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Bleu gravier.


Bleu gravier.

C'était de l'art. Plus éloquent que les mots. Plus coloré qu'un tableau. Plus puissant que la vague d'un tsunami. C'était de l'art humain. La foule qui se frôlait, qui se complétait et qui s'entraînait. Tous ses humains se mettant d'accord le temps d'une bonne musique. Elle les possédait et les faisait tourner. Leurs fronts en sueur, leurs veines grossies et leur peau brûlante faisant planer l'extase dans cet oxygène intoxiqué par la folie nocturne. Ce bal nuptial, cette débandade de joie et de notes toujours plus tentantes à mesure que la musique montait, montait, grimpait pour fendiller le plafond et s'envoler vers les cieux spirituels. Il faisait chaud et les sangs bouillonnaient sous leur peau rougeoyante. Telles des pierres précieuses venant retapisser l'ordre des choses de leurs pirouettes sauvages, de leur fureur animale.

Ils étaient au comble d'un bonheur secret. Celui de l'instant. Celui qui nous persuade que tout dure toujours. Que la vie est une merveille et non un piège. Ce genre d'instant extra-terrestre qui nous éloigne du sol pour qu'on puisse oublier entre nos membres déchaînés et nos vulgaires arabesques que tout ce bonheur disparaîtra, de même que nos souffles vaporeux et notre sueur sucrée.

Je les voyais s'aimer passionnément, s'enlacer, se tenir du bout des doigts et briller férocement. A en faire pâlir les étoiles. A en faire ternir la grande lune. Il n'y avait plus d'étincelle raisonnée au creux de leurs iris. Ils s'emportaient pour chaque tressautement musical, pour chaque expiration silencieuse de leur partenaire. Et ils tournaient, se caressaient de gestes rêveurs mais aimants. Ils plongeaient en eux-même mais aussi dans tous les autres. Et ils ne faisaient plus qu'un avec cette musique divine. Les filles dans leurs robes faisaient voler les rubans qui ornaient leur douce chevelure. Les garçons ne se méfiaient d'aucune apparence. Faisant la guerre autant que l'amour. Et nous tous, dans cette salle ardente, n'étions plus les esclaves de quiconque, si ce n'est de ces instruments ensorcelants, de ces voix qui chantaient et s'exclamaient pour la victoire de l'art humain.

Je me mêlai à leurs pensées libres. J'étais à la fois entre leurs mains adroites, leurs cœurs battants, la braise de leurs cigarettes, et les flammes dans leurs cheveux. J'étais là, envieux et satisfait. J'étais là et moi, JungKook, prisonnier en cavale, je trouvais du sens à chacune de ces folies. Quand j'observai le garçon, TaeHyung. Grand, beau, scintillant dans sa justesse et son libre mouvement. Il faisait tournoyer sa douce compagne d'un effleurement brutal et souriait avec les feux des astres. Il dansait et dansait toujours. Loin de nous, loin d'eux, et pourtant collé à nos cerveaux. Car toutes nos âmes se mélangeaient et s'aimaient d'un amour inconvenant, si plaisant, si instantané que rien n'aurait plus l'arrêter. Il se laissait porter par une fièvre plus profonde que celle dans ses yeux. Il étincelait au milieu de toutes les lumières. Et jamais il ne restait avec la même partenaire. Chaque fois il semblait tomber un peu amoureux de la fille qu'il faisait virevolter, pour ainsi l'oublier quelques instant après. Il était soumis au rythme fougueux et fuyant d'une entité probablement diabolique.

Je ne voyais que lui. Il était différent. Différent de l'image inscrite derrière mes paupières fanées. Soudain je me pris d'une fascination rayonnante, d'un engouement sans nom pour ses actes et ses sourires. C'était subitement plus beau que tout ce que j'avais vu ce jour là. Cette démence emplissait mon eau chamboulée par ce tourbillon incompréhensible. Je me surpris à sourire et à sortir quelque peu de cette immobilité qui était toujours la mienne. Plus je lorgnai sur ses manchettes déboutonnées, sa chemise chiffonné, ses prunelles incandescentes et ses cheveux bataillé, plus je quittai mon état de statue. C'était une transe nouvelle. Une béatitude indicible.

