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Bleu nuit.

Bleu nuit.

Est-ce que j'ai toujours été comme ça ? Est-ce que j'ai toujours été moi ? Tourmenté, déboussolé, troublé, décontenancé, désabusé. Est-ce que j'ai toujours eu ça ? En moi, la torpeur et la lourdeur de l'Océan, la fureur de l'enfant et le désespoir de l'adulte. Est-ce que j'ai toujours été cet amas informe, monochrome ? Est-ce que... ? Est-ce que... ? Est-ce que... ? Est-ce que ça t'arrive de te demander si ce monde est réel ? Est-ce que tu te réveilles parfois – souvent – en ne sachant plus si tu es dans le rêve et que depuis le parallèle, tu songes à la Réalité ? Réalité Réalité Réalité. Elle est venue subtilement, elle m'a fait un trou dans la poitrine, l'Océan est entré, et elle est repartie. Elle est repartie sans avoir rien dit.

Réalité, tu me détestes ?
Bonheur, je suis pas assez bien pour toi, c'est ça ?
Malheur, ta passion me rend fou.
Amour, ne pars pas, ton goût et ton odeur me fascine.
Candeur, je t'assassine.
Nuit, pourquoi es-tu mon vice ?

Mort, qui es-tu ? Que fais-tu ? Où te balades-tu aujourd'hui ? A quel coin de rue attends-tu la gazelle pour planter tes crocs dans son cou tiède. Ensorcèle. Tu t'es diluée dans l'Océan. Sang et sel agonisent, sous les ronces de ton emprise. Et il arrive que tu hypnotises. Tu l'as déjà fait une fois. Je sais que tu recommenceras.

J'étais allongé sur le parquet. Abel y avait posé un drap et il s'était allongé avec moi. On faisait souvent ça pour parler de tout ce qui allait ou n'allait pas. Pour partager les secrets et rattraper le temps qu'on lui prenait. A chaque fois je lui demandais s'il était heureux, s'il savourait ce bonheur que je me battais pour obtenir, s'il savait l'entretenir. J'étais allongé à ses côtés et je toisais le plafond, les mains sur le ventre, triturant mes doigts maladroits. Abel disait que oui, il était heureux. Moi ça me rassurait. Il était mon modèle, il était mon soleil d'antan. Abel savait tout faire. Abel pouvait tout faire. Il connaissait les astuces pour réussir brillamment, et sans effort il s'emparait de l'univers. Jamais il n'aurait à goûter l'Enfer. Parce qu'Abel était parfait. Je l'enviais pour ça. Je l'admirais pour ça.

Moi, je ne réussissais pas. Moi, je suivais la notice, mais ma vie tombait toujours en pièces. Moi, je n'étais jamais contenté. Moi, moi, moi. Mais moi je l'aimais et quand il me disait qu'il était heureux, je pensais du plus profond de mon âme : « Le bonheur existe. », « Si cette existence le rend heureux, elle me rendra heureux aussi.» «  C'est possible, c'est possible, c'est possible. ».

Papa disait que je deviendrais fou. Maman disait que j'avais de légers problèmes de comportement. Et la maîtresse disait que je n'étais jamais content. Je me renfermais dans la boîte exiguë où est rangé tout individu. J'étouffais au coin de la société, en équilibre sur la corde de l'espoir, à planter les graines du bonheur.

Fleur, orpheline, ne meurt pas dans ton bourgeon,
Et les larmes, immobiles, tomberont à foison.

J'aimais Abel et il m'aimait aussi. Allez savoir pourquoi. Je ne le méritais pas. Je ne méritais pas ses confidences et ses éclats de rire. Je ne méritais pas ses gentils secrets et ses instants, allongés sur le parquet recouvert d'un drap. Mais tout semblait bien comme ça. Oh non, je ne m'en plaignais pas. J'avais besoin de lui et de sa surface lisse. J'avais besoin qu'il me rappelle que le bonheur existe. Existe, existe, existe. J'existe ?

Abel et moi, on croyait à ce bonheur parfait. Il y arrivait toujours si bien.

