CHAPITRE 8 - petites sucreries
Je finis d'écrire mon paragraphe, un sourire collé aux lèvres. Me voilà avec un an de plus au compteur de ma vie. Je fredonne doucement un air gai et repose les mille mots que je viens d'écrire sur mon lit. Je descends les escaliers à pas vifs, espérant que ma mère ne soit pas déjà partie. Lorsque j'arrive dans la salle à manger, je me fige.
Sur la table s'étalent des mets tous plus merveilleux les uns que les autres. Un petit déjeuner gargantuesque. Des assiettes de crêpes, choux à la crèmes, croissants, chouquettes, flanc, cake au chocolat et cornes de gazelles couvrent la nappe bleue. Ma couleur préférée. Les saveurs sont inscrites dans ces délicieuses odeurs qui parviennent à mes narines.
Ma mère apparaît de derrière le placard, souriante.
— Bon anniversaire Cyrielle !
Je sens la chaleur des jours heureux envahir ma cage thoracique. Mon enthousiasme retombe un peu quand je vois que ma mère a déjà enfilé sa veste et chaussé ses talons. Elle est prête.
Elle se dirige vers moi et m'embrasse le front.
— Bonne journée, je dois y aller.
Elle ouvre la porte et part. Ses chaussures claquent contre la terrasse, puis contre les graviers. Elle est partie. Mon père doit déjà être au travail, mais j'aperçois un petit mot écrit en sucre glace sur la table.
Bon anniversaire Cielle
Je tire une chaise et m'assieds. Je grignote machinalement un croissant en réfléchissant à ma journée. J'irai sûrement au parc pour vérifier si Céleste a répondu à mon mot. J'essaierai de voir mes amis.
En bref, une journée comme toutes les autres.
Je regarde mon téléphone d'un air un peu distrait. Je passe le temps. Des messages de ma grand-mère, de mon grand-père. Je regarde l'heure et souris. Même depuis qu'ils sont séparés, ils ont gardés les mêmes horaires.
Un nouveau message de Celia.
J'arrive chez toi dans une minute ! Tu ne pensais quand même pas être débarrassée de moi aujourd'hui ?
Et un autre de Raphaëlle. Elle dit qu'elle a une surprise pour moi. Une grosse surprise. Elle me souhaite un bon anniversaire et m'informe qu'elle va continuer de m'embêter encore cette année. Je ne sais pas pourquoi ils disent tous ça.
Ils pensent peut-être que je suis persuadée que du jour au lendemain, ils vont arrêter de me parler parce que je suis trop vieille et que je deviens sénile ? Cela restera sans doute un mystère.
Quelques coups désordonnés résonnent contre la porte. La bouche pleine de chouquettes, je vais ouvrir. Je tente d'avaler une bouchée avant que Celia me saute dessus.
— Joyeux anniversaire !
J'attends d'avoir fini mon gâteau avant de répondre.
— Merci, mais t'étais pas obligée de venir aussi tôt, tu sais ?
— J'avais prévu une grasse matinée, mais il parait que je dois te garder chez toi...
Elle m'adressa un sourire malicieux et cacha sa bouche comme si elle venait de laisser filtrer une information qu'elle n'aurait pas dû donner. Je lève les yeux au ciel. Elle détache ses cheveux bruns et s'appuie contre le canapé.
— Bon, on mange ?
J'éclate de rire devant la tête déconfite de Celia. Elle laisse retomber ses mains sur le clavier. Depuis bientôt une heure et demie, on joue à mon jeu préféré. Elle essaie tous les personnages, du nain au vampire. Et elle meurt, sans arrêt. À chaque fois, elle prétend que c'est la créature qui l'empêche de jouer correctement mais maintenant qu'elle a usé toutes les possibilités, elle semble avoir changé d'avis.
— Je suppose que c'est mon ordinateur qui est incompatible avec toi ? j'ironise.
— Exactement, comment tu as deviné ?
— J'ai des talents de devin...
Elle ferme l'ordinateur et le pose sur la table basse. Dehors, le vent a chassé le beau plan. Des nuages couvrent le soleil. Je regarde les arbres se courber pour échapper au froid qui s'installe.
Est-ce que la lettre que j'ai laissée dans l'arbre s'est envolée ? Peut-être que Céleste ne la lira jamais. Je me lève. Il faut que j'en aie le cœur net.
— On va au parc, Celia ?
— Hors de question.
Je me retourne, perplexe.
— Mais on ne fait rien de particulier depuis une heure, et c'est à à peine quelques minutes à pied ! Pourquoi pas ?
— Tu ne sors pas d'ici, on a tout organisé à la perfection, me lance-t-elle.
Je m'écroule sur le canapé, boudeuse. Je m'y étends. Celia commence à me parler de ses doutes, de sa vie. Je soupire. Je ne pourrai pas vérifier si Céleste m'a répondu.
Celia continue de débiter des paroles incompréhensibles pour mes oreilles de mortelle.
De mortelle en proie à un mortel ennui.
Je m'accroche au flot incessant de ses mots, mais des naufrageurs farceurs m'ont bientôt éloigné de sa conversation. De multiples pensées me viennent et repartent, me traversent puis s'évaporent. J'avais dit que je devais faire le ménage, faire un gâteau, le repassage...
Je n'ai presque plus de vêtements en état d'être portés, et si je porte trop souvent les mêmes, Celia râle.
Celia. Je tente de reprendre la barre.
— ... et tu n'imagines pas à quel point c'est compliqué, termine-t-elle enfin. Qu'en penses-tu ?
— Pour être très franche, je n'ai pas écouté un mot de ce que tu viens de dire.
Elle soupire, exaspérée. Elle a vraiment l'air énervé. Ce qu'elle racontait ne pouvait pas être si important que ça pour elle, non ? Pourquoi s'agace-t-elle ?
— Tu sais Cielle, ça t'arrive tout le temps en ce moment, ce n'est plus drôle. T'es dans la lune, t'es amoureuse ou quoi ?
— Peut-être...
Elle se redresse d'un coup.
— Sérieux ? Raconte, il est comment ?
Je lui souris.
— Je plaisantais.
Elle se laisse retomber sur le tapis, déçue. Je regarde le plafond, un peu mal à l'aise. J'espère qu'elle ne m'en veut pas vraiment. Si elle est vexée, Celia est le genre personne à garder pour elle jusqu'à ce qu'elle sature. Et qu'elle explose.
Une sonnerie interrompt mes pensées.
Je me lève pour aller ouvrir. Une fille d'à peu près mon âge se tient devant moi. Les traces disgracieuses de l'adolescence souillent son joli visage. Elle est petite. Porte des lunettes.
Des petites lunettes rondes.
— C'est pour quoi ? demandé-je.
— C'est pour lire la suite du chapitre que tu dois poster depuis un long moment, Nuage !
J'ouvre grand mes yeux.
— Raphaëlle ?
Elle acquiesce. Elle a l'air un peu mal à l'aise. Ne sait pas quoi faire, et à vrai dire, moi non plus. Alors je lui prends la main et la fais entrer.
Elle salue d'un signe de la main poli Celia. Trébuche et se rattrape.
Je rigole.
Elle a l'air encore plus formidable que ce que je pensais.
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