Il posa ses deux cristaux en flammes dans les miens et son expression changea. Le morceau s'arrêta comme un train se stoppe. TaeHyung salua sa camarade d'une danse et sourit. Une autre chanson débuta alors que les cris reprenaient, comme le train qui redémarre. TaeHyung s'approcha de moi, fendant la foule à la façon de Moïse traversant la mer. Les valses et leurs merveilles populaires s'évertuaient, en réclamant plus, toujours plus.

-Salut ! Fit le beau garçon d'une voix forte pour surpasser la musique. Tu es JungKook, c'est ça ? Moi c'est TaeHyung. Kim TaeHyung. On est dans la même université !

-Je sais qui tu es, répondis-je d'un ton peu élevé.

Il eut un rictus porté par l'effervescence foudroyante et la gêne innocente que je pouvais lui inspirer. Un moment, il sembla vouloir me parler de quelque chose dont je devinais déjà la teneur. Envolé loin de ces mauvaises préoccupations, impatient de sombrer dans les bras de cette lumière fêtarde, je le coupai d'avance.

-Tu danses avec moi ?

Une palette d'expressions fila sur son visage ferme mais élégant. Je souriais encore parce qu'il était impressionnant ce gars. Là, dans ce bar, près de la piste, avec ses yeux brûlants et ses bonnes manières délaissées. D'abord interloqué, puis étonné et enfin amusé. Il accepta en laissant ses pupilles étinceler plus fort. Et il s'empara de mes mains maladroites. Lui qui s'épanouissait avec grâce et confiance, me guidait, ne me lâchant jamais. Il me tira sur la piste de danse. Et je jurai que cette musique ci venait de chasser l'ombre immense qui m'enrobait. Mon esprit clairsemé ne voyait plus que ce garçon débordant de charisme qui s'emparait de mes faits et de mes gestes. Il me protégeait dans sa certitude et serrait mes paumes hésitantes. Plus rien ne se faisait par contrôle. Une vague animale nous submergeait, faisant gagner l'instinct et le chagrin trop grand. Tous nos chagrins qui ne faisaient que s'accroître, s'accroître pour exploser en une euphorie violente.

Mon cœur battait contre chaque morceau de mon épiderme, contre ma poitrine enchaînée, contre mes tympans libérés. Il résonnait plus fort que les basses. Il faisait trembler le sol. Il bousculait mes sens. Je n'étais plus qu'un enfant tombé au milieu de la Nuit. Un enfant de la Vie. Et ses mains dans les miennes. Et ses sourires immenses. Et sa lucidité enragée. Il me conduisait vers une satisfaction irraisonnable qui me plaisait tant.

Car nous tournions. Tournions. Tournions. Perdus sous le voile de cette nuit dévergondée.

TaeHyung était doué. Doué en tout. Pas que pour danser. Juste pour exister. TaeHyung était ce genre de personne envoyée par on ne sait quelle force ou puissance extérieure. Ce genre de divinité humaine. Celui qui dégageait une aura alléchante, une carrure imposante et passionnante. Celui qui avait du succès sans même lever le petit doigt. Celui qui plaisait sans faire un seul effort. Celui-là. Kim TaeHyung était celui-là.

Je l'avais rencontré à l'université, au tout début de l'année. Je marchais dans un couloir étroit et vieux de quelques millénaires, entre quelques amis riant pour une inutilité comme une autre. Il arrivait en face. Au centre d'autres amis du même genre. Des connaissances. Ou peut être même des non-connaissances. Tout ça pour dire qu'il marchait dans ma direction, ou plutôt dans notre direction. Son entourage lui touchait l'épaule, lui parlait d'une voix forte et enjouée, tels des petits chiots qu'on a domptés. Lui, avait l'air serein, l'air indifféremment intéressé. Il était plus grand, plus beau et mieux habillé que les autres déjà si soignés. Il dominait son petit monde et ne semblait pas s'en accommoder.

Puis mes camarades qui devaient sans aucun doute le connaître, se jetèrent à moitié sur eux, saluant, louant, riant légèrement, échangeant rapidement. Tous paraissaient prêts à se plier en deux pour obtenir ses bonnes grâces. Mais TaeHyung se tenait loin, loin de ces batailles soi-disant amicales. Au dessus du groupe, passif et content. TaeHyung m'apparut intouchable, dès la première fois. Nous étions ainsi repartis. Et quelques pas plus tard je m'étais retourné pour le voir s'en aller de sa démarche souple et supérieure.

