimais les détails, même les plus infimes. Et même ceux qui pourraient m'agacer un jour, je continuerais de les aimer. Je les aimais, je les aime et je les aimerais sûrement toujours.

Etoile matérielle
S'est posée contre son corps de flanelle.

C'est un humain délicat qui dormait tout contre moi. Car dans mon rêve salvateur, j'étais dans les eaux brumeuses, comme au premier jour. L'eau était plus blanche que bleue. J'errais dans sa chaleur confortable. Et il était avec moi. Tout contre mon corps affaibli. Même avalés par les nuées enfumées, nous parvenions à nous aimer. Je serrais son cou. Il serrait mon dos. Et absorbés par la douceur de notre alcôve terrestre, nous demeurions ensemble, oubliant qu'une vie tout autre suivait son cours.

Ailleurs.

Ce n'était qu'un baiser de plus,
Posé sur nos deux âmes vétustes.

Il n'y avait pas de poèmes pour décrire où et comment nos esprits s'entrechoquaient. Car nous étions juste un peu dans l'ailleurs. Nous n'étions pas complètement là. Et vous n'avez pas besoin de savoir où nous étions. Vous ne comprendriez pas de toute façon. Car c'était une microsphère qui n'allait pas plus loin que la pointe de mon imaginaire, plongeant en direction de la sienne, illuminant en un éclair, les voutes interstellaires. Vous n'avez pas besoin de savoir ce qu'il se passait là-bas. Car nous même ne le savions pas. Nous faisions et puis c'était bien. Et puis c'était beau. Et c'était pour un temps minuscule. Juste un peu de temps hors du temps. Et c'était majestueux. Mais promis demain, nous reviendrons.

Promis.

************

Cher Abel,

Je ne sais pas comment commencer cette lettre. Je ne sais pas comment débuter cette page vierge sans que mes mots paraissent inutiles. Peut être que cette lettre même est inutile. Mais peu importe, passons. L'idée de t'écrire m'est venue ce matin, alors que je parlais avec la psychologue. Une femme gentille, ni jeune, ni vieille, juste une femme qui écoute et qui sourit. Quand je lui demande de me regarder dans les yeux, elle le fait. Quand je lui raconte mes histoires, elle m'écoute. Elle ne dit pas que je suis fou. Elle pense que j'ai beaucoup de choses à dire. Elle a raison. Je crois que je l'aime bien. Je te disais donc que l'idée m'est venue ce matin. Elle explorait le sujet vorace de mes nuits d'errance. Elle essaye de comprendre pourquoi. Je lui ai dit que je ne savais pas vraiment, mais que c'était ainsi, que j'avais sciemment plongé dans un des gouffres de la vie. Elle affirme que ça arrive à beaucoup de gens. Puis j'ai pensé à toi, comme souvent d'ailleurs. J'ai pensé à la dernière fois que nous nous étions vus. Tu souriais à table, tu riais pas mal. Maintenant, quand j'y pense, je me rends compte que tu étais drôlement pâle. Mais comme nous sommes idiots nous n'avons pas vu. Et aujourd'hui il est trop tard. Le lendemain matin, tu es parti sans dire au revoir. Tu as laissé un exemplaire des Fleurs du mal sur ton lit. Je l'ai ouvert, là où il était marqué. Tu avais entouré les vers d'un des poèmes. Maintenant, quand j'y pense, ça me rend triste. Si j'avais mieux lu, j'aurais su. Pardonne-moi. Le temps nous a eu. Le monde nous a eu. L'Univers a pris le fusil et les ciseaux et nous a transpercés. Seulement voilà, toi tu es parti et moi je suis en vie. On m'a emmené à l'hôpital en urgence. Je ne me souviens de rien. Je me suis réveillé une dizaine d'heures plus tard. J'avais mal au crâne, mal au cœur, mal à l'âme. J'avais froid sur la peau et chaud dans les veines. L'hiver pandémique m'avait planté en traître ; j'étais tombé malade à force de jouer avec la nuit glaciale. Les médecins disent que ce n'est pas grave, que je serais vite guéri. Je crois qu'ils sont un peu plus sceptiques au sujet de mon état mental. Ils ont tort. La psychologue est gentille, mais pas indispensable. Je vais bien Abel. Si tu savais comme je me sentais bien ce matin, et cet après midi aussi. Je me sens vide, comme si on avait fait sortir le mal et ses branches malsaines de mes entrailles. Comme si j'avais vaincu l'ombre. Comme promis, j'ai fait sortir l'Océan. Et même fiévreux, je suis gagnant.