Alors pourquoi ? Pourquoi j'avais sauté du balcon ? Pourquoi j'avais rejeté le Réel ? Pourquoi j'avais condamné le Bonheur pour errer dans la Nuit ? Pourquoi j'avais abandonné le combat ? Pourquoi les autres avaient-ils réussi et pas moi ?

Parce que les autres mentaient, voilà pourquoi.

Parce que tout le monde ment. Ment aux autres. Ment à soi même. Ment tout le temps.

Hypocrisie perpétuelle.

Il m'a menti. Tout n'était que tromperie. Et c'est trop tard que je l'ai compris.

J'étais allongé sur le parquet. Abel y avait posé un drap et il s'était allongé avec moi. Je ne lui demandais pas s'il était heureux. Il ne répondrait pas. Abel ne répondra plus jamais.

Parce qu'Abel s'était tiré une balle dans la tête en plein milieu du mois de Juillet.

Parce qu'Abel agonisait à l'intérieur.

Parce qu'Abel avait crié au secours en riant, avait pleuré au fond de ses yeux contents.

Parce qu'Abel ne voulait plus être Abel, ne voulait plus de sa royauté, ne voulait plus de cette Réalité.

Alors il s'en était allé. Et moi je demeurais là, sans plus rien dans le crâne et dans le corps. Plus de cerveau, plus de poumons. Plus de muscles et plus de tendons. Il ne restait que l'Océan, celui qui s'était infiltré le jour où il était parti, celui qui submergeait l'oubli.

La fleur à peine sortie pour s'ouvrir à la vie,
A vu ses pétales tâchés d'un sang roussi.

Etoiles mensongères.
Écume éphémère.

************

En me réveillant ce matin là, je savais que quelque chose allait mal. Des coulées de lave en fusion couvraient ma peau. L'antarctique se figeait sous mes eaux furieuses. J'étais seul dans la chambre. Seul dans l'appartement. Seul dans New York. Seul au monde. J'avais rêvé d'Abel. J'avais voulu l'appeler pour qu'il me dise quoi faire, alors que j'étais seul, si seul. Mais je m'étais souvenu qu'Abel ne pouvait plus répondre. Mon souffle s'était emballé et j'avais tenté de le bloquer derrière mes lèvres pâles, calmant les souffles en colère. J'avais essayé de l'imaginer, mais rien n'y faisait. Ca n'allait pas. Tout foutait le camp.

TaeHyung n'était pas là. J'étais perdu au milieu de l'hyper-espace. J'étouffais sans oxygène. J'implosais dans le silence. Personne. Pas un son. Seul seul seul. Oublié. Terni. Sali. Bafoué. Malmené. Et ce matin là, même le plus infime des détails échappait à mon contrôle. La tempête était entrée je ne sais comment. Elle avait trouvé une faille à travers la gouttière et avait dévasté l'entrée. Les papiers tourbillonnaient, giflant les meubles endormis. Les verres se brisaient par terre. Les tissus se déchiraient en un cri strident. Le papier peint s'effritait et rejoignait les factures et les livres en morceaux. Les monstres sifflant, grognant, griffant, suppliaient de l'autre côté de la porte. Ils imploraient l'Océan de les laisser entrer. Les carreaux des fenêtres tremblaient, comme aspirés par les effluves d'horreur. Les crocs juteuses, les yeux dégoulinants, priaient pour pénétrer ma chair, pour enflammer mes vêtements et étouffer mes prières.

Le tapis renversait les pieds de table, le plancher avait mal et le plafond se fracturait. L'œil du cyclone m'observait en silence. Je le voyais, immobile, penché derrière le trou de la serrure. Et les vents frappaient, détruisaient bois et soie. Emballées par l'envie d'anéantir, les ombres se faufilaient hors des photographies. Désir morbide, tentation avide, elles venaient caresser le bout de mes doigts. Doigts qui rongeaient mes dents. Dents qui humidifiaient mes lèvres. Lèvres qui tordaient mon corps. Morsure désireuse et tempête présomptueuse. S'il restait un peu de sens à l'intérieur de mon crâne toqué, il a été se frotter à un autre palais. Oublié entre les papilles de l'incube. Trop de trop. Aucun mot ne pouvait décrire cette folie là. Et la tempête tapait plus fort, vagissait tout contre la poignée, pour que j'apprenne à l'aimer.