Je l'avais trouvé intouchable et inéluctablement sophistiqué. Sauf qu'au fond je n'en pensais rien de plus que les autres. Puisque je réfléchissais comme les autres. J'agissais comme les autres. J'étais les autres.

J'en avais entendu des rumeurs à son sujet. Il avait des connaissances innombrables, des amies plus que charmantes, et une famille digne. On peut dire qu'il appartenait à mon vaste groupe d'acolytes. Il rejoignait parfois notre table au café, participait à nos sorties et fréquentait nos fêtes. Il était là. Juste là. Mais pas moi. Moi je voguais ailleurs, à me préoccuper des détails alentours, à faire semblant de m'intéresser aux conversations, à chasser mes crises d'angoisse ou de colère.

Quelques jours auparavant je ne lui aurais pas adressé la parole, je ne l'aurais pas effleuré, je n'aurais pas ri avec lui, me mêlant à ses pieds et à ses bras. Car quelques jours auparavant je me serais trouvé trop stupide pour ça, trop mal à l'aise, trop pas assez pour ça. Je l'aurais regardé de loin, l'aurais envié pour ses immenses qualités, et je me serais tu. Cependant, ce soir là et dans ce bar là, je n'étais plus faible. J'étais à l'horizon du peuple, à chuter toujours, à quêter pour la Liberté et quelques miettes de Bonheur. J'étais comme ça, ce soir là, tout près de son cœur qui bat.

Mais lorsqu'il me faisait danser, il n'était plus une façade parfaite. Il était un être à cœur saignant. Comme moi. Comme les victimes nocturnes.

Juste le temps d'une danse, je suis un peu tombé amoureux de lui. Mais ça jamais je ne me le serais dit. Puisque j'étais pas beaucoup, pas tant que ça, pas vraiment libre. Et que seul ce fait semblait compter.

Malheureusement, l'extase prit fin, me laissant l'âme légère et peut être moins amochée. Les notes douces et véhémentes s'éteignirent. Et juste quelques secondes sans instruments suffirent. Pour que ses doigts glissent hors des miens. Pour que ses yeux se profilent lentement. Et que des harpies jaillissent de nulle part, s'accrochant à ses bras, faisant voler leurs mèches électriques, souriant de leurs dents pointues, faisant papillonner leurs affreux yeux de perruche. Il suffit de quelques secondes pour qu'elles l'arrachent à moi, attrapant sa peau lumineuse, chantonnant des prières enjôleuses. Il suffit de ces quelques secondes pour souffler la flamme, chasser la lumière et faire entrer l'ombre.

Alors, je pris congés.

Je traversai le spectacle de la débâcle en marchant sur une apesanteur irréelle. Je quittai ce nid de bonheur éphémère, de joie qui ne dure pas et regagnai ma vieille nuit solitaire. Enfin je la crus solitaire, comme bon fidèle du désarroi. Mais marchant au loin, dans cette large rue bordée d'arbres, j'entendis qu'on me suivait. Je n'y pensais pas. Je continuais de marcher. Et il continuait de me suivre. Suivant la voie du froid et de la mélancolie morbide du noir. Je marchais pour désormais fuir cette musique devenue désagréable à mon cœur vexé. Après quelques mètres rapides, je me faufilai entre deux voitures garées et m'engageai sur la route.

-JungK...

-Tais-toi.

Je m'arrêtai subitement pour faire face à TaeHyung. Il s'était tout à coup égaré avec moi sur le chemin des ténèbres. Dressé seul au milieu de la route, je le toisai durement. Lui me le rendait depuis le trottoir. Nous nous fixions vaillamment, sachant pertinemment quelle foudroyante idée tournait à l'intérieur de son esprit. Il ouvrit de nouveau la bouche pour parler, se fichant de mes mots.

-JungKook, pourquoi t'as sauté ?