Maman a pleuré en me revoyant. Elle a tâché les draps avec ses larmes. Elle a sangloté longtemps et ça m'a donné le cafard. Elle vagissait et hurlait à papa qu'il – va savoir qui, Dieu peut être – s'obstinait à lui arracher ses fils. Je lui ai murmuré de ne pas pleurer. Elle a fini par arrêter. Maman s'est coupé les cheveux tu sais. Elle est jolie comme ça. Papa ne change pas. Il n'a pas dit grand chose en me revoyant. Il avait l'air dépassé. Ca passera par le vent. J'ai l'impression qu'ils m'ont manqué. Parce que j'étais parti loin ces derniers temps, tu vois. C'est étrange de retrouver la Réalité. Ils veulent que je revienne vivre chez eux quelques temps. Peut être que oui. Peut être que non. Je suis un peu perdu. Je me sens comme un miraculé sortant d'un coma de plusieurs années. Le monde n'est plus comme hier. Il est différent. Ses gens sont différents. Ses couleurs sont différentes. Je suis différent. Aujourd'hui j'ai vu le vert de la pomme, le orange de l'affiche au dessus de la table de chevet, le gris des buildings et beaucoup de blancs. Il y avait aussi le rose du chemiser de ma psy, les cheveux bruns d'un médecin et les larmes noires des parents dans le couloir. C'est dramatique l'hôpital. Je m'y sens seul. Quand je me sens assez fort pour sortir de mon lit, je m'assois au bord de la fenêtre, j'ignore le bandage sur mon bras translucide et je regarde le parking, les voitures qui viennent et qui partent. Il a plu cette nuit, c'était agréable car je me sentais accompagné, mais la neige a disparu. Il ne reste plus que des amas sans forme et sans couleur le long des trottoirs. Je trouve ça dommage. La neige est pure, mais elle n'est plus qu'un souvenir. Bientôt le printemps sera là et on oubliera l'hiver. On s'extasiera devant les fleurs aux milles odeurs, on grimpera les collines et on dormira sous le soleil à demi voilé. Tu ne seras pas là. Tu ne verras pas le printemps cette année. Je suis désolé.

Pourtant, tu sais bien que je ne pourrais pas m'excuser toute ma vie. Tu sais bien qu'un jour je devrais arrêter de pleurer ta disparition. On le sait tous les deux et c'est tant mieux. Alors je pleure un peu aujourd'hui, et mes larmes sont douces comme l'eau d'un lac, sans plus ce sel qui piquait mes plaies à vif. Ce sont des bonnes pleurs, permet-moi donc de les faire couler. Ainsi, je serais libéré de la tristesse de t'avoir vu tomber. Au fond, je me sens bien. Je m'ennuie juste un peu, tout seul, dans cette chambre vide, à observer le monde depuis le mauvais côté de la vitre. J'ai une radio à côté de mon lit et quand il n'y a personne, j'écoute l'Hiver de Vivaldi. Je commence à connaître le morceau par cœur. Je pense que tu l'aurais très bien joué. J'espère que tu le joueras dans ton ailleurs à toi, lorsque tu auras parcouru ma lettre et que tu auras pardonné mes excès d'enfant.

Regarde Abel, il ne fait plus bleu.
J'ai relâché l'Océan pernicieux.
Regarde, bientôt je volerais par dessus les formes nébuleuses,
Par dessus les lames anguleuses.
Je me sens léger.

Réalité.

Il me manque.

Sinon, je lis beaucoup. La psy me donne des livres. Ça me fait oublier le reste. Ça soulage. Ou alors je dors et je rêve de mes Nuits de pionnier. Je repense à tous les gens que j'ai rencontrés. Je rêve de lui et de tous les détails qui me viennent à l'esprit. Je me souviens de son corps tout entier, de ses mots alignés, de ses sourires et de ses larmes. Il me manque. Il n'est pas venu. Je me surprends à l'espérer, à l'attendre, à le prévoir. Mais il n'est pas plus là que ma beauté dans le miroir. Et je comprendrais qu'il ne vienne jamais. Je le pardonnerais et j'ouvrirais le livre sur les pages blanches de notre avenir, pour peut être écrire un poème long de plusieurs kilomètres. Et je ferais une route avec, pour qu'on se retrouve tout au bout. Peut être.