Océan moqueur s'extasie.
Tu as laissé vaincre la Nuit.

La gamine répète mon nom. Elle rigole parce qu'il n'est plus beau. Parce qu'il est ridicule et qu'elle le méprise. La fille blonde tire sur son fume cigarette et m'ignore, je ne vois que son profil et ses prunelles mornes. Janet me jette son paquet cigarette à la figure, puis retourne son sac pour en vider le contenu. C'est sa vie incroyable qui en sort. Abel part avec le fusil et ne revient jamais. J'ai envie de le traiter de lâche, j'ai envie de brûler le piano dans le salon de notre appartement, pour qu'il comprenne que sa mort me bousille et qu'il a eu tort. Pour qu'il revienne bon sang.

De l'Orient, espère, espère, il reviendra.

ABEL NE REVIENDRA PAS.

Des traces immondes couvraient mes jambes lacérées. Mes ongles rongés et rougis, se plantaient dans mon cuir chevelu. Les paumes sur les oreilles, je pleurais. Je geignais tel un poupon à qui on a dérobé l'espoir. Mais l'espoir n'était pas simplement parti. L'espoir m'avait regardé, droit dans les yeux et s'était laissé tomber entre les bras de la mer. Est-ce que c'est permis de faire ça ? Il y a pas une saleté de loi pour interdire cet acte d'égoïsme ? Cet abandon ultime ? J'avais mal et je pensais trop. Je pensais à toute ma vie et chaque épisode se superposait à un autre. Chaque passage, chaque scène était horrible. Sans couleur, sans rire, sans musique. J'étais un échec, échoué sur les plages ombragées, et les cordes des vagues houleuses me tiraient en arrière. Le désordre et l'amertume. Je me noyais dans mes larmes.

Je haïssais ce monde. Je le détestais. J'aurais voulu qu'il meure, la peau trouée, ensanglantée, juste là entre les deux yeux. J'aurais voulu qu'il paye pour tout ce que je subissais. Mais je ne pouvais rien faire. Je délirais complètement. Rien n'était réel, vraiment. Je perdais la tête. J'en voulais à Abel. J'en voulais au monde entier. J'en voulais à moi même. Pourquoi étais-je cette loque misérable, incapable, atrophiée, brouillée de partout ? Je crois que je pensais à haute voix, que sur mes deux pieds instables, je débitais la haine, qu'au bout de mes yeux grand ouverts, TaeHyung patientait.

« Pourquoi la Vie est-elle comme ça ? Pourquoi tant de guerres, tant de silences et tant de balles qui visent pas le vide ? Pourquoi personne ne répond jamais ? Pourquoi tout le monde me foule du pied ? C'est pas de ma faute si je suis tombé sur l'asphalte. Je voulais juste avancer mais je me suis écrasé sur cette Terre, moi, enfant maudit. Pourquoi je n'ai que la Nuit pour amie ? Pourquoi j'ai envie de terrasser tout et n'importe qui ? Pourquoi je suis un mauvais garçon ?

Pourquoi je suis jamais, jamais, jamais bien ?

Et c'est quoi cette ville conne ? C'est quoi ces types qui me suivent des yeux ? C'est quoi cet univers pernicieux ? Pourquoi Abel mentait ? Pourquoi je mentais ? Pourquoi tout le monde ment ? Oui je suis énervé oui ! Ou en fait non, je suis juste fou. Fou c'est bien. ( Je ris. ) Fou ça leur convient. Parce qu'au moins les fous on les distingue. Parce qu'au moins les fous on les met en camisole et chacun y trouve son compte. Parce que c'est bien joli mais pas de ça dans ma maison. Je vous fais peur moi, hein ? Avec ma différence insolente et mes poches sous les yeux. Vous êtes terrifiés, hein ? Vous êtes paralysés rien qu'à l'idée de savoir que ça puisse vous arriver. Vous ne voudriez pas devenir tâches, parasites, immondices. Oui, c'est quoi ces pensées insoutenables ? Je suis où là ? »

-JungKook, calme toi...