Et il me regardait avec de grands yeux tristes. De grands yeux désuets. Des pupilles dignes d'un parent désespéré, d'un psychologue désintéressé, d'un gamin souhaitant juste comprendre. Au fond, je me doutais bien que peu lui importait ma réponse. Ou du moins je préférais me parer de ces convictions méprisantes. Qu'est-ce que ça pouvait lui foutre dans le fond ?

-JungKook ? Je t'ai vu sauter. J'étais là, sur le balcon. JungKook, pourquoi t'as sauté ?

Je savais qu'il se trouvait sur ce foutu balcon, au foutu moment où j'ai sauté dans la foutue piscine. Je ne sais pas pourquoi, mais je fis comme si je ne m'en étais pas rendu compte, comme si c'était surprenant, comme si c'était une anecdote hilarante. « Enfin quoi, il était là ? Sérieusement ? Et moi aussi j'étais là. N'était-ce pas fou ? »

Ah si c'était fou. Si tu savais. C'était fou.

Un rire mêlé à un souffle instable franchit mes lèvres. C'était franchement hilarant, soudainement hilarant, profondément hilarant. Il avait un visage étonné, surpris, subjugué, un peu con. Je me sentais fou. Fou. Fou, si fou à travers ses œillères. J'avais envie de le secouer pour qu'il rie aussi. Mais il n'aurait pas ri. Lui était trop stable pour ça. Trop équilibré. Trop bien dosé.

Mais tout intérieur est fragile à qui laisse son esprit être franchi.

-Je sais pas, répondis-je alors. T'aurais sauté pourquoi toi ?
Il ne répondit pas. Je souris. Je souris puis m'assis sur la route, faisant un combat de regard avec l'horizon. Enfin je faisais tout comme. Car l'horizon était caché par le carrefour laid qui nous attendait au bout de l'avenue. Alors je combattais le carrefour laid. C'était bien aussi. C'était bien puis c'était laid. C'était beau puis c'était horripilant. C'était agréable puis c'était agaçant. Mais ça faisait mal en permanence.

Je me sentis fatigué, épuisé de ma nuit recroquevillé sur un banc, de mes vagabondages incessants. J'étais si éreinté que je finis par m'allonger. Par m'allonger en travers de la route. Les mains sur le ventre, emmêlant mes doigts désarticulés. Les yeux dans les étoiles trompeuses. Pourtant elles brillaient si fort. J'en étais jaloux. Parce qu'elles brillaient si fort. Et moi j'avais la tête sur le gravier, les pensées à six pieds sous terre, puis le corps dans l'eau, toujours et continuellement pris au piège de ses tendres flux et reflux.

TaeHyung s'indignait sur le trottoir, perdu entre les vents contraires s'évadant de ma bouche fracturée.

-Qu'est-ce que tu fais ? Tu as sérieusement envie de mourir là ? T'es vraiment suicidaire ?

Suicidaire. Quel mot vulgaire et mal pensé pour désigner les âmes abusées cherchant un refuge. Je le déteste. J'aimerais qu'il ne le dise pas.

Ne le dis pas.

Reste muet. Muet à ma douleur.

-Il n'y a aucune voiture, remarquai-je calmement. Et la rue est si longue qu'il faudrait être aveugle pour me rouler dessus.

Un soupir s'échappa de sa bouche si particulière. Il souffla des sortes d'injures malformées, des insultes à la Nuit, sans aucun doute. Puis il s'approcha de moi et me regarda de haut. Parce que j'étais tout en bas. Et qu'il brillait tout là haut, avec la Lune et le froid pâle. J'aurais pu lui demander de partir. J'en avais très envie. J'étais à un doigt de l'envoyer se faire voir et sûrement qu'il s'en serait allé. Mais ses prunelles inquiètes, scintillant sur son visage sombre, penché sur mon corps aux airs morts, me rappela mon frère. Tel un flash hors de l'espace. Un instant c'était lui. L'autre c'était TaeHyung. Et qui que fut TaeHyung, il me toisait de sa hauteur distinguée et cela me fit sourire. Abandonné sur le gravier, le parasite s'allégeait des ombres solitaires.

-Viens à côté de moi, l'incitai-je alors.

-Pardon ?

-Pourquoi ces traits ahuris ? Pour une fois, sois stupide, viens t'allonger à côté de moi.