Je suis content que la Terre tourne encore, que les fleuves coulent encore, que le soleil brûle encore. Je suis content que le monde subsiste. Je suis content que les gens y trouvent encore du sens. J'ai plein d'envies nouvelles en ce moment. J'ai envie de grimper sur les toits et contempler les étoiles. J'ai envie de retourner dans ta chambre, et de ranger tes affaires qui n'ont pas bougé depuis Juillet. J'ai envie de détacher tes posters, de bouger les meubles et de prendre tes vêtements. J'ai envie de peindre les murs en blanc et d'y écrire les seuls vers que tu m'as laissés. J'ai envie d'aller sur ta tombe et de poser une orchidée que j'aurais moi même fait pousser. J'ai envie d'être en vie parce que tu m'as fait comprendre une chose essentielle :

Nous sommes notre propre bourreau.

Et ce n'est pas de la faute des autres si nous devenons comme eux, ce n'est pas de la faute des autres si nous acceptons de nous laisser prendre par les griffes des apparences, ce n'est pas de la faute des autres si nous sommes lâches, menteurs, faibles et instables. C'est nous qui faisons le choix de les suivre, c'est nous qui décidons de sauter dans le vide, c'est nous qui supplions leurs bonnes grâces, leurs regards, leur amour. C'est nous qui prenons la route, qui choisissons les chemins. Pas notre voisin, pas nos parents, pas nos amis ni nos ennemis. C'est nous. Et si nous voulons souffrir, nous le pouvons. Et si nous voulons mourir, nous prenons le couteau avec nos mains. Et si nous voulons être libres, nous volons. Aujourd'hui j'ai compris que tu avais fait le choix de vivre à travers eux, d'être eux, et que tu l'as regretté si fort, que tu t'es trompé si fort que tu as voulu achever la douleur. Je crois comprendre. Je crois que cette vie veut nous tuer. Mais que veux-tu ? Même mort tu es encore là, car sur ma table de chevet il y a un exemplaire griffonné des Fleurs du mal, et que dans ma tête défilent les mots de Goethe.

« Race d'Abel, voici ta honte :
Le fer est vaincu par l'épieu !

Race de Caïn, au ciel monte,
Et sur la terre jette Dieu ! »

Ma lettre est plutôt longue, j'en suis désolé. La psy a raison, j'ai beaucoup de choses à dire. Et maintenant, je sais où trouver des gens pour m'écouter. Je sais où trouver des gens à écouter. Je sais qu'il y a des orphelins de l'Hiver perdus sur Terre, je n'ai qu'à les chercher, à tout remuer, pour les trouver, les emmener et les sauver, avant que le sang pullule hors de la plaie. Nous ne fabriquerons que des étoiles et des Nuits d'un bleu inhumain, avec nos grandes et maladroites mains. Je penserais à toi. Même quand tu te seras entièrement enfoncé dans le là-bas. Ce fut merveilleux d'être ton frère. Mais maintenant je dois mettre un point final. J'ai écrit à l'encre bleue, elle est presque noire, elle est presque nuit. Merci.

Abel, mon frère, je te pardonne.

A bientôt.

************

Il faisait noir dans la chambre, il faisait noir dans le couloir, il faisait nuit dehors. Je flottais dans un demi sommeil. La fièvre m'assommait. Je rêvais à moitié. Je pensais furtivement. Les mots résonnaient contre les parois de mon crâne. Il y avait du bruit quelque part. L'hôpital ne dormait jamais vraiment. New York ne dormait jamais vraiment. Quelqu'un, un infirmier ou une infirmière, passa. Le martellement s'éloigna. Le silence régna de nouveau.

Je crus rêver lorsqu'une main frôla ma joue. Puis celle-ci se posa dans mon cou et remonta jusque dans mes cheveux. On murmura mon nom. J'ouvris les paupières lentement et croisai son regard pétillant. TaeHyung était assis au bord du lit, et me souriait avec tendresse. Il murmura mon nom. Encore, encore. Je lui souris, détaillant son visage dans l'ombre. Reconnaissant ses agréables traits, me délectant de cette voix grave qui m'avait manqué. Il caressa ma chevelure et posa sa paume sur mon front. Le grain de sa peau me parut froid, très froid.