« En fait, je sais pas ce que je fais là. Il a dû se produire une erreur, quelque chose, n'importe quoi. Mais je devrais pas être là. Parce que là je deviens fou. Vraiment fou. Leurs yeux me brûlent, la tempête m'écrase, et l'eau m'asphyxie. Oui, c'est ça. Je devrais partir loin d'ici. Et Papa dira qu'un hôpital psychiatrique m'a interné. Et Maman inventera une raison pour pas alerter tout le quartier. Je partirais, je me fabriquerais une cabane dans un bois et je terminerais ma vie là-bas. Tout le monde m'oubliera. On m'effacera et même quand je serais mort, personne ne viendra me pleurer. Je serais parfaitement balayé. Et à ce moment là, enfin ce sera bien. »

-JungKook, je t'en prie calme toi. C'est pas une solution tout ça.

« Oui, oui, oui, oui. Enfin, j'aurais trouvé une place. C'est ce que je vais faire. C'est ce qu'il faut faire. Et enfin, je serais pardonné pour avoir fait l'erreur d'exister. Il aurait dû vivre, lui. Pas moi. Alors il faut que je parte. C'est ce que je vais faire. C'est ce qu'il faut faire, oui, oui, oui... »

-JungKook, arrête maintenant !

FERME-LA BORDEL.

Minuit, je dormais, au fond de moi veillait
Le cœur plein d'amour, comme si c'était le jour ;

Le temps filait. Mes neurones devaient sûrement s'être embrasés. Je ne savais même plus qui il était. J'étais paniqué. J'étais pris au piège tel un animal sauvage, écorché vif, la plaie nue. J'étais une proie facile et il était là, juste devant moi. J'écoutais juste mon instinct. Alors le poison tâcha sa peau.

J'aurais pas dû. J'aurais pas dû. J'aurais pas dû.

Le grésillement dans mes tympans s'était éteint. L'Océan s'était rangé. Et la tempête était repartie par la gouttière. Chaque chose se trouvait au bon endroit. Sauf moi. Et le garçon assis par terre. Il était tombé, tel un oiseau aux ailes coupées. Il était tombé et s'était cogné violemment à la commode. Ses pupilles croisèrent les miennes. Aucune lumière ne vint les éclairer. Il n'y avait que l'étincelle humide qui s'échappe et coule contre sa pommette. Il baissa la tête et ramena ses jambes contre sa poitrine. Il pleurait. TaeHyung pleurait et c'étaient mes mots qui l'avait blessé, c'étaient mes cris qui l'avaient écorché et surtout, c'étaient mes bras qui l'avaient bousculé.

Une tristesse sans nom s'empara de ma carcasse lorsque je compris. Lorsque je compris, ô combien je lui avais été nocif. Ce que je craignais le plus était arrivé. Mes vagues l'avaient propulsé sur les rochers acérés. Je n'étais pas désœuvré, j'étais désespéré. Les larmes recommencèrent à couler alors que je tombais à ses pieds. Ironie du sort, je sentis qu'on m'arrachait ce cœur que je croyais déjà mort. Je lui disais pardon. Je sanglotais pour qu'il comprenne comme j'étais désolé. Il comprenait. TaeHyung était gentil. TaeHyung promettait qu'il n'était pas fâché. TaeHyung voulait bien me prendre dans ses bras, comme avant. Mais je ne pouvais pas. J'avais honte. Accablé de regrets, je n'osais même plus le toucher. Qu'avais-je fait ?

Qu'avais-je fait ?

Minuit, je dormais...

Et TaeHyung mentait. Comme tous les autres d'ailleurs. Bien sûr qu'il m'en voulait. Bien sûr qu'il avait mal. Bien sûr que c'était grave. J'étais un monstre. Je lui avais fait mal. Lui qui avait bien voulu m'accueillir. Lui qui avait bien voulu m'aimer. Lui qui m'avait fait goûter le fruit impérissable de la folie. Celui d'une bonne folie. Pas ma démence inconstante. Lui, que j'avais repoussé si violemment, alors qu'il voulait apaiser ma rancœur, mon angoisse et mes hurlements. Lui qui voulait éteindre le feu avec sa tendresse, je l'avais brûlé sans même m'en apercevoir. Maintenant il était trop tard. Quelque chose en lui, s'était refroidi.