Il s'agita. Je le vis lever les yeux puis les baisser à nouveau. Il marcha sur la route, hésitant, faisant grogner le gravier sous ses chaussures. Il se tourna vers la gauche, puis vers la droite. Il n'y avait pas un bruit, si ce n'est les murmures lointains de la musique. Pas une voiture non plus, si ce n'est celles déjà arrêtées. Il n'y avait personne, si ce n'est ma silhouette échouée sur l'asphalte et sa belle ossature, indécise. Il posa à nouveau les pupilles sur mon rictus amusé, gêné par ses gestes incomplets. Il ne pouvait que se résigner et il le fit dans un autre soupir. Il vint me rejoindre sur le béton glacial, le béton plein d'encre, le béton d'en bas. Son épaule collait la mienne, ses doigts nerveux cherchaient les cailloux du parterre, faisant claquer la fausse pierre, les frottant entre eux, les serrant dans sa poigne. Je l'entendais respirer bruyamment. Mal à l'aise à ne plus pouvoir contenir son esprit dans son enveloppe. Mon esprit lui, volait un peu au dessus, à dévisager la ville et le ciel, à lorgner sur son beau visage.

-Qu'est-ce qui va pas JungKook ? Me souffla-t-il en pivotant légèrement vers mon oreille. Pourquoi tu fais ça ?

Je fis mine de hausser les épaules. Les tissus de nos vêtements se froissèrent l'un contre l'autre. Ma peau froide se réchauffait contre la sienne. Car elle me semblait soudain si proche et si lumineuse, si positive. Elle dégageait une allure certaine et apaisée. A nouveau sa confiance me gagnait, m'apaisait. Comme lorsqu'il me tenait du bout des doigts et me faisait danser.

-Tu pourrais en parler, expulser tes problèmes, exprimer ta tristesse.

-A qui ? Répliquai-je. A un charlatan ? Un psychologue ?

-Oui ou non. Je ne sais pas. Tu ... Tu pourrais me parler à moi. Je ne sais pas. Je pourrais écouter tes mots, les comprendre et peut être t'aider.

Mon regard partit en biais pour distinguer son profil. Même sous les lampadaires brutaux, il avait le teint doux et les yeux sereins, plantés sur les étoiles. J'ouvris la bouche pour émettre des mots, pour dire ce qu'il avait envie d'entendre mais la vérité coinçait la parole, obstruait ma gorge. La vérité voulait s'évader de mes cordes vocales, planer jusqu'à ses oreilles et revenir à l'assaut, bombardant ma chair, provoquant une douleur plus grande. Alors des syllabes butèrent les unes contre les autres, se mêlèrent à un sanglot rieur, retroussèrent ma lèvre inférieure et plissèrent mes paupières humides.

-Mais il y a pas de mots TaeHyung... Il y a pas de mots pour décrire ça. Et si j'essaye, tu ne comprendras pas. T'es comme les autres.

-Comme les autres ?

-Oui, comme les gens « normaux ». La norme, la conformité, la communauté. T'es normal. T'es pas banal, t'es juste normal. Alors pourquoi tu comprendrais ? Qui es-tu pour te rabaisser à ça ? Pourquoi t'es là ? Pourquoi tu me parles ? Pourquoi tu mens ? Pourquoi tu dis que tu peux m'aider alors que c'est faux ? Et que même si je te disais et que tu comprenais, tu n'irais même pas essayer. Non, non, non. Toi tu vas partir en courant. Tu vas me traiter de fou. Tu vas me pousser dans l'eau comme les autres. Tu vas me regarder de travers, comme si vu de la gauche cette masse informe que je suis devenait réelle. T'es comme ça. Et moi je le suis pas. Tu saisis ou pas ?

-Tu penses que je suis normal ?

-Pour ce que « normal » veut dire, oui.

-Ce mot n'a aucun sens. Rien n'est vraiment normal. Ca dépend du point de vue.

-Tu penses ? Je ne sais pas. Tout est triste dans le ciel, regarde. Tout est vaste, tout est froid, tout est solitaire. N'y-a-t-il pas de vrai bonheur ? N'y-a-t-il pas de normalité propre ? Ne suis-je pas normal pour moi-même ? N'es-tu pas normal pour toi-même ? Tu penses vraiment choisir qui tu es ? Toi qui es si parfait. Tu te plies à une normalité qu'on nous impose. Il n'y pas de normalité individuelle.

