Chapitre 45 - Deuxième tentative
Une petite voiture rouge se rangea sur le trottoir attenant au domaine Gardam tandis que la camionnette noire des hommes de Valnasser se garait discrètement à l'autre bout de la rue. La nuit tombante était de leur côté. Jessica activa son téléphone portable puis composa le numéro de son nouveau patron. L'homme laissa filer plusieurs sonneries avant de répondre, essoufflé.
— C'est moi, indiqua l'espionne en percevant le rire aigu d'une femme en fond à l'autre bout de la ligne.
— Oh, Jessica. Alors, vous avez suivi le type ? Vous avez retrouvé Khali Lobo ? demanda Valnasser qui semblait distrait.
— Nous l'avons suivi toute la journée. Après sa visite chez vous, il est allé travailler dans une boîte d'informatique. En sortant le soir il est allé faire quelques courses et maintenant il s'est arrêté chez les Gardam. On continue à le filer.
— Gardam... répéta l'homme. Toujours eux. Apparemment le mari de cette chère Linnéa n'est pas un modèle de fidélité conjugale, il doit être relativement proche de Khali pour que le kidnappeur aille le voir lui aussi. Ça ne me plaît pas.
— Jaloux, Tim ? interrogea malicieusement Jessica.
— Je n'aime pas la concurrence, c'est tout. Ne lâchez pas l'informaticien et tâchez de retrouver Khali.
— Ça sera fait.
— Bien, et ne me dérangez plus, au moins pour l'heure à venir.
Le gloussement féminin qui n'avait cessé durant toute la conversation téléphonique retentit plus fort encore puis Valnasser raccrocha le combiné. Jessica se renfrogna et jeta le portable au sol, elle non plus n'aimait pas la concurrence.
🐺
L'informaticien croisa les bras sur sa poitrine pour maintenir son imperméable fermé et courut presque jusqu'à la porte d'entrée de la maison Gardam. L'air s'était considérablement rafraîchi depuis le coucher du soleil, la lune était maintenant pleine dans les cieux et elle atteindrait son zénith dans quelques heures à peine.
Le kidnappeur de Khali grimpa les quelques marches d'escalier et sonna à la porte. Il n'eut pas à attendre bien longtemps, James apparut rapidement dans l'encadrement de chêne massif, l'air fatigué et énervé.
— Monsieur Gardam ? demanda l'informaticien.
— Qu'est-ce que vous voulez ? rétorqua le maître des lieux sur un ton expéditif.
— Est-ce que je pourrais entrer une minute ?
— Non.
— Ah...
James soupira et s'apprêta à refermer la porte lorsque le visiteur s'écria :
— Attendez ! Je veux vous parler de Khali Lobo !
Le policier s'arrêta dans son élan, il était à deux doigts de claquer la porte mais il se ravisa et laissa une seconde chance à l'homme.
— Je suis le frère de Karl Holger, enchaîna-t-il.
— Karl Holger, le trafiquant d'antiquités international ?
— Euh, fff... oui, concéda l'informaticien à contrecœur.
— Et quel est le rapport avec Khali Lobo ?
— Il y a trois semaines elle a tué mon frère pendant son séjour en Australie.
— Oh mais je ne suis pas le bureau des réclamations vous savez.
L'informaticien ne répondit pas, il se contenta de tendre une photo à James. La même image de Khali enchaînée que celle qu'il avait montrée à Valnasser plus tôt. Le policier se crispa aussitôt et empoigna le ravisseur à la gorge.
— Où est-elle ?
— Ne faites pas ça, conseilla l'informaticien d'une voix étouffée. Si je ne rentre pas, mes parents la tueront.
James hésita puis relâcha le jeune homme, un plan naissait déjà dans son esprit.
— Et qu'est-ce que vous voulez en échange de sa libération ?
— Un milliard d'...
— Un milliard ! l'interrompit le policier avec un rire narquois. Vous n'avez pas plus irréaliste comme chiffre à me proposer ?
— ... d'Euros, précisa le ravisseur néophyte.
— Que ce soit en Euros, en vieux Francs ou en pièces en chocolat je n'ai pas cette somme !
— Mademoiselle Lobo dit que vous avez les moyens de payer une rançon, c'est pour ça que je suis venu. Si vous refusez, elle mourra.
— ... Bon très bien, très bien, je ferai tout ce que je peux, capitula le policier avec une facilité suspecte.
