
42. Le Puits
Hello !
J'espère que vous allez bien :) Un grand merci pour tous vos commentaires.
Bonne lecture !
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Aitsuki s'éveilla dans l'après-midi, seule dans son lit et soulagée de l'être. Elle revêtit quelques vêtements, se saisit d'un cahier à la couverture épaisse qu'elle avait mis de côté et descendit. Personne ne l'accueillit dans le séjour. Les hôtes de la Chimère dormaient et l'auberge n'était pas encore ouverte aux visiteurs. La jeune femme laissa un mot et partit. Le ciel était bleu, le soleil ardent et les vents puissants balayaient les sables brûlants de Théa. La journée était belle, elle pria pour que cela soit un signe. Aitsuki marcha dans les rues en ruines de la cité en pleine reconstruction. Les familles les plus fortunées, ou les plus chanceuses comme elle, s'étaient enfoncées dans les falaises et avaient laissé les gravats de leurs anciennes demeures. Les moins riches avaient commencé à rebâtir sur place mais nombre d'entre elles vivaient sous des tentes de fortunes. Les toiles de couleurs vives s'éparpillaient le long des rues et sur chaque surface à peu près plane. La misère s'était répandue malgré les efforts des mères qui avaient échoué à gérer deux attaques de grande ampleur successives. Les patrouilles étaient nombreuses, Aitsuki en croisa plusieurs au cours de son trajet car les vols s'étaient accrus.
Enfin elle parvint à destination. Devant elle se dressait un imposant pic rocheux. Il avait résisté aux événements récents et à bien pire. Théa s'était construite avec lui et mourrait avec lui. Une porte de bois et d'acier constituait la seule ouverture percée dans la roche. Aitsuki fut parcourue d'un frisson, elle se figea un instant devant ce matin dont Nox parlait tant. Deux mages-guerriers montaient la garde de chaque côté, abrités dans de légers renfoncements. L'un d'eux s'avança vers elle et lui ordonna de décliner son identité, ce qu'Aitsuki fit prestement.
— Raison de votre visite ?
— Je viens payer l'impôt de guerre exceptionnel décrété par le conseil des mères la semaine dernière, dit-elle très vite. J'ai reçu une convocation, ajouta-t-elle en sortant la feuille qu'elle avait glissé dans son cahier quelques jours plus tôt.
Hayate et Nox, avec leurs visites et leurs promenades en terres chimériques, avaient une vie bien tranquille mais elle avait un commerce à gérer, une famille composée d'elle-même dont elle était la chef et donc de nombreuses contraintes qui y étaient associées, dont celle-ci.
— Entrez, l'autorisa le mage-guerrier en s'écartant de son passage tandis que l'autre lui ouvrait la porte. Prenez l'escalier sur votre gauche et montez à l'accueil.
Avec une grande appréhension, la jeune femme obéit et pénétra dans le Puits. La prison de Théa était aussi effrayante que dans ses rêves. Il y faisait très sombre et l'air y était lourd. Elle eut l'impression de pénétrer dans un cauchemar, une zone où la lumière et la joie étaient aspirées. Le silence était total, elle ne s'entendait pas respirer, peut-être car elle bloquait inconsciemment sa respiration. Une longue plainte s'éleva du noir, des sous-sols, et la panique l'accompagna.
Quelques torches, brûlées par des feux magiques aux nuances de bleus éclairaient à peine quelques marches sur sa gauche. Le reste de la pièce n'était qu'une obscurité impénétrable. Si l'effet d'horreur était voulu, il était parfaitement réussi.
Aitsuki monta jusqu'à l'étage supérieur, à peine plus lumineux. Un imposant bureau de bois sombre occupait le palier. Derrière s'y tenait un homme d'âge moyen, aux lunettes rondes écaillées. Il paraissait minuscule au milieu de grandes piles de dossiers gris. Il s'enquit également de la raison de sa présence et la dirigea vers une pièce sur sa droite lorsqu'elle se fut expliquée.
— Monsieur Noigotodo va vous recevoir, lu dit-il, et reprenez-vous jeune fille, la réprimanda-til en observant son air pâle. Ce n'est qu'un impôt.
— Ce n'est pas l'impôt monsieur, bafouilla Aitsuki.
— Nulle âme innocente n'est prisonnière du Puits, énonça l'autre avec dédain. Vous avez des choses à vous reprocher.
Des allers-retours en terres chimériques non autorisé, de l'alcool interdit, du trafic de drogue et une ligue clandestine, trois fois rien.
— Non, répliqua méchamment la jeune femme. On m'a simplement conté les monstres enfermés ici.
Et elle risquait fortement de finir avec eux.
— Le Puits est la prison la plus sûre au monde. Vous ne craigniez absolument rien ici. Personne ne s'échappe de nos cellules, lui expliqua l'homme avant de l'inviter à se rendre dans l'autre bureau.
Aitsuki s'exécuta avec plaisir et entra dans le bureau tout aussi sombre. La pièce n'avait pas de fenêtre et d'immenses montagnes de rouleaux, livres et cahiers dissimulaient les murs.
Un second homme, d'un âge vénérable si elle se fiait à sa longue barbe blanche, l'accueillit avec plus d'amabilité et quelques excuses. Son bureau fut longtemps dans le centre administratif mais la seconde attaque de chimères avait entièrement détruit le bâtiment et il fut relocalisé dans le Puits, très sécurisé. Il la remercia de sa présence et lui annonça qu'elle figurait parmi les premières.