-Dis pas ça JungKook. C'est triste.

-Penses-tu que c'est aussi triste que le ciel, ou aussi triste que le sol ?

-Aucun des deux ne devrait être triste. Maintenant on devrait se lever de cette route avant de finir tranchés net.

-Quoi ? Papa aurait honte de te voir allongé par terre ?

L'éclat d'un rire malheureusement sarcastique sortit de mes lèvres limpides. Puis il s'estompa vite, trop vite.

-C'est insensé ... chuchota sa voix grave.

-Alors va-t-en, si tu refuses d'être insensé tu peux me laisser là, rejoindre les autres et les éclabousser de ta lumière. C'est ça que tu veux ?

Je disais des choses que je ne pensais pas. Je ne voulais pas qu'il parte. Je voulais qu'il me réchauffe encore un peu de sa compagnie pleine d'espoir. Il ne le fit pas. Il ne répliqua rien et j'ignore s'il s'agissait d'une approbation.

Il y avait de l'eau dans les cieux et du vide dans le noyau terrestre. Mon monde était sans dessus dessous. Mon monde écorchait le sien.

-Tu te fiches de mourir là, pas vrai ? Questionna-t-il au bout d'un long silence. Et tu te fichais de mourir hier soir, en sautant du balcon ? Qu'est-ce que tu fais au juste ?

Je fus l'origine d'un autre silence. Un profond silence qui venait de mon moi torturé. Un silence coupé par les grondements des voitures sur les avenues et les boulevards, loin de nous. Puis je posais ma joue sur le gravier bleu, je retournai mon corps mis à nu malgré mes vêtements tâchés et mon manteau sombre. Il se détourna aussi des étoiles que les nuages voilaient et posa sur moi ses yeux brûlants de je ne savais quoi. Je savourais la douceur de ses courbes et aimais à me dire qu'il contenait tant de lumière qu'il aurait pu refléter la nuit. Je le regardai simplement et sincèrement, puis tâchai l'oxygène de ma voix tremblante.

-Je crois que j'essaye de vivre.
TaeHyung contempla ma phrase volante, écartant mes lèvres, plongeant vers les astres. Il fronça les sourcils, fixa mes orbes décadentes, mon nez décadent, ma bouche décadente puis mes mains entremêlées, posées sur mon ventre. Il se redressa sur un coude et releva les sourcils. De sa faible hauteur, il m'observait. C'était étrange comme lueur. C'était indéfinissable. C'était la première fois que quelqu'un me regardait vraiment depuis que j'avais quitté la case commune, que je chutais vers les fins fonds de l'inconnu. Je ne savais comment, mais pour une fois, des yeux humains se fichaient dans les miens. Pour une fois JungKook n'était pas dans un coin. Et en pensant ceci je réalisais l'incroyable. Je réalisais ce que je n'aurais jamais cru. Cet étudiant parfait, cet enfant obéissant, aimé de tous, destiné à une réussite certaine. Celui qui n'écoutait jamais vraiment les autres, qui semblaient se satisfaire d'un statut supérieur que peu connaîtront un jour. Et bien ce gars là, avait entendu mes mots. Ce gars là, voyait l'invisible, percevait l'inaudible. Et j'aurais aimé savoir ce qu'il comprenait. Car moi même je m'y trompais. Alors je me redressai à mon tour.

-Est-ce que les gens « normaux » peuvent vivre ? Questionna-t-il alors.

-Pourquoi crois-tu que j'ai sauté du balcon ?