— Parfait, je vous contacterai dans trois jours. Tâchez d'avoir réuni la somme d'ici là. Et il va de soi que la police ne doit pas être tenue au courant de nos petites affaires.
— Je suis flic, l'informa James d'un ton badin.
— Oh...
L'informaticien parut décontenancé puis lui tourna le dos et s'en retourna vers sa voiture sans rien ajouter. James poussa un grognement intérieur qui fit vibrer son torse et dévoila une paire de canines plus pointues que d'ordinaire. Il regarda encore la photo que lui avait laissé le ravisseur, Khali était visiblement retenue prisonnière dans une ferme. Le policier claqua la porte et s'empara du téléphone. Il contacta immédiatement le commissariat presque désert à cette heure-ci.
— Allô ? répondit une voix féminine.
— Ah, madame Etienne, vous êtes encore là, quel soulagement.
— Oui mais j'allais partir, ma journée est finie, lieutenant.
— Je vous en prie, j'ai besoin d'un renseignement urgent. S'il vous plaît, insista James.
— Très bien, mais faites vite alors.
— C'est à propos de Karl Holger, le trafiquant d'antiquités.
— Je vois de qui il s'agit oui, acquiesça la femme.
— Il est issu d'une famille de fermiers dans la région, n'est-ce pas ?
— Oui. Leur terrain est situé à une vingtaine de kilomètres au sud de la ville.
— Il me faut l'adresse exacte.
James attrapa un morceau de papier et un crayon. Le ravisseur de Khali n'était qu'un novice dans ce domaine, il avait semé des indices partout derrière lui, à commencer par le fait qu'il lui ait parlé de sa famille.
Grisé par autant d'adrénaline et de tension, le policier remercia madame Etienne et courut vers la porte d'entrée. Il posa la main sur la poignée en même temps que Linnéa qui rentrait. Ils se retrouvèrent nez à nez. La jeune femme ne dissimulait pas un sourire radieux. Elle se jeta aussitôt dans les bras de son époux et le serra avec passion. Pressé et ne comprenant rien à la situation alors que son esprit était déjà ailleurs, James tenta de se défiler. Elle lui prit alors les mains et lui annonça la nouvelle avec précipitation et émerveillement :
— Je suis enceinte, chéri ! Le médecin vient de me le confirmer.
James resta interdit, il ne sut absolument pas comment réagir. La gaieté de sa femme l'encouragea à se montrer joyeux, mais son sourire nerveux sonnait faux. Il ne savait plus comment se tirer de cette situation surréaliste. Khali avait besoin de son aide, tout de suite.
— Tu ne dis rien ? demanda Linnéa en l'entraînant vers le salon.
— Mais c'est... super ! dit-il tout en se dirigeant à reculons vers la porte.
— Tu ne t'y attendais pas, hein ?
— Ah ça non, je dois dire que...
Linnéa se mit à rire.
— Mais qu'est-ce que tu fais ? demanda-t-elle en remarquant qu'il se dirigeait lentement vers la porte de sortie.
— Je... Ecoute, je suis vraiment désolé ma douce, mais je dois partir.
La bonne humeur de la jeune femme s'évanouit instantanément.
— Tu ne vas pas me laisser seule ce soir encore ?
— Je n'ai pas le choix, pardonne-moi.
— Chéri, je suis enceinte, tu l'as déjà oublié ? lui rappela-t-elle, dépitée.
— Je ne peux pas rester.
Il déposa un baiser rapide sur le front de son épouse puis lui tourna le dos.
— James, si tu passes cette porte je ne t'adresserai plus jamais la parole.
Il ne se retourna pas pour voir les yeux mouillés de larme de Linnéa, n'hésitant que quelques trop brèves secondes avant de franchir le seuil. Trahie, la jeune femme courut s'enfermer dans sa chambre pour n'en plus sortir.
Profondément attristé, James se mit à courir, vite, toujours plus vite. Une larme roula sur sa joue et fut emportée par le vent et la vitesse. Le policier dépassa un vélo, sauta par-dessus un haut mur et engagea une course contre la montre à travers la ville. Il sauta de cours en jardins, franchit d'imposants grillages et portails, filant plus vite que n'importe quel être humain. Il devait arriver à la ferme avant le ravisseur de Khali s'il voulait la sauver, et seule la lune pouvait lui procurer la force d'accomplir cet exploit.
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