... au fond de moi veillait...

TaeHyung était parti pour peu de temps. Il avait une affaire à régler, mais désormais il n'avait plus de raison de s'en aller, si ce n'était moi. Pourtant, il ne partit pas et il ne me demanda pas de partir non plus. Il fit comme si de rien n'était. Il enfouit son mal et se remit à sourire. Mais c'était fade. Mais c'était amer. Son rire sonnait comme les Nuits d'Hiver.

Il devinait mon mal-être. Il promettait qu'il ne m'en voulait pas, que je devais oublier cette histoire. Mais je n'y arrivais pas. La scène repassait comme un disque à travers mes sens engourdis. Les secondes muettes pesaient lourd. Je ne l'approchais pas, terrorisé. Il soupirait souvent, incertain, peut être lassé. En moi, tremblaient les flux et reflux. Nos couleurs peinaient à se rallumer. Notre cocon s'effritait. Le poison nous affligeait en silence. Au fond, nous voulions croire que le temps rattraperait l'erreur, que dans ce labyrinthe atroce, il y avait une place pour le bonheur. Sûrement que nous avions été utopiste de penser que notre vie coupée de tout pouvait continuer. Sûrement que nous étions aveugles de penser feindre la Liberté encore longtemps.

Les monstres ne sont pas partis. Car montre je suis.

... Le cœur plein d'amour...

Ou alors étais-je défaitiste ? Je ne savais plus. Je n'arrivais plus à penser correctement. Je n'étais plus certain de rien. Il ne restait plus que TaeHyung et Abel. Ma culpabilité et mon chagrin. L'un avait-il un sens au moins ? Tout était embarbouillé. Nous marchions dans la rue. Les lieux étaient flous. Les conversations alentours se mélangeaient et je ne comprenais rien. Mes yeux devaient être vitreux. J'avais comme un voile par dessus les orbites. Seul le bleu se détachait du reste. Tout était bleu. Toujours, tout le temps, partout. TaeHyung avait quelques pas d'avance. Une part de moi voulait prendre sa main, l'autre s'en affolait. Il n'y avait rien que je pouvais imaginer sans être tiraillé. Et jamais je n'étais apaisé. Jamais ma soif ne semblait altérée. Jamais rien ne fonctionnait.

... comme si c'était le jour ;

Les détails me rendaient malade. Chaque petit tressautement me donnait envie de vomir. Cette ville affreuse était une coupure putride sur les contours de la nature. Mais moi, j'étais pire. Pire que les hommes d'affaire et leurs costards impeccables. Pire que les enfants geignards. Pire que les sans-abris frigorifiés. Pire que la pollution et les machines de fer. Pire que les genoux écorchés sur le béton. Et pire que le ciel opaque à l'horizon. J'avais tout foutu en l'air. J'avais sauté les deux pieds dans les eaux tumultueuses. Les marées visqueuses, sans musique et sans lumière, surmontaient mon front. Le courant n'avait plus de direction. Il n'avait d'autre but que me détruire. Je me noyais en moi même. C'était pire que la mort. C'était une dépression intérieure, un crime fait de douleur.

Une épaule cogna la mienne.

-Hé ! fais attention.

Je traçais mon chemin, suivant ses pas adroits.

« Réveille-toi JungKook, t'es un adulte maintenant »

TOI, TA GUEULE.

« Si seulement tu pouvais être comme ton frère. »

FAUT VOIR OU IL EST MON FRERE MAINTENANT.

« En continuant sur ta lancée, tu vas te prendre un mur. »

JE SUIS LE MUR.

« Tu devrais rentrer chez toi et vivre normalement. »

COMMENT ?

« Tu es triste JungKook. »

CE N'EST PAS DE LA TRISTESSE, C'EST UN DESASTRE.

« ... Un peu comme l'amour. »

UN PEU COMME QUOI ?