-Tu te sens bien ? Chuchota-t-il.

J'acquiesçai doucement, me soumettant à mon corps épuisé.

-Quand pars-tu d'ici ?

-Bientôt, soufflai-je.

Il leva les yeux au plafond, réfléchissant. Les faibles néons du corridors traçaient les courbes de son nez et de ses yeux. Il releva une de ses commissures et se pencha vers mon oreille. Sa peau de coton caressait la mienne.

-Tu ne voudrais pas t'enfuir ?

Un rire muet franchit mes lèvres. Ses yeux croisèrent les miens. Il comprit. Je compris. Nous comprîmes. Et il m'embrassa. Il m'embrassa comme avant. Et au milieu de mon vide tout frais, ça battait bruyamment.

Les couloirs sans vie et sans lumière étouffaient ses pas rapides. Le hall de mon bâtiment respirait la solitude. La garde veillait plus loin. Je ne sais pas comment il était entré. Je ne sais pas comment nous étions sortis. Mais nous nous sommes enfuis. Mon corps engourdi qu'il maintenait sur son dos, aima le vent brûlant, attaquant mon visage enfoui dans sa nuque. Les bras autour de son cou, j'étais bien. Il m'emmenait loin. Il m'emmenait loin de leur lendemain, de leurs obligations, de leurs questions, de leurs plannings et de leurs dossiers. Il me gardait près de lui et nous partions loin d'ici. La tête dans le vague, j'étais témoin d'une scène floue, des milliers de couleurs partout. Des néons informes, des voitures qui défilaient le long de l'allée, des silhouettes sombres qui nous dépassaient. Je voyais toutes ces ébauches artistiques. Je sentais son odeur. J'entendais le rire des gens. C'était miraculeux. La Nuit vivait encore !

TaeHyung marcha le long de l'avenue infinie, puis il retrouva un de ses amis qui semblait nous attendre. Je ne disais rien. Je n'entendais qu'un mot sur dix. J'étais ailleurs. J'allais ou il allait. Un instant, j'étais dans son dos, l'autre j'étais assis dans la remorque d'une voiture. Je regardais le ciel et les lampadaires défiler. Il passa son bras autour de moi et je serrai sa main. La ville passait autour de nous, dans le vent et dans la vitesse, les lumières tourbillonnaient telles les Nuits étoilées de Van Gogh. Je respirais l'air pur de l'existence humaine. Nous fendions la ville et traversions la folie urbaine. Les monstres de pierre nous observaient et je leur souriais. Je partais. Peu importait où j'allais, peu importait si j'allais revenir. Je partais. Ce soir là, entre ses bras, dans les bouffées du soir, dans la Nuit noire. Je partais conquérir le monde. Les fenêtres éclairées, les enseignes défigurées, les passants désintégrés, tous dansaient le ballet de l'Hiver qui s'en va. Nous le saluions et fêtions son départ. Nous balayions son ombre et embrassions ses pastels. Nous nous emballions pour une saison nouvelle.

De quoi sera fait demain ? C'est à nous de voir.
C'est à nous de vivre encore d'ici là, pour savourer les délices
D'un autre jour, où peut être la mort attend.
Nous ne la choisirons pas.
Nous resterons vivants,
Aussi longtemps,
Que veut le temps.

Nous traversions un tunnel, où le plafond reflétait les tendresses charnelles et l'éclat des violettes, les pétales des roselias, les cercles des planètes, les virées de la voie lactée. Nous tendions les bras pour toucher la danse des teintes primaires, pour dérober un fragment floral, sur les voutes de cristal. Je voulais cueillir un bouquet de nuit et le poser sur notre lit, et là, nous nous aimerions toujours, et nous fuirions tous les jours, nous rencontrant de nouveau à chaque détour. Nous serrant fort comme la première fois, nous déchirant comme la dernière fois. Nous étions prêts à tout arracher, nos tympans et nos côtes putréfiées, pour embellir les yeux des naines blanches, les œufs des soleils naissants, et attendrir le cœur des oiseaux qui ont peur de la balle sifflante. Nous voulions tout prendre et tout tenir. De nos mains tendues et de nos mains sales, de nos peaux pures et de nos peaux pâles, nous tendions les parcelles de bonheur, qui tombaient de nos sourires et de nos larmes.