Un rictus penché fendit son visage. Un battement sourd remua mes côtes, frappa ma peau translucide. Il souria pour la première fois depuis notre danse et j'eus envie de toucher son sourire, de toucher sa peau brillante et ses yeux de feux. J'eus envie de tendre le bras et de prendre sa main, de le pousser violemment pour qu'il tombe aussi et qu'il me rejoigne. Mais au dernier instant, je me rendis compte que ce désir était égoïste, que si TaeHyung était heureux, je n'avais pas le droit de lui prendre ce contentement mensonger. Que si c'était son choix, ni moi, ni la fille blonde, ni la gamine, ni même Janet n'avions le droit de lui enlever le bénéfice d'avoir envie d'exister dans le superificiel. Je n'étais qu'un vagabond solitaire. Je ne pouvais lui imposer la souffrance de voir la Vérité, de voir les visages ternes des autres, les conversations sans intêrets, les jugements permanents, les ténèbres égocentriques de leur cœur battant. Je ne pouvais lui apprendre la guerre qui se produit dans la tête des malheureux, le combat de nos êtres pour ramasser un peu de bonheur vrai. Je ne pouvais pas.

Juste là, allongés sur la route de gravier encreux, un garçon me regardait. Un garçon qui voyait. Un garçon qui brillait. Un garçon que je croyais pouvoir casser.

Et quelque part, au loin, la foule criait pour/contre la Nuit. La foule aimait la Nuit d'Hiver mais la détestait tout autant. La foule gémissait des hurlements. Mon esprit dansait un peu avec eux. Un peu avec vous. Et un peu avec toi.

Quand je regardai TaeHyung, plutôt lucide, plutôt sobre de cette folie, je vis qu'il avait un fond abrupte et fort bien bâti, tout comme Abel. Mais il détenait un reste indéchiffrable, que même Abel ne pouvait imiter. Il y avait un autre chose que quelqu'un devrait un jour dévoiler. Sûrement une biche aux cœurs par milliers, aux iris tendres et au pelage somptueux. Sûrement une âme pure, aussi lumineuse que lui. Elle aurait de la chance de toucher cet autre chose que je ne pouvais approcher sans dispercer le poison. Elle aurait beaucoup de chance mais ce soir là, elle était absente. Alors j'en profitais et absorbais les prunelles infinies du doux garçon.

Je le fis quelque temps. Quelques éternités durant. Je le fis encore quand un groupe de jeunes s'approcha, ria de nous voir là, puis s'éloigna. Je le fis encore quand il n'y eut plus personne et que le vent givrait les carlingues, faisaient germer des fleurs blanches au bout des branches et redonnaient de la saveur aux étoiles. Je le fis encore en entendant le moteur à ma gauche, les roues balayant les cailloux et l'odeur putride de l'essence. Je le fis une dernière fois quand la voiture vint m'illuminer de ses feux mortels. Puis TaeHyung me tira par le bras et me fit courir sur le trottoir.

En immergeant de la panique et des bruits de klaxon, je vis l'auto passer devant nous, criant sa rage et sa décéption de ne pas nous avoir dévorés. Je n'eus aucune réaction, juste une impression de vide après tant d'éclats sur son visage. Mais étrangement, juste à côté de mon oreille TaeHyung riait. Je me tournai pour le voir, sa joue frôlant la mienne, riant au nez de la bête qui fuyait. Il ne vit pas que je l'observais encore. Il riait nerveusement et ouvertement pour chasser la peur et l'irraison. Il avait ses mains sur mes épaules et lentement, j'approchai ma joue de la sienne pour percevoir son rire jusque dans ma tempête intérieure. Je fermai les yeux et l'écoutai.

Je l'écoutais rire comme s'il s'agissait de ma propre joie. Et peut être que je me suis mis à rire aussi. A exploser en milliers de soubresauts humains, à en faire peiner mes poumons, à en faire imploser mon cœur, à faire trembler les eaux tumultueuses et sans craintes, à exposer mes envies comme un enfant. Maintenant, j'en suis même sûr. Je riais avec lui. Je riais contre toutes les absurdités de la Nuit.

Il rayonnait de ses facettes innombrables. Il avait une surface lisse. Et une profondeur mystérieuse. La mienne était dangereuse, d'une froidure sans nom, pleine de monstres et de problèmes aux longues dents.

Il effleurait mes profondeurs abominables.

Je n'osais toucher sa surface de cristal, de peur d'y plonger l'encre et le brouillard d'Hiver. De peur d'en chasser les fragiles étoiles.

Ce soir-là, je vous avais perdus vous. Mais je l'avais trouvé lui.

**********

I am
Colorblind
Coffee black and egg white
Pull me out from inside
I am ready
I am ready
I am ready
I am fine
I am fine
I am fine

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