N'y avait-il rien que je pouvais faire ? Ni nous sauver de ce monde bourbeux, ni faire fleurir des roses sur nos bleus. J'avais tout gâché. J'aurais pas dû. J'aurais pas dû. J'aurais pas dû lui faire mal. J'avais brisé notre espoir de cristal. Pardon.

On se perdait à l'intérieur d'un centre commercial. TaeHyung devait faire des courses. Mon corps le suivait. Mon esprit rampait sous les semelles des clients. Ca empestait le trop là-dedans. Trop de gens. Trop de bruit. Trop de lumière. Trop de senteur. Je voyais flou. Je mélangeais tout. Le rez de chaussé ne se terminait jamais. Je voyais le sol s'éloigner depuis les escaliers. J'avais des vertiges. J'avais chaud et j'avais froid. Qu'est-ce qu'il voulait le gosse là-bas ? Ma photo ? Ça sert à rien, j'existe pas.

Je devais répandre mes pensées noires sur le carrelage. Tel un liquide épais, des flaques cauchemardesques sous les pieds des passants. Probablement qu'ils percevaient la noirceur, mais peu leur importait. Ils couraient, s'emballaient, criaient, sifflaient. Des bêtes féroces se déchirant pour un article ou une place de parking. Des animaux enragés prêts à tout rapiécer sans aucune raison. Juste parce qu'ils avaient la haine de vivre. Parce que personne ne supportait personne. Parce que tout le monde jugeait tout le monde. Parce que même les inconnus se crachaient dessus. Parce que même les enfants paraissaient blafards.

Verre qui se brise. Pleurs stridentes. Plaintes générales. Venin de serpent contenu entre les dents. Chiens qui aboient. Tintement de monnaie. Rire de bébé. Non, rien n'allait. J'étouffais.

Annonce aux hauts parleurs. Meutes affamées. Cerveaux lavés par de belles publicités. Grandes baies vitrées. Néons jaunâtres. Affiches psychédéliques. Papier glacé et porte qui claque. Je marchais plus très droit, je crois.

Incapable de fixer une lampe sans en être aveuglé, je toisais le sol. Les carrés de céramique reculaient. Non, attendez, c'était moi qui avançait. J'essayais de les compter. Trente-neuf ou quatre vingt neuf ? C'était presque pareil, non ?

TaeHyung s'était arrêté. Il discutait avec des gens qu'il connaissait. C'est vrai qu'il avait beaucoup de connaissances. Une des filles parlait fort. Elle jacassait de sa voix de crécelle et j'avais comme envie de la pousser par dessus la rambarde. Ses lentilles bleues et sa langue de reptile me révulsaient. J'avais besoin de m'éloigner. TaeHyung ne dit rien. Il me laissa marcher plus loin, continuant de discuter.

Mon cœur frappait ma chair limpide, faisant résonner ses coups jusque dans mes oreilles saignantes. Des aiguilles picotaient mes pupilles, embrasées par les feux des ampoules. Mes pieds lourds avançaient lentement. Je me sentais comme un mort vivant, égaré dans un rayon où presque personne ne circulait. La solitude était pire, pire, pire que leur présence horripilante. La solitude ne couvrait pas les cris dans ma tête. Je pensais tellement.

Je pensais à ma ratée de vie. Aux murs blancs de la salle de classe. Au poisson qui était mort à l'intérieur du bocal. Au piano que je ne pouvais manier. Aux nuits entières que j'avais passées à étudier.

Je pensais aux couleurs que le bleu recouvrait. Aux fous que les sains enfermaient. Aux robes à fleurs de ma mère et aux chemises blanches de mon père. A notre voiture décapotable ensevelie sous les pluies d'orage.

Je pensais à Goethe qui était quand même très fort. A la manière dont Abel savait réciter ses poèmes. Aux effluves de la bibliothèque. Aux ombres de la Lune sur nos corps.