Nous riions à en faire sortir tous les papillons qui avaient pu habiter nos ventres. Nous serrions nos mains avec force. Entre nos doigts emmêlés, vivaient des mondes entiers. Ils n'attendaient que d'être libérés. Et nous voulions nous accrocher toujours, à l'impénétrable amour de nos êtres imparfaits. Nous souhaitions voyager pour l'éternité, à dos de tigre, ou sur les ailes des avions. Nous voulions nous dire que le reste attendrait un autre temps. Nous voulions savoir que nos regards ne seraient jamais amers, que le piano ne ralentirait jamais, que les fleurs ne faneraient jamais. Nous étions heureux, et pour une fois, ça n'avait rien de chimérique. Nous étions deux oisillons qui plongeaient hors du nid. Avec une carte sur la peau et une boussole dans le cœur, nous longions les ports et les routes sableuses, nous descendions vers le sud.

Le soleil s'est levé,
J'ai voulu hurler,
Que nous avions vaincu l'Hiver.

C'était le début de notre histoire. Elle sera incohérente et probablement dérisoire. Mais qui s'en soucie. Nous étions des feux ardents, des torches volantes, des êtres illuminés, des sales petites insanités. Ils pourraient nous détester, nous rejeter, nous jalouser. Ils pourraient nous bousculer, nous insulter, nous frapper. Ils pourraient brandir les armes, prêts à faire mal. Il n'y aura jamais qu'une passion pouvant s'arroger le droit de nous posséder. Une passion, une seule. Elle sera incohérente et probablement dérisoire. Elle sera tâtonnante et sûrement destinée à l'abattoir. Mais tant que nous ne l'aurions pas vécue, tant que nous ne lui aurions pas donné de début, il n'y avait pas lieu de se préoccuper de la fin. Parce que nous dominions les routes, nous criions contre la détresse et nous bravions les limites célestes.

Il n'y a pas de vraie beauté. Rien ne naît beau. C'est vous qui, avec vos grands yeux d'enfants, faites fleurir les couleurs, les formes, les proportions, les détails et les erreurs. De vos simples prunelles, de votre simple pensée, vous créez la beauté.

Et ce matin là, alors que le ciel était toujours orange, que le soleil n'était encore que nourrisson, nous marchions au bord de la route. Nous suivions les lignes poudreuses, nous laissions nos pieds nus fouler le gravier verglacé. Nous avions quitté la voiture, nous étions deux solitaires sur une route déserte. Main dans la main, il me guidait.

Et à l'horizon, au bout d'une pente escarpée, je vis naître l'Océan Atlantique.

Nous nous mîmes à courir dans sa direction. L'air n'était même plus froid. Nous n'avions pas peur. Nos deux yeux rieurs se touchèrent. Je sus précisément à cet instant, que de la même façon que l'Univers se mouvait, je l'aimais. Les choses bougeaient dans l'espace. Et moi même je n'étais plus la même personne. J'étais un astéroïde du sol. J'avais survécu au choc. Et lui n'était pas qu'un point dans la foule. Il était le désert dans le grain de sable, la tornade dans l'oxygène, la mer dans la goutte d'eau. Et c'était beau. Si beau. C'était foutrement beau. Nous courrions vers les vagues, nous allions vers l'avenir indéchiffrable. Nous avions trouvé la place tant désirée.

Nos deux pieds dans l'eau indécise, partant et revenant pour nous couvrir de perles. Le bas de nos pantalons était trempé. La brise marine faisait tanguer le tissu. Les yeux dans les yeux, je compris que nous ne tombions plus. Nous avions enfin trouvé l'endroit, le nôtre. Plongé dans ses bras, je ressentis ô combien la vie pouvait se montrer monstrueuse et belle. Car la seule place qui était la nôtre, c'était celle qui se trouvait en nous-même.

Loin de l'Ombre,
Loin de l'Hiver,
Loin de la Lumière,
Loin des épaves et des cimetières,
Loin des tours et des carrefours,
Loin de ma maison,
Loin de ma ville
Loin de la planète Terre,
Il y avait nous.
Il y avait moi.

Et à l'horizon de ma Vie,
J'ai vu une étoile percer la Nuit.

***********

Après la nuit
Avant le jour
Je t'offrirais les hautes lumières

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