— Je préfère me débarrasser de la tâche rapidement si vous me le permettez.
— Je comprends, avez-vous apporté votre livre de comptes ?
Elle sortit un petit livre bleu relié de son sac et le lui tendit.
— Je constate que vous n'avez pas d'emblème, et que vous êtes la matriarche.
— Il n'y a que moi, répondit Aitsuki sur un ton amer. Je ne vois pas l'utilité d'une armoirie.
— Prenez le temps d'y réfléchir, lui conseilla l'homme avec bienveillance. Vous êtes jeune, vous avez la vie devant vous et vous pouvez choisir quelle sera la destinée de votre lignée et ses valeurs, tout comme le firent nos mères lorsqu'elles prirent le pouvoir.
La jeune matriarche, puisque tel était son titre, le remercia pour ses paroles et ils débutèrent l'examen du livre de comptes. La jeune femme y notait scrupuleusement toutes les actions et transactions légales de la Chimère. Les boissons interdites étaient aussi consignées, sous forme de cocktails pour en dissimuler l'origine et les prix et quantités étaient calculés selon des formules soigneusement imaginées par Rufus. Aitsuki les suivait à la lettre.
— Vos revenus sont en baisse, constata monsieur Noigotodo.
Il ajusta ses lunettes et griffonna quelques notes. Assise dans un fauteuil de chintz face à lui, Aitsuki patientait nerveusement.
— Les affaires ne marchent pas très bien depuis la dernière attaque.
— Depuis la première je dirais, la corrigea-t-il en feuilletant quelques pages. Rien de bien étonnant, toute l'économie de la cité fut affectée.
Il prit deux feuilles de papier qu'il remplit de son écriture brouillonne et lui en tendit un.
— Voici le montant de votre impôt, pouvez-vous le payer maintenant ?
Aitsuki en lut le montant et ouvrit grand les yeux.
— En êtes-vous certain ? demanda-t-elle angoissée.
— Oui, je me base sur notre grille de calcul qui tient compte de la taille de votre clan et de ses revenus. Vous êtes seule.
Aitsuki fouilla dans son sac et en sortit une bourse qu'elle avait emplie en piochant dans les réserves de Rufus. Elle y plongea, récupéra les deux cents angles nécessaires à l'acquittement de son impôt et rangea rapidement la pochette.
—Je pensais que ce serait plus, je ne croyais pas pouvoir payer, avoua-t-elle.
— Cet impôt sert à financer notre armée, non à affamer nos familles. Nous avons besoin de l'effort de tous les clans.
Aitsuki lui sourit, lui serra la main et quitta son bureau avec un grand soulagement. Elle salua le réceptionniste une fois sur le palier et s'en fut dans l'escalier.
La jeune femme n'avait pas fait trois pas qu'elle était alpaguée.
— Je ne pensais pas te voir dans le Puits sans chaînes aux poignets. Bonjour Aitsuki.
Elle se retourna et admira Lux qui descendait des étages supérieurs. Son armure brillait de mille feux malgré les faibles sources de lumière. Il l'avait à coup sûr ensorcelé pour ressembler à ce point à une cible étincelante.
— Lux, mais quelle surprise ! Et quel éclat ! N'est-ce pas un peu risqué sur le champ de bataille ?
— Cela dépend de l'ennemi que l'on combat. Les chimères de Melpoméné, terre de la nuit éternelle, en ont horreur par exemple. Cela donne un puissant avantage.
— En a-t-on ici ? demanda Aitsuki en jetant un œil vers l'escalier menant vers les étages.
— Pas là-haut, lui répondit le mage-guerrier avec un sourire avant de changer de sujet. Aurais-tu une idée de la localisation de mon frère ? Je le cherche.
— La dernière fois que je l'ai vu il était de passage à l'auberge et c'était il y a un moment.
Un moment très court mais cela restait un moment. Dire la vérité était le meilleur moyen de mentir.
— Il est aussi insaisissable qu'une vague dans l'océan.
Ils poursuivirent leur discussion dans l'escalier, Lux s'intéressant à la raison de la venue d'Aitsuki dans ce lieu si exotique pour elle. Ils quittèrent le Puits. Une fois dehors, Aitsuki le salua et s'apprêta à partir mais il la retint par le bras.
— Les événements récents nous ont empêchés de faire connaissance, réellement, et je pense que cela nous est fort dommageable. Nox parle souvent de toi sais-tu ? Selon ses standards de flux de parole, je suis donc curieux, tout comme le reste de notre famille.
— Tu m'envois flattée Lux, je ne suis pourtant guère intéressante.
— Foutaises ! la charma la version dorée de Nox. Prenons donc le temps de nous connaître. Je connais un endroit pas loin qui a résisté aux attaques.
Aitsuki déclina à son invitation, poliment mais fermement, en arguant qu'elle était occupée par la survie de la Chimère. Elle ne pouvait s'accorder de répit pour l'instant.
— Je transmettrai tes amitiés à Nox et lui dirai que tu le cherches si jamais il passe à nouveau à l'auberge.
Elle s'inclina brièvement avant de s'enfuir. Dans son dos, elle l'entendit lui assurer qu'ils se reverraient très prochainement. La jeune femme n'en tint pas compte, des mages-guerriers, des voyageurs clandestins lui tenaient aussi ce discours et lui promettaient ce genre de chose. Elle rentra rapidement chez elle et fut heureuse de retrouver son bar miteux et sa clientèle louche.
Elle avait survécu au Puits.
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Merci d'avoir lu ce chapitre !
Axel.
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