Je pensais à la gamine de l'école, à la fille de l'hôtel et à Janet. Je pensais à la rame de train. Je pensais à la piscine brumeuse. Je pensais au chanteur mélodramatique. Je pensais aux parcs désertiques. Je pensais aux pastels du beau ciel. Je pensais à l'effervescence des bars. Je pensais à sa silhouette dansante. Je pensais aux voitures tueuses et à son rire immortel. Je pensais aux cartes volantes, aux cigarettes inachevées, au goût de ses baisers. Je pensais à toutes les heures que nous avions affrontées. Je pensais au sang sur son poing. Et la neige nous entourait. Je pensais aux Nuits d'Hiver. Elles étaient tout ce qu'il me restait. Elles étaient venues me posséder et elles avaient tout pris, tout écrasé, prouvant qu'en fin de compte, rien en moi n'avait jamais existé.

Je pensais qu'Abel était mort et qu'elles avaient gagné.

Je pensais aux abysses tentatrices et au bien qu'elles pourraient m'offrir. Je pensais au canon agréable, à la corde de coton et à la chute sauveuse. Je pensais à l'Océan tapis en moi. L'Océan qui me noyait de l'intérieur. L'Océan chaud. L'Océan beau. L'Océan bleu.

Bleu brouillard et bleu fumée. Bleu néon et bleu ciel. Bleu gravier et bleu tissu. Bleu neige et bleu peau.

Aujourd'hui le monde est bleu nuit. Car la Nuit a gagné, et l'Océan a débordé.

Mais c'est plus possible. C'est plus possible. C'est impossible. Parce que je veux vivre. Parce que ce monde doit mériter son enfer. Parce que j'ai encore besoin de ses sourires et de ses lèvres. Parce que je deviendrais Éternel. Parce que j'ai pas envie d'être englouti ici. LAISSEZ-MOI VIVRE.

Pourquoi n'en ai-je pas le droit ?

Pourquoi ?

A ma droite, laissé pour compte, brillant d'une lueur nouvelle, entre les feuilles et les stylos, gisait le ciseau.

Minuit ! L'éclat des étoiles conduit
En un doux rêve au seuil où elle repose.

« Je suis désolé mon Amour. »

O qu'il me soit donné de reposer moi aussi en ce lieu.

«Ce n'est que de la souffrance liquide.»

Qu'elle que soit la vie, ...

« J'implore ton pardon. »

... vivre est bon.

« Il faut faire sortir l'Océan. »

Tous les bruits avaient cessé. Silence complet. Même les hauts parleurs avaient coupé court à leur discours. J'ignore si on me voyait. J'étais allongé sur le sol froid, les yeux embrassant le plafond lointain. La douleur coulait à flot, recouvrant le carrelage blanc. L'Océan fuyait par la coupure, douce courbe en travers de mon poignet. Des murmures de foule retentissaient quelque part, dans les nuages probablement. Et tandis que les ciseaux gisaient à quelques centimètres de ma main, j'attendais. Au fond de moi, le cœur respirait à nouveau.

Toi, tu arrivais. Je le sentais. Tu fendais la masse pour me rejoindre, comme ce soir là, dans ce bar là, tu te souviens ? Et tu tombais à genoux pour saluer mon corps de porcelaine. Et tu jurais très fort. Tu jurais et tu disais mon nom. J'aimais sa tonalité sur ta bouche. Tu pleurais aussi. Tu hurlais aux autres apathiques d'appeler une ambulance. Et tu pleurais tellement. Et tu jurais tellement. Entre tes bras convulsifs, je te chuchotais de ne pas t'en faire. Je te promettais que le lendemain il neigerait encore, que le lendemain on irait toucher les étoiles. Je te demandais d'y croire. Mais bon sang que tu étais beau. Couvert de larmes et de sang. Si seulement, il n'y avait pas eu le chagrin.

Mais ne t'inquiète pas, petit soleil. Je ne meurs pas. Non, là, pour une fois, en me vidant sauvagement de mon sang...

... je vis.

Et tu ne devineras jamais quoi. C'est à cet instant précis, en t'aimant sans te le dire, que le titre de la chanson m'est revenu. Je te l'offre. Comme tout d'ailleurs. Des Nuits d'Hiver aux Jours vivants. Prends tout.

Je suis libre.

***********

To die by your side
Is such a heavenly way to die

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